La logique de l'énergie - Lupasco
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La logique de l'énergie - Lupasco
Bonjour
Un article sur la logique de Lupasco
Elle me semble intéressante, et m'évoque la tri-partition corps-âme-esprit... Que je connais fort mal ; mais je serais tenté de dire que :
- le corps évoque une logique homogène, entropique, déstructurante... (sphère de l'inerte, de l'inanimé, du chaos)
- l'esprit évoque une logique hétérogène, de différenciation, de structuration... (sphère du biologique, du vivant, Logos) ; raison pour laquelle on a recours à une théologie négative pour évoquer le pneuma ?
- l'âme, lieu de la "double insurrection contradictoire" entre actualisation et potentialisation
"La matière ne part pas de 'l'inanimé' ainsi qu’on l’a soutenu parfois, pour s’élever par le biologique, de complexité en complexité, jusqu’au psychique et même au-delà : ces trois aspects constituent […] trois orientations divergentes dont l’une, du type microphysique, se retrouvant dans la systématisation énergétique de la psyché, n’est pas une synthèse des deux, mais plutôt leur lutte, leur conflit inhibiteur, dans un antagonisme et une contradiction croissantes" (Lupasco)
Mais c'est peut-être n'importe quoi.
Stéphane Lupasco (1900-1988) est un philosophe français d’origine roumaine, auteur de la Logique dynamique du Contradictoire, fondée notamment sur la notion de Tiers inclus. Cette logique générale, englobant la logique classique comme un cas particulier, vise à rendre compte du devenir tri-polaire de la matière-énergie : la matière-énergie macrophysique, la matière-énergie vivante et la matière-énergie psychique, les « trois matières » pour reprendre le titre de son livre le plus célèbre. Né le 11 août 1900 à Bucarest, il a vécu et travaillé à Paris où il est mort le 7 octobre 1988. Son influence sur la pensée du XXe siècle est encore peu étudiée.
Un article sur la logique de Lupasco
Elle me semble intéressante, et m'évoque la tri-partition corps-âme-esprit... Que je connais fort mal ; mais je serais tenté de dire que :
- le corps évoque une logique homogène, entropique, déstructurante... (sphère de l'inerte, de l'inanimé, du chaos)
- l'esprit évoque une logique hétérogène, de différenciation, de structuration... (sphère du biologique, du vivant, Logos) ; raison pour laquelle on a recours à une théologie négative pour évoquer le pneuma ?
- l'âme, lieu de la "double insurrection contradictoire" entre actualisation et potentialisation
"La matière ne part pas de 'l'inanimé' ainsi qu’on l’a soutenu parfois, pour s’élever par le biologique, de complexité en complexité, jusqu’au psychique et même au-delà : ces trois aspects constituent […] trois orientations divergentes dont l’une, du type microphysique, se retrouvant dans la systématisation énergétique de la psyché, n’est pas une synthèse des deux, mais plutôt leur lutte, leur conflit inhibiteur, dans un antagonisme et une contradiction croissantes" (Lupasco)
Mais c'est peut-être n'importe quoi.
Stéphane Lupasco (1900-1988) est un philosophe français d’origine roumaine, auteur de la Logique dynamique du Contradictoire, fondée notamment sur la notion de Tiers inclus. Cette logique générale, englobant la logique classique comme un cas particulier, vise à rendre compte du devenir tri-polaire de la matière-énergie : la matière-énergie macrophysique, la matière-énergie vivante et la matière-énergie psychique, les « trois matières » pour reprendre le titre de son livre le plus célèbre. Né le 11 août 1900 à Bucarest, il a vécu et travaillé à Paris où il est mort le 7 octobre 1988. Son influence sur la pensée du XXe siècle est encore peu étudiée.
Dernière édition par Logos le Mar 16 Mar 2010, 00:54, édité 2 fois
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Quelques compléments trouvés sur la toile...
En logique, la pensée classique a mis en forme la dualité dans trois principes :
1. le principe d'identité : A est A
2. le principe de non-contradiction : A n’est pas non-A
3. le principe du tiers exclus : il n’existe pas un troisième terme T qui est à la fois A et non-A.
L’apport de Stéphane Lupasco, dont s’inspire directement Basarab Nicolescu a consisté à remettre en cause le troisième axiome en démontrant que seul ce qu’il appelle le tiers inclus peut rendre raison de la complexité du réel. La réforme de la pensée consiste à cesser de raisonner seulement dans la dualité, pour raisonner plutôt avec trois termes en reconnaissant la dynamique du tiers-inclus.
"La modernité est caractérisée par la séparation binaire sujet-objet, tandis que la cosmodernité est fondée sur l'unification ternaire sujet-objet-tiers inclus". Le tier-inclus révèle une unité sous la dualité. Cela qui réunit les contraires en fait des complémentaires. Ce qui est très différent. Or, traditionnellement, ce qui unit, est appelé le Sacré. Dans les termes de Mircéa Eliade : "le sacré n'implique pas la croyance en Dieu, en des dieux ou des esprits. C'est ... l'expérience d'une réalité et la source de la conscience d'exister dans le monde".
Le rôle du tiers explicitement ou secrètement inclus dans le nouveau modèle transdisciplinaire de réalité n'est pas, après tout, si surprenant. Les mots trois et trans ont la même racine étymologique : le "trois" signifie " la transgression du deux, ce qui va au-delà de deux.
La transdisciplinarité est la transgression de la dualité opposant les couples binaires : sujet/objet, subjectivité/objectivité, matière/conscience, nature/divin, simplicité/complexité, réductionnisme/holisme, diversité/ unité.
Cette dualité est transgressée par l'unité ouverte englobant et l'Univers et l'être humain.... Dans l'unité il y a, comme il se doit, trois tiers. Le troisième tiers - le tiers secrètement inclus - est le garde-fou contre toute dérive néoscientiste ou totalitaire et contre toute tentation d'une dictature par l'économique, quels que soient les habits rassurants que de telles dérives ou dictatures vont emprunter pour réussir. Le tiers secrètement inclus est le gardien de notre mystère irréductible, seul fondement possible de la tolérance et de la dignité humaine. Sans ce tiers, tout est cendre.
Stéphane Lupasco, "L'homme et l'œuvre"
En logique, la pensée classique a mis en forme la dualité dans trois principes :
1. le principe d'identité : A est A
2. le principe de non-contradiction : A n’est pas non-A
3. le principe du tiers exclus : il n’existe pas un troisième terme T qui est à la fois A et non-A.
L’apport de Stéphane Lupasco, dont s’inspire directement Basarab Nicolescu a consisté à remettre en cause le troisième axiome en démontrant que seul ce qu’il appelle le tiers inclus peut rendre raison de la complexité du réel. La réforme de la pensée consiste à cesser de raisonner seulement dans la dualité, pour raisonner plutôt avec trois termes en reconnaissant la dynamique du tiers-inclus.
"La modernité est caractérisée par la séparation binaire sujet-objet, tandis que la cosmodernité est fondée sur l'unification ternaire sujet-objet-tiers inclus". Le tier-inclus révèle une unité sous la dualité. Cela qui réunit les contraires en fait des complémentaires. Ce qui est très différent. Or, traditionnellement, ce qui unit, est appelé le Sacré. Dans les termes de Mircéa Eliade : "le sacré n'implique pas la croyance en Dieu, en des dieux ou des esprits. C'est ... l'expérience d'une réalité et la source de la conscience d'exister dans le monde".
Le rôle du tiers explicitement ou secrètement inclus dans le nouveau modèle transdisciplinaire de réalité n'est pas, après tout, si surprenant. Les mots trois et trans ont la même racine étymologique : le "trois" signifie " la transgression du deux, ce qui va au-delà de deux.
La transdisciplinarité est la transgression de la dualité opposant les couples binaires : sujet/objet, subjectivité/objectivité, matière/conscience, nature/divin, simplicité/complexité, réductionnisme/holisme, diversité/ unité.
Cette dualité est transgressée par l'unité ouverte englobant et l'Univers et l'être humain.... Dans l'unité il y a, comme il se doit, trois tiers. Le troisième tiers - le tiers secrètement inclus - est le garde-fou contre toute dérive néoscientiste ou totalitaire et contre toute tentation d'une dictature par l'économique, quels que soient les habits rassurants que de telles dérives ou dictatures vont emprunter pour réussir. Le tiers secrètement inclus est le gardien de notre mystère irréductible, seul fondement possible de la tolérance et de la dignité humaine. Sans ce tiers, tout est cendre.
Stéphane Lupasco, "L'homme et l'œuvre"
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Application concrète de la pensée classique logique :
1. le principe d'identité : Blanc, c'est Blanc. (ou, si vous préférez appeler un chat un chat : Noir c'est Noir, White is White, Dylan is Dylan, etc.)
2. le principe de non-contradiction : ce qui est Blanc n'est pas Noir, ce qui est Noir n'est pas Blanc.
3. le principe du tiers exclus : il n’existe pas un troisième terme, Gris, qui soit à la fois Noir et Blanc.
La logique du tiers exclus, très pratique pour la dissection des choses, la recherche des causes premières, et la quête de la vérité judiciaire, présente des limitations dont il est nécessaire de savoir s'affranchir. Montaléchel l'a montré (avec des dessins) dans son post sur le Yi-King : Yin et Yang sont des polarités, pas des absolus. Il n'existe pas que Yin et Yang, mais toute une gamme de réalités qui s'étalent entre ces deux pôles, certaines plus Yin que Yang, d'autres plus Yang que Yin, et encore, ça dépend des moments, parce que tout change et rien n'est immuable.
Donc, c'est écrit noir sur blanc : Lupasco est dans le vrai.
Le tiers, la troisième voie, est l'échappatoire à la dictature manichéenne qui impose comme seul choix : "Qui n'est pas avec moi est contre moi".
1. le principe d'identité : Blanc, c'est Blanc. (ou, si vous préférez appeler un chat un chat : Noir c'est Noir, White is White, Dylan is Dylan, etc.)
2. le principe de non-contradiction : ce qui est Blanc n'est pas Noir, ce qui est Noir n'est pas Blanc.
3. le principe du tiers exclus : il n’existe pas un troisième terme, Gris, qui soit à la fois Noir et Blanc.
Dash a écrit:Le Gris n'existe pas.
4. le principe du tiers inclus : en 1954 apparaissaient les premières télévisions en couleurs, rendant obsolète l'ancien paradigme Noir et Blanc, et permettant l'avènement des pubs pour lessives qui lavent plus blanc que blanc.L'US Air Force a écrit:Les petits Gris n'existent pas.
La logique du tiers exclus, très pratique pour la dissection des choses, la recherche des causes premières, et la quête de la vérité judiciaire, présente des limitations dont il est nécessaire de savoir s'affranchir. Montaléchel l'a montré (avec des dessins) dans son post sur le Yi-King : Yin et Yang sont des polarités, pas des absolus. Il n'existe pas que Yin et Yang, mais toute une gamme de réalités qui s'étalent entre ces deux pôles, certaines plus Yin que Yang, d'autres plus Yang que Yin, et encore, ça dépend des moments, parce que tout change et rien n'est immuable.
Donc, c'est écrit noir sur blanc : Lupasco est dans le vrai.
Le tiers, la troisième voie, est l'échappatoire à la dictature manichéenne qui impose comme seul choix : "Qui n'est pas avec moi est contre moi".
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
(Il ne sera pas inintéressant de considérer la symbolique et le rang numérologique (central parmi les 22) de la Force du tarot ; je crois d'ailleurs que Guénon parlait de nombre "nuptial" au sujet du 11)Trojani a écrit:entre l’onde et la particule, le vivant et le « mort », l’esprit et la matière. C’est justement dans ce rapport spécifique ou dans cet intervalle nommé que se situe évidemment le vivant alchimique [...] c'est dans l'intervalle ou le vide entre un métal et l'autre, entre la terre et le ciel, entre l'homme et la femme, entre le repos et l'activité, etc... que se constitue et jaillit l'éclair de la Force
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Ave Logos et Laposse,
Comme d'habitude, ou presque, la question que Logos pose est, (en dépit des apparences), énorme.
Aussi, qu'on ne me tienne pas rigueur, outre la vanité d'ébaucher une réponse, d'en développer un minimum la cohérence supposée. Faute de quoi on risquerait d'en rester à des "je crois que..." aussi sympas que stériles.
D'accord avec toi Logos, ça "évoque la tri-partition corps-âme-esprit...", mais il ne suffit pas d'évoquer pour convoquer. Même si c'est mieux que rien, parfois...
Le binaire cartésien, tartiné anthropologiquement, a fini par montrer sa tristounette indigence; la tri-partition, moins pire, peut néanmoins servir (si bien "imaginée", sans en faire trop) à retourner à la case départ, re-bis ou réalisme absolu... à une dimension , où l'on se passe joyeusement de béquilles.
"Ne voyez pas de distinction en vous-même; dès qu'on ne distingue plus entre corps, parole, et pensée on jouit de la nature propre du Spontané".
"... mais il a oublié sa nature réelle, et, il s'identifie au mécanisme psycho-physique".
"Le corps, impermanent comme la brume printanière; l'esprit, insubstanciel comme le ciel vide; les pensées, non-établies comme les brises dans l'espace".
"Nous ne possédons pas un égo; nous sommes possédés par l'idée qu'il y en ait un. "Je" n'est qu'une technique par laquelle l'expérience est enregistrée d'une manière qui est interprétée comme "personnelle".
Faute d'avoir une idée à peu près potable de cette condition (à minima), ou mieux un avant-goût, on risque d'interprèter de travers tout ce qui en émane. A savoir les aperçus que donnent du fameux Réel ceux qui se sont affranchis des re-présentations et qui les "chevauchent" pour nous en donner des aperçus . Pour en rester à un lexique connu : corpusculaire-ondulatoire, mieux vaut peut-être ne pas trop fixer son identité dans le premier mode, se cantonner dans une image trop arrêtée de soi-même; because la conséquence immédiate, outre cette réduction de soi, sera que nous percevrons tout ce qui nous entoure sur le même mode ! Fixé, arrêté, chosifié...
Et quels que soient les efforts accomplis pour "saisir" la cohérence de l'ensemble, ils témoigneront surtout de nos pauvres limites.
"Dieu a dit retourne-toi, et se retourner c'est ceci : regarder à l'intérieur pour voir autre chose que l'homme".
Et, dans le prolongement, vu qu'il ne s'agit pas de camper indéfiniment dans un "intérieur" (qui commence et s'achève où ?)
"Sortir du où, rentrer, passer à l'intérieur, et en passant à l'intérieur, se retrouver paradoxalement au dehors; c'est revenir chez soi, car c'est désormais le lieu qui réside dans l'âme".
Ceci non pour Lupasco (mais pour Nicolescu et consort, j'y viendrai et pour le seul motif qu'il me parait "emblématique" d'une approche foireuse du binome dehors-dedans, ou science et conscience);
Lupasco, qui n'a pas cette prétention et dont la modélisation, nous résume J.J. Wunenburger, "se présente bien comme une des plus récentes adaptation à l'épistémologie contemporaine des catégories fondamentales de la Natur-Philosophie romantique "dont il retrouve, à sa manière, les polarités, l'ambivalence, la contradiction, puisque tous les évênements tendent par leur nature même, ou les lois dont ils sont l'expression, à se rapprocher et à s'exclure, à s'attirer et à se repousser, à s'associer et à se dissocier."
"Sous cet angle, les énoncés mentaux comme les phénomènes matériels sont à penser sur le modèle d'un évènement énergétique, d'un processus dynamique et évolutif, dont on ne peut comprendre le mode d'actualisation qu'en le reliant, de manière antagoniste, à un état virtuel, potentiel, momentanément récessif, mais qui peut à son tour, devenir prépondérant, en repoussant le pôle antagoniste qui est couplé avec lui. Tout évènement psychique ou physique, peut donc être compris comme un moment dans un système antagoniste, comme résultant d'un équilibre instable d'état énergétiques contraires."
Et Wunenburger d'enchaîner plus loin sur la parenté entre les quelques expressions contemporaines de cette "dualitude contradictorielle" (Corbin, G.Durand, E.Morin, Bernard-Weil, Bachelard, G.Mathieu, etc) et les structures logiques de la spéculation alchimique.
Laquelle, avance t'-il, "à travers son projet gnostique de régénération de la Nature, scindée du fait de la séparation de l'esprit et de la matière, élabore une pensée où les opposés sont destinés à se rapprocher de manière intense et paroxystique, avant de recomposer une unité bipolaire vivante.
L'oeuvre alchimique inclut ainsi l'opération contradictorielle, successive selon le temps, mais synchronique selon les principes, de la séparation et de l'union, du solve et coagula. De cette double opération contradictoire qui fait de la mort une nouvelle naissance, et réciproquement, naît l'unité androgyne et complexe, ou Pierre Philosophale, coprésence des polarités, avivées dans leur opposition".
A. Faivre, appellé à la rescousse, précisera : "L'Oeuvre - et l'énergie en physique - n'est pas, elle ne peut que sans cesse devenir. Les "opposés" ne coincident pas , grâce à une synthèse qui unirait une thèse et une antithèse".
Et Wunenburger de quitter l'alchimie en rappelant qu'elle peut, de nos jours, être considérée comme une sorte de conservatoire de structures intellectuelles, longtemps rejetées sous couvert d'une rationnalité identitaire exclusive. "Mais elle n'est en fait elle-même qu'un maillon d'une longue chaîne spéculative qui remonte à l'hermétisme antique et à certaines structures logico-cosmologiques développées par Empédocle ou Héraclite".
Je retiendrai surtout de ce qui précède quelques formules :
"qui fait de la mort une nouvelle naissance" --- "opération contradictorielle, successive selon le temps, mais synchronique selon les principes" --- "L'Oeuvre --- et l'énergie en physique --- n'est pas, elle ne peut que sans cesse devenir" --- "certaines structures logico-cosmologiques développées par Empédocle ou Héraclite".
Héraclite dont l'époque d'apparition, qu'elle soit "mythique" ou non, coïncide étrangement avec celle de Lao-Tseu. Les affinités électives entre ces deux déroutantes approches du Réel n'ont pas manqué d'être soulignées, notemment par Alleau. Ce dernier, de même, d'étayer sa vision de l'alchimie en recourant fréquemment au Yi-King, d'une façon radicalement taoiste. H.C.A. lui, préfèrera la géomancie; on reste entre voisins.
Gustav Meyrink, (Frère initié d'Asie, semble t'il...), concentrera quant à lui sa charité vers l'omega plutôt que l'alpha : la survenue du corps de gloire. Son "Dominicain blanc", branché taoisme, établit ainsi une passerelle remarquable entre l'est et l'ouest; intérieur et antérieur pour commencer. Dedans-dehors pour finir.
G. Heym se contentera d'indiquer que les contacts entre nobles voyageurs natifs des deux extrèmités de l'eurasie eurent certainement lieu à Venise.
F. Julien qualifie justement ce recours au binaire, trigrammes et hexagrammes, de proto-texte "assurant la continuité entre le pouvoir figurateur partout à l'oeuvre dans le monde et l'invention du texte écrit. Ecriture à la fois plus originelle et plus fondamentale en prise directe sur le dynamisme des choses et faisant transition entre le jeu des lignes, en constant renouvellement, que nous offre le spectacle du monde, et celui, fixe, codé, propre au langage humain".
On peut ainsi le rapprocher de la science des lettres, nombrée, que la tradition islamique (à laquelle essentiellement notre alchimie doit son existence) ne sépare pas du Grand Oeuvre. Lettres cousines des hébraïques, auxquelles recoureront les cénacles à l'origine des F.M et des R.C.
Comme le souligne le Grand Commentaire, attribué à Confucius, le Yi-King sert à révèler la Voie, celle d'où procède sans fin les existences et à laquelle l'homme doit se conformer; il permet d'accèder à la dimension d'"esprit", proprement insondable, qui ne cesse d'animer la réalité.
Laposse faisant, plus haut, référence à un exposé de Montaléchel sur le Yi-King, je le cite :
"De la dualité nait la complexité, d'abord par re-polarisation intermédiaire : entre ce qui est "très yang" et ce qui est "très Yin"/ il y a "ce qui est fortement yang mais avec un peu de yin", et "ce qui est très yin mais avec un peu de yang"/ En rajoutant des nuances, on finit peu à peu à tendre vers une infinité de combinaisons qui expriment la richesse des formes et des situations rencontrées dans le monde manifesté. Le cas le plus fréquemment exposé est celui des trigrammes, ou Pa Koua de Fou Hi, qui expriment déjà un peu plus de nuances. Mais il n'y a pas lieu d'en rester là ! L'univers se décline à l'infini, et n'est pas limité à 8, 16, 32, ou 64 figures !"
Lisant celà, je ne perçois pas bien en quoi cette grille de lecture du monde inclut le fameux tiers exclu. Une gamme de "gris", résultante de combinaisons simplistes, limitées, où en fait le noir et le blanc ne se mélangent pas vraiment, mais composent une compagnie de dominos ? De plus les formes ne sont pas concernés, mais bien les situations, encore faut-il bien préciser ce que le taoisme entend par là. Quant aux Pa Koua de Fou Hi exprimant "déjà un peu plus de nuances" (ouf !), là les mots me manquent...
Dans un autre post de Montaléchel, on y voit plus clair :
"Alors que la conception binaire Yin/Yang met en avant les polarités qui régissent l'univers et ne fait que sous-entendre que tout l'univers manifesté en découle, la conception ternaire expose clairement qu'en plus des deux pôles générateurs existe le produit (concret) de leur rencontre :
La conversion du système binaire vers le ternaire est-il aussi simple ?
A priori, on pourrait penser que oui, puisqu'en chimie un sel est toujours la combinaison d'au moins deux corps fondamentaux : Na + Cl -> NaCl.
Mais en Alchimie ?
Le Sel est-il (allégoriquement) le résultat de la rencontre entre le Mercure et le Soufre ?
C'est ce que semble signifier la "voie du cinabre", puisque le cinabre est un sel produit par l'alliance entre mercure et soufre (HgS).
Dans cette conception ternaire (l'Alchimie R+C), où donc se situe le V.I.T.R.IO.L. ?"
Là, c'est évident; hégélien à souhait : production, obligation de résultat, "concret" si possible. Faux ternaire ! L'intérêt de ce 1+2 = 3, (au lieu du 1x1 = 3 qui convient) c'est qu'il cautionne un "matérialisme spirituel" (voir Trungpa, sur cette tendance) par une aura d'ésotérisme, ici exotique. Rien de personnel à l'encontre de Montaléchel de ma part, juste que sa démarche me semble particulièrement bien résumer les approches actuelles de l'alchimie... qui peuplent forums et librairies.
Soit dans le rôle du tiers inclu, et en plus probant car moins "théorique" (ou pire : mystique...) : le Sel !
Voici un petit résumé des aventures "salines", commis sur le site d'hellboy :
Le Sel ou Arsenic, inconnu des premiers philosophes, fut ajouté comme troisième principe par les alchimistes mystiques du XIIIe au XVIe siècle (Basile Valentin. Khunrath. Paracelse (1493-13411, Thesaurus thesaurorum.- il y a là erreur. Le 3ème principe des alchimistes a toujours existé, dès les premiers écrits des Adeptes. C'est ce qu'ont montré Chevreul et Berthelot. Quant à Paracelse, il a beaucoup emprunté au pseudo Valentin et n'a, sans doute, jamais été alchimiste - ); il servait de moyen d'union entre le Soufre et le Mercure, comme l'esprit vital entre le corps et l'âme [c'est le Mercure qui sert de médiateur, de trait d'union entre le Corps - Sel ou Arsenic des vieux alchimistes - et l'Âme ou Soufre ou teinture] :
« Ô merveille, le Soufre, le Mercure et le Sel me font voir trois substances en une seule matière » (Marc-Antonio, Lumière sortant par soi-même des ténèbres)
Toutefois ce principe ternaire eut peu d'importance, surtout au XIIIe siècle. Dans son traité Breve breviarium de dono Dei, Roger Bacon écrit :
« Le Soufre, le Mercure et l'Arsenic sont les principes composants des métaux. Le Soufre en est le principe actif; le Mercure, le principe passif; l'Arsenic est le lien qui les unit. »
Mais, dans le traité d'alchimie théorique intitulé Speculum alchemiae et vraisemblablement postérieur au précédent, Roger Bacon ne parle plus du Sel :
« Notez que les principes des métaux sont le Mercure et le Soufre. Ces deux principes ont donné naissance à tous les métaux et à tous les minéraux dont il existe pourtant un grand nombre d'espèces différentes. » [il est arrivé que les Adeptes aient été confus. On retrouve une erreur semblable dans le De Lapide Philosophorum de Lambsprinck où le Corps est assimilé au médiateur. Cependant, dans l'ensemble des écrits, c'est le Mercure qui est considéré comme le lien entre l'Âme et le Corps, ce qui s'avère d'ailleurs très logique tant au plan des correspondances chimiques, qu'au plan spirituel -][remarque : nous avons déjà fait observé que le principe SEL de Paracelse est semblable à l'ARSENIC de Geber qui désigne la matière saline ou proprement corporelle de la Pierre].
Alleau, dira quant à lui : (...) le troisième terme de la triade "mercure-soufre-sel" citée habituellement par les commentateurs contemporains n'est pas un principe mais un lien qui unit deux principes et, en ce sens, la plupart des alchimistes antérieurs à Paracelse emploient, de préférence, le terme d' "arsenic" ou bien ne le mentionnent point. La triade alchimique traditionnelle est composée des termes "matière première-mercure-soufre" et le "sel" ou "l'arsenic" appartiennent au groupe symbolique de la "matière première" envisagée dans l'un de ses états et dans l'une de ses composantes, la "corporification". Sous l'influence de la "spiration" du soufre le mercure est "coagulé" et la "forme" arrête le "flux" de la matière radiante qui est "notre racine"."
Pas grand chose à redire, sauf qu'il est curieux de constater que c'est au moment de disparaitre (ou presque...) que notre alchimie insiste tant sur cette corporification (bien dans l'air du temps), tout en mettant le paquet, pour compenser, sur la dimension mystique de l'Opus. On peut, sans être très finaud, en supposer par défaut que le divorce entre ces deux dimensions était déjà bien consommé... Les Nôces ne rendent pas aussi, ni ainsi, bavard...ou prosélyte. D'autant plus que la mystique proposée pour "compléter" s'avère la plupart du temps indigente coté cosmologique et ontologique. On n'est pas loin de Canseliet et de son catéchisme... Ora et labora restent alors des parallèles : ne se séparent peut-être pas, mais ne se croisent pas non plus !
Qu'un scientifique aille à la messe le dimanche, why not... mais il est rare que ses travaux en porte l'Empreinte.
Pour en revenir au Yi-King, à son éventuel utilité à figurer un mode "ondulatoire" rendant compte des situations : rapports vide-créé, relations subtiles, traffic d'influences entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, bref la "pondération" nécessaire ... qui semble être partagé par notre alchimie, ceci tout d'abord : il témoigne d'une logique de l'immanence, n'exprime pas un sens mais définit les éléments d'une matrice.
Le Yi-King est dit "être à la mesure du Ciel et de la Terre, c'est pourquoi il s'accorde universellement avec la Voie du Ciel et de la Terre, le grand processus du monde, en en épousant complêtement la logique interne". Ce motif d'une totale adéquation établie entre le livre et le monde se retrouve sans cesse, sous les images associés du "moule" et de "l'enclos". Sortir de ce Templum pour tenter de parachever l'interminable inventaire des formes et forces à l'oeuvre dans le monde, why not. Mais mieux vaut alors éviter de s'y croire demeuré.
"Mais il n'y a pas lieu d'en rester là !, dit Montaléchel; l'univers se décline à l'infini, et n'est pas limité à 8, 16, 32, ou 64 figures !"
Pour ma part, les limites dénoncées ici sont celles de "l'observateur"... Je doute fort que la tradition taoiste dans son ensemble ait eu le nez dans le guidon, au point de confondre nombres et chiffres, en tout cas pas de cette façon.
Vu que Logos cite F. Trojani, je me permets d'en rajouter une couche qui me semble aller dans le même sens.
EXTRAIT D' UNE INTERVIEW DE F. TROJANI (suite à la parution de "Une médecine pour demain") :
"Je terminerai, concernant les intervalles, par ces énigmes :
Soit, 1167, la somme des 22 polygones réguliers ; comment se fait-il qu'une fois extraite la racine carré de ce nombre, le résultat obtenu lui même divisé par le nombre d'or, soit, 1,618, on obtienne 21,1, soit la longueur d'onde de l'hydrogène galactique, lequel emplit quasiment tout l'univers ?
10 puissance 80, soit le nombre estimé d'atomes de l'univers.
Comment se fait-il que la "gloire" de 80, soit l'addition de tout les nombres de 1 à 80, avec pour résultat 3240, cette valeur divisée par 153, un des piliers numérologiques de l'Evangile et nombre du verbe prononçant de l'Univers, donne encore 21,1 ?
De même : 3240 X 8 = 25920, soit la valeur de la précession des équinoxes ?
Mais quelle est la raison ou la norme qui fait qu'un morceau de fer pur, travaillé alchimiquement et débarrassé de sa "cendre", ne laisse que 1/80 à 1/81 du volume de sa matière initiale ; pour quelle raison 1/81 = 0,0123456 ;
pour quelle raison de même, 2160, valeur d'une ère zodiacale, à laquelle on ajoute 81, nous donne 2241, soit le temps historique de la Parousie, temps sur lequel s'accorde la majorité des Prophètes ?
Faut-il se méfier de ce que nous signifie parfois les intervalles ?
Par les nombre, chiffres, énigmes mathématiques que nous pose l'étude des tissus et strates de l'univers. Dieu, dit-on, a nombré la Sapience, et c'est au travers des nombres qu'il faut me semble t-il étudier les manifestations de sa Force. La Tradition Universelle est nombrée et la seule chose évidente de toutes ces cultures, dieux, et doctrines, est celle que partout, sur cette planète et ailleurs, 1 + 1 font deux. Il suffit d'ailleurs de chercher et de compter…
Les rythmes et les forces en palimpsestes sont de précieuses indications sur le "sens", la puissance et son origine... Un des rythmes au sein duquel se développe l'univers, est la valeur PI, cette valeur régit tous les cercles de l'univers.
Je ne suis qu'un homme de science et à ce titre, ma Foi est plutôt nébuleuse… On ne peut pas tout avoir, et il m'a fallu choisir entre foi, sagesse, sainteté ou sacrifice... Cependant, si je ne craignais pas parfois de me couvrir de ridicule à mes propres yeux, je tomberais à genoux devant une série de nombres premiers ou devant le nombre PI. Ni les sages de l'Inde qui ont structurés un de leurs principaux mantras sur ce rythme, ni Nostradamus qui à établi ses Centuries sur trois fois cette valeur, 314 x 3 + 942, ne s'y sont trompés.
Pour moi, la filiation authentique est une mélodie, soigneusement composée, avec des temps, des rythmes, des croches et des bémols, etc. des nombres et des chiffres. Mes Pères, afin que je ne puisse pas me tromper sur le sens à donner aux doctrines, aux mots et aux phonèmes des langues, aux signes des livres sacrés des peuples aussi divers que variés, me l'ont transmis de cette façon rythmique...
Unité, métaphysique, tradition, spiritualité, kaléidoscope et plein champ de la Nature, etc., ont une langue, au sein de laquelle ils se conjuguent : celle des nombres... Il n'y a aucune astrologie, aucune, géométrie, aucune "Magia", aucune alchimie, aucune couleur, sans une connaissance parfaite de cette autre langue, la seule que comprenne et qui puisse s'échanger avec l'univers.
Par ailleurs, on peut constater que ce dernier ne s'exprime que de cette façon comme je le décris précédemment et dans mon livre : longueurs d'ondes, nombres de Hz, vibrations des métaux, vibration de l'eau et des couleurs qu'engendre la lumière, lumière cohérente des échanges cellulaires, diamètres précis des dipôles de hertz, etc.
En dehors de ce fait, les choses ne sont que des cacophonies de sons ou de la gribouille…"
Le même auteur, en son commentaire sur les "17 figures attribuées à Jean Conrad Barchusen", le terminera par une indication des plus charitables (pour ceux qui sont en manque de Sel ) , et qui ravierait un taoiste planchant sur son Yi-King.
"Les principes vitaux et organisateurs sont indestructibles et avides d'une libération, d'une montée vers toujours plus de vie, de mouvement, de perceptions, de lumière. La mort n'est que l'effacement des disharmonies et l'esprit libéré se reconstruit aussitôt une autre forme plus subtile et plus apte à répondre à la nouvelle dignité de l'habitant; jusqu'au moment enfin où, eu égard au volume, une "quantité" considérable de ce que les alchimistes appellent l'esprit habite un espace aux limites fluctuantes, littéralement infusé dans l'Universel; point de convergences d'une multitudes de "lignes"qui sous-tendent l'Univers.Ce qui faisait dire à Tiphaigne de la Roche (Amilec ou la graîne d'Hommes), que dans le laboratoire d'Ataman se voyait une petite boète très jolie et très riche, qui renferme les Principes des trois Règnes et la Pierre Philosophale. Cette boète n'est visible que de loin : plus on s'en approche, plus elle devient diaphane, et enfin elle disparait entièrement, dans l'instant même qu'on se croit à portée de la saisir.
La pierre n'est visible qu'à sa limite naturelle, qu'au point de jonction d'une certaine spiritualisation du corps, corrollairement à une coagulation de l'esprit. Aussi, faut-il pour la VOIR de près dans sa petite boète, une si radicale transformation de nos "limites" --- nous les avons rendues tellement rigides, nous allions dire tellement "objectives" ---- , que peu de gens en sont capables."
Pour ma part, je n'ai jamais rien vu... mais je sais que je n'y vois rien. Faute avouée... etc.
"Le problème n'est pas d'affirmer que ceci ou cela est irréel ou non, mais de savoir jusqu'à quel point on possède le vrai pouvoir de rendre inexistant ne fût-ce qu'un seul brin d'herbe" (Tantratattva I.225).
Proposition utilement complétée par celle-çi, histoire d'embrouiller un peu plus l'évidence : "Les choses sont définies par ce qu'elles ne sont pas".
Cordialement
aliboron.
Comme d'habitude, ou presque, la question que Logos pose est, (en dépit des apparences), énorme.
Aussi, qu'on ne me tienne pas rigueur, outre la vanité d'ébaucher une réponse, d'en développer un minimum la cohérence supposée. Faute de quoi on risquerait d'en rester à des "je crois que..." aussi sympas que stériles.
D'accord avec toi Logos, ça "évoque la tri-partition corps-âme-esprit...", mais il ne suffit pas d'évoquer pour convoquer. Même si c'est mieux que rien, parfois...
Le binaire cartésien, tartiné anthropologiquement, a fini par montrer sa tristounette indigence; la tri-partition, moins pire, peut néanmoins servir (si bien "imaginée", sans en faire trop) à retourner à la case départ, re-bis ou réalisme absolu... à une dimension , où l'on se passe joyeusement de béquilles.
"Ne voyez pas de distinction en vous-même; dès qu'on ne distingue plus entre corps, parole, et pensée on jouit de la nature propre du Spontané".
"... mais il a oublié sa nature réelle, et, il s'identifie au mécanisme psycho-physique".
"Le corps, impermanent comme la brume printanière; l'esprit, insubstanciel comme le ciel vide; les pensées, non-établies comme les brises dans l'espace".
"Nous ne possédons pas un égo; nous sommes possédés par l'idée qu'il y en ait un. "Je" n'est qu'une technique par laquelle l'expérience est enregistrée d'une manière qui est interprétée comme "personnelle".
Faute d'avoir une idée à peu près potable de cette condition (à minima), ou mieux un avant-goût, on risque d'interprèter de travers tout ce qui en émane. A savoir les aperçus que donnent du fameux Réel ceux qui se sont affranchis des re-présentations et qui les "chevauchent" pour nous en donner des aperçus . Pour en rester à un lexique connu : corpusculaire-ondulatoire, mieux vaut peut-être ne pas trop fixer son identité dans le premier mode, se cantonner dans une image trop arrêtée de soi-même; because la conséquence immédiate, outre cette réduction de soi, sera que nous percevrons tout ce qui nous entoure sur le même mode ! Fixé, arrêté, chosifié...
Et quels que soient les efforts accomplis pour "saisir" la cohérence de l'ensemble, ils témoigneront surtout de nos pauvres limites.
"Dieu a dit retourne-toi, et se retourner c'est ceci : regarder à l'intérieur pour voir autre chose que l'homme".
Et, dans le prolongement, vu qu'il ne s'agit pas de camper indéfiniment dans un "intérieur" (qui commence et s'achève où ?)
"Sortir du où, rentrer, passer à l'intérieur, et en passant à l'intérieur, se retrouver paradoxalement au dehors; c'est revenir chez soi, car c'est désormais le lieu qui réside dans l'âme".
Ceci non pour Lupasco (mais pour Nicolescu et consort, j'y viendrai et pour le seul motif qu'il me parait "emblématique" d'une approche foireuse du binome dehors-dedans, ou science et conscience);
Lupasco, qui n'a pas cette prétention et dont la modélisation, nous résume J.J. Wunenburger, "se présente bien comme une des plus récentes adaptation à l'épistémologie contemporaine des catégories fondamentales de la Natur-Philosophie romantique "dont il retrouve, à sa manière, les polarités, l'ambivalence, la contradiction, puisque tous les évênements tendent par leur nature même, ou les lois dont ils sont l'expression, à se rapprocher et à s'exclure, à s'attirer et à se repousser, à s'associer et à se dissocier."
"Sous cet angle, les énoncés mentaux comme les phénomènes matériels sont à penser sur le modèle d'un évènement énergétique, d'un processus dynamique et évolutif, dont on ne peut comprendre le mode d'actualisation qu'en le reliant, de manière antagoniste, à un état virtuel, potentiel, momentanément récessif, mais qui peut à son tour, devenir prépondérant, en repoussant le pôle antagoniste qui est couplé avec lui. Tout évènement psychique ou physique, peut donc être compris comme un moment dans un système antagoniste, comme résultant d'un équilibre instable d'état énergétiques contraires."
Et Wunenburger d'enchaîner plus loin sur la parenté entre les quelques expressions contemporaines de cette "dualitude contradictorielle" (Corbin, G.Durand, E.Morin, Bernard-Weil, Bachelard, G.Mathieu, etc) et les structures logiques de la spéculation alchimique.
Laquelle, avance t'-il, "à travers son projet gnostique de régénération de la Nature, scindée du fait de la séparation de l'esprit et de la matière, élabore une pensée où les opposés sont destinés à se rapprocher de manière intense et paroxystique, avant de recomposer une unité bipolaire vivante.
L'oeuvre alchimique inclut ainsi l'opération contradictorielle, successive selon le temps, mais synchronique selon les principes, de la séparation et de l'union, du solve et coagula. De cette double opération contradictoire qui fait de la mort une nouvelle naissance, et réciproquement, naît l'unité androgyne et complexe, ou Pierre Philosophale, coprésence des polarités, avivées dans leur opposition".
A. Faivre, appellé à la rescousse, précisera : "L'Oeuvre - et l'énergie en physique - n'est pas, elle ne peut que sans cesse devenir. Les "opposés" ne coincident pas , grâce à une synthèse qui unirait une thèse et une antithèse".
Et Wunenburger de quitter l'alchimie en rappelant qu'elle peut, de nos jours, être considérée comme une sorte de conservatoire de structures intellectuelles, longtemps rejetées sous couvert d'une rationnalité identitaire exclusive. "Mais elle n'est en fait elle-même qu'un maillon d'une longue chaîne spéculative qui remonte à l'hermétisme antique et à certaines structures logico-cosmologiques développées par Empédocle ou Héraclite".
Je retiendrai surtout de ce qui précède quelques formules :
"qui fait de la mort une nouvelle naissance" --- "opération contradictorielle, successive selon le temps, mais synchronique selon les principes" --- "L'Oeuvre --- et l'énergie en physique --- n'est pas, elle ne peut que sans cesse devenir" --- "certaines structures logico-cosmologiques développées par Empédocle ou Héraclite".
Héraclite dont l'époque d'apparition, qu'elle soit "mythique" ou non, coïncide étrangement avec celle de Lao-Tseu. Les affinités électives entre ces deux déroutantes approches du Réel n'ont pas manqué d'être soulignées, notemment par Alleau. Ce dernier, de même, d'étayer sa vision de l'alchimie en recourant fréquemment au Yi-King, d'une façon radicalement taoiste. H.C.A. lui, préfèrera la géomancie; on reste entre voisins.
Gustav Meyrink, (Frère initié d'Asie, semble t'il...), concentrera quant à lui sa charité vers l'omega plutôt que l'alpha : la survenue du corps de gloire. Son "Dominicain blanc", branché taoisme, établit ainsi une passerelle remarquable entre l'est et l'ouest; intérieur et antérieur pour commencer. Dedans-dehors pour finir.
G. Heym se contentera d'indiquer que les contacts entre nobles voyageurs natifs des deux extrèmités de l'eurasie eurent certainement lieu à Venise.
F. Julien qualifie justement ce recours au binaire, trigrammes et hexagrammes, de proto-texte "assurant la continuité entre le pouvoir figurateur partout à l'oeuvre dans le monde et l'invention du texte écrit. Ecriture à la fois plus originelle et plus fondamentale en prise directe sur le dynamisme des choses et faisant transition entre le jeu des lignes, en constant renouvellement, que nous offre le spectacle du monde, et celui, fixe, codé, propre au langage humain".
On peut ainsi le rapprocher de la science des lettres, nombrée, que la tradition islamique (à laquelle essentiellement notre alchimie doit son existence) ne sépare pas du Grand Oeuvre. Lettres cousines des hébraïques, auxquelles recoureront les cénacles à l'origine des F.M et des R.C.
Comme le souligne le Grand Commentaire, attribué à Confucius, le Yi-King sert à révèler la Voie, celle d'où procède sans fin les existences et à laquelle l'homme doit se conformer; il permet d'accèder à la dimension d'"esprit", proprement insondable, qui ne cesse d'animer la réalité.
Laposse faisant, plus haut, référence à un exposé de Montaléchel sur le Yi-King, je le cite :
"De la dualité nait la complexité, d'abord par re-polarisation intermédiaire : entre ce qui est "très yang" et ce qui est "très Yin"/ il y a "ce qui est fortement yang mais avec un peu de yin", et "ce qui est très yin mais avec un peu de yang"/ En rajoutant des nuances, on finit peu à peu à tendre vers une infinité de combinaisons qui expriment la richesse des formes et des situations rencontrées dans le monde manifesté. Le cas le plus fréquemment exposé est celui des trigrammes, ou Pa Koua de Fou Hi, qui expriment déjà un peu plus de nuances. Mais il n'y a pas lieu d'en rester là ! L'univers se décline à l'infini, et n'est pas limité à 8, 16, 32, ou 64 figures !"
Lisant celà, je ne perçois pas bien en quoi cette grille de lecture du monde inclut le fameux tiers exclu. Une gamme de "gris", résultante de combinaisons simplistes, limitées, où en fait le noir et le blanc ne se mélangent pas vraiment, mais composent une compagnie de dominos ? De plus les formes ne sont pas concernés, mais bien les situations, encore faut-il bien préciser ce que le taoisme entend par là. Quant aux Pa Koua de Fou Hi exprimant "déjà un peu plus de nuances" (ouf !), là les mots me manquent...
Dans un autre post de Montaléchel, on y voit plus clair :
"Alors que la conception binaire Yin/Yang met en avant les polarités qui régissent l'univers et ne fait que sous-entendre que tout l'univers manifesté en découle, la conception ternaire expose clairement qu'en plus des deux pôles générateurs existe le produit (concret) de leur rencontre :
La conversion du système binaire vers le ternaire est-il aussi simple ?
A priori, on pourrait penser que oui, puisqu'en chimie un sel est toujours la combinaison d'au moins deux corps fondamentaux : Na + Cl -> NaCl.
Mais en Alchimie ?
Le Sel est-il (allégoriquement) le résultat de la rencontre entre le Mercure et le Soufre ?
C'est ce que semble signifier la "voie du cinabre", puisque le cinabre est un sel produit par l'alliance entre mercure et soufre (HgS).
Dans cette conception ternaire (l'Alchimie R+C), où donc se situe le V.I.T.R.IO.L. ?"
Là, c'est évident; hégélien à souhait : production, obligation de résultat, "concret" si possible. Faux ternaire ! L'intérêt de ce 1+2 = 3, (au lieu du 1x1 = 3 qui convient) c'est qu'il cautionne un "matérialisme spirituel" (voir Trungpa, sur cette tendance) par une aura d'ésotérisme, ici exotique. Rien de personnel à l'encontre de Montaléchel de ma part, juste que sa démarche me semble particulièrement bien résumer les approches actuelles de l'alchimie... qui peuplent forums et librairies.
Soit dans le rôle du tiers inclu, et en plus probant car moins "théorique" (ou pire : mystique...) : le Sel !
Voici un petit résumé des aventures "salines", commis sur le site d'hellboy :
Le Sel ou Arsenic, inconnu des premiers philosophes, fut ajouté comme troisième principe par les alchimistes mystiques du XIIIe au XVIe siècle (Basile Valentin. Khunrath. Paracelse (1493-13411, Thesaurus thesaurorum.- il y a là erreur. Le 3ème principe des alchimistes a toujours existé, dès les premiers écrits des Adeptes. C'est ce qu'ont montré Chevreul et Berthelot. Quant à Paracelse, il a beaucoup emprunté au pseudo Valentin et n'a, sans doute, jamais été alchimiste - ); il servait de moyen d'union entre le Soufre et le Mercure, comme l'esprit vital entre le corps et l'âme [c'est le Mercure qui sert de médiateur, de trait d'union entre le Corps - Sel ou Arsenic des vieux alchimistes - et l'Âme ou Soufre ou teinture] :
« Ô merveille, le Soufre, le Mercure et le Sel me font voir trois substances en une seule matière » (Marc-Antonio, Lumière sortant par soi-même des ténèbres)
Toutefois ce principe ternaire eut peu d'importance, surtout au XIIIe siècle. Dans son traité Breve breviarium de dono Dei, Roger Bacon écrit :
« Le Soufre, le Mercure et l'Arsenic sont les principes composants des métaux. Le Soufre en est le principe actif; le Mercure, le principe passif; l'Arsenic est le lien qui les unit. »
Mais, dans le traité d'alchimie théorique intitulé Speculum alchemiae et vraisemblablement postérieur au précédent, Roger Bacon ne parle plus du Sel :
« Notez que les principes des métaux sont le Mercure et le Soufre. Ces deux principes ont donné naissance à tous les métaux et à tous les minéraux dont il existe pourtant un grand nombre d'espèces différentes. » [il est arrivé que les Adeptes aient été confus. On retrouve une erreur semblable dans le De Lapide Philosophorum de Lambsprinck où le Corps est assimilé au médiateur. Cependant, dans l'ensemble des écrits, c'est le Mercure qui est considéré comme le lien entre l'Âme et le Corps, ce qui s'avère d'ailleurs très logique tant au plan des correspondances chimiques, qu'au plan spirituel -][remarque : nous avons déjà fait observé que le principe SEL de Paracelse est semblable à l'ARSENIC de Geber qui désigne la matière saline ou proprement corporelle de la Pierre].
Alleau, dira quant à lui : (...) le troisième terme de la triade "mercure-soufre-sel" citée habituellement par les commentateurs contemporains n'est pas un principe mais un lien qui unit deux principes et, en ce sens, la plupart des alchimistes antérieurs à Paracelse emploient, de préférence, le terme d' "arsenic" ou bien ne le mentionnent point. La triade alchimique traditionnelle est composée des termes "matière première-mercure-soufre" et le "sel" ou "l'arsenic" appartiennent au groupe symbolique de la "matière première" envisagée dans l'un de ses états et dans l'une de ses composantes, la "corporification". Sous l'influence de la "spiration" du soufre le mercure est "coagulé" et la "forme" arrête le "flux" de la matière radiante qui est "notre racine"."
Pas grand chose à redire, sauf qu'il est curieux de constater que c'est au moment de disparaitre (ou presque...) que notre alchimie insiste tant sur cette corporification (bien dans l'air du temps), tout en mettant le paquet, pour compenser, sur la dimension mystique de l'Opus. On peut, sans être très finaud, en supposer par défaut que le divorce entre ces deux dimensions était déjà bien consommé... Les Nôces ne rendent pas aussi, ni ainsi, bavard...ou prosélyte. D'autant plus que la mystique proposée pour "compléter" s'avère la plupart du temps indigente coté cosmologique et ontologique. On n'est pas loin de Canseliet et de son catéchisme... Ora et labora restent alors des parallèles : ne se séparent peut-être pas, mais ne se croisent pas non plus !
Qu'un scientifique aille à la messe le dimanche, why not... mais il est rare que ses travaux en porte l'Empreinte.
Pour en revenir au Yi-King, à son éventuel utilité à figurer un mode "ondulatoire" rendant compte des situations : rapports vide-créé, relations subtiles, traffic d'influences entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, bref la "pondération" nécessaire ... qui semble être partagé par notre alchimie, ceci tout d'abord : il témoigne d'une logique de l'immanence, n'exprime pas un sens mais définit les éléments d'une matrice.
Le Yi-King est dit "être à la mesure du Ciel et de la Terre, c'est pourquoi il s'accorde universellement avec la Voie du Ciel et de la Terre, le grand processus du monde, en en épousant complêtement la logique interne". Ce motif d'une totale adéquation établie entre le livre et le monde se retrouve sans cesse, sous les images associés du "moule" et de "l'enclos". Sortir de ce Templum pour tenter de parachever l'interminable inventaire des formes et forces à l'oeuvre dans le monde, why not. Mais mieux vaut alors éviter de s'y croire demeuré.
"Mais il n'y a pas lieu d'en rester là !, dit Montaléchel; l'univers se décline à l'infini, et n'est pas limité à 8, 16, 32, ou 64 figures !"
Pour ma part, les limites dénoncées ici sont celles de "l'observateur"... Je doute fort que la tradition taoiste dans son ensemble ait eu le nez dans le guidon, au point de confondre nombres et chiffres, en tout cas pas de cette façon.
Vu que Logos cite F. Trojani, je me permets d'en rajouter une couche qui me semble aller dans le même sens.
EXTRAIT D' UNE INTERVIEW DE F. TROJANI (suite à la parution de "Une médecine pour demain") :
"Je terminerai, concernant les intervalles, par ces énigmes :
Soit, 1167, la somme des 22 polygones réguliers ; comment se fait-il qu'une fois extraite la racine carré de ce nombre, le résultat obtenu lui même divisé par le nombre d'or, soit, 1,618, on obtienne 21,1, soit la longueur d'onde de l'hydrogène galactique, lequel emplit quasiment tout l'univers ?
10 puissance 80, soit le nombre estimé d'atomes de l'univers.
Comment se fait-il que la "gloire" de 80, soit l'addition de tout les nombres de 1 à 80, avec pour résultat 3240, cette valeur divisée par 153, un des piliers numérologiques de l'Evangile et nombre du verbe prononçant de l'Univers, donne encore 21,1 ?
De même : 3240 X 8 = 25920, soit la valeur de la précession des équinoxes ?
Mais quelle est la raison ou la norme qui fait qu'un morceau de fer pur, travaillé alchimiquement et débarrassé de sa "cendre", ne laisse que 1/80 à 1/81 du volume de sa matière initiale ; pour quelle raison 1/81 = 0,0123456 ;
pour quelle raison de même, 2160, valeur d'une ère zodiacale, à laquelle on ajoute 81, nous donne 2241, soit le temps historique de la Parousie, temps sur lequel s'accorde la majorité des Prophètes ?
Faut-il se méfier de ce que nous signifie parfois les intervalles ?
Par les nombre, chiffres, énigmes mathématiques que nous pose l'étude des tissus et strates de l'univers. Dieu, dit-on, a nombré la Sapience, et c'est au travers des nombres qu'il faut me semble t-il étudier les manifestations de sa Force. La Tradition Universelle est nombrée et la seule chose évidente de toutes ces cultures, dieux, et doctrines, est celle que partout, sur cette planète et ailleurs, 1 + 1 font deux. Il suffit d'ailleurs de chercher et de compter…
Les rythmes et les forces en palimpsestes sont de précieuses indications sur le "sens", la puissance et son origine... Un des rythmes au sein duquel se développe l'univers, est la valeur PI, cette valeur régit tous les cercles de l'univers.
Je ne suis qu'un homme de science et à ce titre, ma Foi est plutôt nébuleuse… On ne peut pas tout avoir, et il m'a fallu choisir entre foi, sagesse, sainteté ou sacrifice... Cependant, si je ne craignais pas parfois de me couvrir de ridicule à mes propres yeux, je tomberais à genoux devant une série de nombres premiers ou devant le nombre PI. Ni les sages de l'Inde qui ont structurés un de leurs principaux mantras sur ce rythme, ni Nostradamus qui à établi ses Centuries sur trois fois cette valeur, 314 x 3 + 942, ne s'y sont trompés.
Pour moi, la filiation authentique est une mélodie, soigneusement composée, avec des temps, des rythmes, des croches et des bémols, etc. des nombres et des chiffres. Mes Pères, afin que je ne puisse pas me tromper sur le sens à donner aux doctrines, aux mots et aux phonèmes des langues, aux signes des livres sacrés des peuples aussi divers que variés, me l'ont transmis de cette façon rythmique...
Unité, métaphysique, tradition, spiritualité, kaléidoscope et plein champ de la Nature, etc., ont une langue, au sein de laquelle ils se conjuguent : celle des nombres... Il n'y a aucune astrologie, aucune, géométrie, aucune "Magia", aucune alchimie, aucune couleur, sans une connaissance parfaite de cette autre langue, la seule que comprenne et qui puisse s'échanger avec l'univers.
Par ailleurs, on peut constater que ce dernier ne s'exprime que de cette façon comme je le décris précédemment et dans mon livre : longueurs d'ondes, nombres de Hz, vibrations des métaux, vibration de l'eau et des couleurs qu'engendre la lumière, lumière cohérente des échanges cellulaires, diamètres précis des dipôles de hertz, etc.
En dehors de ce fait, les choses ne sont que des cacophonies de sons ou de la gribouille…"
Le même auteur, en son commentaire sur les "17 figures attribuées à Jean Conrad Barchusen", le terminera par une indication des plus charitables (pour ceux qui sont en manque de Sel ) , et qui ravierait un taoiste planchant sur son Yi-King.
"Les principes vitaux et organisateurs sont indestructibles et avides d'une libération, d'une montée vers toujours plus de vie, de mouvement, de perceptions, de lumière. La mort n'est que l'effacement des disharmonies et l'esprit libéré se reconstruit aussitôt une autre forme plus subtile et plus apte à répondre à la nouvelle dignité de l'habitant; jusqu'au moment enfin où, eu égard au volume, une "quantité" considérable de ce que les alchimistes appellent l'esprit habite un espace aux limites fluctuantes, littéralement infusé dans l'Universel; point de convergences d'une multitudes de "lignes"qui sous-tendent l'Univers.Ce qui faisait dire à Tiphaigne de la Roche (Amilec ou la graîne d'Hommes), que dans le laboratoire d'Ataman se voyait une petite boète très jolie et très riche, qui renferme les Principes des trois Règnes et la Pierre Philosophale. Cette boète n'est visible que de loin : plus on s'en approche, plus elle devient diaphane, et enfin elle disparait entièrement, dans l'instant même qu'on se croit à portée de la saisir.
La pierre n'est visible qu'à sa limite naturelle, qu'au point de jonction d'une certaine spiritualisation du corps, corrollairement à une coagulation de l'esprit. Aussi, faut-il pour la VOIR de près dans sa petite boète, une si radicale transformation de nos "limites" --- nous les avons rendues tellement rigides, nous allions dire tellement "objectives" ---- , que peu de gens en sont capables."
Pour ma part, je n'ai jamais rien vu... mais je sais que je n'y vois rien. Faute avouée... etc.
"Le problème n'est pas d'affirmer que ceci ou cela est irréel ou non, mais de savoir jusqu'à quel point on possède le vrai pouvoir de rendre inexistant ne fût-ce qu'un seul brin d'herbe" (Tantratattva I.225).
Proposition utilement complétée par celle-çi, histoire d'embrouiller un peu plus l'évidence : "Les choses sont définies par ce qu'elles ne sont pas".
Cordialement
aliboron.
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
A propos de Nicolescu, dont je me dois de donner au moins un petit "florilège" le plus impartial possible, avec néanmoins les inconvénients du genre. Sorry...
N'ayant pas le courage (ni le coeur) d'en critiquer chaque point, je me permets juste de porter au rouge les "articulations" et assertions problématiques à mes yeux.
Une fois encore, je n'ai rien à opposer à la pensée de Lupasco, si ce n'est son postulat d'une homologie de structure entre sa physique et ce qu'il nomme "l'affectivité". La démonstration n'en fut jamais donnée, à peine ébauchée et ça laisse à désirer...
Quant à la pensée de Nicolescu, le problème me semble plus encombrant; ne serait-ce parce qu'elle occupe le terrain : les belles pages en papier glacé des quelques rares périodiques voués à servir de pitance aux "chercheurs de vérité", comme on dit.
Il se peut que vous ne voyez pas trop où le bât blesse, peut-être faute d'une fréquentation assidue des anciens. Dans ce cas, "pas de blâme" comme dit le Yi-King... même que chance aidant sa fiction vous amènera peut-etre plus loin. Pour ma part, je vois juste qu'il se paye de mots; les "niveaux de Réalité" évoqués n'étant, au bout du compte, que les différents domaines envisagés par nos scientifiques et spécialistes. Dommage...
Le seul "hermétisme" retenu étant celui du langage mathématique, (chouette, une méta-phore !) tel que pratiqué par les physiciens; le seul vécu initiatique envisagé : celui du ..."transpoète" dont M. Camus serait le prototype... J'aime bien la poésie d'habitude, mais là je calle; le ton est celui d'un "prophète moderne" et ça gonfle...
Pour finir, la fabuleuse "complexité" résultante des interrelations entre ses "niveaux de Réalité" (supposés; en rien expérimentés !) me parait être du pipi de chat au regard de celles élaborées par la plupart des ésotérismes traditionnels.
Et puisqu'il mentionne Gurdjieff, par exemple, je vous invite à reluquer sa "table des hydrogènes" ou sa "loi des octaves", impliquant réellement le sujet. (Fragments d'un enseignement inconnu", par Ouspensky). En prime, vous y trouverez le pourquoi des appelations récurentes chez Alleau, H.C.A, Andreb, etc... des mondes 16-32-64, etc... Soit un pythagorisme des plus réservé, certes, mais sans doute indispensable pour éviter ce que Trojani appelle "la gribouille" ou cacophonie... en Art de Musique.
"La philosophie de Lupasco se place sous le double signe de la discontinuité avec la pensée philosophique constituée et de la continuité - cachée, car inhérente à la structure même de la pensée humaine - avec la tradition. Elle a comme double source la logique déductive, forcément associative et l'intuition - une intuition poétique, et donc non-associative, informée par la physique quantique. "
"Le fameux état T ("T" du "tiers inclus") fait son apparition à la page 10 du Principe d'antagonisme . Il est défini comme un état "ni actuel ni potentiel" . Le mot "état" fait référence aux trois principes lupasciens - l'actualisation A, la potentialisation P et le tiers inclus T - sous-jacents au "principe d'antagonisme". Sur le plan formel, e et non-e ont ainsi trois indices : A, P, et T, ce qui permet à Lupasco de définir ses "conjonctions contradictionnelles" ou quanta logiques , faisant intervenir six termes logiques indexés : l'actualisation de e est associée à la potentialisation de non-e, l'actualisation de non-e est associée à la potentialisation de e et le tiers inclus de e est, en même temps, le tiers inclus de non-e. Cette dernière conjonction montre la situation particulière du tiers inclus. Ce tiers est un tiers unificateur : il unifie e et non-e. Nous verrons plus loin le sens profond de cette unification non-fusionnelle qu'il est impossible de comprendre sans faire appel à la notion de "niveaux de Réalité"
"Ce fut le mérite historique de Lupasco d'avoir montré que la logique du tiers inclus est une véritable logique, formalisable et formalisée, multivalente (à trois valeurs : A, non-A et T) et non-contradictoire. Lupasco avait eu raison trop tôt. L'absence de la notion de "niveaux de Réalité" dans sa philosophie en obscurcissait le contenu. Beaucoup ont cru que la logique de Lupasco violait le principe de non-contradiction - d'où le nom, un peu malheureux, de "logique de la contradiction" - et qu'elle comportait le risque de glissements sémantiques sans fin."
"La structure gödelienne de l'ensemble des niveaux de Réalité, associée à la logique du tiers inclus, implique l'impossibilité de bâtir une théorie complète pour décrire le passage d'un niveau à l'autre et, a fortiori, pour décrire l'ensemble des niveaux de Réalité.
L'unité reliant tous les niveaux de Réalité, si elle existe, doit nécessairement être une unité ouverte .
Il y a, certes, une cohérence de l'ensemble des niveaux de Réalité, mais cette cohérence est orientée : une flèche est associée à toute transmission de l'information d'un niveau à l'autre. Par conséquence, la cohérence, si elle est limitée aux seuls niveaux de Réalité, s'arrête au niveau le plus "haut" et au niveau le plus "bas". Pour que la cohérence continue au delà de ces deux niveaux limites, pour qu'il y ait une unité ouverte, il faut considérer que l'ensemble des niveaux de Réalité se prolonge par une zone de non-résistance à nos expériences, représentations, descriptions, images ou formalisations mathématiques. Cette zone de non-résistance correspond, dans notre modèle de Réalité, au "voile" de ce que Bernard d'Espagnat appelle "le réel voilé" et est certainement reliée a l' affectivité lupascienne .
Le niveau le plus "haut" et le niveau le plus "bas" de l'ensemble des niveaux de Réalité s'unissent à travers une zone de transparence absolue. Mais ces deux niveaux étant différents, la transparence absolue apparaît comme un voile, du point de vue de nos expériences, représentations, descriptions, images ou formalisations mathématiques. En fait, l'unité ouverte du monde implique que ce qui est en "bas" est comme ce qui est en "haut". L'isomorphisme entre le "haut" et le "bas" est rétabli par la zone de non-résistance.
La non-résistance de cette zone de transparence absolue est due, tout simplement, aux limitations de notre corps et de nos organes des sens, quels que soient les instruments de mesure qui prolongent ces organes des sens. L'affirmation d'une connaissance humaine infinie (qui exclut toute zone de non-résistance), tout en affirmant la limitation de notre corps et de nos organes des sens, nous semble un tour de passe-passe linguistique. La zone de non-résistance correspond au sacré , c'est-à-dire à ce qui ne se soumet à aucune rationalisation. La proclamation de l'existence d'un seul niveau de Réalité élimine le sacré, au prix de l'autodestruction de ce même niveau.
L'ensemble des niveaux de Réalité et sa zone complémentaire de non-résistance constitue l' Objet transdisciplinaire."
"L'ensemble des niveaux de perception et sa zone complémentaire de non-résistance constituent le Sujet transdisciplinaire.
Les deux zones de non-résistance de l'Objet et du Sujet transdisciplinaires doivent être identiques pour que le Sujet transdisciplinaire puisse communiquer avec l'Objet transdisciplinaire. Au flux d'information traversant d'une manière cohérente les différents niveaux de Réalité correspond un flux de conscience traversant d'une manière cohérente les différents niveaux de perception . Les deux flux sont dans une relation d'isomorphisme grâce à l'existence d'une seule et même zone de non-résistance. La connaissance n'est ni extérieure, ni intérieure : elle est à la fois extérieure et intérieure. L'étude de l'Univers et l'étude de l'être humain se soutiennent l'une l'autre.
La zone de non-résistance joue le rôle du tiers secrètement inclus , qui permet l'unification, dans leur différence, du Sujet transdisciplinaire et de l'Objet transdisciplinaire. " (je grossis ça, y voyant la clef de voûte du système)
"Le rôle du tiers explicitement ou secrètement inclus dans le nouveau modèle transdisciplinaire de Réalité n'est pas, après tout, si surprenant. Les mots trois et trans ont la même racine étymologique : le "trois" signifie "la transgression du deux, ce qui va au delà de deux". La transdisciplinarité est la transgression de la dualité opposant les couples binaires : sujet - objet, subjectivité - objectivité, matière - conscience, nature - divin, simplicité - complexité, réductionnisme - holisme, diversité - unité. Cette dualité est transgressée par l'unité ouverte englobant et l'Univers et l'être humain. "
"Dans l'unité il y a, comme il se doit, trois tiers. Le troisième tiers - le tiers secrètement inclus - est le garde-fou contre toute dérive néoscientiste ou totalitaire et contre toute tentation d'une dictature par l'économique, quels que soient les habits rassurants que de telles dérives ou dictatures vont emprunter pour réussir. Le tiers secrètement inclus est le gardien de notre mystère irréductible, seul fondement possible de la tolérance et de la dignité humaine. Sans ce tiers, tout est cendre".
"La modernité est caractérisée par la séparation binaire sujet-objet, tandis que la cosmodernité est fondée sur l'unification ternaire sujet-objet-tiers inclus". Le tier-inclus révèle une unité sous la dualité. Cela qui réunit les contraires en fait des complémentaires. Ce qui est très différent. Or, traditionnellement, ce qui unit, est appelé le Sacré. Dans les termes de Mircéa Eliade : "le sacré n'implique pas la croyance en Dieu, en des dieux ou des esprits. C'est ... l'expérience d'une réalité et la source de la conscience d'exister dans le monde".
"Nous ne pouvons pas aller nous-mêmes explorer le monde quantique (...) Mais nous pouvons percevoir ce monde quantique si nous faisons l'effort d'intégrer en nous-mêmes l'information paradoxale qui nous est fournie par la théorie et l'expérience scientifiques. Cet effort passe tout d'abord par un silence intérieur: faire taire la pensée habituelle, fondée sur sur la perception de l'échelle macrophysique. La pensée habituelle est très bavarde: elle nous dit sans cesse ce qui est vrai et ce qui est faux et elle fabrique perpétuellement des images adaptées à notre échelle macrophysique.
Faire taire la pensée habituelle signifie aussi l'abolition de la foule d'images macrophysiques qui l'accompagnent. (...) En ce moment de silence, nous découvrons qu'il y a dans notre propre fonctionnement, un niveau de perception naturelle de l'unité des contradictoires. Tout comme le monde quantique est enfoui dans le monde macrphysique, ce nouveau degré de perception est enfoui dans notre perception habituelle, macrophysique.
(...) Le mot "théorie" retrouve ainsi son sens éthymologique, celui de "contemplation"."
"La révolution quantique pourrait changer radicalement notre vision du monde. Pourtant, la nouveauté irréductible de la vision quantique reste la possession d'une toute petite élite. La difficulté de transmission d'un nouveau langage hermétique - le langage mathématique - est, certes, un obstacle considérable. Mais il n'est pas infranchissable." (p 11)
"Là où notre imagination habituelle éprouve un immense vertige, le langage mathématique fondé sur un autre type d'imaginaire, n'éprouve aucune difficulté."
Puis, à propos d'un recueil de poèmes de M.Camus, co-équipier dans cette "bonne nouvelle" :
"La révélation de la Toute-Présence, au-delà du "linceul des mots" et des "pensées bruissantes", est un acte fondateur, celui d'être dans le monde et avec le monde. Dans cette quête, Michel Camus se retrouve dans sa famille spirituelle : Daumal, Adonis, Juarroz, Blaga et aussi Abellio, Husserl, Gurdjieff, Maître Eckhart et Carteret — ces maîtres du sortir dedans . Jean Carteret a d'ailleurs écrit : "Le poète est l'homme le plus troué du monde".
"Le tiers secrètement inclus, au-delà de l'esprit et du corps, de la langue et du silence, de la vie et de la mort, est la véritable source d'information de l'homme troué. L'homme troué est in-formé , il prend forme ici et maintenant, par l'action du tiers secrètement inclus. Il traverse les différents niveaux de Réalité pour accéder au sens au-delà du sens dans un acte, de toute évidence, impossible. Et c'est cette impossibilité même qui révèle le sens de sa quête. Il n'est donc pas étonnant que le ternaire "le sage — le saint — l'homme troué" fasse son apparition soudaine dans les textes de Michel Camus par une subtile dialectique langue-silence"
"L'homme troué ne nie pas le monde. Tout au contraire, le monde est une condition nécessaire de l'auto-naissance de l'homme troué."
"Au fond, le silence de l'homme troué est un silence plein, comme le vide quantique est porteur de toutes les potentialités de l'univers physique. Ce silence "contient tous les mots, / tous les livres passés et à venir" comme le vide quantique du début du big-bang contient toutes les galaxies à venir et même cette fleur du silence, fleur du vide qui est l'être humain lui-même. L'information qui gît dans le silence est une information vivante . L'engendrement des formes passe par l'ordre et non pas par le chaos, par la néguentropie et non pas par l'entropie. De l'entropie des mots naît la néguentropie du poème vivant, car le silence est "l'orchidée de l'âme".
"L'arbre de vie du vide est-il vraiment un recueil de poèmes ? Je ne saurais le dire. À mon sens, nous assistons à la naissance, dans l'histoire de la littérature, de la première oeuvre transpoétique au sens à la fois de programme et d' esthétique . Il existe, certes, des germes de transpoésie dans de multiples autres oeuvres de poètes, de philosophes, de mystiques ou de gnostiques. Mais, à ma connaissance, c'est la première fois qu'ils sont structurés autour d'un concept tout à la fois vivant et informulable — celui de transpoésie."
N'ayant pas le courage (ni le coeur) d'en critiquer chaque point, je me permets juste de porter au rouge les "articulations" et assertions problématiques à mes yeux.
Une fois encore, je n'ai rien à opposer à la pensée de Lupasco, si ce n'est son postulat d'une homologie de structure entre sa physique et ce qu'il nomme "l'affectivité". La démonstration n'en fut jamais donnée, à peine ébauchée et ça laisse à désirer...
Quant à la pensée de Nicolescu, le problème me semble plus encombrant; ne serait-ce parce qu'elle occupe le terrain : les belles pages en papier glacé des quelques rares périodiques voués à servir de pitance aux "chercheurs de vérité", comme on dit.
Il se peut que vous ne voyez pas trop où le bât blesse, peut-être faute d'une fréquentation assidue des anciens. Dans ce cas, "pas de blâme" comme dit le Yi-King... même que chance aidant sa fiction vous amènera peut-etre plus loin. Pour ma part, je vois juste qu'il se paye de mots; les "niveaux de Réalité" évoqués n'étant, au bout du compte, que les différents domaines envisagés par nos scientifiques et spécialistes. Dommage...
Le seul "hermétisme" retenu étant celui du langage mathématique, (chouette, une méta-phore !) tel que pratiqué par les physiciens; le seul vécu initiatique envisagé : celui du ..."transpoète" dont M. Camus serait le prototype... J'aime bien la poésie d'habitude, mais là je calle; le ton est celui d'un "prophète moderne" et ça gonfle...
Pour finir, la fabuleuse "complexité" résultante des interrelations entre ses "niveaux de Réalité" (supposés; en rien expérimentés !) me parait être du pipi de chat au regard de celles élaborées par la plupart des ésotérismes traditionnels.
Et puisqu'il mentionne Gurdjieff, par exemple, je vous invite à reluquer sa "table des hydrogènes" ou sa "loi des octaves", impliquant réellement le sujet. (Fragments d'un enseignement inconnu", par Ouspensky). En prime, vous y trouverez le pourquoi des appelations récurentes chez Alleau, H.C.A, Andreb, etc... des mondes 16-32-64, etc... Soit un pythagorisme des plus réservé, certes, mais sans doute indispensable pour éviter ce que Trojani appelle "la gribouille" ou cacophonie... en Art de Musique.
"La philosophie de Lupasco se place sous le double signe de la discontinuité avec la pensée philosophique constituée et de la continuité - cachée, car inhérente à la structure même de la pensée humaine - avec la tradition. Elle a comme double source la logique déductive, forcément associative et l'intuition - une intuition poétique, et donc non-associative, informée par la physique quantique. "
"Le fameux état T ("T" du "tiers inclus") fait son apparition à la page 10 du Principe d'antagonisme . Il est défini comme un état "ni actuel ni potentiel" . Le mot "état" fait référence aux trois principes lupasciens - l'actualisation A, la potentialisation P et le tiers inclus T - sous-jacents au "principe d'antagonisme". Sur le plan formel, e et non-e ont ainsi trois indices : A, P, et T, ce qui permet à Lupasco de définir ses "conjonctions contradictionnelles" ou quanta logiques , faisant intervenir six termes logiques indexés : l'actualisation de e est associée à la potentialisation de non-e, l'actualisation de non-e est associée à la potentialisation de e et le tiers inclus de e est, en même temps, le tiers inclus de non-e. Cette dernière conjonction montre la situation particulière du tiers inclus. Ce tiers est un tiers unificateur : il unifie e et non-e. Nous verrons plus loin le sens profond de cette unification non-fusionnelle qu'il est impossible de comprendre sans faire appel à la notion de "niveaux de Réalité"
"Ce fut le mérite historique de Lupasco d'avoir montré que la logique du tiers inclus est une véritable logique, formalisable et formalisée, multivalente (à trois valeurs : A, non-A et T) et non-contradictoire. Lupasco avait eu raison trop tôt. L'absence de la notion de "niveaux de Réalité" dans sa philosophie en obscurcissait le contenu. Beaucoup ont cru que la logique de Lupasco violait le principe de non-contradiction - d'où le nom, un peu malheureux, de "logique de la contradiction" - et qu'elle comportait le risque de glissements sémantiques sans fin."
"La structure gödelienne de l'ensemble des niveaux de Réalité, associée à la logique du tiers inclus, implique l'impossibilité de bâtir une théorie complète pour décrire le passage d'un niveau à l'autre et, a fortiori, pour décrire l'ensemble des niveaux de Réalité.
L'unité reliant tous les niveaux de Réalité, si elle existe, doit nécessairement être une unité ouverte .
Il y a, certes, une cohérence de l'ensemble des niveaux de Réalité, mais cette cohérence est orientée : une flèche est associée à toute transmission de l'information d'un niveau à l'autre. Par conséquence, la cohérence, si elle est limitée aux seuls niveaux de Réalité, s'arrête au niveau le plus "haut" et au niveau le plus "bas". Pour que la cohérence continue au delà de ces deux niveaux limites, pour qu'il y ait une unité ouverte, il faut considérer que l'ensemble des niveaux de Réalité se prolonge par une zone de non-résistance à nos expériences, représentations, descriptions, images ou formalisations mathématiques. Cette zone de non-résistance correspond, dans notre modèle de Réalité, au "voile" de ce que Bernard d'Espagnat appelle "le réel voilé" et est certainement reliée a l' affectivité lupascienne .
Le niveau le plus "haut" et le niveau le plus "bas" de l'ensemble des niveaux de Réalité s'unissent à travers une zone de transparence absolue. Mais ces deux niveaux étant différents, la transparence absolue apparaît comme un voile, du point de vue de nos expériences, représentations, descriptions, images ou formalisations mathématiques. En fait, l'unité ouverte du monde implique que ce qui est en "bas" est comme ce qui est en "haut". L'isomorphisme entre le "haut" et le "bas" est rétabli par la zone de non-résistance.
La non-résistance de cette zone de transparence absolue est due, tout simplement, aux limitations de notre corps et de nos organes des sens, quels que soient les instruments de mesure qui prolongent ces organes des sens. L'affirmation d'une connaissance humaine infinie (qui exclut toute zone de non-résistance), tout en affirmant la limitation de notre corps et de nos organes des sens, nous semble un tour de passe-passe linguistique. La zone de non-résistance correspond au sacré , c'est-à-dire à ce qui ne se soumet à aucune rationalisation. La proclamation de l'existence d'un seul niveau de Réalité élimine le sacré, au prix de l'autodestruction de ce même niveau.
L'ensemble des niveaux de Réalité et sa zone complémentaire de non-résistance constitue l' Objet transdisciplinaire."
"L'ensemble des niveaux de perception et sa zone complémentaire de non-résistance constituent le Sujet transdisciplinaire.
Les deux zones de non-résistance de l'Objet et du Sujet transdisciplinaires doivent être identiques pour que le Sujet transdisciplinaire puisse communiquer avec l'Objet transdisciplinaire. Au flux d'information traversant d'une manière cohérente les différents niveaux de Réalité correspond un flux de conscience traversant d'une manière cohérente les différents niveaux de perception . Les deux flux sont dans une relation d'isomorphisme grâce à l'existence d'une seule et même zone de non-résistance. La connaissance n'est ni extérieure, ni intérieure : elle est à la fois extérieure et intérieure. L'étude de l'Univers et l'étude de l'être humain se soutiennent l'une l'autre.
La zone de non-résistance joue le rôle du tiers secrètement inclus , qui permet l'unification, dans leur différence, du Sujet transdisciplinaire et de l'Objet transdisciplinaire. " (je grossis ça, y voyant la clef de voûte du système)
"Le rôle du tiers explicitement ou secrètement inclus dans le nouveau modèle transdisciplinaire de Réalité n'est pas, après tout, si surprenant. Les mots trois et trans ont la même racine étymologique : le "trois" signifie "la transgression du deux, ce qui va au delà de deux". La transdisciplinarité est la transgression de la dualité opposant les couples binaires : sujet - objet, subjectivité - objectivité, matière - conscience, nature - divin, simplicité - complexité, réductionnisme - holisme, diversité - unité. Cette dualité est transgressée par l'unité ouverte englobant et l'Univers et l'être humain. "
"Dans l'unité il y a, comme il se doit, trois tiers. Le troisième tiers - le tiers secrètement inclus - est le garde-fou contre toute dérive néoscientiste ou totalitaire et contre toute tentation d'une dictature par l'économique, quels que soient les habits rassurants que de telles dérives ou dictatures vont emprunter pour réussir. Le tiers secrètement inclus est le gardien de notre mystère irréductible, seul fondement possible de la tolérance et de la dignité humaine. Sans ce tiers, tout est cendre".
"La modernité est caractérisée par la séparation binaire sujet-objet, tandis que la cosmodernité est fondée sur l'unification ternaire sujet-objet-tiers inclus". Le tier-inclus révèle une unité sous la dualité. Cela qui réunit les contraires en fait des complémentaires. Ce qui est très différent. Or, traditionnellement, ce qui unit, est appelé le Sacré. Dans les termes de Mircéa Eliade : "le sacré n'implique pas la croyance en Dieu, en des dieux ou des esprits. C'est ... l'expérience d'une réalité et la source de la conscience d'exister dans le monde".
"Nous ne pouvons pas aller nous-mêmes explorer le monde quantique (...) Mais nous pouvons percevoir ce monde quantique si nous faisons l'effort d'intégrer en nous-mêmes l'information paradoxale qui nous est fournie par la théorie et l'expérience scientifiques. Cet effort passe tout d'abord par un silence intérieur: faire taire la pensée habituelle, fondée sur sur la perception de l'échelle macrophysique. La pensée habituelle est très bavarde: elle nous dit sans cesse ce qui est vrai et ce qui est faux et elle fabrique perpétuellement des images adaptées à notre échelle macrophysique.
Faire taire la pensée habituelle signifie aussi l'abolition de la foule d'images macrophysiques qui l'accompagnent. (...) En ce moment de silence, nous découvrons qu'il y a dans notre propre fonctionnement, un niveau de perception naturelle de l'unité des contradictoires. Tout comme le monde quantique est enfoui dans le monde macrphysique, ce nouveau degré de perception est enfoui dans notre perception habituelle, macrophysique.
(...) Le mot "théorie" retrouve ainsi son sens éthymologique, celui de "contemplation"."
"La révolution quantique pourrait changer radicalement notre vision du monde. Pourtant, la nouveauté irréductible de la vision quantique reste la possession d'une toute petite élite. La difficulté de transmission d'un nouveau langage hermétique - le langage mathématique - est, certes, un obstacle considérable. Mais il n'est pas infranchissable." (p 11)
"Là où notre imagination habituelle éprouve un immense vertige, le langage mathématique fondé sur un autre type d'imaginaire, n'éprouve aucune difficulté."
Puis, à propos d'un recueil de poèmes de M.Camus, co-équipier dans cette "bonne nouvelle" :
"La révélation de la Toute-Présence, au-delà du "linceul des mots" et des "pensées bruissantes", est un acte fondateur, celui d'être dans le monde et avec le monde. Dans cette quête, Michel Camus se retrouve dans sa famille spirituelle : Daumal, Adonis, Juarroz, Blaga et aussi Abellio, Husserl, Gurdjieff, Maître Eckhart et Carteret — ces maîtres du sortir dedans . Jean Carteret a d'ailleurs écrit : "Le poète est l'homme le plus troué du monde".
"Le tiers secrètement inclus, au-delà de l'esprit et du corps, de la langue et du silence, de la vie et de la mort, est la véritable source d'information de l'homme troué. L'homme troué est in-formé , il prend forme ici et maintenant, par l'action du tiers secrètement inclus. Il traverse les différents niveaux de Réalité pour accéder au sens au-delà du sens dans un acte, de toute évidence, impossible. Et c'est cette impossibilité même qui révèle le sens de sa quête. Il n'est donc pas étonnant que le ternaire "le sage — le saint — l'homme troué" fasse son apparition soudaine dans les textes de Michel Camus par une subtile dialectique langue-silence"
"L'homme troué ne nie pas le monde. Tout au contraire, le monde est une condition nécessaire de l'auto-naissance de l'homme troué."
"Au fond, le silence de l'homme troué est un silence plein, comme le vide quantique est porteur de toutes les potentialités de l'univers physique. Ce silence "contient tous les mots, / tous les livres passés et à venir" comme le vide quantique du début du big-bang contient toutes les galaxies à venir et même cette fleur du silence, fleur du vide qui est l'être humain lui-même. L'information qui gît dans le silence est une information vivante . L'engendrement des formes passe par l'ordre et non pas par le chaos, par la néguentropie et non pas par l'entropie. De l'entropie des mots naît la néguentropie du poème vivant, car le silence est "l'orchidée de l'âme".
"L'arbre de vie du vide est-il vraiment un recueil de poèmes ? Je ne saurais le dire. À mon sens, nous assistons à la naissance, dans l'histoire de la littérature, de la première oeuvre transpoétique au sens à la fois de programme et d' esthétique . Il existe, certes, des germes de transpoésie dans de multiples autres oeuvres de poètes, de philosophes, de mystiques ou de gnostiques. Mais, à ma connaissance, c'est la première fois qu'ils sont structurés autour d'un concept tout à la fois vivant et informulable — celui de transpoésie."
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Merci beaucoup Aliboron.
Pour le moment me vient une petite question :
Quel rôle attribuer au signe multiplicatif, et aux nombres, que tu utilises dans le "1x1=3" de rigueur ?
Tentative :
Avec le signe additif, I + II fait III... c'est une concaténation, un accolement... "ça colle", comme pour exprimer que "ça coïncide"
Par opposition, le signe multiplicatif pourrait "évoquer" une "inter-pénétration" : le 6 est aussi bien 2+2+2 (le 2 "dans" le 3) que 3+3 (le 3 "dans" le 2)... un peu comme le signe du Tao
L'androgyne, le 3 "serait" bien co-présence (comme avec la concaténation), mais non-coïncidente (inter-pénétrée) des polarités 1 & 1... donc en mouvement
Sinon, de quel ouvrage de Wunenburger sont tirées les citations ?
(je signale ce lien intéressant : philosophie des images)
Pour le moment me vient une petite question :
Quel rôle attribuer au signe multiplicatif, et aux nombres, que tu utilises dans le "1x1=3" de rigueur ?
Tentative :
Avec le signe additif, I + II fait III... c'est une concaténation, un accolement... "ça colle", comme pour exprimer que "ça coïncide"
Par opposition, le signe multiplicatif pourrait "évoquer" une "inter-pénétration" : le 6 est aussi bien 2+2+2 (le 2 "dans" le 3) que 3+3 (le 3 "dans" le 2)... un peu comme le signe du Tao
L'androgyne, le 3 "serait" bien co-présence (comme avec la concaténation), mais non-coïncidente (inter-pénétrée) des polarités 1 & 1... donc en mouvement
Sinon, de quel ouvrage de Wunenburger sont tirées les citations ?
(je signale ce lien intéressant : philosophie des images)
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Je ne souhaite pas me substituer à Aliboron, mais je voudrais néanmoins apporter mon grain de sel au sujet de cette équation
Mathématiquement parlant, c'est incorrect, bien évidemment. Sauf à bien considérer les conventions sous-jacentes aux signes.
La croix de St-André qui sert habituellement de convention pour exprimer la multiplication classique est à percevoir ici dans un sens plus premier, plus originel, plus authentique.
"Croissez et multipliez" dit la Genèse (I, 28), ou, selon les traductions "Soyez féconds et multipliez". C'est en ce texte fondateur que sont associés la croix (croissance) et la multiplication. La "Genèse", c'est la source de la génération, de l'engendrement; la croissance (x) et la multiplication (x) s'ensuivent. Ce n'est donc pas dans un sens mathématique moderne qu'il faut interpréter ce symbole multiplicatoire, mais plutôt dans le sens du croisement de deux entités polarisées susceptibles d'engendrer.
Dans cette logique, nous déduisons donc que les deux 1 sont de même valeur, mais non identiques. Un homme ne vaut pas moins qu'une femme; une femme ne vaut pas moins qu'un homme; leur "valeur" est égale (dans l'absolu), mais leur polarité n'est pas identique. De la rencontre entre les deux (croisement… génétique !) naîtra une troisième entité : leur enfant.
Donc, le signe "=" qui, traditionnellement, marque l'identité, doit plutôt être vu comme un signe d'engendrement, de "produit". En mathématique moderne, ne dit-on pas que le terme de droite d'une multiplication est le "produit" ? L'enfant est le produit de la rencontre créatrice entre les polarités différentes des unités que sont chacun de ses parents. De l'union du couple et de l'enfant apparaît une entité de niveau supérieur : la triade, la famille. La famille est une cellule, une entité sociale, de niveau supérieur à l'individu.
L'exemple de l'engendrement humain considéré ci-dessus n'est qu'un cas particulier d'une loi plus générale. On pourrait parler de l'appariement des électrons de spins opposés, ou évoquer les principes de Carnot (thermodynamique) pour observer que la mise en contact d'une source chaude et d'une source froide génère un flux d'énergie. L'observation de la Nature nous fournit maints exemples de ce principe fondamental : de l'interaction de deux entités équivalentes mais de polarités différentes naît une troisième qui, additionnée aux deux précédentes, engendre une cellule unitaire de niveau supérieur, capable d'interagir dans une dimension inaccessible aux deux entités d'origine si elles étaient restées isolées.
Le tout est plus grand que l'ensemble de ses parties.
. . 1 x 1 = 3 . . |
La croix de St-André qui sert habituellement de convention pour exprimer la multiplication classique est à percevoir ici dans un sens plus premier, plus originel, plus authentique.
"Croissez et multipliez" dit la Genèse (I, 28), ou, selon les traductions "Soyez féconds et multipliez". C'est en ce texte fondateur que sont associés la croix (croissance) et la multiplication. La "Genèse", c'est la source de la génération, de l'engendrement; la croissance (x) et la multiplication (x) s'ensuivent. Ce n'est donc pas dans un sens mathématique moderne qu'il faut interpréter ce symbole multiplicatoire, mais plutôt dans le sens du croisement de deux entités polarisées susceptibles d'engendrer.
Dans cette logique, nous déduisons donc que les deux 1 sont de même valeur, mais non identiques. Un homme ne vaut pas moins qu'une femme; une femme ne vaut pas moins qu'un homme; leur "valeur" est égale (dans l'absolu), mais leur polarité n'est pas identique. De la rencontre entre les deux (croisement… génétique !) naîtra une troisième entité : leur enfant.
Donc, le signe "=" qui, traditionnellement, marque l'identité, doit plutôt être vu comme un signe d'engendrement, de "produit". En mathématique moderne, ne dit-on pas que le terme de droite d'une multiplication est le "produit" ? L'enfant est le produit de la rencontre créatrice entre les polarités différentes des unités que sont chacun de ses parents. De l'union du couple et de l'enfant apparaît une entité de niveau supérieur : la triade, la famille. La famille est une cellule, une entité sociale, de niveau supérieur à l'individu.
L'exemple de l'engendrement humain considéré ci-dessus n'est qu'un cas particulier d'une loi plus générale. On pourrait parler de l'appariement des électrons de spins opposés, ou évoquer les principes de Carnot (thermodynamique) pour observer que la mise en contact d'une source chaude et d'une source froide génère un flux d'énergie. L'observation de la Nature nous fournit maints exemples de ce principe fondamental : de l'interaction de deux entités équivalentes mais de polarités différentes naît une troisième qui, additionnée aux deux précédentes, engendre une cellule unitaire de niveau supérieur, capable d'interagir dans une dimension inaccessible aux deux entités d'origine si elles étaient restées isolées.
Le tout est plus grand que l'ensemble de ses parties.
. . "Père" x "Fils" . . . ↓ "Esprit" | . . . Pôle positif x Pôle négatif . . ↓ Electricité | . . Mercure x Soufre . . . ↓ Sel |
Montaléchel- Nombre de messages : 173
Date d'inscription : 25/07/2008
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
En effet !Ce n'est donc pas dans un sens mathématique moderne qu'il faut interpréter ce symbole multiplicatoire, mais plutôt dans le sens du croisement de deux entités polarisées susceptibles d'engendrer.
Merci Montaléchel, ce que tu dis me semble juste.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Bonjour,
"Ce 1+2 = 3, au lieu du 1x1 = 3 qui convient"; soit une formule ne relevant pas des arithmosophies retenues habituellement. A mi-chemin plutôt de l'ontologie, qui recourt souvent ainsi aux nombres, et de la ... pataphysique : en hommage au père Ubu dont la descendance est encore plus nombreuse que celle d'Abraham, nouveau peuple élu !
Tout à fait d'accord avec toi Logos sur l'inter-pénétration, ou fusion sans confusion. De même avec Montaléchel qui, à mes yeux, donne la partie émergée de la réponse.
Pour en rester au thème du tiers exclu ou inclus qui chapeaute ce fil, "logique de l'énergie", ce 1 x 1 x 1... à l'in-fini, illustre ce que le soufisme nomme l'Unicité de l'Etre, soit l'Un dans le multiple et inversement. Simultanément, même si "on" s'en rend compte graduellement. ET MULTIPLICANDO.....
Le taoisme, qui (en gros) aime remplacer cet Un par un zéro pointé, dira de même.
Son "style" est différent certes, du fait que faute d'Etant suprème (théisme) ils ont pu éviter les impasses de la méta-physique. Du dualisme sournois qu'elle sécrète dès qu'elle n'est plus le fait d'éveillés; bref, la lettre qui tue... et qui, une fois dieu-le-père "mort" (Nietsche), laissera place à Descartes and co. Le haut du podium étant alors occupé par la théorie, et le bas, la matière; ou les "ressources humaines"....(pour aller vite).
En revanche, parce que les taoistes ne dissocient pas immanence et transcendance, ils n'ont l'air de parler que de la première. Ce, dans un style forcément allègé du tragique et du lyrisme inhérant aux visions du monde plaçant la transcendance "ailleurs", hors de portée de notre "indignité"... Pas besoin ici de combler la distance, pour eux il n'y en a pas.
"Le péril immanent déjà au premier moment du paradoxe du monothéisme, c'est de faire de Dieu non pas l'Acte pur d'être, l'Un-être, mais un ens, un étant, fût-il infiniment au-dessus des autres étants". (H.Corbin).
Et vu que, malgrè les apparences, notre prêt à penser a conservé cette facheuse dichotomie, (en en laïcisant les pôles façon scientiste ou moraliste), il peut s'ensuivre qu'on prenne les taoistes pour des pré-matérialistes, voir des post-philosophes au sens moderne du mot... car leur vision du monde s'articule sur une "rationnalité" qui, si on en ote l'essentiel (le vide comme pivot), semble assimilable par la notre. François Julien, après d'autres, en a cependant bien montré la spécificité, basé sur la notion clef de processus, et sur l'absence de hiatus entre théorie et pratique.
Bref, malgrè tout, neutralisé, pasteurisé, homogèinisé... et rentabilisé comme "notre" bouddhisme. Et c'est cette version qui fera l'objet d'interminables colloques sur science et conscience; avec des Big-bang partout.
"Explosion initiale que personne ou presque ne conteste, et avec comme conséquence que tout s'écarte de tout. Mais, s'il y a un commencement, il y a une fin. Car, selon les cas envisageables, il peut y avoir un début et une fin, ou bien, dans un monde non-dualiste, ni début ni fin mais avec des phases d'apparences ou plutôt d'illusion, ou bien encore les deux en simultané; mais en aucun cas un monde avec début mais sans fin.
Si tout s'enfuit, où va ce tout ? Et d'où vient-il ? L'après serait-il aussi insondable que l'avant ? Ou bien se rejoignent-ils, et par quel bout ?
La notion d'espace-temps n'est crée qu'à partir de ce point critique, cette "singularité" diraient les mathématiciens. Mais "avant", c'est à dire hors du temps et de l'espace, où sont les lois de la physique ? N'arrive-t'on pas également au pont critique du raisonnement et de l'expérience ordinaire ? Là où on ne peut plus rien résoudre sans changer de logique ? Le problème que pose cet "avant" est celui de la relation entre le devenir et l'être, (sans même remonter jusqu'au non-être), entre une réalité de Toute-conscience et une réalité empirique.
La science moderne la plus avancée se trouve (à de fortes nuances prèts) devant le même constat que les penseurs samkhyens (Inde médiévale) à qui il manquait la lumière des Tantras : les rapports hypothétiques entre Conscience et Energie(s).
La science aura t'elle ses Tantras et ses yogins ? Il est permis d'en douter... elle y perdrait son statut".
(Jean Papin).
De ce trois, la tradition taoiste dit ceci : "Dans le cadre de la conception selon laquelle le Trois est l'emblème de la jonction des deux poles, il faut souligner que le Trois représente aussi l'Unité, qu'il s'agit moins de l'addition de l'Un et du Deux, que de leur conjonction et donc du reflet de l'Unité comme origine du Deux; le Trois est une nouvelle Unité qui est celle de l'Un comme Origine et de l'Un comme Tout".
(Isabelle Robinet)
Soit 1x1 = 3...... je reconnais que c'est d'une aveuglante évidence ...
Tout autant qu'un des axiomes de base de l'alchimie qui, (déclinant cette même évidence sur sa "table des matières") considère que sa Terre vierge, née de l'Esprit universel, c'est à dire avec la semence cosmique que véhicule le Mercure, va ensuite être fécondée par ce même Esprit pour le réengendrer en dernier lieu. Elle sera donc à la fois fille, épouse et mère du Mercure.
Ce parallélisme entre "l'utérus virginal du monde majeur" (la Terre vierge) et "l'utérus de la Bienheureuse Vierge" (qui est, à l'égard du Dieu unique, fille du Père, mère du Fils et épouse du Saint-Esprit) se trouve souligné dans d'innombrables texte de l'alchimie tardive. Planis-Cammpy, le Cosmopolite (: "notre sel est une terre, et cette terre est vierge"), Collesson, etc...
(J.F.Marquet).
Ternaire dont la "dynamique" se rapporte au mystère de l'Immaculée Conception, tel que je l'ai esquissé ici dans un autre fil; et sens profond du patronage de l'alchimie par Notre Dame. Mais c'est une autre histoire... qui inclut le thème de la double étoile, bien approché par Canseliet.
Au coeur de l'islam, on a également des échos de cet accord fondamental, sur lequel repose la sym-phonie du réel.
Hallâj, dans un vers célèbre : "Ma mère a enfanté son père, en voilà bien une merveille !"
Le soufisme en donne ce commentaire :
Au plan de la naissance éternelle, "ma mère" désigne "mon" existence éternelle latente dans l'Etre divin latente. "Mon" archétype ou ange individuel, si l'on préfère.
Or, cette individuation de mon individualité éternelle se produit par une épiphanie de l'Etre divin à soi-même, dans le secret de lui-même. Sous cet aspect, il en est le "père". Mais si on le considère tel qu'il est, lorsque cette épiphanie a produit dans son être cette individuation mienne, c'est à dire tel alors que son être en subit et reçoit les déterminations, en porte la "teinte", il est sous cet aspect l'enfant de mon individualité éternelle, c'est à dire ma mère, qui alors sous cet aspect est sa mère.
Paradoxe (ou pierre d'angle rejetée par les batisseurs...), clef de voute de toute initiation digne de ce nom, puisque ce mystère de la vie intra-divine se propose au philo-Sophe en tant que mode d'être qu'il doit exemplifier intérieurement pour faire que son existence concrète soit la voie de son Retour progressant vers son Origine.
(H.Corbin).
Mais je peux comprendre que le rapport entre cette "application" et l'objet premier de ce fil vous semble encore nébuleux...
Aussi, j'invite les insatiables à se coltiner la traduction commentée par Ch.Mopsik de "la lettre sur la sainteté" (éditions Verdier), d'une certaine manière plus en phase avec nos structures mentales, dans l'espoir d'approcher de plus près le sens de cette cruciale galipette. Il y est question de l'érotique fondamentale activant la kabale juive; et mes yeux asins la voient comme identique à la dynamique mettant en branle le théatre chymique...
"Ultime recours ou rempart", comme dirait Nicolescu, mais contre... la bétise et sa vanité oublieuses du fait que ce Trois est, au fond, "reflet" d'une unité ontologiquement antérieure. A la niche, les trans-poètes... et les souffleurs, pouett-pouett !
Microcosmiquement, dans cette approche du réel, la "structure" de chaque être se présente comme un unus ambo , sa totalité étant constituée par son être en sa dimension divine créatrice et par son être en sa dimension créaturelle, sans que puissent se perdre ni le un qui est deux, ni le deux qui est un, car ils n'existent qu'en formant le tout de leur codépendance essentielle. Ce n'est pas une "dialectique"; c'est le fondement de l'unio mystica comme union sym-pathique".
(H.Corbin)
Cette coincidence des opposés est, d'une manière ou d'une autre "située" dans la dimension médiane, imaginale. Schamaïm de la kabbale.... Généralement, la transcendance en donne le "ton"; et on peut la figurer, ainsi que Corbin le fait, par les Nôces (indéfiniment "suspendues", imminentes...) entre deux foyers d'une ellipse, dans l'espace vacant, au mi-lieu. La distance ne sépare plus, elle rapproche car chauffée à blanc, ALBEDO. Comme le filament dans une ampoule électrique ; ligne verte des kabbalistes, chère à Khunrath...
A un niveau qu'on pourrait qualifier de "supérieur", du fait de la qualité de ceux qui l'atteignent par exemple, ou plus profondément parce qu'il est ontologiquement "antérieur", (Essence, Déité, Vide, Aïn Sof) le re-bis y conjugue Nature (celle-çi, à présent, incluant très discrètement sa dimension subtile, partenaire du rebis précédent) et Vide.
Cette résorption de la dimension subtile, espace où s'ébattent les ésotérismes d'ici et d'ailleurs, ne laisse du flacon (vide, dorénavant inutile voir encombrant) qu'un parfum, "poétique". Porté au rouge...
Montaigu le dit bien : "Maintenant, l'Intérieur est partout lisible, quoique subtilement dérobé par les rythmes et couleurs de l'ordre poètique". Ou Rûmi : "Les formes prendront leur envol quand l'oiseau du sens s'envolera".
Pour prolonger la représentation précédente, en ellipse, on peut dire qu'au milieu, le vacant où a lieu l'unio mystica,cachait en réalité le coeur de l'ensemble. La distance abolie, car "amoureusement" vécue... se révèle être le centre, dissimulé sous les nuées recouvrant le sanctuaire, à la fois origine et totalité de ce tout. 1 x 1 = 3.........
Cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle-part; et inversement .
Les deux foyers visibles de l'ellipse précédente en étant des réfractions, dans l'espace médian; Eaux d'en Haut pour l'une, d'En Bas pour l'autre. Cette réalisation a pour condition la mort à "soi-même". Ardente, totale, désigné par le Khî, l' X, vrai creuset... dont l'efficience aura pour premier effet de... vider la baignoire !
Le "ton" utilisé pour exprimer la sapience induite par cette ultime réalisation sera, paradoxalement, celui de l'immanence. Sans doute du fait que le "créé", condensé en ce-qui-est-là, immédiatement perceptible, "concret", se propose comme expression directe de l'Essence. Même si dans les traditions dites monothéistes la "teinture" transcendentale (caractérisée par la dialectique Majesté-Miséricorde) s'y trouve toujours, peu ou prou, sousjacente dans les énoncés témoignant du Réel. A chacun sa modestie et ses émerveillements ! Il est vrai que participer à ce divin banquet, ne change rien à nos apparences... qui demeurent minuscules et éphémères. Chouette !
De l'adepte taoiste il est dit : "Orienté vers l'intérieur, constamment sans désir, il contemple la Merveille; orienté vers l'extérieur, constamment dans le désir, il contemple les abords".
"Même si elles ont des noms différents, ces deux types de contemplations ont une même source; tous deux sont qualifiées d'obscur, de mystérieux, terme qui les propulse dans une obscurité ou mystère qui annule leur opposition initiale.
On ne peut pas opposer l'être au non-être, le Tao différencié au Tao indifférencié puisque l'on ne contemple pas le vide par le vide, mais le secret de la création dans le vide, de même, on ne contemple pas l'existence par l'existence, mais la Merveille du principe du vide dans l'existence".
(M.Esposito).
En ce sens (ou non-sens donateur de tous sens), pas de "création", mais perpétuel jaillissement-résorption; simultanées.
Le passage du Un (ou zéro) au Trois, cette actualisation ayant lieu dans l'instant, elle échappe à toute temporalité. Que l'homme en prenne conscience, dans un devenir Soi, un retournement apparemment inscrit dans une progresssion (Opus), ne change rien à cette coincidence fondamentale et "impensable" entre simultané et successif.
"Tout être dépouillé est une Parole, car il est issu du monde de l'Ordre (al-amr) : Sois !"
Impératif, énoncé in-divinis, c'est à dire au Présent, dirait Hallâj... et non par un "trans-poète", ou un de ses homologues, du haut de sa chaire, enseignant ce qu'il ignore à des gogos qui; dans le fond, n'en ont rien à f...
Néguentropie progressiste ! Malraux avait raison, le XXI ème siècle est bien "spirituel".
Plus gravement, c'est à ce niveau qu'il convient de méditer sur l'assimilation par des alchimistes comme Alleau, entre le fameux Sel et le Nom, ou Son, ou Parole perdue et retrouvée...
C'est à dessein que, dans son article "éléments" (pour l'encyclopedia universalis), il qualifiera l'alchimie de "reconquète de la poïesis absolue, de retour à la pure spontanéité du "faire être", de l'ibda ismaélienne, notion aussi éloignée des doctrines de l'"Emanation" que de celle de la "Création", et qui renvoie aux inspirations imprévisibles d'une pensée détachée de toute déduction causale.
C'est au coeur même de ce "faire-être" que l'Univers, dans sa fonction essentielle, apparaît comme inséparable de la résurrection perpétuelle de l'Unique".
Ce "faire-être", est donum dei. Ce qui différencie l'alchimie véritable de toutes ses pâles ou obscures copies... Médecine universelle en ce sens qu'elle donne... le Don. "Concrètement", on a entrevu pourquoi...
Une "physique de l'état d'éveil", donc affranchie des haut et des bas inventant la distance "qui sépare", et pour laquelle la matière est de la lumière congelée que le chymiste réchauffe de son souffle, amoureusement. Pour oser un autre rêve au porche du silence.
"A l'encontre des belles de ce monde, dans les voiles je suis visible et sans voiles, cachée". (Jami). "L'innanimé exprime la loi". (Dogen).
Ou encore, toujours dans la meme veine aurifère mais plus pédagogique : "Veille à ne pas te détourner avec mépris du clinquant des formes et de tout le domaine de l'illusion et de l'irréel. Car dans le sommeil de l'illusion, l'apparition des ombres te guide vers ce qui t'est montré, à travers un rideau transparent"
(Ibn al Farid).
Reste à savoir qui montre quoi... Le Mi et le Ma, en miroir, de Schamaîm échangent souvent leur maillot...
Un détour par Proclus sera utile pour approcher dans quel sens il convient alors de parler d'énergie. Ou comment ce Don se donne.
"Dans sa vision, il y a le Dieu-Un et les Dieux multiples. Le premier est l'hénade des hénades. Le mot Un ne nomme pas ce qu'il est, mais est le symbole de l'absolument Inneffable. L'un n'est pas Un, il ne possède pas l'attribut Un. Il est essentiellement uni-fique, unifiant, constitutif de tous les êtres qui ne peuvent exister qu'en étant chaque fois un étant, c'est à dire unifiés, constitués en unités précisémment par l'Un unifique. C'est ce sens unifique de l'Un qui s'attache chez Proclus au mot hénade.
Cet Un est transcendant au sens où il essencifie les étants; Vie transcendant les vivants parce qu'elle les vivifie.
On dira que toutes les entités sont dans l'Un hénadique comme l'arbre dans le noyau.
Mais, les actes ontologiques multiples, unifiant les étants, sont toujours l'unique Acte-être de l'Un, et doivent être représentés par 1x1x1..."
Trois fois rien ?
Cordialement
aliboron.
"Ce 1+2 = 3, au lieu du 1x1 = 3 qui convient"; soit une formule ne relevant pas des arithmosophies retenues habituellement. A mi-chemin plutôt de l'ontologie, qui recourt souvent ainsi aux nombres, et de la ... pataphysique : en hommage au père Ubu dont la descendance est encore plus nombreuse que celle d'Abraham, nouveau peuple élu !
Tout à fait d'accord avec toi Logos sur l'inter-pénétration, ou fusion sans confusion. De même avec Montaléchel qui, à mes yeux, donne la partie émergée de la réponse.
Pour en rester au thème du tiers exclu ou inclus qui chapeaute ce fil, "logique de l'énergie", ce 1 x 1 x 1... à l'in-fini, illustre ce que le soufisme nomme l'Unicité de l'Etre, soit l'Un dans le multiple et inversement. Simultanément, même si "on" s'en rend compte graduellement. ET MULTIPLICANDO.....
Le taoisme, qui (en gros) aime remplacer cet Un par un zéro pointé, dira de même.
Son "style" est différent certes, du fait que faute d'Etant suprème (théisme) ils ont pu éviter les impasses de la méta-physique. Du dualisme sournois qu'elle sécrète dès qu'elle n'est plus le fait d'éveillés; bref, la lettre qui tue... et qui, une fois dieu-le-père "mort" (Nietsche), laissera place à Descartes and co. Le haut du podium étant alors occupé par la théorie, et le bas, la matière; ou les "ressources humaines"....(pour aller vite).
En revanche, parce que les taoistes ne dissocient pas immanence et transcendance, ils n'ont l'air de parler que de la première. Ce, dans un style forcément allègé du tragique et du lyrisme inhérant aux visions du monde plaçant la transcendance "ailleurs", hors de portée de notre "indignité"... Pas besoin ici de combler la distance, pour eux il n'y en a pas.
"Le péril immanent déjà au premier moment du paradoxe du monothéisme, c'est de faire de Dieu non pas l'Acte pur d'être, l'Un-être, mais un ens, un étant, fût-il infiniment au-dessus des autres étants". (H.Corbin).
Et vu que, malgrè les apparences, notre prêt à penser a conservé cette facheuse dichotomie, (en en laïcisant les pôles façon scientiste ou moraliste), il peut s'ensuivre qu'on prenne les taoistes pour des pré-matérialistes, voir des post-philosophes au sens moderne du mot... car leur vision du monde s'articule sur une "rationnalité" qui, si on en ote l'essentiel (le vide comme pivot), semble assimilable par la notre. François Julien, après d'autres, en a cependant bien montré la spécificité, basé sur la notion clef de processus, et sur l'absence de hiatus entre théorie et pratique.
Bref, malgrè tout, neutralisé, pasteurisé, homogèinisé... et rentabilisé comme "notre" bouddhisme. Et c'est cette version qui fera l'objet d'interminables colloques sur science et conscience; avec des Big-bang partout.
"Explosion initiale que personne ou presque ne conteste, et avec comme conséquence que tout s'écarte de tout. Mais, s'il y a un commencement, il y a une fin. Car, selon les cas envisageables, il peut y avoir un début et une fin, ou bien, dans un monde non-dualiste, ni début ni fin mais avec des phases d'apparences ou plutôt d'illusion, ou bien encore les deux en simultané; mais en aucun cas un monde avec début mais sans fin.
Si tout s'enfuit, où va ce tout ? Et d'où vient-il ? L'après serait-il aussi insondable que l'avant ? Ou bien se rejoignent-ils, et par quel bout ?
La notion d'espace-temps n'est crée qu'à partir de ce point critique, cette "singularité" diraient les mathématiciens. Mais "avant", c'est à dire hors du temps et de l'espace, où sont les lois de la physique ? N'arrive-t'on pas également au pont critique du raisonnement et de l'expérience ordinaire ? Là où on ne peut plus rien résoudre sans changer de logique ? Le problème que pose cet "avant" est celui de la relation entre le devenir et l'être, (sans même remonter jusqu'au non-être), entre une réalité de Toute-conscience et une réalité empirique.
La science moderne la plus avancée se trouve (à de fortes nuances prèts) devant le même constat que les penseurs samkhyens (Inde médiévale) à qui il manquait la lumière des Tantras : les rapports hypothétiques entre Conscience et Energie(s).
La science aura t'elle ses Tantras et ses yogins ? Il est permis d'en douter... elle y perdrait son statut".
(Jean Papin).
De ce trois, la tradition taoiste dit ceci : "Dans le cadre de la conception selon laquelle le Trois est l'emblème de la jonction des deux poles, il faut souligner que le Trois représente aussi l'Unité, qu'il s'agit moins de l'addition de l'Un et du Deux, que de leur conjonction et donc du reflet de l'Unité comme origine du Deux; le Trois est une nouvelle Unité qui est celle de l'Un comme Origine et de l'Un comme Tout".
(Isabelle Robinet)
Soit 1x1 = 3...... je reconnais que c'est d'une aveuglante évidence ...
Tout autant qu'un des axiomes de base de l'alchimie qui, (déclinant cette même évidence sur sa "table des matières") considère que sa Terre vierge, née de l'Esprit universel, c'est à dire avec la semence cosmique que véhicule le Mercure, va ensuite être fécondée par ce même Esprit pour le réengendrer en dernier lieu. Elle sera donc à la fois fille, épouse et mère du Mercure.
Ce parallélisme entre "l'utérus virginal du monde majeur" (la Terre vierge) et "l'utérus de la Bienheureuse Vierge" (qui est, à l'égard du Dieu unique, fille du Père, mère du Fils et épouse du Saint-Esprit) se trouve souligné dans d'innombrables texte de l'alchimie tardive. Planis-Cammpy, le Cosmopolite (: "notre sel est une terre, et cette terre est vierge"), Collesson, etc...
(J.F.Marquet).
Ternaire dont la "dynamique" se rapporte au mystère de l'Immaculée Conception, tel que je l'ai esquissé ici dans un autre fil; et sens profond du patronage de l'alchimie par Notre Dame. Mais c'est une autre histoire... qui inclut le thème de la double étoile, bien approché par Canseliet.
Au coeur de l'islam, on a également des échos de cet accord fondamental, sur lequel repose la sym-phonie du réel.
Hallâj, dans un vers célèbre : "Ma mère a enfanté son père, en voilà bien une merveille !"
Le soufisme en donne ce commentaire :
Au plan de la naissance éternelle, "ma mère" désigne "mon" existence éternelle latente dans l'Etre divin latente. "Mon" archétype ou ange individuel, si l'on préfère.
Or, cette individuation de mon individualité éternelle se produit par une épiphanie de l'Etre divin à soi-même, dans le secret de lui-même. Sous cet aspect, il en est le "père". Mais si on le considère tel qu'il est, lorsque cette épiphanie a produit dans son être cette individuation mienne, c'est à dire tel alors que son être en subit et reçoit les déterminations, en porte la "teinte", il est sous cet aspect l'enfant de mon individualité éternelle, c'est à dire ma mère, qui alors sous cet aspect est sa mère.
Paradoxe (ou pierre d'angle rejetée par les batisseurs...), clef de voute de toute initiation digne de ce nom, puisque ce mystère de la vie intra-divine se propose au philo-Sophe en tant que mode d'être qu'il doit exemplifier intérieurement pour faire que son existence concrète soit la voie de son Retour progressant vers son Origine.
(H.Corbin).
Mais je peux comprendre que le rapport entre cette "application" et l'objet premier de ce fil vous semble encore nébuleux...
Aussi, j'invite les insatiables à se coltiner la traduction commentée par Ch.Mopsik de "la lettre sur la sainteté" (éditions Verdier), d'une certaine manière plus en phase avec nos structures mentales, dans l'espoir d'approcher de plus près le sens de cette cruciale galipette. Il y est question de l'érotique fondamentale activant la kabale juive; et mes yeux asins la voient comme identique à la dynamique mettant en branle le théatre chymique...
"Ultime recours ou rempart", comme dirait Nicolescu, mais contre... la bétise et sa vanité oublieuses du fait que ce Trois est, au fond, "reflet" d'une unité ontologiquement antérieure. A la niche, les trans-poètes... et les souffleurs, pouett-pouett !
Microcosmiquement, dans cette approche du réel, la "structure" de chaque être se présente comme un unus ambo , sa totalité étant constituée par son être en sa dimension divine créatrice et par son être en sa dimension créaturelle, sans que puissent se perdre ni le un qui est deux, ni le deux qui est un, car ils n'existent qu'en formant le tout de leur codépendance essentielle. Ce n'est pas une "dialectique"; c'est le fondement de l'unio mystica comme union sym-pathique".
(H.Corbin)
Cette coincidence des opposés est, d'une manière ou d'une autre "située" dans la dimension médiane, imaginale. Schamaïm de la kabbale.... Généralement, la transcendance en donne le "ton"; et on peut la figurer, ainsi que Corbin le fait, par les Nôces (indéfiniment "suspendues", imminentes...) entre deux foyers d'une ellipse, dans l'espace vacant, au mi-lieu. La distance ne sépare plus, elle rapproche car chauffée à blanc, ALBEDO. Comme le filament dans une ampoule électrique ; ligne verte des kabbalistes, chère à Khunrath...
A un niveau qu'on pourrait qualifier de "supérieur", du fait de la qualité de ceux qui l'atteignent par exemple, ou plus profondément parce qu'il est ontologiquement "antérieur", (Essence, Déité, Vide, Aïn Sof) le re-bis y conjugue Nature (celle-çi, à présent, incluant très discrètement sa dimension subtile, partenaire du rebis précédent) et Vide.
Cette résorption de la dimension subtile, espace où s'ébattent les ésotérismes d'ici et d'ailleurs, ne laisse du flacon (vide, dorénavant inutile voir encombrant) qu'un parfum, "poétique". Porté au rouge...
Montaigu le dit bien : "Maintenant, l'Intérieur est partout lisible, quoique subtilement dérobé par les rythmes et couleurs de l'ordre poètique". Ou Rûmi : "Les formes prendront leur envol quand l'oiseau du sens s'envolera".
Pour prolonger la représentation précédente, en ellipse, on peut dire qu'au milieu, le vacant où a lieu l'unio mystica,cachait en réalité le coeur de l'ensemble. La distance abolie, car "amoureusement" vécue... se révèle être le centre, dissimulé sous les nuées recouvrant le sanctuaire, à la fois origine et totalité de ce tout. 1 x 1 = 3.........
Cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle-part; et inversement .
Les deux foyers visibles de l'ellipse précédente en étant des réfractions, dans l'espace médian; Eaux d'en Haut pour l'une, d'En Bas pour l'autre. Cette réalisation a pour condition la mort à "soi-même". Ardente, totale, désigné par le Khî, l' X, vrai creuset... dont l'efficience aura pour premier effet de... vider la baignoire !
Le "ton" utilisé pour exprimer la sapience induite par cette ultime réalisation sera, paradoxalement, celui de l'immanence. Sans doute du fait que le "créé", condensé en ce-qui-est-là, immédiatement perceptible, "concret", se propose comme expression directe de l'Essence. Même si dans les traditions dites monothéistes la "teinture" transcendentale (caractérisée par la dialectique Majesté-Miséricorde) s'y trouve toujours, peu ou prou, sousjacente dans les énoncés témoignant du Réel. A chacun sa modestie et ses émerveillements ! Il est vrai que participer à ce divin banquet, ne change rien à nos apparences... qui demeurent minuscules et éphémères. Chouette !
De l'adepte taoiste il est dit : "Orienté vers l'intérieur, constamment sans désir, il contemple la Merveille; orienté vers l'extérieur, constamment dans le désir, il contemple les abords".
"Même si elles ont des noms différents, ces deux types de contemplations ont une même source; tous deux sont qualifiées d'obscur, de mystérieux, terme qui les propulse dans une obscurité ou mystère qui annule leur opposition initiale.
On ne peut pas opposer l'être au non-être, le Tao différencié au Tao indifférencié puisque l'on ne contemple pas le vide par le vide, mais le secret de la création dans le vide, de même, on ne contemple pas l'existence par l'existence, mais la Merveille du principe du vide dans l'existence".
(M.Esposito).
En ce sens (ou non-sens donateur de tous sens), pas de "création", mais perpétuel jaillissement-résorption; simultanées.
Le passage du Un (ou zéro) au Trois, cette actualisation ayant lieu dans l'instant, elle échappe à toute temporalité. Que l'homme en prenne conscience, dans un devenir Soi, un retournement apparemment inscrit dans une progresssion (Opus), ne change rien à cette coincidence fondamentale et "impensable" entre simultané et successif.
"Tout être dépouillé est une Parole, car il est issu du monde de l'Ordre (al-amr) : Sois !"
Impératif, énoncé in-divinis, c'est à dire au Présent, dirait Hallâj... et non par un "trans-poète", ou un de ses homologues, du haut de sa chaire, enseignant ce qu'il ignore à des gogos qui; dans le fond, n'en ont rien à f...
Néguentropie progressiste ! Malraux avait raison, le XXI ème siècle est bien "spirituel".
Plus gravement, c'est à ce niveau qu'il convient de méditer sur l'assimilation par des alchimistes comme Alleau, entre le fameux Sel et le Nom, ou Son, ou Parole perdue et retrouvée...
C'est à dessein que, dans son article "éléments" (pour l'encyclopedia universalis), il qualifiera l'alchimie de "reconquète de la poïesis absolue, de retour à la pure spontanéité du "faire être", de l'ibda ismaélienne, notion aussi éloignée des doctrines de l'"Emanation" que de celle de la "Création", et qui renvoie aux inspirations imprévisibles d'une pensée détachée de toute déduction causale.
C'est au coeur même de ce "faire-être" que l'Univers, dans sa fonction essentielle, apparaît comme inséparable de la résurrection perpétuelle de l'Unique".
Ce "faire-être", est donum dei. Ce qui différencie l'alchimie véritable de toutes ses pâles ou obscures copies... Médecine universelle en ce sens qu'elle donne... le Don. "Concrètement", on a entrevu pourquoi...
Une "physique de l'état d'éveil", donc affranchie des haut et des bas inventant la distance "qui sépare", et pour laquelle la matière est de la lumière congelée que le chymiste réchauffe de son souffle, amoureusement. Pour oser un autre rêve au porche du silence.
"A l'encontre des belles de ce monde, dans les voiles je suis visible et sans voiles, cachée". (Jami). "L'innanimé exprime la loi". (Dogen).
Ou encore, toujours dans la meme veine aurifère mais plus pédagogique : "Veille à ne pas te détourner avec mépris du clinquant des formes et de tout le domaine de l'illusion et de l'irréel. Car dans le sommeil de l'illusion, l'apparition des ombres te guide vers ce qui t'est montré, à travers un rideau transparent"
(Ibn al Farid).
Reste à savoir qui montre quoi... Le Mi et le Ma, en miroir, de Schamaîm échangent souvent leur maillot...
Un détour par Proclus sera utile pour approcher dans quel sens il convient alors de parler d'énergie. Ou comment ce Don se donne.
"Dans sa vision, il y a le Dieu-Un et les Dieux multiples. Le premier est l'hénade des hénades. Le mot Un ne nomme pas ce qu'il est, mais est le symbole de l'absolument Inneffable. L'un n'est pas Un, il ne possède pas l'attribut Un. Il est essentiellement uni-fique, unifiant, constitutif de tous les êtres qui ne peuvent exister qu'en étant chaque fois un étant, c'est à dire unifiés, constitués en unités précisémment par l'Un unifique. C'est ce sens unifique de l'Un qui s'attache chez Proclus au mot hénade.
Cet Un est transcendant au sens où il essencifie les étants; Vie transcendant les vivants parce qu'elle les vivifie.
On dira que toutes les entités sont dans l'Un hénadique comme l'arbre dans le noyau.
Mais, les actes ontologiques multiples, unifiant les étants, sont toujours l'unique Acte-être de l'Un, et doivent être représentés par 1x1x1..."
Trois fois rien ?
Cordialement
aliboron.
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Je me suis appliqué ce matin à rester attentif à cette maxime, et j'ai cherché dans l'environnement des applications possibles de ce principe fondamental. Et, de fait, il n'a pas fallu longtemps avant que je découvre ceci :Montaléchel a écrit:L'observation de la Nature nous fournit maints exemples de ce principe fondamental
Carrefour, toujours à la croisée des chemins
GR=0€
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
Questions en forme d'images...
Aliboron a écrit:Pour prolonger la représentation précédente, en ellipse, on peut dire qu'au milieu, le vacant où a lieu l'unio mystica,cachait en réalité le coeur de l'ensemble. La distance abolie, car "amoureusement" vécue... se révèle être le centre, dissimulé sous les nuées recouvrant le sanctuaire, à la fois origine et totalité de ce tout. 1 x 1 = 3.........
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
"et j'ai cherché dans l'environnement des applications possibles de ce principe fondamental"...
Cher Laposse, c'est curieux mais ta réponse, sur fond d'environnement-mien, m'a évoqué une nouvelle d'Henri Miller, " le sourire au pied de l'échelle"...
Au pied, non parce qu'il te resterait à en effectuer l' ascension, vu que tu m'as l'air d'en... descendre !
So strange...
(l'avantage de l'humour, par rapport aux ceintures de sécurité -vu que la terre tourne très vite - c'est que plus on est "détaché", plus on adhère au dossier).
Cher Laposse, c'est curieux mais ta réponse, sur fond d'environnement-mien, m'a évoqué une nouvelle d'Henri Miller, " le sourire au pied de l'échelle"...
Au pied, non parce qu'il te resterait à en effectuer l' ascension, vu que tu m'as l'air d'en... descendre !
So strange...
(l'avantage de l'humour, par rapport aux ceintures de sécurité -vu que la terre tourne très vite - c'est que plus on est "détaché", plus on adhère au dossier).
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: La logique de l'énergie - Lupasco
Eh oui, Aliboron. J'ai accepté d'endosser le rôle du bouffon, parce que Calcédoine estimait que pour que le forum soit efficace, il fallait travailler avec sérieux, mais sans se prendre au sérieux. Un peu d'autodérision pousse à la modestie et à l'autocritique. Quant à descendre de l'échelle, c'est volontaire : pour faire pendant à Montaléchel !
Pour former la chaîne, il faut des "passeurs"; des gens qui s'imposent de descendre pour témoigner et inviter les autres à monter. Je n'ai pas pareille prétention; je me contente de ponctuer les fils de plaisanteries, parfois "à la limite", pour m'amuser et amuser, en m'excusant si parfois la plaisanterie est grosse et casse le rythme du fil.
J'invite alors les participants à m'ignorer, et à poursuivre comme si je n'étais point intervenu.
Pour former la chaîne, il faut des "passeurs"; des gens qui s'imposent de descendre pour témoigner et inviter les autres à monter. Je n'ai pas pareille prétention; je me contente de ponctuer les fils de plaisanteries, parfois "à la limite", pour m'amuser et amuser, en m'excusant si parfois la plaisanterie est grosse et casse le rythme du fil.
J'invite alors les participants à m'ignorer, et à poursuivre comme si je n'étais point intervenu.
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
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