René Daumal
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René Daumal
FEUX À VOLONTÉ
L'être humain est une superposition de cercles vicieux. Le grand secret, c'est qu'ils tournent bien d'eux-mêmes. Mais les centres de ces cercles sont eux-mêmes sur un cercle ; l'homme sort du dernier pour rentrer dans le premier. Cette révolution n'échappe pas aux yeux des sages ; eux seuls échappent au tourbillon, et en le quittant le contemplent — Harmonie des sphères, cosmique des cœurs, astres-dieux de la pensée, brûlants systèmes forgés de chair en chair, car toute souffrance est l'abandon d'une chair, qu'elle soit rouge de sang, orangée de rêve ou jaune de méditation ; les astrolabes perce-cœur chauffés à blanc, loin des pièges à bascule, sous les escaliers du démon, et l'air vif du large qui déjà s'épaissit en boue. La trajectoire réelle de l'acier céleste à travers la gorge pendant que les hommes d'en bas s'exercent à éternuer — car on voit tout de là-haut, et tout est vrai de plus de mille façons, mais toutes ces façons de comprendre ne valent que réunies, bloc-un-tout, dieu blanc-noir, zèbre céleste et plus rapide... oh ! dites-moi, les sauvages n'ont-ils jamais élevé dans la forêt vierge la monstrueuse statue du Zèbre-dieu ? Dieu de toutes les contradictions résolues entre quatre lèvres : et ce n’est même plus la peine, l’élan est donné et le monde croule, et la lumière n’a pas besoin de prismes pour se disperser, et tout le réel changeant immuable — chocs des mots, folie inévitable des discours humains, choc-colère cahotant ses cris, ses faux espoirs — escroquerie de Prométhée, qu’il est beau, qu’il est beau ! Prométhée, victoire pantelante soumise aux langues de feu, avec la couronne tourbillonnante des soleils, les petits alliés des hommes… MAIS LES GRANDS ANTI-SOLEILS NOIRS, PUITS DE VÉRITÉ DANS LA TRAME ESSENTIELLE, DANS LE VOILE GRIS DU CIEL COURBE VONT ET VIENNENT ET S’ASPIRENT L’UN L’AUTRE, ET LES HOMMES LES NOMMENT ABSENCES. Qui leur apprendra ce qu’est l’être, et qu’ils ne font que penser le non-être à leur mesure? Soumis aux langues de feu, tournez votre visage vers les flammes, vers le baiser divin qui vous arrachera les dents d’un seul coup.
1928
(ext. Le Contre-Ciel)
(ext. Le Contre-Ciel)
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: René Daumal
Beau texte, merci Chèvre !
Je ne connaissais que le "Mont analogue" de cet auteur, que je recommande, et le livre et l'auteur !
Amicalement,
Charly
Je ne connaissais que le "Mont analogue" de cet auteur, que je recommande, et le livre et l'auteur !
Amicalement,
Charly
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
Re: René Daumal
content que ça te plaise, Charly !
Je poste ci-dessous un autre extrait du Contre-Ciel qui t'intéressera, j'en suis sûr
Savais-tu que Daumal a commencé d'apprendre le sanskrit dès l'âge de 18 ans ? Qu'il a travaillé, de 1934 jusqu'à sa mort en 1944, à un "Traité de grammaire et de poétique Sanskrite" ? A propos d'Hindouisme, il prisait beaucoup Guénon, notant simplement qu'il n'entendait rien aux philosophes occidentaux, mais sans le lui reprocher ... louant plutôt son intégrité.
Extrait de Wikipedia :
Le texte ci-après a bien sûr des "traces" indiennes... entre autres.
Je poste ci-dessous un autre extrait du Contre-Ciel qui t'intéressera, j'en suis sûr
Savais-tu que Daumal a commencé d'apprendre le sanskrit dès l'âge de 18 ans ? Qu'il a travaillé, de 1934 jusqu'à sa mort en 1944, à un "Traité de grammaire et de poétique Sanskrite" ? A propos d'Hindouisme, il prisait beaucoup Guénon, notant simplement qu'il n'entendait rien aux philosophes occidentaux, mais sans le lui reprocher ... louant plutôt son intégrité.
Extrait de Wikipedia :
Daumal loue en Guénon celui qui « ne trahit jamais la pensée hindoue au profit de besoins particuliers de la philosophie occidentale » :
«
S'il parle du Véda, il pense le Véda, il est le Véda.
»
Cette justice rendue à la « pensée hindoue » a toutefois selon Daumal comme corolaire l'incompréhension de la philosophie occidentale :
«
Ce qu'il y a de plus profond dans des penseurs d'Europe comme Spinoza, Hegel ou les post-kantiens allemands, lui échappe tout à fait.
»
Le texte ci-après a bien sûr des "traces" indiennes... entre autres.
Dernière édition par Chèvre le Mar 22 Déc 2009, 14:46, édité 3 fois (Raison : défaillante)
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Clavicules d'un Grand Jeu poétique
CLAVICULES
D’UN GRAND JEU POÉTIQUE
D’UN GRAND JEU POÉTIQUE
1
Il faut qu’un vienne et dise : Voici, ainsi sont ces choses.
Pourvu que ceci soit montré, qu’importe celui qui peut dire :
J’ai fait la lumière.
Et la lumière, aussi bien, n’est à personne.
S’il y a quelque chose de vrai dans ces Clavicules, je
n’oserai pas plus le signer de mon nom que la proposition :
315.789.601 + 2.210.333 = 317.999.934
que je suis pourtant, très probablement, le premier à
avoir formulée explicitement.
Quand le mot « je » intervient dans le poème ci-dessus,
c’est comme énonçant un être métaphysique, ou plutôt
un moment dialectique, et non pas ma personnalité.
n’oserai pas plus le signer de mon nom que la proposition :
315.789.601 + 2.210.333 = 317.999.934
que je suis pourtant, très probablement, le premier à
avoir formulée explicitement.
Quand le mot « je » intervient dans le poème ci-dessus,
c’est comme énonçant un être métaphysique, ou plutôt
un moment dialectique, et non pas ma personnalité.
2
NON est mon nom
NON NON le nom
NON NON le NON.
L’esprit individuel atteint l’absolu de soi-même par négations successives ;
je suis ce qui pense, non ce qui est pensé ; le sujet pur ne se conçoit que
comme limite d’une négation perpétuelle.
L’idée même de négation est pensée ; elle n’est pas « je ». Une négation
qui se nie s’affirme elle-même du même coup ; négation n’est pas simple
privation, mais ACTE positif.
Cette négation, c’est la « théologie négative » dans son
application pratique à l’ascèse individuelle.
je suis ce qui pense, non ce qui est pensé ; le sujet pur ne se conçoit que
comme limite d’une négation perpétuelle.
L’idée même de négation est pensée ; elle n’est pas « je ». Une négation
qui se nie s’affirme elle-même du même coup ; négation n’est pas simple
privation, mais ACTE positif.
Cette négation, c’est la « théologie négative » dans son
application pratique à l’ascèse individuelle.
3
Recule encore derrière toi-même et ris :
Le NON est prononcé sur ton rire.
Le Rire est prononcé sur ton NON.
Renie ton Nom, ris de ton NON.
Je pourrais te répéter cela tout le jour pendant des années,
il est très probable que, même et surtout si tu me dis comprendre, tu ne feras pas
l'expérience. Profite donc tout de suite de l'occasion, à l'instant même où tu me lis
— mais oui, c'est à toi qui me lis à cet instant précis que je m'adresse,
à toi tout particulièrement, demande-toi sérieusement :
« Que suis-je? », tu apprendras à rire ou à pleurer de tout ce que tu croyais
être toi-même (ton aspect physique, ta cœnesthésie, ton humeur, ton caractère,
ton métier, ta position sociale, tes penchants, tes affections, tes opinions,
tes vertus, ton talent, ton génie...). L'ironie, je veux dire le refus, est l'arme
qui brise toutes ces coques. Fais alterner le doute méthodique
avec le sarcasme méthodique: ainsi tu éviteras peut-être
la momification intellectuelle.
Si mon désespoir pouvait te toucher, je persisterais encore, jouant sur ce sentiment,
dans cet effort désabusé pour t'engager à quelques secondes
de réflexion véritable.
il est très probable que, même et surtout si tu me dis comprendre, tu ne feras pas
l'expérience. Profite donc tout de suite de l'occasion, à l'instant même où tu me lis
— mais oui, c'est à toi qui me lis à cet instant précis que je m'adresse,
à toi tout particulièrement, demande-toi sérieusement :
« Que suis-je? », tu apprendras à rire ou à pleurer de tout ce que tu croyais
être toi-même (ton aspect physique, ta cœnesthésie, ton humeur, ton caractère,
ton métier, ta position sociale, tes penchants, tes affections, tes opinions,
tes vertus, ton talent, ton génie...). L'ironie, je veux dire le refus, est l'arme
qui brise toutes ces coques. Fais alterner le doute méthodique
avec le sarcasme méthodique: ainsi tu éviteras peut-être
la momification intellectuelle.
Si mon désespoir pouvait te toucher, je persisterais encore, jouant sur ce sentiment,
dans cet effort désabusé pour t'engager à quelques secondes
de réflexion véritable.
4
Et de là contemple :
Une Mer bouillonnante devant toi ;
le mot OUI brille innombrable, reflété par chaque bulle.
Mâle le NON, il regarde la femelle.
Le même acte négateur qui fait le sujet conscient fait l’objet perçu.
S’éveiller, c’est se mettre à penser quelque chose extérieur à soi-même ;
celui qui s’identifie à son corps, ou à qui que ce soit,
tombe dans le sommeil.
La négation est un acte simple, immédiat et procréateur, autant vaut dire mâle.
Ce qui est nié, pris en général et a priori, peut être considéré comme le principe commun
à toutes les productions de l’acte négateur, comme la matrice de toutes les apparences,
donc comme femelle.
L’acte de nier, privé, par définition, de toute détermination positive, est identique à soi
dans son mouvement perpétuel ; l’objet nié surgit sans cesse, multiple et divers,
comme ce qui n’est pas moi, ce qui n’est pas fait de ma réalité substantielle,
comme, selon la Kabbale, un vide, une bulle dans la substance absolue.
S’éveiller, c’est se mettre à penser quelque chose extérieur à soi-même ;
celui qui s’identifie à son corps, ou à qui que ce soit,
tombe dans le sommeil.
La négation est un acte simple, immédiat et procréateur, autant vaut dire mâle.
Ce qui est nié, pris en général et a priori, peut être considéré comme le principe commun
à toutes les productions de l’acte négateur, comme la matrice de toutes les apparences,
donc comme femelle.
L’acte de nier, privé, par définition, de toute détermination positive, est identique à soi
dans son mouvement perpétuel ; l’objet nié surgit sans cesse, multiple et divers,
comme ce qui n’est pas moi, ce qui n’est pas fait de ma réalité substantielle,
comme, selon la Kabbale, un vide, une bulle dans la substance absolue.
1930.................
René Daumal
Le Contre-Ciel © Gallimard, 1970, pp. 25-27
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
René Daumal... et "moi" !
Je ne connaissais pas René Daumal, mais je constate la profonde pertinence de ce qu'il dit, parce que c'est par le biais d'un processus similaire que j'ai un jour perçu ce qu'est l'être fondamental dont "je" ne suis que l'expression momentanément concrétisée. Ce n'est pas sans rapport avec ce que d'aucuns appellent "la quête de Soi".2 …L’esprit individuel atteint l’absolu de soi-même par négations successives ;
je suis ce qui pense, non ce qui est pensé ; le sujet pur ne se conçoit que
comme limite d’une négation perpétuelle.
Ce jour-là, donc, j'étais parti dans une sorte de réflexion, d'introspection, et tentais pour moi-même de déterminer ce qu'était "je". J'avais bien sûr éliminé toutes mes possessions matérielles : ma maison, ce n'est pas moi. Mon pécule non plus, évidemment, ni mes meubles, ni ma collection de livres, mes vêtements, etc. Ça, c'était évident; ce sont des objets matériels extérieurs à "moi". J'avais aussi éliminé tous les "mon/ma/mes" qui ne m'appartiennent pas : "mes" parents, ce n'est pas moi; ni "mes" amis, ni "mes" amours. Puis éliminé tout ce qui était communément admis comme étiquettes d'identité : mon nom, ma nationalité, ma langue maternelle, ma culture, ma religion, mon métier, mon âge, ma santé… Tout ça, ça permet aux autres comme à soi-même de se se situer, mais ce n'est pas "soi". Ce sont comme des étiquettes pour s'y retrouver, pour classer, pour comprendre, pour établir des relations. Tout ça, c'est relatif à "l'avoir", pas à "l'être". Ce sont certes des caractéristiques identitaires, mais qui masquent l'essence de ce que je suis vraiment. Dépouillons-nous donc de tous ces oripeaux, et, comme Daumal, observons et constatons que NON, tout ça c'est de l'avoir, ce n'est pas moi.
Mon corps, est-ce moi ? Mmmmm… pas vraiment, car on peut en couper des morceaux (appendice, amygdales, ongles, cheveux…) sans cesser d'être soi-même. Des gens privés d'organes ou de sens (aveugles, sourds, paralysés…) ne se sentent pas moins "eux-mêmes" qu'un autre. On peut aussi changer des morceaux de corps déficients en les remplaçant par d'autres (cœur, reins, peau, sang…) et même des prothèses mécaniques; se sent-on moins soi pour autant ?
Plus difficile : mes pensées. Mes pensées font-elles le "moi" ? A bien y… penser, je reconnais que beaucoup de pensées sont puisées chez d'autres, ou inculquées par enseignement. Il peut survenir une idée originale, mais elle sera une "production" de mon intellect. "Mon" intellect, c'est encore de l'avoir, pas de l'être. Idem pour "mes" sentiments, "mon" vécu. Tout ce que je m'approprie par des "mon/ma/mes" est nécessairement extérieur à moi…
En continuant ainsi l'exercice, en le poussant à son paroxysme, on découvre…
Ah ben je ne vais pas vous le dire ! Je vous laisse découvrir la surprise par vous-mêmes !
Disons seulement que là, on est dans le cadre d'un changement de paradigme, et qu'il y a quelque chose qui ressemble à un cheminement initiatique.
Calcédoine- Admin
- Nombre de messages : 325
Date d'inscription : 02/04/2008
Re: René Daumal
Bonjour
Belle expérience Calcédoine
Tu écris : " Ce sont comme des étiquettes pour s'y retrouver, pour classer, pour comprendre, pour établir des relations. Tout ça, c'est relatif à "l'avoir", pas à "l'être". Ce sont certes des caractéristiques identitaires, mais qui masquent l'essence de ce que je suis vraiment.
En effet, mais par ces temps douteux, permets-moi de remplacer "caractéristiques identitaires" par caractéristiques d'appartenance !
" il y a quelque chose qui ressemble à un cheminement initiatique " conclus-tu. Qui y ressemble, mais du point de vue de la théologie négative ou de l'advaïta vedanta, on ne peut le qualifier que de non-voie, car "la rose est sans pourquoi" (Silesius) et "une personne assise sur une chaise peut-elle se mettre en chemin pour se trouver ? " C'est une image de Bernard et citant Ramana Maharshi : "Si l'on observe d'où surgit la notion de "je", le mental est absorbé en cela." J'écris, mais JE n'écris pas. A la question qui écrit ? Si la réponse est "moi", elle induit l'autre question : Qui suis-je ? Et effectivement, le temps de la question, le mental est absorbé en Cela. Il suffit d'en prendre conscience.
Bon non-voyage à tous !
Cordialement,
Charly
Belle expérience Calcédoine
Tu écris : " Ce sont comme des étiquettes pour s'y retrouver, pour classer, pour comprendre, pour établir des relations. Tout ça, c'est relatif à "l'avoir", pas à "l'être". Ce sont certes des caractéristiques identitaires, mais qui masquent l'essence de ce que je suis vraiment.
En effet, mais par ces temps douteux, permets-moi de remplacer "caractéristiques identitaires" par caractéristiques d'appartenance !
" il y a quelque chose qui ressemble à un cheminement initiatique " conclus-tu. Qui y ressemble, mais du point de vue de la théologie négative ou de l'advaïta vedanta, on ne peut le qualifier que de non-voie, car "la rose est sans pourquoi" (Silesius) et "une personne assise sur une chaise peut-elle se mettre en chemin pour se trouver ? " C'est une image de Bernard et citant Ramana Maharshi : "Si l'on observe d'où surgit la notion de "je", le mental est absorbé en cela." J'écris, mais JE n'écris pas. A la question qui écrit ? Si la réponse est "moi", elle induit l'autre question : Qui suis-je ? Et effectivement, le temps de la question, le mental est absorbé en Cela. Il suffit d'en prendre conscience.
Bon non-voyage à tous !
Cordialement,
Charly
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
Re: René Daumal
Je tâche de scanner un extrait d'entretien à propos de Daumal et de sa longue relation avec des élèves de Gurdieff... A suivre...
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: René Daumal
"Comme j'ai parlé de folie avant d'avoir tenté de regarder l'infini par le trou de la serrure. Comme j'ai parlé de mort, avant d'avoir senti ma langue prendre le goût de sel de l'irréparable. Comme certains parlent de pureté, qui se sont toujours considérés comme supérieurs au porc domestique. Comme certains parlent de liberté, qui adorent et repeignent leurs chaînes (...) Ou de sacrifice, qui ne se couperaient pour rien le plus petit doigt. Ou de connaissance, qui se déguisent à leurs propres yeux. Comme c'est notre grande maladie de parler pour ne rien voir"
(René Daumal - La Guerre Sainte)
Dans la même veine,
« L’Amour ne se cueille pas comme une fleur,
l’Amour ne se vend pas dans les échoppes
Si d’Amour tu es en quête, que tu sois prince ou gueux
Offre d’abord ta tête. »
(Kabir)
Encore Daumal :
Ne vous y trompez pas, elle est réelle,
celle au long voyage de tous les visages, l'éternelle amante,
la Manna, la Matrice, la Machine.
Isis Ishtar Ieroush.
Aurélia.
[.../...]
Aurélia !
Je parle d'Aurélia et je n'ai pas encore parlé d'Elle, bien qu'elle soit sous chaque mot que j'écris à secouer ma plume.
Elle, dans la Lumière Perlée, alors que "d'immenses cercles se traçaient dans l'infini, comme les orbes que forme l'eau troublée par la chute d'un corps", "... rejetait en souriant les masques furtifs de ses diverses incarnations, et se réfugiait dans les mystiques splendeurs du ciel d'Asie".
Elle, en haut des degrés de marbre,
Elle, "l'autre nuit elle était couchée je ne sais dans quel palais, et je ne pouvais la rejoindre".
Elle, derrière ses masques successifs, derrière ses voiles allant de l'obscur rideau du jour physique en passant par les vêtements de plus en plus radieux — comme on voit ceux des habitants de la Ville Mystérieuse — jusqu'à l'éblouissante nudité où je serai Elle, l'unique objet de tout amour. Par-delà le jour sans soleil où lumineusement la pensent les voyageurs du rêve, par-delà les lunaisons stériles de la mort,
Elle, l'identique immensément étendue dans le Profond Sommeil sans fin, et dans l'instant éternel en un point sans espace possédée — elle le sera après la route sanglante, après la piste des déserts tachée de rouge par les genoux ouverts, après les traversées des marais noirs sans fond, après quels entassements d'humanités convulsées dans les tortures!
Elle, la Mère Mystérieuse, qui est l'Esprit de la Vallée et qui est la Porte — tu le savais, Vieil-Enfant ! Elle, qu'à Babylone aussi l'on nommait Étoile : Ishtar, son nom céleste, et Mami pour l'homme adorant. " Sous ses pieds tournait une roue, et les dieux lui faisaient cortège..." c'était Aurélia, et c'est Isis — la Mère éternelle dont, à travers les siècles passés, siècles qui vivent rassemblés dans ton propre esprit, Nerval, comme dans le mien, "mourait, pleurait ou languissait l'image souffrante" — car c'est moi qui, de la méconnaître, la torturait. C'est Artémis qui fut tout à coup le jardin : "elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière... elle semblait s'évanouir dans sa propre grandeur".
Et un jour terrible de fin du monde, elle, "la Vierge est morte... La nuit éternelle commence, et elle va être terrible. Que va-t-il arriver quand les hommes s'apercevront qu'il n'y a plus de soleil" ? Perdue, retrouvée, perdue encore et par ma faute ! Trop tôt aperçue, quand j'étais — non, quand je suis — l'atroce vérité ne vient pas trop tard sous ma phrase — quand je suis incapable encore de l'atteindre, quand clairement, lucidement, je l'entraîne dans les tourments, je la déchire aux aspérités du squelette humain, je la tords en la forçant à la figure humaine, "II est trop tard !... Elle est perdue !... Je comprends — elle a fait un dernier effort pour me sauver — ; j'ai manqué le moment suprême où le pardon était possible encore... " ... "l'éternelle Isis, la mère et l'épouse sacrée", parfois "sous la figure de la Vénus antique, parfois aussi sous les traits de la Vierge des chrétiens".
Elle, la Lune enfin, Artémis "la Treizième"... "il me semblait que cet astre était le refuge de toutes les âmes sœurs de la mienne, et je le voyais peuplé d'ombres plaintives destinées à renaître un jour sur la terre..."
Dans le voyage de l'âme après la mort selon les textes védiques, la lune représente la limite entre la région d'où l'on ne revient plus, où mène la "voie des dieux", et la région des renaissances ; les âmes qui suivent la "voie des mânes" y séjournent avant de revenir vers le monde corporel. Ce symbole est d'ailleurs universel [Diana, double-face, comme Janus bi-frons, Janua cœli, etc.].
En elle tout ce que j'aime, Mâyâ puissante de toutes formes, je ne peux pas ne pas te torturer et je t'entends gémir dans ma peau, parce que je veux être toi je t'impose ce moule absurde de forme humaine où tu souffres... mais éternelle identique à cela que je deviens, tu échappes aussi à tout regard et parfois [Meyrat, oh ! tu sais ce que veux dire], parfois ce jeu terrible de sa double face confond la misère de misère de ma tombe humaine, trouble parfois la triste aveugle vallée de ma peau humaine, me fait douter et un voile de soie moite se déchire et court sans cesse sur mon visage aux yeux pleins de poussière, et — parfois — ce terrible doute [ô quand la certitude radieuse sans retour sans jamais revenir aux carcasses de souffrance ?], ce doute : ce que je tiens là, cette figure lumineuse, ah ! tout à coup ne vais-je pas encore une fois m'apercevoir que ce n'est que son fantôme, — mais comprenez-vous, c'est à hurler d'épouvante, devant cela :
Ne plus voir que le grand vampire femelle, la Morte de tous les temps, errante, Lilith la froide.
(René Daumal - La Guerre Sainte)
Dans la même veine,
« L’Amour ne se cueille pas comme une fleur,
l’Amour ne se vend pas dans les échoppes
Si d’Amour tu es en quête, que tu sois prince ou gueux
Offre d’abord ta tête. »
(Kabir)
Encore Daumal :
Ne vous y trompez pas, elle est réelle,
celle au long voyage de tous les visages, l'éternelle amante,
la Manna, la Matrice, la Machine.
Isis Ishtar Ieroush.
Aurélia.
[.../...]
Aurélia !
Je parle d'Aurélia et je n'ai pas encore parlé d'Elle, bien qu'elle soit sous chaque mot que j'écris à secouer ma plume.
Elle, dans la Lumière Perlée, alors que "d'immenses cercles se traçaient dans l'infini, comme les orbes que forme l'eau troublée par la chute d'un corps", "... rejetait en souriant les masques furtifs de ses diverses incarnations, et se réfugiait dans les mystiques splendeurs du ciel d'Asie".
Elle, en haut des degrés de marbre,
Elle, "l'autre nuit elle était couchée je ne sais dans quel palais, et je ne pouvais la rejoindre".
Elle, derrière ses masques successifs, derrière ses voiles allant de l'obscur rideau du jour physique en passant par les vêtements de plus en plus radieux — comme on voit ceux des habitants de la Ville Mystérieuse — jusqu'à l'éblouissante nudité où je serai Elle, l'unique objet de tout amour. Par-delà le jour sans soleil où lumineusement la pensent les voyageurs du rêve, par-delà les lunaisons stériles de la mort,
Elle, l'identique immensément étendue dans le Profond Sommeil sans fin, et dans l'instant éternel en un point sans espace possédée — elle le sera après la route sanglante, après la piste des déserts tachée de rouge par les genoux ouverts, après les traversées des marais noirs sans fond, après quels entassements d'humanités convulsées dans les tortures!
Elle, la Mère Mystérieuse, qui est l'Esprit de la Vallée et qui est la Porte — tu le savais, Vieil-Enfant ! Elle, qu'à Babylone aussi l'on nommait Étoile : Ishtar, son nom céleste, et Mami pour l'homme adorant. " Sous ses pieds tournait une roue, et les dieux lui faisaient cortège..." c'était Aurélia, et c'est Isis — la Mère éternelle dont, à travers les siècles passés, siècles qui vivent rassemblés dans ton propre esprit, Nerval, comme dans le mien, "mourait, pleurait ou languissait l'image souffrante" — car c'est moi qui, de la méconnaître, la torturait. C'est Artémis qui fut tout à coup le jardin : "elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière... elle semblait s'évanouir dans sa propre grandeur".
Et un jour terrible de fin du monde, elle, "la Vierge est morte... La nuit éternelle commence, et elle va être terrible. Que va-t-il arriver quand les hommes s'apercevront qu'il n'y a plus de soleil" ? Perdue, retrouvée, perdue encore et par ma faute ! Trop tôt aperçue, quand j'étais — non, quand je suis — l'atroce vérité ne vient pas trop tard sous ma phrase — quand je suis incapable encore de l'atteindre, quand clairement, lucidement, je l'entraîne dans les tourments, je la déchire aux aspérités du squelette humain, je la tords en la forçant à la figure humaine, "II est trop tard !... Elle est perdue !... Je comprends — elle a fait un dernier effort pour me sauver — ; j'ai manqué le moment suprême où le pardon était possible encore... " ... "l'éternelle Isis, la mère et l'épouse sacrée", parfois "sous la figure de la Vénus antique, parfois aussi sous les traits de la Vierge des chrétiens".
Elle, la Lune enfin, Artémis "la Treizième"... "il me semblait que cet astre était le refuge de toutes les âmes sœurs de la mienne, et je le voyais peuplé d'ombres plaintives destinées à renaître un jour sur la terre..."
Dans le voyage de l'âme après la mort selon les textes védiques, la lune représente la limite entre la région d'où l'on ne revient plus, où mène la "voie des dieux", et la région des renaissances ; les âmes qui suivent la "voie des mânes" y séjournent avant de revenir vers le monde corporel. Ce symbole est d'ailleurs universel [Diana, double-face, comme Janus bi-frons, Janua cœli, etc.].
En elle tout ce que j'aime, Mâyâ puissante de toutes formes, je ne peux pas ne pas te torturer et je t'entends gémir dans ma peau, parce que je veux être toi je t'impose ce moule absurde de forme humaine où tu souffres... mais éternelle identique à cela que je deviens, tu échappes aussi à tout regard et parfois [Meyrat, oh ! tu sais ce que veux dire], parfois ce jeu terrible de sa double face confond la misère de misère de ma tombe humaine, trouble parfois la triste aveugle vallée de ma peau humaine, me fait douter et un voile de soie moite se déchire et court sans cesse sur mon visage aux yeux pleins de poussière, et — parfois — ce terrible doute [ô quand la certitude radieuse sans retour sans jamais revenir aux carcasses de souffrance ?], ce doute : ce que je tiens là, cette figure lumineuse, ah ! tout à coup ne vais-je pas encore une fois m'apercevoir que ce n'est que son fantôme, — mais comprenez-vous, c'est à hurler d'épouvante, devant cela :
Ne plus voir que le grand vampire femelle, la Morte de tous les temps, errante, Lilith la froide.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: René Daumal
un texte du "Grand Jeu"
La critique d'Epicure n'a pas réussi à extirper de l'humanité la religion toujours renaissante. La critique matérialiste contemporaine n'a guère ajouté à celle d'Epicure. Il est urgent de la compléter par une critique tout à fait radicale. En voici les principes :
A l'origine de toute religion il y a un doute, une négation d'une foi ou d'un dogme préexistant, donc une pensée réelle [Jésus contre la théocracie juive, Cakya Mouni contre le brahmanisme, Mahomet contre l'idolâtrie, etc.].
Dans toute société où l'homme exploite l'homme, le douteur est un révolutionnaire dangereux. La plus grande habileté de la classe régnante est de s'emparer des paroles du douteur et d'en faire la matière d'une nouvelle foi, d'un nouveau dogme. Plus le doute originel fut élevé et violent, plus la religion est opprimante.
Tant qu'existera une classe d'exploiteurs, toute pensée réelle risquera de devenir un dogme, un instrument d'oppression. Toute autre critique de la religion n'est qu'une moitié de critique, et n'empêche aucunement la renaissance d'une religion.
Le douteur Jésus, est devenu, par l'Eglise, l'image humaine en nos pays de la plus odieuse forme d'abrutissement et d'esclavage, parce qu'il n'avait pas sous la main l'arme matérielle des révolutions. S'il avait été tel que le présentent les évangélistes, il serait responsable du christianisme pour ne pas s'être tu : il semble qu'en Orient plus d'un grand penseur de l'Antiquité ait réussi à ne pas devenir un fondateur de religions grâce à l'ésotérisme.
Les temps sont autres. Aujourd'hui une pensée vivante peut faire chemin dans le corps de millions d'hommes révoltés, évitant ainsi de se momifier en théologie, et sans avoir à se dissimuler dans un ésotérisme.
Seule une critique des religions qui établit la corrélation entre le Doute originel de l'hérétique révolutionnaire et l'asservissement corporel et spirituel qui en résulte pour les hommes, seule cette critique impose la nécessité de la révolution à quiconque veut penser librement, c'est -à-dire sans risquer la mort dogmatique.
René Daumal
La critique d'Epicure n'a pas réussi à extirper de l'humanité la religion toujours renaissante. La critique matérialiste contemporaine n'a guère ajouté à celle d'Epicure. Il est urgent de la compléter par une critique tout à fait radicale. En voici les principes :
A l'origine de toute religion il y a un doute, une négation d'une foi ou d'un dogme préexistant, donc une pensée réelle [Jésus contre la théocracie juive, Cakya Mouni contre le brahmanisme, Mahomet contre l'idolâtrie, etc.].
Dans toute société où l'homme exploite l'homme, le douteur est un révolutionnaire dangereux. La plus grande habileté de la classe régnante est de s'emparer des paroles du douteur et d'en faire la matière d'une nouvelle foi, d'un nouveau dogme. Plus le doute originel fut élevé et violent, plus la religion est opprimante.
Tant qu'existera une classe d'exploiteurs, toute pensée réelle risquera de devenir un dogme, un instrument d'oppression. Toute autre critique de la religion n'est qu'une moitié de critique, et n'empêche aucunement la renaissance d'une religion.
Le douteur Jésus, est devenu, par l'Eglise, l'image humaine en nos pays de la plus odieuse forme d'abrutissement et d'esclavage, parce qu'il n'avait pas sous la main l'arme matérielle des révolutions. S'il avait été tel que le présentent les évangélistes, il serait responsable du christianisme pour ne pas s'être tu : il semble qu'en Orient plus d'un grand penseur de l'Antiquité ait réussi à ne pas devenir un fondateur de religions grâce à l'ésotérisme.
Les temps sont autres. Aujourd'hui une pensée vivante peut faire chemin dans le corps de millions d'hommes révoltés, évitant ainsi de se momifier en théologie, et sans avoir à se dissimuler dans un ésotérisme.
Seule une critique des religions qui établit la corrélation entre le Doute originel de l'hérétique révolutionnaire et l'asservissement corporel et spirituel qui en résulte pour les hommes, seule cette critique impose la nécessité de la révolution à quiconque veut penser librement, c'est -à-dire sans risquer la mort dogmatique.
René Daumal
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: René Daumal
Logos, je vous félicite d'avoir retiré la présentation initiale que vous aviez mise en tête du texte de Daumal:
un texte du "Grand Jeu" qui fait tourner la roue de fortune du fuck spirituality... (sorry)
Une lecture bébête et très superficielle du Grand Jeu, visant à en extraire le seul aspect 'anti-religion', et à en négliger la dimension nettement mystique (le titre 'Le Grand Jeu' est d'ailleurs suffisamment explicite par lui-même, pointant notamment sur la 'Maya' des hindous), pourrait en effet, à la grande rigueur, et à condition de porter des lunettes très opaques (du type anti-UV) amener un lecteur hâtif garé en double-file, à jeter précipitamment le bébé mystique avec l'eau du bain religieux.
Cette 'présentation' hâtive ("fuck spirituality... (sorry)") laissait entendre à tort que Daumal ne s'intéressait qu'à l'endroit du décor, et reniait qu'il y eût un envers.
Or, une rapide consultation de la biographie de Daumal permet pourtant de juger que c'est exactement l'inverse qui est vrai, et qu'il s'intéressait bien aux 'Coulisses':
. Son oeuvre, du début (Le Grand Jeu) à la fin (La Grande Beuverie), y compris même l'inachevée (le Mont Analogue).
. Son engagement personnel comme disciple "au 2ème degré" de Gurdjeff, via le couple Salzmann (qu'il fréquenta jusqu'à sa mort: environ 15 ans. Et "fréquenta" pour de bon, pas du bout des lèvres: il avait son lit chez les Salzmann!!).
. Ses traductions de textes indiens, enfin. Toute sa vie, il étudia et traduisit (souvent pour la première fois, et directement du sanskrit au français) des textes sacrés indiens. Il travailla aussi plus de dix ans, et jusqu'à son dernier souffle, à une grammaire du Sanskrit.
La fin même du texte dit clairement:
il semble qu'en Orient plus d'un grand penseur de l'Antiquité ait réussi à ne pas devenir un fondateur de religions grâce à l'ésotérisme.
Les temps sont autres. Aujourd'hui une pensée vivante peut faire chemin dans le corps de millions d'hommes révoltés, évitant ainsi de se momifier en théologie, et sans avoir à se dissimuler dans un ésotérisme.
Si ce n'est pas 'spirituel', ça ?...
Au total : l'amalgame Religion/Spiritualité faite précipitamment par Logos, puis fort justement rétractée, est totalement inopportun. Dans ce texte, Daumal ne parle que de religion. Ce ne serait pas joli-joli d'utiliser le pauvre René Daumal, qui en a assez bavé, en lui faisant dire ce qu'il ne dit pas! 'Fuck spiritualité'?? A d'autres...
A qui referait l'erreur de Logos, et au cas où cette 'erreur' ne serait due qu'à une mésinformation, je suggère de relire un autre René, Guénon cette fois-ci (Guénon que Daumal appréciait particulièrement), "Introduction à l'Etude des Doctrines Hindoues" par exemple, qui éclaire longuement (comme il sait le faire ) mais fort bien la différence foncière entre "doctrines" et "religions".
Rappelons pour finir que la religion n'est pas que l'opium du peuple, comme disait Karl... (Rebelote, méfions-nous des amalgames...) Comme tous les grands fleuves, elle charrie tout à la fois les eaux les plus boueuses et les plus pures...
un texte du "Grand Jeu" qui fait tourner la roue de fortune du fuck spirituality... (sorry)
Une lecture bébête et très superficielle du Grand Jeu, visant à en extraire le seul aspect 'anti-religion', et à en négliger la dimension nettement mystique (le titre 'Le Grand Jeu' est d'ailleurs suffisamment explicite par lui-même, pointant notamment sur la 'Maya' des hindous), pourrait en effet, à la grande rigueur, et à condition de porter des lunettes très opaques (du type anti-UV) amener un lecteur hâtif garé en double-file, à jeter précipitamment le bébé mystique avec l'eau du bain religieux.
Cette 'présentation' hâtive ("fuck spirituality... (sorry)") laissait entendre à tort que Daumal ne s'intéressait qu'à l'endroit du décor, et reniait qu'il y eût un envers.
Or, une rapide consultation de la biographie de Daumal permet pourtant de juger que c'est exactement l'inverse qui est vrai, et qu'il s'intéressait bien aux 'Coulisses':
. Son oeuvre, du début (Le Grand Jeu) à la fin (La Grande Beuverie), y compris même l'inachevée (le Mont Analogue).
. Son engagement personnel comme disciple "au 2ème degré" de Gurdjeff, via le couple Salzmann (qu'il fréquenta jusqu'à sa mort: environ 15 ans. Et "fréquenta" pour de bon, pas du bout des lèvres: il avait son lit chez les Salzmann!!).
. Ses traductions de textes indiens, enfin. Toute sa vie, il étudia et traduisit (souvent pour la première fois, et directement du sanskrit au français) des textes sacrés indiens. Il travailla aussi plus de dix ans, et jusqu'à son dernier souffle, à une grammaire du Sanskrit.
La fin même du texte dit clairement:
il semble qu'en Orient plus d'un grand penseur de l'Antiquité ait réussi à ne pas devenir un fondateur de religions grâce à l'ésotérisme.
Les temps sont autres. Aujourd'hui une pensée vivante peut faire chemin dans le corps de millions d'hommes révoltés, évitant ainsi de se momifier en théologie, et sans avoir à se dissimuler dans un ésotérisme.
Si ce n'est pas 'spirituel', ça ?...
Au total : l'amalgame Religion/Spiritualité faite précipitamment par Logos, puis fort justement rétractée, est totalement inopportun. Dans ce texte, Daumal ne parle que de religion. Ce ne serait pas joli-joli d'utiliser le pauvre René Daumal, qui en a assez bavé, en lui faisant dire ce qu'il ne dit pas! 'Fuck spiritualité'?? A d'autres...
A qui referait l'erreur de Logos, et au cas où cette 'erreur' ne serait due qu'à une mésinformation, je suggère de relire un autre René, Guénon cette fois-ci (Guénon que Daumal appréciait particulièrement), "Introduction à l'Etude des Doctrines Hindoues" par exemple, qui éclaire longuement (comme il sait le faire ) mais fort bien la différence foncière entre "doctrines" et "religions".
Rappelons pour finir que la religion n'est pas que l'opium du peuple, comme disait Karl... (Rebelote, méfions-nous des amalgames...) Comme tous les grands fleuves, elle charrie tout à la fois les eaux les plus boueuses et les plus pures...
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: René Daumal
Merci pour tes précisions Chèvre
j'ai en effet rétracté la mise en bouche, parce que j'ai jugé que ça n'apportait rien de bon d'en remettre une couche... néanmoins je pense toujours que ce texte va dans le sens initialement mis en exergue
je n'ai rien contre la spiritualité/religion à partir du moment où elle "relie"... or elle n'est trop souvent qu'une "répétition"... que ce soit avec la grammaire sanskrit, la kabbale, diverses métaphysiques, etc...
et je pense que la différence majeure entre ces 2 modes religieux vient du "corps" :
"fuck spirituality" - on pourrait aussi bien dire "funk spirituality" - ça signifie que la spiritualité doit avoir des couilles, comme dirait ton ami Stephen Jourdain... "funk" à l'origine ça vient des odeurs corporelles... Aimer la spiritualité donc, mais avec le corps, le coeur, les couilles, dans toutes les situations (cf. Baret)... pas du romantisme
C'est selon moi la plus belle manière d'aimer la spiritualité... et c'est ça que je veux dire quand je parle de prendre le problème "par le bas"... "une pensée vivante peut faire chemin dans le corps"...
Aussi je ne veux pas insinuer que les spiritualités/religions/philosophies sont inutiles... je dis juste qu'il faut savoir les aimer correctement... dans le genre : "aime la vérité, mais fais toi aimer d'elle"... il faut y aller franchement, mettre la main dans la merde (intérieure), et alors, en bons engrais, les spiritualités font pousser... sinon elles ne sont que des objets (spirituels) d'adoration romantique
j'ai en effet rétracté la mise en bouche, parce que j'ai jugé que ça n'apportait rien de bon d'en remettre une couche... néanmoins je pense toujours que ce texte va dans le sens initialement mis en exergue
je n'ai rien contre la spiritualité/religion à partir du moment où elle "relie"... or elle n'est trop souvent qu'une "répétition"... que ce soit avec la grammaire sanskrit, la kabbale, diverses métaphysiques, etc...
et je pense que la différence majeure entre ces 2 modes religieux vient du "corps" :
"fuck spirituality" - on pourrait aussi bien dire "funk spirituality" - ça signifie que la spiritualité doit avoir des couilles, comme dirait ton ami Stephen Jourdain... "funk" à l'origine ça vient des odeurs corporelles... Aimer la spiritualité donc, mais avec le corps, le coeur, les couilles, dans toutes les situations (cf. Baret)... pas du romantisme
C'est selon moi la plus belle manière d'aimer la spiritualité... et c'est ça que je veux dire quand je parle de prendre le problème "par le bas"... "une pensée vivante peut faire chemin dans le corps"...
Aussi je ne veux pas insinuer que les spiritualités/religions/philosophies sont inutiles... je dis juste qu'il faut savoir les aimer correctement... dans le genre : "aime la vérité, mais fais toi aimer d'elle"... il faut y aller franchement, mettre la main dans la merde (intérieure), et alors, en bons engrais, les spiritualités font pousser... sinon elles ne sont que des objets (spirituels) d'adoration romantique
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: René Daumal
bon, alors viens avec moi au yoga
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: René Daumal
Ah !!!
à condition que tu me tutoies
why not (ça dépend où c'est ?)
un truc qui pourrait t'intéresser :
"Rencontres autour du Vijnâna Bhairava Tantra
Lectures de textes du shivaïsme du Cachemire animées par David Dubois"
le 9 mai à Nogent sur Marne
j'y serai peut être
à condition que tu me tutoies
why not (ça dépend où c'est ?)
un truc qui pourrait t'intéresser :
"Rencontres autour du Vijnâna Bhairava Tantra
Lectures de textes du shivaïsme du Cachemire animées par David Dubois"
le 9 mai à Nogent sur Marne
j'y serai peut être
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: René Daumal
je ne pige pas l'allusion... perd-ses-poils?? Percé-Polisss' ?? je donne ma... langue au... Shah... persé.
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: René Daumal
c'était juste pour le
et pour te tirer la langue
et pour te tirer la langue
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
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