Le chant des Bâuls
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Le chant des Bâuls
Au plus profond des villages du Bengale subsiste aujourd'hui une communauté de chanteurs vagabonds à la fois bardes mystiques et ménestrels errants, les Bâuls. Ils foulent depuis des siècles la poussière des chemins, d'un pas à la fois ferme et aérien, au rythme de leurs nécessités journalières et de leurs aspirations les plus élevées. Le terme "Bâul", issu du sanscrit "vatulâ", signifie : "celui qui est affecté, ou emporté par le vent". Il fait également allusion au terme "auliyâ", un mot d’origine arabe qui veut dire "saint", "ascète". Mais l'ascétisme des Bâuls ne se perd pas en penances et méditations, n'a pas pour seul objet d'atteindre le but fixé, il constitue plutôt une sorte de raffinement dans l'expression du moment, une saine "folie" exprimant par la danse, la musique et les chants, l'amour du divin et la spontanéité du vivant. Issus des religions hindoue et musulmane, les Bâuls gardent une liberté d'esprit farouche et sont rebelles à toute idéologie, ne suivant aucun rituel, ne se référant à aucune "écriture". Ils sont "en dehors", décalés, rafraîchissants et uniques.
Les Bâuls puisent à la source même des grands courants spirituels qui ont baigné le Bengale depuis le XIème siècle (bouddhisme tantrique, soufisme, vishnouisme). Leurs chants, transmis de parent à enfant, ou de maître à disciple, s'inspirent également des grands maîtres du passé comme le chanteur bâul Chaïtanya au XIIIème siècle, et le fameux poète Lalân Fakir, révolutionnaire et saint homme, qui composa plus de cinq mille poèmes chantés. Les chanteurs se réunissent chaque année lors d'importants festivals qui sont des occasions de création et d'échanges, et des moments privilégiés de leur errance.
Les Bâuls vivent dans de petites maisons (akhras) qui font office d'ashram familial où tout visiteur, même inconnu, est le bienvenu. N'ayant pas de défiance envers les femmes, ils vivent souvent en couple, se considérant mutuellement comme partenaires spirituels. Ils ont parfois des enfants, et sont également enclins à recueillir des orphelins. Pour subsister, ils ont cette coutume d'aller de village en village en chantant pour mendier un peu de nourriture. Plus qu'un simple moyen de survie, cette pratique constitue pour eux une mission spirituelle et une ascèse. C'est ce qu'ils appellent le "madhukori", la "récolte de miel", ce miel de la dévotion qu'ils vont butinant de coeur en coeur, de maison en maison. Ils s'accompagnent de leur ektara, cet instrument à une corde qu'ils brandissent fièrement au-dessus de leur tête, symbole de leur errance chantée. Ils confectionnent eux-même leurs instruments, comme le duggi, cette petite timbale en terre cuite recouverte d'une peau, ou l'ananda lahari (vagues de la joie), instrument à la sonorité étonnante et dont les notes déferlent dans les coeurs en ondes successives. Ils portent des vêtements tantôt couleur safran, tantôt patchworks aux couleurs multicolores, sauf pour les fakirs musulmans qui s'habillent d'une longue robe blanche.
O mon esprit, mon esprit fou
Pourquoi, mon esprit, bavardes-tu autant ?
Qui suis-je, qui es-tu mon esprit ?
Je ne te comprends toujours pas.
Le Bâul chante partout, chez lui, sur les routes et les chemins, dans la barque qui l'aide à traverser le fleuve, dans les trains et les bus, dans les festivals, et dans les salles des pays occidentaux. Les chants parlent de choses simples, de problèmes matériels, de souffrance et d'amour, de dilemmes moraux ou spirituels, dans lesquels tout le monde peut se reconnaître et s'identifier. Mais derrière cette apparente simplicité se cachent souvent des paraboles complexes sur les difficultés de la vie intérieure et de la quête spirituelle, ou des doctrines savantes qui ne sont pas accessibles aux non-initiés. De la même façon, les compositions musicales sont faciles mais peuvent par moment atteindre le pinacle des plus difficiles des ragas indiens.
Cette étonnante fusion entre le matériel et le spirituel, entre le mondain et le dévotionnel, le simple et le complexe est très révélatrice de la pensée Bâule, de leur façon de vivre qui mêle, sans rien rejeter, les plaisirs de la vie avec l'aspiration divine. Car pour les Bâuls, tous les actes de la vie quotidienne peuvent mener à la félicité. Ils sont en quête perpétuelle de l'Adhar Manush, "l'Homme essentiel", ce coeur en lequel réside la conscience universelle, cette partie insaisissable de chaque être qu'ils honorent à travers leurs chants et qui résume l'objet de leur ascèse. Cette recherche de l'Homme dans l'homme est le fondement même de la spiritualité bâule. "Tu ne peux devenir que ce que tu es déjà. Il n'y a pas d'autres chemins que toi-même. Tu es une abeille. Quand rien ne t'en empêche, tu voles directement vers le lotus ouvert de ton coeur."
La poésie bâule ne connaît pas de conventions, elle sort brute et sans fard de leurs préoccupations journalières, tantôt chant de sagesse ou de quête, tantôt chant contestataire. Souvent illetrés, les Bâuls n'en sont pas moins gardiens d'une immense tradition orale dont la richesse et la variété n'a d'égal que l'intensité spirituelle et la spontanéité d'expression de leur message. Ils se font tour à tour implorants, fatalistes, se querellant avec leur esprit, n'hésitant pas à apostropher Dieu lui-même. Ou fous d'amour et d'extase, ils se font admirateurs, colporteurs de joie, nous admonestant sans cesse sur le chemin de la quête et de la dévotion. D'autres thèmes sont récurrents comme les chants initiatiques, les chants dévotionnels vishnouites, les chants d'amour de Krishna et Radha. Bien sûr tous ces thèmes peuvent coexister dans un même chant et seul prime alors sa spontanéité, sa vérité.
Bien que leurs croyances trouvent expression à travers leurs chants, ces derniers ne sont pas utilisés pour la propagande, ou pour convertir les gens à la tradition bâule. Ils sont un moyen de préservation et d'enseignement de la voie bâule par le guru, considéré comme l'intermédiaire entre Dieu et l'homme. Cependant, même si les Bâuls accordent une grande importance au guru, voyant en lui la forme du divin dans l'homme, et dans certains cas le Suprême lui-même, le disciple n'a aucune responsabilité envers le maître et reste libre de tout engagement.
Où est la mer sans fin ?
Où est la rivière et ses remous ?
Si tu veux connaître le flot secret qui les unit,
Marie ton coeur à tes yeux.
Alors,
Les yeux de ton coeur détecteront
Le jeu sublime.
Les Bâuls accordent une grande importance au corps physique, car ils croient qu'il est le temple dans lequel réside le Suprême, et de fait le seul endroit dont ils aient besoin pour rechercher Dieu. C'est donc tout naturellement que la voie bâule est empreinte de sensualité. Les chants offrent d'infinies variations dans les descriptions des sentiments et des émotions, de la tristesse à la joie, du doute à la béatitude. Il n'est pas étonnant dans ce contexte que les Bâuls se soient largement inspirés de la pratique dévotionelle des vaisnavas qui vouent un culte particulier au couple de Radha et Krishna. Avec leurs longs cheveux, leurs chignons, leurs danses sensuelles, les Bâuls se font tour à tour l'aimé et l'aimant, revivant à travers eux les sentiments de dévotion et d'amour, mais aussi d'attente, de souffrance, d'incertitude et d'exaltation. Leur propre corps devient le théâtre où se jouent, à travers l'amour de Radha pour son bien-aimé Krishna, toutes les nuances et les saveurs des sens sur le chemin de l'amour divin.
Les Bâuls croient par-dessus tout en l'homme. Les castes, les divinités particulières, les lieux sacrés, ne jouent aucun rôle dans leur vie. Ils appellent leur chemin "ulta", le "chemin inverse", car ils estiment qu'avancer spirituellement, c'est avancer contre le courant. Mais de nos jours, les Bâuls sont de plus en plus amenés à se sédentariser, et leurs familles s'agrandissant, ils doivent travailler pour subvenir à leurs besoins, et se soumettre à quelques règles de la vie moderne qui mettent à mal leur tradition. Dans les campagnes, l'intérêt des villageois diminue car leurs habitudes et leurs goûts musicaux ont été bouleversés par l'arrivée de la télévision. Quand aux Bâuls, leur notoriété grandissant, beaucoup deviennent de "simples musiciens", donnant des récitals et gagnant un nouveau statut, au risque de vider leur pratique de son contenu spirituel. Mais gageons qu'ils sauront y faire face, forts de leur grand coeur et de leur étonnante spontanéité, qu'ils sauront comme ils le font depuis des siècles, préserver au Bengale comme sur les scènes du monde, leur folle singularité.
Le Gange est mort de soif.
Brahma le créateur est mort de froid.
La rue est entrée dans ma chambre
Et moi, Varandah, un voleur m'a emporté.
A qui puis-je raconter cela ?
Mais où vais-je trouver l'Être de mon cœur ?
Je l'ai perdu
Je le cherche
Je parcours tous les pays...
Mais où vais-je trouver l'Être de mon cœur ?"
Rabindranath Tagore
Comment dire cela ?
J'ai donné mon cœur à un autre
Et je me suis fait avoir !
Comment lui dire à l'autre...
Le Gange est mort de soif.
Brahma le créateur est mort de froid.
La rue est entrée dans ma chambre
Et moi, Varandah, un voleur m'a emporté.
A qui puis-je raconter cela ?
Le lac crache de la poussière.
Les hautes terres sont sous l'eau,
La crue a été violente.
Entre temps le maître est venu.
Où trouver un endroit pour le faire asseoir ?
A qui confier cela ?
Le ciel tambourine sur un chaudron.
Une femme brahmane danse.
Là-bas à Delhi, il pleut,
Les routes sont glissantes.
A qui vais-je en parler ?
Une femme décortique le riz.
Elle répète quarante gestes.
Plus loin, un marchand aveugle
Pèse du faux cuivre, du faux bronze.
A qui dire tout cela ?
Varandah Bâul
Poussière.
Ô mon Bien-Aimé, si le feu de ton amour
peut se passer de moi
Quittons-nous !
Là sur-le-champ...
... je m'en vais !
Tourbillons de poussière, bazars bruyants
Sillons de braises ardentes,
Espace dur des routes ;
Rompue de fatigue, je marche...
Vers Toi.
Ô roi de mon coeur,
Quand à ton Tour l'amour T'assoiffera,
Tu sauras bien me chercher
Et me découvrir, à Ton tour.
C'est pourquoi, sur Ton chemin
Une errante je suis devenue,
Pour Toi.
Sans nom
Poussière !
Femme bâule anonyme
Eh toi ! Tu aimes enfourcher ce drôle de vélo ?
Il a ses deux roues remplies de vide.
Notre esprit aimerait bien se tenir
Sur ce drôle de vélo.
L'Inde en est le fabricant renommé.
Vu la taille du vélo,
Jeter la jambe assez haut,
Quelle histoire !
Qui en prend conscience ?
Quand on est dessus, rien n'est sûr.
L'accident peut arriver à tout moment.
Tenons bien le guidon à deux mains
Et suivons notre route.
Jakir ud-Din annonce :
"Quand tout ça finira à la casse
J'ai bien peur que ce drôle de vélo
Ne serve qu'aux chiens et aux chacals
Pour qu'ils se fassent les dents."
Jakir ud-Din
Pourquoi tous ces arguments, ô savant...
Quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice,
Ô mon cœur ?
Ce bâtiment d'os tient bon,
Il a son rythme, son harmonie,
Gardé par le paon et la paonne,
Et leur parade miroitante.
Ô savant, quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice ?
J'ai passé mon enfance à rire et à jouer.
Ma jeunesse fut légère,
Ma vieillesse roule de lourdes pensées.
Quand ai-je pris le temps
De chanter le nom du seigneur...
Ô savant, quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice ?
Mes cheveux sont gris, j'ai perdu mes dents.
Ma jeunesse s'est envasée.
Chaque jour me flétrit un peu plus...
Cette maison de boue, cette maison d'arc-en-ciel,
Quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice ?
Anonyme
Et les Bâuls sont venus
Ils ont dansé
Ils ont chanté
Et ils ont disparu
Dans la brume...
Et vide la maison est restée
Vide...la maison...
Dans la brume...
Shrî Râmakrishna
Les Bâuls puisent à la source même des grands courants spirituels qui ont baigné le Bengale depuis le XIème siècle (bouddhisme tantrique, soufisme, vishnouisme). Leurs chants, transmis de parent à enfant, ou de maître à disciple, s'inspirent également des grands maîtres du passé comme le chanteur bâul Chaïtanya au XIIIème siècle, et le fameux poète Lalân Fakir, révolutionnaire et saint homme, qui composa plus de cinq mille poèmes chantés. Les chanteurs se réunissent chaque année lors d'importants festivals qui sont des occasions de création et d'échanges, et des moments privilégiés de leur errance.
Les Bâuls vivent dans de petites maisons (akhras) qui font office d'ashram familial où tout visiteur, même inconnu, est le bienvenu. N'ayant pas de défiance envers les femmes, ils vivent souvent en couple, se considérant mutuellement comme partenaires spirituels. Ils ont parfois des enfants, et sont également enclins à recueillir des orphelins. Pour subsister, ils ont cette coutume d'aller de village en village en chantant pour mendier un peu de nourriture. Plus qu'un simple moyen de survie, cette pratique constitue pour eux une mission spirituelle et une ascèse. C'est ce qu'ils appellent le "madhukori", la "récolte de miel", ce miel de la dévotion qu'ils vont butinant de coeur en coeur, de maison en maison. Ils s'accompagnent de leur ektara, cet instrument à une corde qu'ils brandissent fièrement au-dessus de leur tête, symbole de leur errance chantée. Ils confectionnent eux-même leurs instruments, comme le duggi, cette petite timbale en terre cuite recouverte d'une peau, ou l'ananda lahari (vagues de la joie), instrument à la sonorité étonnante et dont les notes déferlent dans les coeurs en ondes successives. Ils portent des vêtements tantôt couleur safran, tantôt patchworks aux couleurs multicolores, sauf pour les fakirs musulmans qui s'habillent d'une longue robe blanche.
O mon esprit, mon esprit fou
Pourquoi, mon esprit, bavardes-tu autant ?
Qui suis-je, qui es-tu mon esprit ?
Je ne te comprends toujours pas.
Le Bâul chante partout, chez lui, sur les routes et les chemins, dans la barque qui l'aide à traverser le fleuve, dans les trains et les bus, dans les festivals, et dans les salles des pays occidentaux. Les chants parlent de choses simples, de problèmes matériels, de souffrance et d'amour, de dilemmes moraux ou spirituels, dans lesquels tout le monde peut se reconnaître et s'identifier. Mais derrière cette apparente simplicité se cachent souvent des paraboles complexes sur les difficultés de la vie intérieure et de la quête spirituelle, ou des doctrines savantes qui ne sont pas accessibles aux non-initiés. De la même façon, les compositions musicales sont faciles mais peuvent par moment atteindre le pinacle des plus difficiles des ragas indiens.
Cette étonnante fusion entre le matériel et le spirituel, entre le mondain et le dévotionnel, le simple et le complexe est très révélatrice de la pensée Bâule, de leur façon de vivre qui mêle, sans rien rejeter, les plaisirs de la vie avec l'aspiration divine. Car pour les Bâuls, tous les actes de la vie quotidienne peuvent mener à la félicité. Ils sont en quête perpétuelle de l'Adhar Manush, "l'Homme essentiel", ce coeur en lequel réside la conscience universelle, cette partie insaisissable de chaque être qu'ils honorent à travers leurs chants et qui résume l'objet de leur ascèse. Cette recherche de l'Homme dans l'homme est le fondement même de la spiritualité bâule. "Tu ne peux devenir que ce que tu es déjà. Il n'y a pas d'autres chemins que toi-même. Tu es une abeille. Quand rien ne t'en empêche, tu voles directement vers le lotus ouvert de ton coeur."
La poésie bâule ne connaît pas de conventions, elle sort brute et sans fard de leurs préoccupations journalières, tantôt chant de sagesse ou de quête, tantôt chant contestataire. Souvent illetrés, les Bâuls n'en sont pas moins gardiens d'une immense tradition orale dont la richesse et la variété n'a d'égal que l'intensité spirituelle et la spontanéité d'expression de leur message. Ils se font tour à tour implorants, fatalistes, se querellant avec leur esprit, n'hésitant pas à apostropher Dieu lui-même. Ou fous d'amour et d'extase, ils se font admirateurs, colporteurs de joie, nous admonestant sans cesse sur le chemin de la quête et de la dévotion. D'autres thèmes sont récurrents comme les chants initiatiques, les chants dévotionnels vishnouites, les chants d'amour de Krishna et Radha. Bien sûr tous ces thèmes peuvent coexister dans un même chant et seul prime alors sa spontanéité, sa vérité.
Bien que leurs croyances trouvent expression à travers leurs chants, ces derniers ne sont pas utilisés pour la propagande, ou pour convertir les gens à la tradition bâule. Ils sont un moyen de préservation et d'enseignement de la voie bâule par le guru, considéré comme l'intermédiaire entre Dieu et l'homme. Cependant, même si les Bâuls accordent une grande importance au guru, voyant en lui la forme du divin dans l'homme, et dans certains cas le Suprême lui-même, le disciple n'a aucune responsabilité envers le maître et reste libre de tout engagement.
Où est la mer sans fin ?
Où est la rivière et ses remous ?
Si tu veux connaître le flot secret qui les unit,
Marie ton coeur à tes yeux.
Alors,
Les yeux de ton coeur détecteront
Le jeu sublime.
Les Bâuls accordent une grande importance au corps physique, car ils croient qu'il est le temple dans lequel réside le Suprême, et de fait le seul endroit dont ils aient besoin pour rechercher Dieu. C'est donc tout naturellement que la voie bâule est empreinte de sensualité. Les chants offrent d'infinies variations dans les descriptions des sentiments et des émotions, de la tristesse à la joie, du doute à la béatitude. Il n'est pas étonnant dans ce contexte que les Bâuls se soient largement inspirés de la pratique dévotionelle des vaisnavas qui vouent un culte particulier au couple de Radha et Krishna. Avec leurs longs cheveux, leurs chignons, leurs danses sensuelles, les Bâuls se font tour à tour l'aimé et l'aimant, revivant à travers eux les sentiments de dévotion et d'amour, mais aussi d'attente, de souffrance, d'incertitude et d'exaltation. Leur propre corps devient le théâtre où se jouent, à travers l'amour de Radha pour son bien-aimé Krishna, toutes les nuances et les saveurs des sens sur le chemin de l'amour divin.
Les Bâuls croient par-dessus tout en l'homme. Les castes, les divinités particulières, les lieux sacrés, ne jouent aucun rôle dans leur vie. Ils appellent leur chemin "ulta", le "chemin inverse", car ils estiment qu'avancer spirituellement, c'est avancer contre le courant. Mais de nos jours, les Bâuls sont de plus en plus amenés à se sédentariser, et leurs familles s'agrandissant, ils doivent travailler pour subvenir à leurs besoins, et se soumettre à quelques règles de la vie moderne qui mettent à mal leur tradition. Dans les campagnes, l'intérêt des villageois diminue car leurs habitudes et leurs goûts musicaux ont été bouleversés par l'arrivée de la télévision. Quand aux Bâuls, leur notoriété grandissant, beaucoup deviennent de "simples musiciens", donnant des récitals et gagnant un nouveau statut, au risque de vider leur pratique de son contenu spirituel. Mais gageons qu'ils sauront y faire face, forts de leur grand coeur et de leur étonnante spontanéité, qu'ils sauront comme ils le font depuis des siècles, préserver au Bengale comme sur les scènes du monde, leur folle singularité.
Le Gange est mort de soif.
Brahma le créateur est mort de froid.
La rue est entrée dans ma chambre
Et moi, Varandah, un voleur m'a emporté.
A qui puis-je raconter cela ?
Mais où vais-je trouver l'Être de mon cœur ?
Je l'ai perdu
Je le cherche
Je parcours tous les pays...
Mais où vais-je trouver l'Être de mon cœur ?"
Rabindranath Tagore
Comment dire cela ?
J'ai donné mon cœur à un autre
Et je me suis fait avoir !
Comment lui dire à l'autre...
Le Gange est mort de soif.
Brahma le créateur est mort de froid.
La rue est entrée dans ma chambre
Et moi, Varandah, un voleur m'a emporté.
A qui puis-je raconter cela ?
Le lac crache de la poussière.
Les hautes terres sont sous l'eau,
La crue a été violente.
Entre temps le maître est venu.
Où trouver un endroit pour le faire asseoir ?
A qui confier cela ?
Le ciel tambourine sur un chaudron.
Une femme brahmane danse.
Là-bas à Delhi, il pleut,
Les routes sont glissantes.
A qui vais-je en parler ?
Une femme décortique le riz.
Elle répète quarante gestes.
Plus loin, un marchand aveugle
Pèse du faux cuivre, du faux bronze.
A qui dire tout cela ?
Varandah Bâul
Poussière.
Ô mon Bien-Aimé, si le feu de ton amour
peut se passer de moi
Quittons-nous !
Là sur-le-champ...
... je m'en vais !
Tourbillons de poussière, bazars bruyants
Sillons de braises ardentes,
Espace dur des routes ;
Rompue de fatigue, je marche...
Vers Toi.
Ô roi de mon coeur,
Quand à ton Tour l'amour T'assoiffera,
Tu sauras bien me chercher
Et me découvrir, à Ton tour.
C'est pourquoi, sur Ton chemin
Une errante je suis devenue,
Pour Toi.
Sans nom
Poussière !
Femme bâule anonyme
Eh toi ! Tu aimes enfourcher ce drôle de vélo ?
Il a ses deux roues remplies de vide.
Notre esprit aimerait bien se tenir
Sur ce drôle de vélo.
L'Inde en est le fabricant renommé.
Vu la taille du vélo,
Jeter la jambe assez haut,
Quelle histoire !
Qui en prend conscience ?
Quand on est dessus, rien n'est sûr.
L'accident peut arriver à tout moment.
Tenons bien le guidon à deux mains
Et suivons notre route.
Jakir ud-Din annonce :
"Quand tout ça finira à la casse
J'ai bien peur que ce drôle de vélo
Ne serve qu'aux chiens et aux chacals
Pour qu'ils se fassent les dents."
Jakir ud-Din
Pourquoi tous ces arguments, ô savant...
Quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice,
Ô mon cœur ?
Ce bâtiment d'os tient bon,
Il a son rythme, son harmonie,
Gardé par le paon et la paonne,
Et leur parade miroitante.
Ô savant, quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice ?
J'ai passé mon enfance à rire et à jouer.
Ma jeunesse fut légère,
Ma vieillesse roule de lourdes pensées.
Quand ai-je pris le temps
De chanter le nom du seigneur...
Ô savant, quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice ?
Mes cheveux sont gris, j'ai perdu mes dents.
Ma jeunesse s'est envasée.
Chaque jour me flétrit un peu plus...
Cette maison de boue, cette maison d'arc-en-ciel,
Quel charme puissant
T'a fait bâtir cet édifice ?
Anonyme
Et les Bâuls sont venus
Ils ont dansé
Ils ont chanté
Et ils ont disparu
Dans la brume...
Et vide la maison est restée
Vide...la maison...
Dans la brume...
Shrî Râmakrishna
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