Magie
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Magie
Ah, la magie !
Que voilà un mot qui fait beaucoup fantasmer !
L'idée d'ouvrir ce fil provient du sujet Tarot des barjos où ce mot est évoqué à plusieurs reprises, mais surtout dans la question de Logos, à propos d'une réflexion de Montaléchel sur la reconstruction a posteriori d'un passé alternatif :
Et pourtant, nous n'en sommes pas loin !
A condition d'intervertir les termes de la proposition : selon moi, l'essence de la magie est d'un niveau plus profond que cela, et la capacité à reconstruire le passé est une des conséquences découlant de ce qui est "l'essence" de la magie, non pas la cause.
L'essence de la magie réside bien sûr dans la capacité à acquérir la certitude de pouvoir agir sur la trame qui sous-tend l'univers, et de rendre ce dernier localement conforme à ce qu'on voudrait qu'il soit. Moyennant l'effet d'inertie et tenant compte des certitudes autres (parfois majoritairement contraires), ça peut marcher... si ça ne contrarie pas le plan divin !
Et donc, si on accepte de considérer comme plausible le fait qu'il soit possible de reconstruire un passé différent de celui que nous connaissons (devrait-on parler de "passé consensuel" ?), il s'agirait là d'un acte qu'on pourrait qualifier de "magique", oui, mais pas de l'essence de la magie : plutôt une application particulière.
Que voilà un mot qui fait beaucoup fantasmer !
L'idée d'ouvrir ce fil provient du sujet Tarot des barjos où ce mot est évoqué à plusieurs reprises, mais surtout dans la question de Logos, à propos d'une réflexion de Montaléchel sur la reconstruction a posteriori d'un passé alternatif :
A cette question précise, je répondrais négativement."Dans cette conception, le Passé devient tout autant malléable que le Futur, et reconstructible à volonté."
Est-ce que ça ne serait pas l'essence de la "magie"
Et pourtant, nous n'en sommes pas loin !
A condition d'intervertir les termes de la proposition : selon moi, l'essence de la magie est d'un niveau plus profond que cela, et la capacité à reconstruire le passé est une des conséquences découlant de ce qui est "l'essence" de la magie, non pas la cause.
L'essence de la magie réside bien sûr dans la capacité à acquérir la certitude de pouvoir agir sur la trame qui sous-tend l'univers, et de rendre ce dernier localement conforme à ce qu'on voudrait qu'il soit. Moyennant l'effet d'inertie et tenant compte des certitudes autres (parfois majoritairement contraires), ça peut marcher... si ça ne contrarie pas le plan divin !
Et donc, si on accepte de considérer comme plausible le fait qu'il soit possible de reconstruire un passé différent de celui que nous connaissons (devrait-on parler de "passé consensuel" ?), il s'agirait là d'un acte qu'on pourrait qualifier de "magique", oui, mais pas de l'essence de la magie : plutôt une application particulière.
Abbé+Pierre- Nombre de messages : 80
Date d'inscription : 09/04/2008
Re: Magie
C'est bizarre, mais j'ai l'impression que par certains côtés, magie et alchimie se rejoignent. Je veux dire que dans les deux cas, il s'agit d'exercer sa conscience à s'ouvrir à "différents possibles". Dans le cas de la magie, il importe de s'exercer à visualiser comme faisant déjà partie du réel une situation pas encore survenue, se la créer comme une certitude imminente, au point de la transformer en réalité vraie. Au besoin, en s'aidant de rituels, d'incantations, d'interventions d'entités subtiles, d'amulettes etc., mais en tout cas en étudiant le fonctionnement du monde naturel jusqu'à parvenir à le comprendre et à devenir capable d'agir au niveau de ses règles les plus fondamentales. Dans le cas de l'alchimie, il s'agit, là aussi, d'exercer sa conscience à percevoir un autre mode de relation au réel, de transcender l'opacité apparente de la matière pour en percevoir l'essence intime, et s'arranger pour s'harmoniser en phase avec cette essence divine, condition sine qua non pour transmuter.
Dans les deux cas, il s'agit donc de former son esprit en vue d'une ouverture vers "autre chose". Un désapprentissage, en somme.
Dans les deux cas, il s'agit donc de former son esprit en vue d'une ouverture vers "autre chose". Un désapprentissage, en somme.
Garfield- Nombre de messages : 176
Age : 43
Date d'inscription : 20/07/2008
Magie inconnue
Holà
" Jean-Luc Colnot est le webmaster de magick-instinct, qui a énormément contribué à la diffusion d'ésotéristes puissants dans la sphère francophone. Il a lui-mème une trajectoire philosophique et pratique qui serpente entre les Andes et la Drôme... Magie Inconnue vient d'être publié, comprenant en supplément l'intégralité de son précédent ouvrage l'Art Obscur. " (Céa D.)
Pour trouver le bouquin
http://www.terredudragon.fr/articles.php?pg=art39
" Jean-Luc Colnot est le webmaster de magick-instinct, qui a énormément contribué à la diffusion d'ésotéristes puissants dans la sphère francophone. Il a lui-mème une trajectoire philosophique et pratique qui serpente entre les Andes et la Drôme... Magie Inconnue vient d'être publié, comprenant en supplément l'intégralité de son précédent ouvrage l'Art Obscur. " (Céa D.)
Pour trouver le bouquin
(...) Malheureusement, bien des "initiés" semblent au courant de tout. Ils posent des repères là où l'espace devrait rester ouvert. Ils produisent des systèmes cloisonnés qui éradiquent la magie et nous enferment dans les certitudes. Par eux, nous ne rencontrons plus le monde. Nous ne rencontrons que nos systèmes, nos pensées, nos idées. Sans préjuger aucunement des sciences traditionnelles et des modes explicatifs de l'initiation, il convient de ne pas oublier l'essentiel : l'Arcane. (...)
Ce qui se passe réellement quand souffle le Dragon, quand émerge la magie des choses, personne ne le sait, ni vous, ni moi. Certains souffriraient bêtement de ne pouvoir saisir les choses. Pour moi, c'est une joie sans égale (...)
Celui qui chevauche le Dragon ne cherche pas á réduire le monde aux dimensions de sa pensée. Mais ne possédant rien, il est riche de tout. Et sans être savant, il connaît l'univers. Cette connaissance lá est vraiment mystérieuse. Quand elle connait, elle semble ne pas savoir. Sans renier pour autant les formes traditionnelles, on peut dire que derrière un maître ou ce que l'on appelle ainsi, selon notre mythologie personnelle ou collective, il n'y a ni le bouddhisme, ni le christianisme, ni le paganisme. Ce qui se passe n'a pour origine ni l'occident, ni l'orient, ni le moi, ni le non-moi, ni Dieu, ni les Dieux. A ce propos je ne peux dire qu'une chose : ici et maintenant, il n'y a que le Souffle du Dragon et le parfum d'inconnaissable. Cela vient donc d'ici et maintenant, sans que n'ait á être recherchée une quelconque référence ni que soit sollicitée l'autorité de quiconque. Le Dragon a sa propre autorité. Il est sa propre tradition. Ne transmettant ni doctrine, ni dogme, ni religion, son seul dépôt, son seul trésor n'est autre que son Souffle. Au coeur de la magie de CELA, il y a le Souffle d'une Présence survenue de l'Absence qui n'a nullement besoin d'être confirmée ou expliquée. Ce Souffle n'a que faire des titres et rangs que collectionnent les initiés (...).
Les Dragons ignorent leur voie, c'est pour cela qu'ils la suivent (...).
En matière d'initiation, nos pensées seront chevauchées plus qu'elles ne pourront chevaucher. Elles sont beaucoup trop lentes et lourdes pour pouvoir suivre la fraîcheur, la respiration du Dragon. D'ailleurs, les pensées ne rencontrent jamais les choses (Res non verba). Elles ne peuvent jamais rencontrer que leur pensées de ces choses. Ce n'est donc pas avec notre mode habituel de connaissance et d'appréhension que nous pourrons nous ouvrir á l'insondable mystère du Dragon et au secret initiatique. En même temps, on ne peut pas dire que cette approche soit imprécise et autorise tous les délires. C'est plutôt notre désir de comprendre qui est délirant (...).
La nature même de l'Arcane, ce qui fait l'initiation, s'orne d'inconnaissable. Aussi l'homme qui connait a cessé de savoir. "Tous les hommes ont des raisons pour tout. Moi seul suis un sot" s'exclame Lao Tseu. Dans cette étendue d'inconnu et de silence apparaît toute la magie de l'Arcane.
Si je te dis que l'Arcane est dans le Moi, je t'égare. Si je te dis qu'il est dans le non-Moi, ton trouble sera le même. Si je te dis que l'Arcane est Dieu, je t'enferme ; si je te dis qu'il est non-Dieu, je te donne encore un Dieu á adorer qui est la négation de Dieu. Toute explication de ce type est inappropriée dans la Magie Inconnue. Revenir seulement á l'Arcane, au mystère du mystère. Apprendre á le goûter, á le savourer amoureusement, á ne pas le réduire (...).
Pour l'occultiste maître de son art, cacher ne veut pas dire jouer le mystère mais le vivre. Son art est d'occulter le monde, d'en faire émerger l'inconnaissabilité. (...)
La magie est science de l'abîme et abîme des sciences. Elle demeure dans l'implicite, dans le "ne pas faire" des choses et des êtres. Ainsi en est-il de sa connaissance. Bien qu'extrêmement précise, elle semble floue et vague, se présentant toujours par une mise en abîme. Elle est l'inconnaissance, l'ombre, le "ne pas faire" de la connaissance.
Dans le "ne pas faire" du discours éclairé de la raison, la magie explore l'ombre du discours. Gregory Bateson exprime parfaitement ce besoin de la mise en abîme : "Une "non-communication" d'un certain type est necéssaire au maintien du "sacré" (...) Il y a de nombreuses matières et circonstances oú la conscience est indésirable et le silence d'or, de telle sorte que le secret peut nous servir de "marqueur" indiquant que nous approchons de la région du sacré. Par conséquent, si nous avons suffisamment d'exemples de ce qui est tu, nous pouvons commencer á entrevoir une définition de cette région". Et cette définition en abîme du sacré est exacte dans l'ordre qui est le sien, au sens oú elle ne définit pas. Elle est l'ombre et le "ne pas faire" de la définition.(...)
L'unique objet de mon amour, j'ignore ce qu'il est : et parce que je l'ignore, voilá pourquoi je l'ai choisi. ( Angélus Silésius)
Au réveil d'un rêve, la vérité est connue. Au réveil de l'état de veille, la Vérité est l'Inconnu. (Aleister Crowley)
Revenir au point où cesse toute connaissance, où la loi parvient à sa propre spontanéité, où elle est liberté (Austin Osman Spare, Le Centre de Vie) .
Les choses sans connaissance fonctionnent parfaitement (Aleister Crowley)
L'on absorbe un peu et l'on est dit blanc et étincellant. L'on absorbe tout et l'on est dit noir. Pour cela es-tu noir, ô mon aimé (Aleister Crowley)
Les savants sont handicapés car ils ont peur d'entrer dans le noir. La raison craint et fuit ce qui est sombre. Comme elle évite les ténèbres, elle ne peut parvenir á la vision de l'invisible.
(Nicolas de Cuse)
Obscurcir l'obscurité, voilà la porte de toute merveille. (Lao Tseu - Tao Te King)
Obscurum per obscurius, ignotum per ignotius. (Devise alchimique)
La ténèbre est invisible à la lumière, et d'autant plus invisible que la lumière est plus forte. Les connaissances ne découvrent point les secrets de l'inconnaissance, et elles les découvrent d'autant moins qu'elles-mêmes sont plus nombreuses. (Denys l'Aréopagite)
Lorsque tout devient incertain, nous devenons trés attentifs et nous nous tenons sur la pointe des pieds. C'est bien plus excitant de ne pas savoir derrière quel buisson se cache le lièvre. Mais au lieu de cela, nous nous comportons comme si nous étions au courant de tout. (Castaneda)
L'Arcane est de nature telle que plus on l'entrevoit de prés, moins on peut le communiquer (Giuliano Kremmerz)
Vous trouverez d'autres extraits sur ce site :Vivre dans ce champ de pure potentialité, dans ce chaos, dans cette dimension quantique, c'est vivre continuellement dans l'inconnu. La structure du mental a peu d´utilité à l'heure de naviguer dans l'inconnu, tout comme cela n'aurait aucun sens de conduire une voiture en pleine ville en ne regardant que dans le rétroviseur. Sans doute serait-il préférable de la conduire sans regarder du tout, plutôt que de regarder en arrière, vers la chaos magick par exemple ; car ce qu'il y a derrière ne peut permettre de prédire ce qui nous allons rencontrer devant. En l'absence de vision existe au moins l'espoir que se développe quelque autre type de sensibilité, une sensibilité à ce qui se situe au-delà de la perception, une sensibilité à "tout ce qui reste" lorsqu'on s'est nettoyé de tout. Mais ce "tout" qui reste ne dépend pas de la pensée et est totalement inconnu du mental. L'exploration conceptuelle - qui reçoit aussi le nom de religion, de philosophie, de spiritualité ou de magie - s'étend jusqu'à inclure cette totalité, laquelle se révèle une fois que s'est effondrée toute localisation. Mais ce tout défie la notion de catégorie de sorte que nous ne pouvons l'appeler "quelque chose". Nous pouvons seulement le qualifier de "non-chose" ou de "post-chose" et nous n'utilisons le terme "tout" que pour abandonner, encore et toujours, les limites trop prégnantes du connu.
Cette énergie de vie, ce Souffle n'est donc médiatisé par rien de particulier et c'est ce qui en fait la beauté intrinsèque. Toujours imprévisible, il ne se meut pas de façon hiérarchique ou conceptuelle au travers du temps ou de toute autre chose. Il n'est absolument pas localisé ni soumis à la causalité. À ce stade on comprend d'ailleurs parfaitement que l'univers se fout littéralement de la notion d'un moi.
Cette puissance qui est là existe comme une réalité quantique possédant le plein potentiel de se convertir en n'importe quelle chose, n'importe quelle situation. Essayons de conceptualiser le fait qu'à tout moment peut se produire n'importe quelle possibilité, n'importe quelle forme, n'importe quelle expression, sans localisation ni temps. Nous pourrons vite nous rendre compte, à travers cette tentative, que le processus de la pensée, le mental conceptuel, est totalement incapable d'affronter un tel fait. Essayons encore une fois si le coeur nous en dit, encore, encore... et d'autant plus si le fait que le mental conceptuel ne fonctionne pas dans cette sphère quantique ne nous satisfait pas.
Non. Pas moyen de mesurer ni de contrôler ce Souffle quantique. Il n'est pas de l'ordre du connu et ne peut être capturé ni prévu par nos sciences, nos philosophies ou nos rites magiques, fussent-ils chaoticiens. Au regard de ce Souffle, au contact de sa réalité s'écroulent toutes les fables et les constructions. Seul ce qui est entièrement neuf et créatif pourrait peut-être l'affronter. Qui sait ?
Nous pouvons sentir que nous avons réellement besoin de résider dans ce domaine au-delà de la pensée, que nous devons dépasser l'obsession du mental conceptuel pour pouvoir mieux prêter attention à la non-localisation et que ceci constitue le point crucial de notre transformation magique.
Mais ceci n'est qu'un début. Il n'y a pas de point final. Il n'y a que le bouillonnement de cette pure potentialité quantique. Et ceci est sans doute la merveille de la vie, c'est-à-dire que nous n'arrivons jamais à une conclusion. Nous n'arrivons jamais qu'à un commencement.
Il n'y a cependant rien à faire pour que se révèle ce souffle. Ni avec la pensée, ni avec la non pensée. Toutes les manifestations sont, potentiellement, dans ce champ de réalité. Et ce champ n'a ni dehors ni dedans, ni bien ni mal. Le définit seulement la présence de son bouillonnement. Il contient toutes les possibilités et c'est la raison pour laquelle il pose tant de problèmes au mental pensant qui est accoutumé à la différentiation, à la catégorisation et à la classification de toutes choses. Quelqu'action qu'entreprenne le mental pensant pour en avoir la compréhension est stérile. Et du point de vue quantique, la notion de "non-action" est également absurde. Car qui n'agit pas, sinon, une fois encore, le mental localisé ? Tant que vous êtes l'acteur, ce champ ne vous est pas accessible.
Cette réalité quantique est dynamique et créative. Elle ne s'appuie sur aucune référence au passé ou au futur. Elle n'hérite d'aucune magie connue. Elle ne s'en réfère même pas au présent. Elle est la liberté même.
Seul le collapsus de tout le connu, l'effondrement de l'effort, l'épuisement de toute tentative de parvenir à un point donné, bref, la reddition complète, nous ouvre à ce champ de pures potentialités. (à suivre)
http://www.terredudragon.fr/articles.php?pg=art39
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Anathème ?
Bonjour à toutes et tous.
Allons-y de notre petite "planche". Comme le titre l'indique, une question est posée sur un point particulier des spiritualités, qu'elles soient philosophiques ou religieuses.
Il existe un anathème universel sur la Magie lancé par toutes les grandes religions et/ou philosophies ayant modelé l'esprit et les conceptions des humains. Pourquoi, et à quoi cette démarche correspond-elle ? Y a-t-il moyen d'aller au-delà et de réconcilier ces deux positions. C'est ce que nous allons tenter d'examiner.
Force nous est de poser deux constatations, fondant l'existence de deux groupes :
• Dans les formes archaïques de religion, cycliques et non historicistes, la magie est étroitement imbriquée au corpus de doctrines.
• Dans les formes historicistes, non cycliques, de religion ou de philosophie religieuse, l'anathème est quasi universel (bouddhisme, monothéismes judaïque, chrétien, musulman).
Nous laisserons de côté l'aspect « lutte d'influence » qui pourrait justifier cet anathème, car si cet aspect a influencé le judaïsme ou le christianisme, par exemple, c'était dans un contexte de « guerre de conquête théologique » qui ne semble pas s'appliquer aux paroles du Bouddha :
" Eh bien! Kevaddha! C'est justement parce que je vois le danger dans la pratique des merveilles mystiques, que je les exècre, et les abhorre et que j'en ai honte. "
(Kevaddha Sutta, 4 sq.; Dîgha Nikâya, 1, 212 sq.)
Revenons donc à nos deux groupes. La question immédiate est : « quelle est la différence fondamentale entre eux » ?
- Ce n'est pas le caractère cyclique de la destinée de l'être (accepté par les diverses formes de bouddhisme et d'hindouisme comme par certains groupes chrétiens primitifs).
- Ce n'est pas la « chute dans l'histoire » décrite par Eliade. Le bouddhisme, le shintoïsme ou le confucianisme semblent n'en faire que peu de cas, contrairement aux monothéismes occidentaux.
- Ce n'est pas le concept de « foi », là aussi propre aux monothéismes du Moyen-Orient, mais en réalité applicable, bien que non-dit, à nombre de démarches.
La différence nous semble venir de la conception que chacun a de la structure même de l'univers, dans le cadre duquel nos existences successives ou uniques se déroulent.
Dans les conceptions archaïques, valorisant la Magie, il est certain que « in illo tempore » une chute dans la matérialité s'est produite, une chute dans l'histoire, l'introduction de la notion de « temps qui passe ». Mais alors que dans les religions et/ou philosophies qui proscrivent la magie, il est impossible de revenir « en ce temps là », par les rites et rituels, de réintégrer le Grand Temps, voire l'Espace Sacré, dans toutes les autres doctrines que nous connaissions, cette réintégration de l'état des origines est possible. C'est un postulat posé a priori, mais il n'en est pas moins efficace et agissant.
Dans les religions archaïques, l'espoir existe. Il existe ici et maintenant. Le salut, c'est-à-dire la fin des souffrances existentielles inexorablement liées à la condition humaine, ne se situe pas dans un hypothétique futur : il est là, à chaque instant, à la portée de tout homme qui, par ou sans l'intercession du Chaman, décide de réintégrer le Grand Temps et l'état des origines. Comme le montre Eliade, les rituels divers pratiqués par ces peuples sont tous centrés sur cette notion de réintégration. Ainsi en est-il des rituels de guérison, par exemple, qui, faisant « rejouer » au malade l'acte majeur, la Cosmogonie, permettent de re-créer son corps malade à l'image parfaite du cosmos à ses débuts. Il n'est nullement question de changement de mode d'être ni de fusion avec le Tout, ou encore de réalisation du Soi. Non, c'est ici et maintenant, en espérant obtenir des effets immédiatement constatables.
Ainsi, ce que nous appellerions Magie semble être en réalité une union au Cosmos, au delà du temps profane, et le fait même que cette union soit recherchée présuppose qu'elle est souhaitable.
Que nous disent les religions / philosophies de l'autre groupe (celui qui proscrit la Magie) ?
Cette vie est une vallée de larmes (Chrétiens) et le salut est en Christ, le Samsara nous emprisonne et la Maya nous aveugle (Bouddhistes), l'ego nous aveugle et empêche la réalisation du Soi (Hindouistes), notre Salut est dans le fait d'obéir à l'Eternel (Judaïsme) ou de servir Allah et d'appliquer ses commandements (Islam). Dans tous les cas de figure, l'univers dans lequel nous vivons cette vie charnelle est considéré comme le degré le plus bas des modes d'être. Les différentes formes de Bouddhisme et d'Hindouisme conseillent de tenter d'atteindre l'illumination, c'est-à-dire de dépasser les apparences pour nous unir avec « ce qui n'a ni commencement ni fin », « le Vide » (Musashi).
Bref toutes les doctrines de ce groupe supposent qu'il existe une réalité transcendante et atemporelle, au delà de ce que nous en percevons par nos sens, et que cette réalité n'est pas accessible ici et en tout temps, mais seulement, au mieux, à des instants privilégiés (Samadhi temporaire).
Et voilà apparaître, pour nous, LA différence fondamentale, en ce qui concerne la pratique de la Magie du moins.
- Les groupes humains acceptant et pratiquant la Magie ne supposent pas que cet univers sensible est une illusion.
- Les groupes qui en proscrivent l'utilisation, si (rituel de Tchöd, tel que décrit et analysé par David-Neel).
C'est d'ailleurs une attitude parfaitement cohérente dans les deux cas, et je crains qu'entre ces deux groupes, seul le point et l'angle de vue ne diffèrent.
Le groupe « archaïque » ne nie pas, bien au contraire, l'existence d'une partie d'univers « supranaturelle », monde des Dieux, des Esprits, des Loas, des Génies, etc. surmonté parfois d'une couche supplémentaire, où réside le Créateur (le Grand Mêt' par exemple).
De même le groupe « a-magique » ne nie pas l'existence d'un univers bien matériel. La différence est, comme nous l'avons dit, dans le point d'où l'on observe les choses, et l'angle sous lequel on les considère.
Pour le groupe « magique », la réalité quotidienne est l'univers immédiatement sensible, au-dessus vient une couche supranaturelle, intégrée à l'univers sensible, la plupart du temps inaccessible.
Pour le groupe « a-magique », la véritable réalité est cette partie atemporelle et a-spatiale, dont l'univers sensible n'est qu'un pâle épiphénomène.
Pour paraphraser une image célèbre, tout se passe comme si deux nains aveugles se tenaient l'un à la tête et l'autre à la queue d'un éléphant. Leurs perceptions de ce seul et unique animal risquent fort de différer grandement.
De cette différence de vision et d'appréciation de l'univers, pris dans sa globalité, naturel et supranaturel mêlés, peut surgir une explication de cet anathème qu'on constate.
Pour l'adepte des idées du second groupe, tout n'est qu'illusion. S'adonner à la Magie est donc agir sur l'illusion, autrement dit, perdre un temps précieux, qui ne nous fait pas progresser vers cette idée de « salut » ou de réalisation si chère à ces mêmes adeptes.
Pour le tenant des conceptions du premier groupe, pratiquer la Magie signifie poser des actes qui sont en prise directe avec cet univers, entre autres choses sensible, que décrient tant les partisans des théories du second groupe.
Pourquoi pas après tout, les deux hypothèses se tiennent, il ne s'agit que d'un acte de foi, les preuves (au sens que nous donnons à ce terme en occident et à notre époque) manquant totalement.
Qu'on ne vienne pas établir de hiérarchies entre les visions d'un Chaman sibérien et celles de Sainte Thérèse d'Avila, car ce sont deux expériences humaines se valant également. Qu'on ne vienne pas nous parler des « miracles » de Lourdes et autres lieux sacrés. Il se produisait tout autant de miracles à Eleusis ou à Thèbes qu'à Lourdes. Là encore, action sur la Maya ou sur l'univers réel, selon le point de vue qu'on adopte. Nous avons d'ailleurs une belle illustration de ceci dans l'Ancien Testament (démonstration contradictoire de Magie entre Moïse et les Prêtres de Pharaon).
Tout cela est bel et bon, mais à part le fait de satisfaire une légitime curiosité quant au « pourquoi » de cet anathème constaté, ces quelques réflexions permettent-elles de faire avancer le débat ? Nous osons le croire : lorsque deux solutions également restrictives se présentent à nous, choisissons sans hésitation la troisième !
Ne peut-on imaginer une vision de l'univers dans laquelle les théories, partielles, de chacun des deux précédents groupes cités se rejoindraient et se fondraient en un tout sinon plus exact, du moins moins parcellaire ? Ne peut-on envisager un univers où les mots de « naturel » et de « supranaturel » n'auraient aucun sens ? Seuls seraient différenciés le sous-ensemble que nous percevons de celui qui échappe à notre perception. Cela constituerait une différenciation objective, car basée sur la reconnaissance de la subjectivité de nos visions. Cela ne mettrait pas en cause l'unicité de l'univers, seulement le fait que parfois, nous avons tendance à prendre des vessies pour des lanternes, et la partie pour le tout !
La Magie serait alors le fait d'exercer une action sur l'univers par des voies non accessibles aux sens ordinaires. Dans cette optique, ce serait exercer une action sur la part sensible de l'univers, autrement dit sur cette « illusion » dont parlent les bouddhistes ou les hindouistes, action qui nous fait procéder de la partie transcendantale de celui-ci, et en jouant sur des lois propres à cette partie transcendantale.
Pour prendre une image simpliste : l'univers à deux dimensions d'une feuille de papier. Le crayon ne peut pas écrire sur la feuille de papier s'il est lui même à deux dimensions et inséré à la feuille ! Pour pouvoir faire apparaître de manière « magique » des signes, sur la feuille de papier, aux yeux des habitants de ladite feuille, le crayon doit obligatoirement posséder une dimension de plus, non accessible aux sens des habitants plats de la feuille de papier.
Il en découle un corollaire immédiat : la Magie est un moyen d'action, non une voie de connaissance de notre vraie nature.
Le blocage qu'on observe est de deux ordres, ayant chacun sa finalité propre :
1) Dans le Discours à Khevada, le Bouddha "abhorre et exècre" les pouvoirs merveilleux, car en effet ils peuvent être une entrave à la libération que souhaite ce Maître. L'interdit est donc d'ordre pédagogique, et à nos yeux, louable.
2) Dans le judaïsme, le christianisme ou l'Islam, la Magie est considérée comme mauvaise en soi, contraire aux souhaits du Créateur. Je crains que l'intention ne soit ni aussi claire, ni aussi pédagogique et soucieuse de l'évolution des humains que la position du Bouddha. C'est une position de prise de Pouvoir, ce que nous ne considérons, au mieux, que comme une pathologie.
Second corollaire : nous devons connaître notre vraie nature et la vraie nature de l'univers afin de mettre en jeu ces lois que nous n'utilisons jusqu'ici, en Magie, que de manière empirique et sans en connaître le mode de causalité. En clair, la Magie est avant tout un outil, qui peut s'avérer une impasse de l'évolution si on s'y attache comme l'avare à son trésor. Mais pour nous, sa pratique ne contredit en rien les conseils, doctrines et préceptes des démarches religieuses et/ou philosophiques.
Si donc ce second corollaire est réalisé dans la vie d'un homme, s'il a intégré quelle est la nature de l'univers et sa nature propre, ce qui lui permet de pratiquer la Magie de manière consciente et responsable, celui-ci a tout gagné : il connaît sa vraie nature et celle de l'univers, ses souffrances s'effacent sous l'impact de la compréhension, de l'illumination, il s'éveille. Et de ce fait, il peut agir comme bon lui semble, avec la sagesse et la mesure que lui ont donné son Eveil, sur cette partie sensible de l'univers, pour aider, guérir, faire croître. En ce sens, la Magie, si on ne s'attache pas à elle, peut s'avérer une voie d'évolution. Dangereuse. Risquée. Comme le Sentier Direct des mystiques tibétains. Mais Voie tout de même.
On peut aussi évidemment s'en servir pour détruire, dissoudre, transformer...
Ces deux types d'actions sont-ils donc si différents ? A nos yeux, cette question est une fausse question : les ensembles de forces qui sont responsables de la croissance sont ni plus ni moins nécessaires que ceux qui président à la destruction. Mais ceci est une autre histoire ...
La conclusion qui semble se dégager de ceci, pour nous, est que les anathèmes quels qu'ils soient, ne sont que des manifestations de nos limitations. Laissons la Vie nous faire vivre, ne posons pas de barrières ni d'exclusives, et toutes choses, même les pires, pourront devenir des Voies d'évolution. Plus elles sont contraires à la vie, au développement, et plus nous souffrons si nous nous y engageons. Mais ça, c'est notre problème, à chacune et chacun. Et de toute façon, au final, après peut-être des millions de vies de souffrance, nous atteindrons l'Eveil. Pour moi, c'est une acte de Foi.
Que l'Etoile brille sur le Monde !
Kima
Notes biblio :
[1] Mircea Eliade, "Chamanisme et pratiques archaïques de l'extase", Paris, Payot, 1951 et 1974
[2] Mircea Eliade, "Traité d'histoire des religions", 1949, Bibliothèque historique Payot.
[3] Alexandra David-Néel, "Mystiques et Magiciens du Tibet", Plon, 1929 et coll. Pocket
[4] Claude Planson, "A la découverte du Vaudou", De Vecchi, 1978
[5] Alfred Métraux, "Le vaudou haïtien", collection Tel, Gallimard, 1958, 2010
[6] Mircea Eliade, "Le Yoga", Petite Bibliothèque Payot, 1954
[7] Musashi Miyamoto, trad. Maryse Shibata et Masumi Shibata, Poche, 1983
Allons-y de notre petite "planche". Comme le titre l'indique, une question est posée sur un point particulier des spiritualités, qu'elles soient philosophiques ou religieuses.
Il existe un anathème universel sur la Magie lancé par toutes les grandes religions et/ou philosophies ayant modelé l'esprit et les conceptions des humains. Pourquoi, et à quoi cette démarche correspond-elle ? Y a-t-il moyen d'aller au-delà et de réconcilier ces deux positions. C'est ce que nous allons tenter d'examiner.
Force nous est de poser deux constatations, fondant l'existence de deux groupes :
• Dans les formes archaïques de religion, cycliques et non historicistes, la magie est étroitement imbriquée au corpus de doctrines.
• Dans les formes historicistes, non cycliques, de religion ou de philosophie religieuse, l'anathème est quasi universel (bouddhisme, monothéismes judaïque, chrétien, musulman).
Nous laisserons de côté l'aspect « lutte d'influence » qui pourrait justifier cet anathème, car si cet aspect a influencé le judaïsme ou le christianisme, par exemple, c'était dans un contexte de « guerre de conquête théologique » qui ne semble pas s'appliquer aux paroles du Bouddha :
" Eh bien! Kevaddha! C'est justement parce que je vois le danger dans la pratique des merveilles mystiques, que je les exècre, et les abhorre et que j'en ai honte. "
(Kevaddha Sutta, 4 sq.; Dîgha Nikâya, 1, 212 sq.)
Revenons donc à nos deux groupes. La question immédiate est : « quelle est la différence fondamentale entre eux » ?
- Ce n'est pas le caractère cyclique de la destinée de l'être (accepté par les diverses formes de bouddhisme et d'hindouisme comme par certains groupes chrétiens primitifs).
- Ce n'est pas la « chute dans l'histoire » décrite par Eliade. Le bouddhisme, le shintoïsme ou le confucianisme semblent n'en faire que peu de cas, contrairement aux monothéismes occidentaux.
- Ce n'est pas le concept de « foi », là aussi propre aux monothéismes du Moyen-Orient, mais en réalité applicable, bien que non-dit, à nombre de démarches.
La différence nous semble venir de la conception que chacun a de la structure même de l'univers, dans le cadre duquel nos existences successives ou uniques se déroulent.
Dans les conceptions archaïques, valorisant la Magie, il est certain que « in illo tempore » une chute dans la matérialité s'est produite, une chute dans l'histoire, l'introduction de la notion de « temps qui passe ». Mais alors que dans les religions et/ou philosophies qui proscrivent la magie, il est impossible de revenir « en ce temps là », par les rites et rituels, de réintégrer le Grand Temps, voire l'Espace Sacré, dans toutes les autres doctrines que nous connaissions, cette réintégration de l'état des origines est possible. C'est un postulat posé a priori, mais il n'en est pas moins efficace et agissant.
Dans les religions archaïques, l'espoir existe. Il existe ici et maintenant. Le salut, c'est-à-dire la fin des souffrances existentielles inexorablement liées à la condition humaine, ne se situe pas dans un hypothétique futur : il est là, à chaque instant, à la portée de tout homme qui, par ou sans l'intercession du Chaman, décide de réintégrer le Grand Temps et l'état des origines. Comme le montre Eliade, les rituels divers pratiqués par ces peuples sont tous centrés sur cette notion de réintégration. Ainsi en est-il des rituels de guérison, par exemple, qui, faisant « rejouer » au malade l'acte majeur, la Cosmogonie, permettent de re-créer son corps malade à l'image parfaite du cosmos à ses débuts. Il n'est nullement question de changement de mode d'être ni de fusion avec le Tout, ou encore de réalisation du Soi. Non, c'est ici et maintenant, en espérant obtenir des effets immédiatement constatables.
Ainsi, ce que nous appellerions Magie semble être en réalité une union au Cosmos, au delà du temps profane, et le fait même que cette union soit recherchée présuppose qu'elle est souhaitable.
Que nous disent les religions / philosophies de l'autre groupe (celui qui proscrit la Magie) ?
Cette vie est une vallée de larmes (Chrétiens) et le salut est en Christ, le Samsara nous emprisonne et la Maya nous aveugle (Bouddhistes), l'ego nous aveugle et empêche la réalisation du Soi (Hindouistes), notre Salut est dans le fait d'obéir à l'Eternel (Judaïsme) ou de servir Allah et d'appliquer ses commandements (Islam). Dans tous les cas de figure, l'univers dans lequel nous vivons cette vie charnelle est considéré comme le degré le plus bas des modes d'être. Les différentes formes de Bouddhisme et d'Hindouisme conseillent de tenter d'atteindre l'illumination, c'est-à-dire de dépasser les apparences pour nous unir avec « ce qui n'a ni commencement ni fin », « le Vide » (Musashi).
Bref toutes les doctrines de ce groupe supposent qu'il existe une réalité transcendante et atemporelle, au delà de ce que nous en percevons par nos sens, et que cette réalité n'est pas accessible ici et en tout temps, mais seulement, au mieux, à des instants privilégiés (Samadhi temporaire).
Et voilà apparaître, pour nous, LA différence fondamentale, en ce qui concerne la pratique de la Magie du moins.
- Les groupes humains acceptant et pratiquant la Magie ne supposent pas que cet univers sensible est une illusion.
- Les groupes qui en proscrivent l'utilisation, si (rituel de Tchöd, tel que décrit et analysé par David-Neel).
C'est d'ailleurs une attitude parfaitement cohérente dans les deux cas, et je crains qu'entre ces deux groupes, seul le point et l'angle de vue ne diffèrent.
Le groupe « archaïque » ne nie pas, bien au contraire, l'existence d'une partie d'univers « supranaturelle », monde des Dieux, des Esprits, des Loas, des Génies, etc. surmonté parfois d'une couche supplémentaire, où réside le Créateur (le Grand Mêt' par exemple).
De même le groupe « a-magique » ne nie pas l'existence d'un univers bien matériel. La différence est, comme nous l'avons dit, dans le point d'où l'on observe les choses, et l'angle sous lequel on les considère.
Pour le groupe « magique », la réalité quotidienne est l'univers immédiatement sensible, au-dessus vient une couche supranaturelle, intégrée à l'univers sensible, la plupart du temps inaccessible.
Pour le groupe « a-magique », la véritable réalité est cette partie atemporelle et a-spatiale, dont l'univers sensible n'est qu'un pâle épiphénomène.
Pour paraphraser une image célèbre, tout se passe comme si deux nains aveugles se tenaient l'un à la tête et l'autre à la queue d'un éléphant. Leurs perceptions de ce seul et unique animal risquent fort de différer grandement.
De cette différence de vision et d'appréciation de l'univers, pris dans sa globalité, naturel et supranaturel mêlés, peut surgir une explication de cet anathème qu'on constate.
Pour l'adepte des idées du second groupe, tout n'est qu'illusion. S'adonner à la Magie est donc agir sur l'illusion, autrement dit, perdre un temps précieux, qui ne nous fait pas progresser vers cette idée de « salut » ou de réalisation si chère à ces mêmes adeptes.
Pour le tenant des conceptions du premier groupe, pratiquer la Magie signifie poser des actes qui sont en prise directe avec cet univers, entre autres choses sensible, que décrient tant les partisans des théories du second groupe.
Pourquoi pas après tout, les deux hypothèses se tiennent, il ne s'agit que d'un acte de foi, les preuves (au sens que nous donnons à ce terme en occident et à notre époque) manquant totalement.
Qu'on ne vienne pas établir de hiérarchies entre les visions d'un Chaman sibérien et celles de Sainte Thérèse d'Avila, car ce sont deux expériences humaines se valant également. Qu'on ne vienne pas nous parler des « miracles » de Lourdes et autres lieux sacrés. Il se produisait tout autant de miracles à Eleusis ou à Thèbes qu'à Lourdes. Là encore, action sur la Maya ou sur l'univers réel, selon le point de vue qu'on adopte. Nous avons d'ailleurs une belle illustration de ceci dans l'Ancien Testament (démonstration contradictoire de Magie entre Moïse et les Prêtres de Pharaon).
Tout cela est bel et bon, mais à part le fait de satisfaire une légitime curiosité quant au « pourquoi » de cet anathème constaté, ces quelques réflexions permettent-elles de faire avancer le débat ? Nous osons le croire : lorsque deux solutions également restrictives se présentent à nous, choisissons sans hésitation la troisième !
Ne peut-on imaginer une vision de l'univers dans laquelle les théories, partielles, de chacun des deux précédents groupes cités se rejoindraient et se fondraient en un tout sinon plus exact, du moins moins parcellaire ? Ne peut-on envisager un univers où les mots de « naturel » et de « supranaturel » n'auraient aucun sens ? Seuls seraient différenciés le sous-ensemble que nous percevons de celui qui échappe à notre perception. Cela constituerait une différenciation objective, car basée sur la reconnaissance de la subjectivité de nos visions. Cela ne mettrait pas en cause l'unicité de l'univers, seulement le fait que parfois, nous avons tendance à prendre des vessies pour des lanternes, et la partie pour le tout !
La Magie serait alors le fait d'exercer une action sur l'univers par des voies non accessibles aux sens ordinaires. Dans cette optique, ce serait exercer une action sur la part sensible de l'univers, autrement dit sur cette « illusion » dont parlent les bouddhistes ou les hindouistes, action qui nous fait procéder de la partie transcendantale de celui-ci, et en jouant sur des lois propres à cette partie transcendantale.
Pour prendre une image simpliste : l'univers à deux dimensions d'une feuille de papier. Le crayon ne peut pas écrire sur la feuille de papier s'il est lui même à deux dimensions et inséré à la feuille ! Pour pouvoir faire apparaître de manière « magique » des signes, sur la feuille de papier, aux yeux des habitants de ladite feuille, le crayon doit obligatoirement posséder une dimension de plus, non accessible aux sens des habitants plats de la feuille de papier.
Il en découle un corollaire immédiat : la Magie est un moyen d'action, non une voie de connaissance de notre vraie nature.
Le blocage qu'on observe est de deux ordres, ayant chacun sa finalité propre :
1) Dans le Discours à Khevada, le Bouddha "abhorre et exècre" les pouvoirs merveilleux, car en effet ils peuvent être une entrave à la libération que souhaite ce Maître. L'interdit est donc d'ordre pédagogique, et à nos yeux, louable.
2) Dans le judaïsme, le christianisme ou l'Islam, la Magie est considérée comme mauvaise en soi, contraire aux souhaits du Créateur. Je crains que l'intention ne soit ni aussi claire, ni aussi pédagogique et soucieuse de l'évolution des humains que la position du Bouddha. C'est une position de prise de Pouvoir, ce que nous ne considérons, au mieux, que comme une pathologie.
Second corollaire : nous devons connaître notre vraie nature et la vraie nature de l'univers afin de mettre en jeu ces lois que nous n'utilisons jusqu'ici, en Magie, que de manière empirique et sans en connaître le mode de causalité. En clair, la Magie est avant tout un outil, qui peut s'avérer une impasse de l'évolution si on s'y attache comme l'avare à son trésor. Mais pour nous, sa pratique ne contredit en rien les conseils, doctrines et préceptes des démarches religieuses et/ou philosophiques.
Si donc ce second corollaire est réalisé dans la vie d'un homme, s'il a intégré quelle est la nature de l'univers et sa nature propre, ce qui lui permet de pratiquer la Magie de manière consciente et responsable, celui-ci a tout gagné : il connaît sa vraie nature et celle de l'univers, ses souffrances s'effacent sous l'impact de la compréhension, de l'illumination, il s'éveille. Et de ce fait, il peut agir comme bon lui semble, avec la sagesse et la mesure que lui ont donné son Eveil, sur cette partie sensible de l'univers, pour aider, guérir, faire croître. En ce sens, la Magie, si on ne s'attache pas à elle, peut s'avérer une voie d'évolution. Dangereuse. Risquée. Comme le Sentier Direct des mystiques tibétains. Mais Voie tout de même.
On peut aussi évidemment s'en servir pour détruire, dissoudre, transformer...
Ces deux types d'actions sont-ils donc si différents ? A nos yeux, cette question est une fausse question : les ensembles de forces qui sont responsables de la croissance sont ni plus ni moins nécessaires que ceux qui président à la destruction. Mais ceci est une autre histoire ...
La conclusion qui semble se dégager de ceci, pour nous, est que les anathèmes quels qu'ils soient, ne sont que des manifestations de nos limitations. Laissons la Vie nous faire vivre, ne posons pas de barrières ni d'exclusives, et toutes choses, même les pires, pourront devenir des Voies d'évolution. Plus elles sont contraires à la vie, au développement, et plus nous souffrons si nous nous y engageons. Mais ça, c'est notre problème, à chacune et chacun. Et de toute façon, au final, après peut-être des millions de vies de souffrance, nous atteindrons l'Eveil. Pour moi, c'est une acte de Foi.
Que l'Etoile brille sur le Monde !
Kima
Notes biblio :
[1] Mircea Eliade, "Chamanisme et pratiques archaïques de l'extase", Paris, Payot, 1951 et 1974
[2] Mircea Eliade, "Traité d'histoire des religions", 1949, Bibliothèque historique Payot.
[3] Alexandra David-Néel, "Mystiques et Magiciens du Tibet", Plon, 1929 et coll. Pocket
[4] Claude Planson, "A la découverte du Vaudou", De Vecchi, 1978
[5] Alfred Métraux, "Le vaudou haïtien", collection Tel, Gallimard, 1958, 2010
[6] Mircea Eliade, "Le Yoga", Petite Bibliothèque Payot, 1954
[7] Musashi Miyamoto, trad. Maryse Shibata et Masumi Shibata, Poche, 1983
Kima- Nombre de messages : 10
Date d'inscription : 21/12/2011
Re: Magie
Bonjour Kima,
En gros, je suis d'accord : la différence entre acceptation ou refus de la magie tient surtout du paradigme auquel on adhère, lequel résulte essentiellement du conditionnement (et auto-conditionnement) subi depuis la petite enfance.
La magie est souvent connotée par le concept de "pouvoir" : pouvoir sur les choses, sur les éléments et les forces de la nature, mais aussi sur les êtres. L'anathème jeté sur la magie relève donc partiellement de la crainte de perte de liberté et d'autonomie que l'on pourrait subir de la part de quelqu'un qui userait de ladite magie. Ne pourrait-on considérer que le groupe qui rejette la magie fonderait son attitude sur un sentiment d'infériorité (vrai ou faux, mais ressenti tel quel) vis-à-vis de ceux qui la pratiquent ? Rejet, interdiction et anathème seraient donc des "sous-produits" de la peur.
Et encore ! Dans la plupart des domaines cités ci-dessus, beaucoup découlent d'une connaissance ou d'une technologie détenue par seulement quelques catégories d'individus (ex.: informaticiens), mais sont néanmoins admis, assimilés, et d'usage courant (ex.: GSM). Ainsi, mon arrière grand-père aurait probablement considéré la télévision comme de la magie (souvenons-nous de la panique lors de la première projection cinématographique des frères Lumière "L'entrée d'un train en gare de La Ciotat"). Moi pas, je n'y vois pas magie, parce que j'admets qu'elle fonctionne, et elle ne sort pas de mon cadre paradigmatique. Pourtant, bien qu'informé des concepts de base, je dois admettre que lorsque j'ouvre la boîte-à-images pour regarder ce qu'il y a dedans, je suis bien incapable de comprendre comment ça fonctionne, et encore moins comment réparer !
En gros, je suis d'accord : la différence entre acceptation ou refus de la magie tient surtout du paradigme auquel on adhère, lequel résulte essentiellement du conditionnement (et auto-conditionnement) subi depuis la petite enfance.
La magie est souvent connotée par le concept de "pouvoir" : pouvoir sur les choses, sur les éléments et les forces de la nature, mais aussi sur les êtres. L'anathème jeté sur la magie relève donc partiellement de la crainte de perte de liberté et d'autonomie que l'on pourrait subir de la part de quelqu'un qui userait de ladite magie. Ne pourrait-on considérer que le groupe qui rejette la magie fonderait son attitude sur un sentiment d'infériorité (vrai ou faux, mais ressenti tel quel) vis-à-vis de ceux qui la pratiquent ? Rejet, interdiction et anathème seraient donc des "sous-produits" de la peur.
En effet. Mais qui est ce "nous" ? Il y a des doctrines et des cosmologies qui intègrent la magie non pas comme du supranaturel, mais comme du naturel maîtrisable moyennant certaines connaissances, ou moyennant l'adhésion à un paradigme adéquat. Vue ainsi, la magie n'est en rien surnaturelle mais seulement la mise en application d'une science, d'une connaissance.Kima a écrit:Nous devons connaître notre vraie nature et la vraie nature de l'univers afin de mettre en jeu ces lois que nous n'utilisons jusqu'ici, en magie, que de manière empirique et sans en connaître le mode de causalité. En clair, la magie est avant tout un outil, qui peut s'avérer une impasse de l'évolution si on s'y attache comme l'avare à son trésor. Mais pour nous, sa pratique ne contredit en rien les conseils, doctrines et préceptes des démarches religieuses et/ou philosophiques.
Ainsi en va-t-il de maintes applications scientifiques qui, en d'autres siècles ou en d'autres peuplades (paradigmes différents), seraient considérées comme relevant de la magie : la radio, la télévision, la radiosocopie (résonnance magnétique), l'acupuncture, l'aviation, le voyage spatial, la bilocation, Google Earth, les microdrones en forme d'insectes…Toute technologie suffisamment en avance sur son temps passerait pour de la magie.(Isaac Asimov)
Et encore ! Dans la plupart des domaines cités ci-dessus, beaucoup découlent d'une connaissance ou d'une technologie détenue par seulement quelques catégories d'individus (ex.: informaticiens), mais sont néanmoins admis, assimilés, et d'usage courant (ex.: GSM). Ainsi, mon arrière grand-père aurait probablement considéré la télévision comme de la magie (souvenons-nous de la panique lors de la première projection cinématographique des frères Lumière "L'entrée d'un train en gare de La Ciotat"). Moi pas, je n'y vois pas magie, parce que j'admets qu'elle fonctionne, et elle ne sort pas de mon cadre paradigmatique. Pourtant, bien qu'informé des concepts de base, je dois admettre que lorsque j'ouvre la boîte-à-images pour regarder ce qu'il y a dedans, je suis bien incapable de comprendre comment ça fonctionne, et encore moins comment réparer !
Montaléchel- Nombre de messages : 173
Date d'inscription : 25/07/2008
Re: Magie
Bonjour Montaléchel,
Oui, c'est un peu ce que dit Wolfgang Pauli dans sa correspondance avec Jung : "La Magie d'aujourd'hui est la physique de demain", assertion avec laquelle je ne puis qu'être d'accord.
Mais nous sommes aujourd'hui, pas demain...
Kima
Oui, c'est un peu ce que dit Wolfgang Pauli dans sa correspondance avec Jung : "La Magie d'aujourd'hui est la physique de demain", assertion avec laquelle je ne puis qu'être d'accord.
Mais nous sommes aujourd'hui, pas demain...
Kima
Kima- Nombre de messages : 10
Date d'inscription : 21/12/2011
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