Ancestralité
2 participants
Page 1 sur 1
Ancestralité
Du matériau brut (j'espère lisible) à propos des réflexions de Meillassoux sur l'ancestralité, qui constitue un vrai problème philosophique.
---
Il est temps de rétablir la théorie des qualités première et seconde, malgré son ancienneté. C'est le rapport même de la pensée à l'absolu qui s'y trouve engagé.
« Ôtez l'observateur, et le monde se vide de ses qualités sonores, visuelles, olfactives, etc... comme la flamme se « vide » de la douleur une fois le doigt ôté ».
« On ne peut pourtant pas dire que le sensible serait injecté par moi dans les choses à la façon d'une hallucination permanente et arbitraire. Car il y a bien un lien constant entre les réalités et leurs sensation : sans chose capable de susciter la sensation de rouge, pas de perception de chose rouge »
Le sensible est la relation même entre la chose et moi : qualités secondes.
On entend par qualités premières des propriétés supposées cette fois inséparables de l'objet... Pour Descartes ce sont toutes les propriétés de l'étendue, qui peuvent faire l'objet de démonstrations géométriques. On évitera le recours a l'étendue mais on réactivera la thèse cartésienne en disant que :
« tout ce qui dans l'objet peut être formulé en termes mathématiques, il y a sens à le penser comme propriété en soi »
La thèse est donc double :
- le sensible n'existe que comme rapport
- les propriétés mathématisables sont exemptes de la contraite d'un tel rapport
Il faut saisir en quoi cette thèse peut paraître absurde à un philosophe contemporain.
Nous ne pouvons nous faire une représentation de l'en-soi sans qu'il devienne un « pour-nous » ou, comme le dit plaisamment Hegel, nous ne pouvons surprendre l'objet par derrière en sorte de savoir ce qu'il serait en lui-même. Les propriétés mathématiques de l'objet ne sauraient donc faire exception à la subjectivisation précédente : elles doivent aussi être conçues comme dépendantes du rapport qu'entretient un sujet avec le donné. Position « post-critique » - révolution transcendantale (Kant, Berkeley).
Corollaire : la vérité scientifique n'est plus ce qui se conforme à un en-soi supposé indifférent à sa donation, mais ce qui est susceptible d'être donné en partage à une communauté savante (l'intersubjectivité remplace l'adéquation).
« Corrélationisme », pas de danse corrélationiste : « la relation est en quelque sorte première : le monde n'a son sens de monde que parce qu'il m'apparaît comme monde, et le moi n'a sons sens de moi que parce qu'il est le vis-à-vis du monde, celui pour qui le monde se dévoile »
Ainsi la question n'est plus : "quel est le juste substrat ?" du pré-critique, mais "quel est le juste corrélat ?" du moderne.
Il se pourrait que les Modernes aient la sourde impression d'avoir perdu le Grand Dehors des penseurs pré-critiques, le dehors absolu... Dehors qui n'est pas relatif à nous, qui se donnait comme indifférent... Dehors que la pensée pouvait parcourir avec le sentiment justifié d'être en terre étrangère – d'être cette fois pleinement ailleurs.
Pourquoi régresser vers la dogmatisme pré-critique ?
« La science est donc aujourd'hui en mesure de déterminer précisément – fût-ce à titre d'hypothèse révisable – les dates de formation de fossiles vivants antérieurs à l'émergence des premiers hominidés, la date de formation de la terre, des astres, voire « l'ancienneté » de l'Univers lui-même »
Comment saisir le sens d'un énoncé scientifique portant explicitement sur une donnée du monde posée comme antérieure à l'émergence de la pensée, et même de la vie – c'est à dire posée comme antérieure à toute forme humaine de rapport au monde ?
Définitions :
Ancestral : toute réalité antérieure à la vie humaine
Archifossile ou matière-fossile : non pas les matériaux indiquant des traces de vie passée que sont les fossiles au sens propre, mais les matériaux indiquant l'existence d'une réalité ou d'un événement ancestral, antérieur à la vie terrestre.
Dès lors qu'on se situe au sein du corrélat, tout en se refusant à son hypostase, comment interpréter un énoncé ancestral ?
Les qualités secondes (chaleur, couleur, odeur...) représentent les modes de relation d'un vivant à son environnement, et ne peuvent être pertinentes pour décrire un événement antérieur à toute forme de vie recensée... En revanche on soutiendra que les énoncés portant sur l'accrétion de la Terre qui sont formulables en termes mathématiques désignent quant à eux des propriétés effectives de l'événement en question (date, durée, extension) lors même qu'un observateur n'était présent pour en faire l'expérience directe. Par là, on soutiendrait une thèse cartésienne sur la matière, mais non pas, remarquons le bien, une thèse pythagoricienne : on ne dirait pas que l'être de l'accrétion est intrinsèquement mathématique – que les nombres ou équations engagés dans les énoncés ancestraux existent en soi.
Le philosophe corrélationiste, prudent avec la science, ajoutera à l'énoncé : « l'événement ancestral x s'est produit tant d'années avant l'apparition de l'homme – pour l'homme » (et même : pour l'homme de science)
Ce codicille, c'est le codicille de la modernité : le codicille par lequel le philosophe moderne se garde (ou du moins le croit-il) d'intervenir en rien dans le contenu de la science, tout en préservant un régime du sens extérieur à celui de la science, et plus originaire que lui. Donc le postulat du corrélationisme, face à un énoncé ancestral, c'est qu'il y a au moins 2 niveaux de sens dans un tel énoncé : le sens immédiat, réaliste ; et un sens plus originel, corrélationnel, amorcé par le codicille.
Mais le corrélationisme aboutit à un non-sens : l'énoncé ancestral est un énoncé vrai, en ce qu'objectif, mais dont il est impossible que le référent ait pu effectivement exister tel que cette vérité le décrit. C'est un énoncé vrai décrivant comme réel un événement impossible...
De plus il faut bien remarquer que la science n'établit pas une mesure pour démontrer que cette mesure est la bonne pour tous les hommes de science : on l'établit en vue d'une détermination du mesuré.
...
C'est bien à pister la pensée que l'archifossile nous convie, en nous invitant à découvrir le « passage dérobé » que celle-ci a emprunté pour réussir ce que la philosophie moderne nous enseigne depuis deux siècles comme impossible : sortir de soi-même, s'emparer de l'en-soi, connaître ce qui est que nous soyons ou pas.
---
Il est temps de rétablir la théorie des qualités première et seconde, malgré son ancienneté. C'est le rapport même de la pensée à l'absolu qui s'y trouve engagé.
« Ôtez l'observateur, et le monde se vide de ses qualités sonores, visuelles, olfactives, etc... comme la flamme se « vide » de la douleur une fois le doigt ôté ».
« On ne peut pourtant pas dire que le sensible serait injecté par moi dans les choses à la façon d'une hallucination permanente et arbitraire. Car il y a bien un lien constant entre les réalités et leurs sensation : sans chose capable de susciter la sensation de rouge, pas de perception de chose rouge »
Le sensible est la relation même entre la chose et moi : qualités secondes.
On entend par qualités premières des propriétés supposées cette fois inséparables de l'objet... Pour Descartes ce sont toutes les propriétés de l'étendue, qui peuvent faire l'objet de démonstrations géométriques. On évitera le recours a l'étendue mais on réactivera la thèse cartésienne en disant que :
« tout ce qui dans l'objet peut être formulé en termes mathématiques, il y a sens à le penser comme propriété en soi »
La thèse est donc double :
- le sensible n'existe que comme rapport
- les propriétés mathématisables sont exemptes de la contraite d'un tel rapport
Il faut saisir en quoi cette thèse peut paraître absurde à un philosophe contemporain.
Nous ne pouvons nous faire une représentation de l'en-soi sans qu'il devienne un « pour-nous » ou, comme le dit plaisamment Hegel, nous ne pouvons surprendre l'objet par derrière en sorte de savoir ce qu'il serait en lui-même. Les propriétés mathématiques de l'objet ne sauraient donc faire exception à la subjectivisation précédente : elles doivent aussi être conçues comme dépendantes du rapport qu'entretient un sujet avec le donné. Position « post-critique » - révolution transcendantale (Kant, Berkeley).
Corollaire : la vérité scientifique n'est plus ce qui se conforme à un en-soi supposé indifférent à sa donation, mais ce qui est susceptible d'être donné en partage à une communauté savante (l'intersubjectivité remplace l'adéquation).
« Corrélationisme », pas de danse corrélationiste : « la relation est en quelque sorte première : le monde n'a son sens de monde que parce qu'il m'apparaît comme monde, et le moi n'a sons sens de moi que parce qu'il est le vis-à-vis du monde, celui pour qui le monde se dévoile »
Ainsi la question n'est plus : "quel est le juste substrat ?" du pré-critique, mais "quel est le juste corrélat ?" du moderne.
Il se pourrait que les Modernes aient la sourde impression d'avoir perdu le Grand Dehors des penseurs pré-critiques, le dehors absolu... Dehors qui n'est pas relatif à nous, qui se donnait comme indifférent... Dehors que la pensée pouvait parcourir avec le sentiment justifié d'être en terre étrangère – d'être cette fois pleinement ailleurs.
Pourquoi régresser vers la dogmatisme pré-critique ?
« La science est donc aujourd'hui en mesure de déterminer précisément – fût-ce à titre d'hypothèse révisable – les dates de formation de fossiles vivants antérieurs à l'émergence des premiers hominidés, la date de formation de la terre, des astres, voire « l'ancienneté » de l'Univers lui-même »
Comment saisir le sens d'un énoncé scientifique portant explicitement sur une donnée du monde posée comme antérieure à l'émergence de la pensée, et même de la vie – c'est à dire posée comme antérieure à toute forme humaine de rapport au monde ?
Définitions :
Ancestral : toute réalité antérieure à la vie humaine
Archifossile ou matière-fossile : non pas les matériaux indiquant des traces de vie passée que sont les fossiles au sens propre, mais les matériaux indiquant l'existence d'une réalité ou d'un événement ancestral, antérieur à la vie terrestre.
Dès lors qu'on se situe au sein du corrélat, tout en se refusant à son hypostase, comment interpréter un énoncé ancestral ?
Les qualités secondes (chaleur, couleur, odeur...) représentent les modes de relation d'un vivant à son environnement, et ne peuvent être pertinentes pour décrire un événement antérieur à toute forme de vie recensée... En revanche on soutiendra que les énoncés portant sur l'accrétion de la Terre qui sont formulables en termes mathématiques désignent quant à eux des propriétés effectives de l'événement en question (date, durée, extension) lors même qu'un observateur n'était présent pour en faire l'expérience directe. Par là, on soutiendrait une thèse cartésienne sur la matière, mais non pas, remarquons le bien, une thèse pythagoricienne : on ne dirait pas que l'être de l'accrétion est intrinsèquement mathématique – que les nombres ou équations engagés dans les énoncés ancestraux existent en soi.
Le philosophe corrélationiste, prudent avec la science, ajoutera à l'énoncé : « l'événement ancestral x s'est produit tant d'années avant l'apparition de l'homme – pour l'homme » (et même : pour l'homme de science)
Ce codicille, c'est le codicille de la modernité : le codicille par lequel le philosophe moderne se garde (ou du moins le croit-il) d'intervenir en rien dans le contenu de la science, tout en préservant un régime du sens extérieur à celui de la science, et plus originaire que lui. Donc le postulat du corrélationisme, face à un énoncé ancestral, c'est qu'il y a au moins 2 niveaux de sens dans un tel énoncé : le sens immédiat, réaliste ; et un sens plus originel, corrélationnel, amorcé par le codicille.
Mais le corrélationisme aboutit à un non-sens : l'énoncé ancestral est un énoncé vrai, en ce qu'objectif, mais dont il est impossible que le référent ait pu effectivement exister tel que cette vérité le décrit. C'est un énoncé vrai décrivant comme réel un événement impossible...
De plus il faut bien remarquer que la science n'établit pas une mesure pour démontrer que cette mesure est la bonne pour tous les hommes de science : on l'établit en vue d'une détermination du mesuré.
...
C'est bien à pister la pensée que l'archifossile nous convie, en nous invitant à découvrir le « passage dérobé » que celle-ci a emprunté pour réussir ce que la philosophie moderne nous enseigne depuis deux siècles comme impossible : sortir de soi-même, s'emparer de l'en-soi, connaître ce qui est que nous soyons ou pas.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: Ancestralité
Bonjour,
"Dès lors qu'on se situe au sein du corrélat, tout en se refusant à son hypostase, comment interpréter un énoncé ancestral ?"
"On" a dit ki fallait faire du poético-intello... c'est le seul haïku que j'ai repéré...
Pour le reste, je suis ok, même si je trouve qu'il adopte un "style" trop proche de celui de ses collègues... qui n'ont aucune envie de changer de fond de commerce, évidemment. Me fait un peu penser à Guy Debors, qui, à la fin, n'écrivait plus que pour être lu que par les R.G.
Dialement
ron
"Dès lors qu'on se situe au sein du corrélat, tout en se refusant à son hypostase, comment interpréter un énoncé ancestral ?"
"On" a dit ki fallait faire du poético-intello... c'est le seul haïku que j'ai repéré...
Pour le reste, je suis ok, même si je trouve qu'il adopte un "style" trop proche de celui de ses collègues... qui n'ont aucune envie de changer de fond de commerce, évidemment. Me fait un peu penser à Guy Debors, qui, à la fin, n'écrivait plus que pour être lu que par les R.G.
Dialement
ron
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: Ancestralité
L’ ÉNIGME DU RÉALISME.
À propos d'Après la finitude de Quentin Meillassoux
Par Ray Brassier
http://anaximandrake.blogspirit.com/list/traductions/Brassier_Enigme_du_Realisme.pdf
À propos d'Après la finitude de Quentin Meillassoux
Par Ray Brassier
http://anaximandrake.blogspirit.com/list/traductions/Brassier_Enigme_du_Realisme.pdf
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum