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L'Or et l'Argent

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Message  Montaléchel Lun 27 Fév 2012, 19:05

Bonjour.

Je lance le sujet du symbolisme de l'or non seulement parce que ce métal occupe une place de choix dans la thématique alchimique, mais aussi parce que le magazine Sciences&Avenir vient de consacrer un dossier spécial à l'or des Amériques dans son numéro 779 de janvier 2012.

S'il est clair que les conquérants espagnols recherchaient l'or par avidité, on s'aperçoit par contre que les autochtones entretenaient avec ce précieux métal une relation radicalement différente.
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Le magazine cite une anecdote très parlante tirée des chroniques espagnoles écrites entre 1517 et 1697, traduites par François Baldy. Hernan Cortés, le conquistador bien connu, arrivant à Tatahuitlapan, ne trouva qu'une vingtaine de prêtres protégeant un grand beau temple. Ceux-ci déclarèrent préférant mourir avec leurs dieux, sachant très bien que les espagnols détruisaient les idoles. Essentiellement pour en récupérer les parures en or, évidemment. Lorsque les Amérindiens virent que les membres d'une tribu alliée aux Espagnols, les Mexicos, portaient sur eux les parures de leurs idoles, ils se mirent à pleurer, disant qu'ils ne voulaient plus vivre puisque leurs dieux étaient morts. Les parures en or des dieux étaient donc, à leurs yeux, bien plus que des ornements. C'étaient des organes vitaux des dieux. Seuls les grands prêtres ou les rois pouvaient s'identifier aux dieux en revêtant ces parures.

Souvent, l'or était associé au soleil. Les Incas du Pérou comparaient l'or aux « larmes du soleil » ; les Aztèques du Mexique le considéraient comme « l'excrément » de la divinité. L'or était donc vu comme une production de la divinité solaire. De plus, par ses propriétés (inoxydable, inaltérable), il était associé à l'éternité et à l'immortalité. Voilà un point de vue qui est de toute évidence assez proche de celui des alchimistes !

Contrairement aux envahisseurs, les Amérindiens n'accordaient aucune valeur marchande à l'or. Carole Fraresso, de l'Institut de recherche sur les archéomatériaux–Iramat–CRP2A (CNRS), précise :
Toute sa valeur était dans son aspect esthétique et dans son symbolisme du pourvoir délégué par le divin, grâce à sa couleur et à son éclat qui symbolisent d'abord la divinité diurne solaire à l'origine de la vie. L'or incarne aussi les dieux masculins qui habitent le monde « d'en haut » alors que l'argent, l'autre métal précieux d'importance, est lié à la Lune. Rattaché aux divinités féminines et à la fertilité, cet astre incarne le monde humide « d'en bas », l'inframonde des morts, et par voie de conséquence la terre-mère nourricière d'où jaillissent les plantes et les « pierres sacrées » : les minerais.
Dans l'environnement animiste qui prévaut au sein des populations précolombiennes, de nombreuses croyances sont associées aux minerais précieux.
Carmen Salazar-Soler, ethnologue (CNRS), a écrit:Le métal était considéré comme une sorte d'embryon, de "graine", qui devait être fécondé pour naître de la terre et ensuite pouvoir être extrait et transformé par l'homme.
Et Ana Maria Falchetti, anthropologue spécialisée en archéologie préhispanique, de renchérir :
"L'or et le métal en général étaient considérés comme des êtres vivants chez les Quimbayas (Ier au Xe siècle), en Colombie, avec des cycles de vie identiques à celui des hommes, des animaux et des plantes."

Voilà qui devrait éveiller l'attention des aspirants alchimistes ! La philosophie des Amérindiens va plus loin encore dans la comparaison, car parmi les métaux, le cuivre revêtait une importance particulière à cause de sa couleur rouge rappelant la menstruation féminine. Allié à l'or qui, lui, était considéré comme un élément masculin, l'alliage cuivre-or constituait une sorte d'embryon dans le creuset de l'orfèvre ; le creuset étant quant à lui vu comme un utérus.

Considérés comme des êtres vivants, les métaux précieux étaient susceptibles de contracter des maladies (l'oxydation) ou de mourir en perdant leur brillance. Il était donc possible de les « soigner » en opérant des mélanges, en les fondant, ou en les recyclant, selon le savoir-faire des amautas (maîtres des métaux). Les spécialistes pensent aujourd'hui que ces artisans suivaient une formation technique mais aussi religieuse pour apprendre à intégrer la mythologie dans leurs œuvres. Dans le nord du Pérou, on attribuait à ces artisans des pouvoirs magiques, en particulier celui de transmettre le camac, le souffle vital qui animait les objets.

Les similitudes entre la conception amérindienne précolombienne et les fondements de la démarche alchimique en Occident méritaient d'être soulignées sur notre forum.
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Message  Nelly Foulcat Mar 28 Fév 2012, 16:04

Montaléchel citant Carmen Salazar-Soler a écrit:Le métal était considéré comme une sorte d'embryon, de "graine", qui devait être fécondé pour naître de la terre et ensuite pouvoir être extrait et transformé par l'homme.
En lisant ces mots écrits, je ne peux m'empêcher de penser à Fulcanelli qui considérait l'Alchimie comme les anciens soit une agriculture céleste étant donné qu'elle offre, dans ses lois, ses circonstances et ses conditions le plus étroit rapport avec l'agriculture terrestre. Les populations précolombiennes tout comme nos Alchimistes perçevaient donc le métal comme une graine et donc comme un être vivant ayant la possibilité d'engendrer.

Fulcanelli ne dit rien d'autres dans ce long extrait de l'ouvrage "Les Demeures Philosophales" partie "Château de Dampierre" Chapitre VII :
L’analogie hermétique apparaît ainsi fondée sur l’art du cultivateur. De même qu’il faut une graine pour obtenir un épi, — nisi granum frumenti, — de même il est indispensable d’avoir tout d’abord la semence métallique, afin de multiplier le métal. Or, chaque fruit porte en soi sa semence, et tout corps, quel qu’il soit, possède la sienne. Le point délicat, que Philalèthe appelle le pivot de l’art, consiste à savoir extraire du métal ou du minéral cette semence première. C’est la raison pour laquelle l’artiste doit, au début de son ouvrage, décomposer entièrement ce qui a été assemblé par la nature, car « quiconque ignore le moyen de détruire les métaux, ignore aussi celui de les perfectionner ». Ayant obtenu les cendres du corps, celles-ci seront soumises à la calcination, qui brûlera les parties hétérogènes, adustibles, et laissera le sel central, semence incombustible et pure que la flamme ne peut vaincre. Les sages lui ont appliqué les noms de soufre, premier agent ou or philosophique.

Mais toute graine capable de germer, de croître et de fructifier, réclame une terre propre. L’alchimiste a besoin, lui aussi, d’un terrain approprié à l’espèce et à la nature de sa semence ; ici encore, c’est au seul règne minéral qu’il devra le demander. Certes, ce second travail lui coûtera plus de fatigue et de temps que le premier. Et cela également concorde avec l’art du cultivateur. Ne voyons-nous pas tous les soins de ce dernier dirigés vers une exacte et parfaite préparation du sol ? Tandis que les semailles se font vite et sans grand effort, la terre, au contraire, exige plusieurs labours, une juste répartition des engrais, etc., travaux pénibles et de longue haleine dont l’analogie se retrouve au Grand Oeuvre philosophal.

Que les vrais disciples d’Hermès étudient donc les moyens simples et efficaces d’isoler le mercure métallique, mère et nourrice de cette semence d’où naîtra notre embryon ; qu’ils s’appliquent à purifier ce mercure et à exalter ses facultés, à l’instar du paysan qui augmente la fécondité de l’humus en l’aérant fréquemment, en lui incorporant les produits organiques nécessaires. Surtout, qu’ils se défient des procédés sophistiques, formules capricieuses à l’usage des ignorants ou des avides. Qu’ils interrogent la nature, observent de quelle manière elle opère, sachent discerner quels sont ses moyens et s’ingénient à l’imiter de près. S’ils ne se laissent point rebuter et ne cèdent point aux erreurs, répandues à profusion dans les meilleurs livres mêmes, sans doute verront-ils enfin le succès couronner leurs efforts. Tout l’art se résume à découvrir la semence, soufre ou noyau métallique, à la jeter dans une terre spécifique, ou mercure, puis à soumettre ces éléments au feu, selon un régime de quatre températures croissantes, qui constituent les quatre saison.
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Message  Henri Schersch Mar 28 Fév 2012, 17:01

Mais alors, Montaléchel, l'alchimie pourrait-elle (aussi) nous provenir d'Amérique centrale, ramenée dans les bagages des Conquistadores ?
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Message  Montaléchel Mar 28 Fév 2012, 22:26

Je présume que non, Henri. Il y a certes des points de convergence, mais ceci ne signifie pas identité.
On considère généralement que l'alchimie nous est venue d'Orient.
Par contre, les deux traditions pourraient dériver d'une culture commune, beaucoup plus ancienne, dont les traces sont devenues rarissimes aujourd'hui. Mais ce n'est que pure hypothèse de ma part.
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Message  Henri Schersch Jeu 01 Mar 2012, 12:25

Traditionnellement, l'or est considéré comme le plus précieux des métaux car il est un métal parfait étant inaltérable.

A travers les âges et selon les régions, il a une symbolique particulière.

- Chez les Aztèques, l'or est associé à la peau neuve de la terre, au début de la saison des pluies, avant que celle-ci reverdisse. Il est le symbole du renouveau périodique de la nature.

- Dans toute l'Afrique occidentale, l'or est le métal royal qui est l'un des mythes de base à cause de ses nombreuses propriétés, bien avant qu'on ne lui attribue une valeur monétaire.

- Dans la tradition grecque, l’or évoque le Soleil et toute sa symbolique : fécondité, richesse-domination, centre de chaleur-amour-don, foyer de lumière-connaissance-rayonnement. La toison d’or ajoute un coefficient de ce symbolisme solaire à l’animal qui la porte ; au bélier, par exemple, qui représente par lui-même la puissance génératrice d’ordre corporel et, par transposition symbolique, d’ordre spirituel. La toison d’or devient l’insigne du maître et de l’initiateur.

- Chez les Egyptiens, l'or était la chair du soleil et, par extension, des dieux et des pharaons.

- Pour les Dogons et les Bambaras, l'or est la quintessence du cuivre rouge, lui-même la vibration originelle matérialisée de l'Esprit de Dieu, parole et eau, verbe fécondant.
Pour les Bambaras, l'or symbolise aussi le feu purificateur, l'illumination. Le mot sanuya, que l'on peut traduire par pureté est construit sur sanu qui veut dire or. Le moniteur Faro, divinité essentielle, organisateur du monde et maître du verbe, est représenté orné de deux colliers, l'un de cuivre rouge, l'autre d'or ; ils le tiennent au courant de toutes les paroles humaines ; le collier de cuivre lui transmet les conversations courantes, le collier d'or les paroles secrètes et puissantes. Cette fonction nocturne de l'or, symbole de la connaissance ésotérique, rejoint la signification alchimique de ce métal, produit de la digestion des valeurs diurnes ou apparentes, et résume l'ambivalence de la notion de sacré, en sacralisant les résidus de la digestion, les excréments et les immondices.

- Selon la chronique de Guaman Poma de Ayala, les habitants de Chincha-Suyu, la partie Nord-Ouest de l'Empire des Incas, plaçaient dans la bouche de leurs morts des feuilles de coca, de l'argent et de l'or. Sans doute retrouve-t-on là les valeurs symboliques du Yin et du Yang de l'or et de l'argent.

- En Inde, l'or est la lumière minérale. Il a le caractère igné, solaire et royal, voire divin.

- En Chine, la couleur symbolique de l'or est le blanc, non le jaune qui correspond à la terre. En chinois, le même caractère Kin désigne à la fois "or" et "métal". Il a l’éclat de la lumière.

En diverses régions, et notamment en Extrême-Orient, l’or est censé naître de la terre. Le caractère Kin primitif évoque des pépites souterraines. Il serait le produit de la gestation d’un embryon, ou de la transformation du perfectionnement de métaux vulgaires. C’est l’enfant des désirs de la nature. L’alchimie se contente d’achever, d’accélérer la transmutation naturelle : elle ne crée pas la matière originelle. Il va de soi que l'obtention du métal précieux n'est pas le but recherché par les vrais alchimistes, car si l'argile peut, selon Nagarjûna, être transmuée en or, Shri Râmakrishna sait bien qu'or et argile ne font qu'un. La transmutation est une rédemption ; celle du plomb en or, dirait Silésius, c'est la transformation de l'homme par Dieu en Dieu.

L’or-lumière est très généralement le symbole de la connaissance, c’est le yang essentiel. L’or, disent les Brahmana, c’est l’immortalité.
(sources principales : dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant).
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