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Théorie de la Double Causalité

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Message  Logos Dim 06 Mar 2011, 15:28

Holà très chers collaborateurs
J'ouvre un sujet pour papoter autour de cette assertion d'aliboron, dans le topic CheminCroisé ..." l'amour, le pur amour "... :
Ici, l'effet génère la cause, contrairement à ce que nous dicte une appréhension aussi « évidente » qu'aberrante du spatio-temporel
Une théorie, dite de la "double causalité", pondue par un physicien du CNRS, affirme :

"La seconde causalité, inverse de la causalité habituelle ou encore rétrocausale, nous explique comment certaines causes peuvent parfois dériver de leurs effets, alors que les effets sont censés habituellement dériver des causes. Il s'agit d'une influence du futur sur le présent, qui n'est possible que dans un univers déjà réalisé où un déterminisme inversé est à l'oeuvre, analogue à la cosmologie top-down de Stephen Hawking.

Il s'ensuit que les probabilités d'occurence de certains effets, une fois grandies par l'intention, peuvent remonter le temps pour augmenter dans notre futur immédiat les probabilités d'émergence d'opportunités qui semblent en être les causes. Cela se traduit par des coincidences ou par la manifestation d'un hasard synchrone chargé de sens et d'autant plus surprenant qu'il laisse penser avec force à l'influence d'un certain "état d'esprit". La TDC confirme la justesse de cette intuition d'un lien acausal entre esprit et évènement dans les synchronicités, lien initialement introduit par Wolfgang Pauli (Prix Nobel de Physique) et Carl Gustav Jung."

Nous pourrons creuser synchroniquement le sujet en suivant ce lien : http://www.doublecause.net/index.php?smenu=1 Studieux

A creuser également (intuition d'un rapport) : l'image que nous renvoie un miroir est plus "jeune" que notre image réelle...
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Message  Chèvre Dim 06 Mar 2011, 15:36

je suis personnellement tout a fait convaincu de ça, pour preuve l'histoire de la Colline aux chèvres (tarot des barjos, remember...) En plus, ça me plait parce que ça fout la m... dans l'académisme.
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Message  Logos Dim 06 Mar 2011, 17:01

Pourrait-on illustrer cette "rétrocausalité" comme ceci ? :

Le passé est certes "arrivé", mais les événements ne sont pas pleinement déterminés...
Le présent cause le passé en lui apportant un certain éclairage. Par exemple des détails qui avaient eu lieu mais m'avaient échappé, sont "révélés" par la perspective présente (cependant il faut envisager que cette donation de sens n'est pas absolue ; l'événement reste indéterminé)
Si je suis porté par un élan au présent, la représentation que je me fais des événements passés bascule dans un sens qui le "justifie"

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Message  Montaléchel Dim 06 Mar 2011, 20:34

La rétrocausalité ?

Scientifiquement parlant, je ne sais pas si ça tient la route, mais comme exercice de pensée, c'est formidable !

Pourtant, nous savons que le Temps qu'explorent les physiciens les plus en pointe est assez différent du temps que nous expérimentons au quotidien (le temps qui passe, les rendez-vous manqués, les rides qui apparaissent, les correspondances train/bus ratées…). Les physiciens disent que le Temps est relatif depuis un siècle(Lemaître, Einstein); il disent que le temps peut s'écouler différemment selon la vitesse à laquelle on voyage et que deux jumeaux peuvent vieillir différemment si l'un d'eux part faire un tour en fusée très loin et très vite (Langevin). Mais plus ils explorent l'infiniment petit et découvrent des particules étrange, plus ils doivent convenir que le temps peut inverser son sens (à l'échelle microscopique). Le temps s'écoulant à l'envers… Puisque les particules sont porteuses d'information, il n'est pas déraisonnable d'envisager la rétrocausalité : un choix effectué en un moment donné pourrait alors produire une conséquence dans le passé.

Comme Chèvre le remémore, nous avions déjà évoqué cette possibilité dans CheminCroisé Tarot des barjos. Cette expérience de pensée mérite développement, parce que j'ai moi aussi noté quelques étrangetés dans notre monde. Par exemple, en préhistoire. En un moment donné, les savants préhistoriens se forgent une idée de ce qu'a dû être le lointain passé à telle époque, disons : au Crétacé. Leur vue unanime n'est pas vraiment la description du passé, c'est une reconstruction mentale de ce qu'a été le passé. Ou plutôt, devrions-nous dire, une reconstruction mentale de ce qu'a pu être le passé. Quelques années passent, et le modèle conceptuel tient la route, et de nouveaux fossiles du Crétacé viennent confirmer la pensée globale. Puis survient un mouton noir, un jeune con aux idées farfelues, qui a l'impertinence de proposer une interprétation différente des fossiles et propose un autre modèle conceptuel de ce qu'aurait pu être le Crétacé. Il n'a pas de preuves, seulement un doute, pour des raisons méthodologiques, considérant que le modèle admis par tous n'est pas nécessairement entièrement faux mais laisse place à un doute. Malgré l'opprobre, il convainc un collègue de son point de vue, puis un deuxième. C'est à ce moment-là que, sur le terrain, un nouveau fossile du Crétacé est mis à jour, et jette le trouble, parce qu'il laisse entrevoir que le jeune trublion pourrait avoir raison. En retour, cela fait gagner des partisans au jeune trublion; ils sont désormais quelques uns à remettre le modèle Crétacé standard en question. C'est alors qu'un autre fossile est déterré, semblant confirmer la remise en question du modèle. Puis l'effet boule de neige fera le reste : de plus en plus de partisans du nouveau modèle, de plus en plus de mises au jour de nouvelles preuves de la validité de ce nouveau modèle. On voit même ressurgir des musées d'anciens fossiles oubliés dans des fonds de tiroir, venant apporter de l'eau au moulin des partisans du nouveau modèle.

Les rationalistes soutiendront, bien sûr, que les fossiles existaient depuis le Crétacé, et que ce sont les nouvelles fouilles qui ont permis de les découvrir, et de revoir l'ancien modèle standard. Ça, c'est la logique de causalité ordinaire.

Au contraire, la rétrocausalité expliquera que c'est l'apparition d'un nouveau modèle de compréhension du passé qui a produit les nouveaux fossiles. Pour ma part, j'admet parfaitement que ce soit possible : j'ai vécu trop de scènes qui s'expliquent mieux ainsi qu'en faisant appel à des hasards successifs dont la probabilité d'occurrence est tellement proche de zéro que vouloir impliquer le hasard dans des proportions aussi miraculeuse passe plus pour de la science-fiction que pour de la rationalité !

Si nous repartons du troisième schéma proposé par Calcédoine, dans CheminCroisé Le voyage transtemporel, on peut considérer que chacun de nos choix peut engendrer des futurs différents :

Théorie de la Double Causalité 100917121052385006765845
C'est l'éternelle question du remord : "Ah ! Si j'avais su ! J'aurais agi autrement !".
Ou les questions existentielles, du genre : "Le monde aurait-il été différent si Hitler était mort durant la guerre 1914-1918 ?", "Que se serait-il passé si un attentat contre Hitler avait réussi ?", "Et si Napoléon avait été assassiné en 1789 ?"
Par rapport au moment présent, une foule de futurs possibles s'offrent à nous, puisqu'après le choix que nous ferons sous peu, un autre choix aura lieu un peu plus tard, puis un autre plus tard encore, etc… On en arrive à une explosion exponentielle des futurs possibles :

Théorie de la Double Causalité 110306082541385007769666
Parmi ces futurs possibles, un seul émergera et deviendra (plus tard) notre réalité réalisée.
Je pense que ce modèle de représentation fait consensus.

Par contre, ce que je propose, c'est qu'il en aille de même avec les passés possibles.
Au lieu de dire que le passé est unique, fait partie de l'Histoire écrite une fois pour toute, je propose de considérer qu'une infinité de passés puisse découler de nos choix présents, par rétrocausalité :

Théorie de la Double Causalité 110306082541385007769667
Bien sûr, pour l'instant, au présent, nous ne prenons en considération qu'un seul de ces passés possibles : celui que nous considérons être la réalité historique.

Pourtant, il est tout-à-fait possible d'imaginer qu'une autre trame historique passée puisse devenir prochainement le consensus admis par tous. Est-ce notre vision du passé qui aura changé ? Non pas : nous aurons déterminé un passé différent.

Car, au fond, le passé, comme le futur, ne sont que vues de l'esprit, concernant ce qui n'existe pas, sinon en terme de possibilités, de projections, de potentialités, de rêves, de souvenirs, de projets…
Passés et futurs ne sont pas la réalité. Seul existe "l'ici-et-maintenant". Le reste est modelable par nos choix.
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Message  aliboron Dim 06 Mar 2011, 20:50

Ave Logos,

Tout d'abord, à propos de :
« Ce qui ne laisse pas d'interroger... Et semble en rapport direct avec le "bouclage" de la flèche du Temps... Je mets aussi ça en rapport avec l'idée que "les logiques des mondes possèdent des axiomes rétroactifs" (Stelio)
Un développement est-il possible (pour cervelles linéaires) ? »

Oui, ça me paraît possible; quoique très ardu (en apparence) vu que j'ai fais mienne la question posé par Angelus Silésius : « A quoi bon savoir que l'Ange est apparu à la Vierge, s'il ne m'apparait pas à moi aussi ? »
En l'occurence, délirer sur des hypothèses scientifiques évoquant la possibilité d'une Double Causalité, ou plus bandant encore : l'orthogonalité des mondes multiples de Bearden et, les mondes en gigognes de Luminet... me botte. Ces élucubrations sont emplumées....

But, je n'imagine pas bien l'intéret de le faire si l'on ne peux pas, d'une manière ou d'une autre, établir une passerelle avec les antiques « modélisations » du Monde, ce, histoire d'avoir une chance au moins d'en éprouver (existentiellement....) le bien fondé. Pas prouver mais éprouver; les preuves fatiguent la vérité disait Cocteau, et dans notre domaine encore plus.

Or, je suis enclin à postuler que c'est plus que possible : nécessaire ! Donc, oui, si on aborde de front les deux genres de modélisations; ce que je peux me risquer à entreprendre si je suis soutenu par un vrai dialogue (réfléchi, documenté, articulé, dans la mesure du Possible, of course).

De plus, il s'avère que depuis l'émergence de la physique quantique, du théorème d'Heisenberg, des maths fractales et chaotiques, ainsi que les considérations faisant suite à la mise au point des hologrammes, ces passerelles attendent d'être clairement « inventées ». Les points communs sont aussi « cruciaux » que remarquables, mais à ma modeste connaissance, ont été à peine frôlé, ici et là... Sauf au cinoche : Matrix and co.

Les credo alliant hativement science et conscience, (genre revue « 3ème millénaire »), en ne piochant dans la première QUE ce qui pourait confirmer un point de vue bouddhisant ou abusivement vedantique... pour faire l'apologie d'une pseudo vacuité, bouchent l'accès à la mangeoire, comme disait le Jésus apocryphe de l'Evangile de Thomas.
La dernière ruse de la réalité : faire croire qu'elle n'existe pas. Lîla...

Je pense particulièrement à Trojani qui en défriche les scientifiques et efficientes affinités dans sa « Médecine pour demain », mais sans les formuler explicitement ; ainsi qu'à quelques rares interprêtes des traditions Dzogchen et Shivaïtes, tels que Stéphane Arguillère et Claude Dubois.
Une constante néanmoins : le recours à une sémantique fatalement MUSICALE, chez les uns et les autres pour lier, sans l'assourdir, la dynamique sauce... Les modes de représentations spatialisantes, dont l'occident a abusé depuis Platon, étant particulièrement peu fiables à présent.

Donc possible « musicalement », en ce sens que sous un certain angle, une oeuvre musicale est une entité organique quoique subtile et que de ce fait elle « existe » dans sa totalité simultanée (voir ce qu'en on dit des Mozart par ex, quant à l'arrivage en totalité d'une inspiration), avant son déroulement linéaire.
Un « avant » perpétuel et qui reste sous jacent durant l'exécution. Ce point est d'une importance décisive pour notre sujet !

On trouvera un bon aperçu de modélisation permettant de faire correspondre « pragmatiquement » carte et territoire , dans le tome 1 d' « En islam iranien » de Corbin, pages 144 à 147; ce, appliqué au Monde Imaginal. Me vient à l'esprit (à ce qui en tient lieu...), un article tout aussi stimulant de Jacques Viret, musicologue inspiré : « Musique, nombres, cosmos : qq réflexions pythagoriciennes ».

Le sens de l'orientation supposant une re-présentation idoine, qu'elle soit révée façon aborigènes d'Australie, simulée scientifiquement, ou pensée façon Denis l'Aéropagyte, on en retiendra que l'utilité. Pas la vérité trop discutable et sans grand intérêt, (sauf pour l'égo, lequel doutant fondamentalement de la sienne, le pauvre...va les fixer autour).

D'autre part, sans l'effort et l'artifice d'une représentation adaptée et adaptable aux potentialités proposées par la Vie, il y a de fortes chances pour que l'on épouse, à l'insu de son plein gré mais surement; celle qui flotte dans l'air du temps... lamentable. J'en vois les ravages chez trop de bonnes volontés spiritualisantes, oublieuses de cette préalable vidange.

Art-ifice, art majeur, « créé dans les croyances » certes, mais pouvant être rectifié si le Ciel nous tombe sur la tête... Ce qui n'est pas le cas de la commune, inconsciemment partagée, et fait que certains se croient aptes aux Grands Mystères sans passer par les Petits, plus « artistiques »... dans tous les sens du terme.


En passant, c'est cette approche que j'ai toujours tenté dans mes élucubrations hermétiques; art de musique au sens fort et dont l'alchimie est une branche, mais particulièrement emblématique de la Composition d'ensemble, des rapports vivants articulant la sym-phonie. Son aspect « laborantin » actuel, ne flattant guère mes ouïes, et ses probabilités de réussite étant inférieures à celle du Loto gagnant, ne m'inspire rien; j'en ignore tout.

En guise d'apéricube à la suite, par exemple cet extrait de « L'ornementation fleurie des Bouddhas » rapportée par Arguillère dans son génial article « La réalité de la totalité dans l'idéalisme bouddhique ».
Le dénomé Sudhana, s'y fait ouvrir la porte de la Tour de Vairocana et pénètre ainsi dans le « domaine de la Réalité » :

«Il vit que la Tour était immensément vaste et ample, profonde par centaines de milliers de lieux, au-delà de toute mesure, comme le ciel, béante comme l'espace, parée d'innombrables attributs (...) Ainsi, au dedans de la Tour, il vit des centaines de milliers d'autres tours, pareillement déployées; il vit ces tours aussi immensément vastes que l'espace, régumièrement parsemées dans toutes les directions, et pourtant ces tours n'empiétaient pas l'une sur l'autre, étant chacune distincte de toutes les autres, bien que le reflet de chacune apparaissait sur chaque chose contenues dans toutes les autres (...). Comme il percevait sans limitations tous ces objets, par le pouvoir de production, il se prosterna de tout son corps dans toutes les directions... simultanément.
Assis, sur la surface du sol, damier de lapis-lazuli, il voyait dans chaque case d'inconcevables réflexions; il voyait ici l'image d'une contrée, là le reflet d'un Bouddha. Tous les déploiements d'ornements de ces tours, il les voyait réfléchies dans chacune de ces cases (...) Et sur les croissants qui ornaient les tours, il voyait les reflets d'innombrables soleils, lunes, étoiles et planètes qui s'élevaient et illuminaient les dix directions. »

Bon film.
Aliboroooooooooooooon

P.S. Je prends connaissance de ton post Montaléchel en publiant celui-ci, sorry.
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Message  Logos Lun 07 Mar 2011, 12:53

Merci Aliboron !

En attendant la suite, un extrait du "Retour à l'émerveillement" de Bertrand Vergely, qui me semble apporter de l'eau au moulin.

"La vie commence avec le possible, le possible étant ce que l'on ne voit pas mais qui rend la vie possible. Concrètement cela donne les potentialités du vivant, potentialités que l'on sent sous la forme d'une énergie [...] Ce potentiel démontre tout son potentiel quand il s'actualise en devenant réel. Paradoxe du réel : celui-ci est le potentiel du potentiel. Bien qu'il soit induit par le possible, il le précède, le possible devenant possible quand il est réel. Ce qui est logique. Un possible démontre son possible en tant que réel. Quand il est possible sans être réel, n'étant que possible, il n'est même pas possible. D'où la force du réel, force limitée cependant. Pour qu'il y ait un réel qui soit tel, il faut que ce réel soit créatif, il faut qu'il puisse devenir le possible d'autres possibles. En ce sens; le possible est le réel du réel, le réel n'étant réel que s'il ouvre sur du possible. Autre paradoxe : quoique le réel précède le possible, il le suit. Il importe d'en tirer les conclusions. Le réel n'est que du possible se possibilisant à l'infini. La vie désigne ce mouvement du possible. Cela veut dire que le réel que l'on voit n'est pas la totalité du réel. Ou plutôt le réel a deux faces : une face visible et une face invisible, les deux étant concomitantes, tout ce qui est réel voyant sa face de projection dans le possible et inversement. Tout est à la fois réel et possible, réel et virtuel, plein de réalité et plein d'énergie. C'est ce qui fait que le réel n'est jamais ce que l'on croit."
Calcédoine : Le questionnement concernant l'essence du réel
est également développée dans le fil Qu'est-ce que le Réel ?.

- edit -

"Au sens propre, la fiction est-elle une transmutation du fait en un "fiat", une recréation du créé" (R. Alleau)
Me semble en phase
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Message  Logos Mar 22 Mar 2011, 18:39

La musique et/est le temps

Par Michel Cornu
http://www.contrepointphilosophique.ch/
Rubrique Esthétique
4 juillet 2009

Les philosophes, pour la grande majorité d'entre eux, ont surtout été intéressés, pour ne pas dire fascinés, par ce qui se laisse voir, par la représentation, par le concept, en allemand, "Begriff", de "greifen", saisir. Or la musique ne donne rien à voir, elle résiste au concept. Elle n'est pas de l'ordre du phénomène, mais de l'événement, c'est-à-dire de ce qui surgit de l'extérieur et vient à nous dans son unicité et dans l'unicité de l'instant. Pas de l'ordre de la connaissance, mais de la conscience qui précède la connaissance. Et la musique produit ce qu'aucune connaissance intellectuelle, mais tout autant aucune expression immédiate du sentiment ne sauraient nous donner: la réconciliation de l'affectivité la plus profonde et de la pensée la plus lucide. Je m'explique: la musique n'est pas l'expression des sentiments à l'état brut, comme peuvent l'être les pleurs et les rires. Les sentiments sont transformés, élaborés, structurés en musique par un travail de la pensée. Mais la pensée n'est pas à confondre avec la connaissance. Cette dernière définit, délimite et s'approprie des territoires, alors que la pensée nous donne d'approcher le rivage de ce qui ne se laisse pas connaître. Pensée pensante et sentiments sentis sont unis dans la musique. Or le temps est à la fois ce que l'on subit –on n'échappe pas au temps- et ce que l'on élabore, organise –du temps m'est donné pour que je l'organise afin d'écrire cet article. C'est en ce sens déjà que la musique peut nous aider à comprendre le temps qui reste opaque aux concepts, mais que l'on ne peut pas ne pas penser. Schelling disait que «la musique n'est pas dans le temps, mais c'est le temps qui est dans la musique».
Approcher le temps en partant de la musique doit nous aider à penser le temps sans le réduire à un simple savoir extérieur, savoir nécessairement sur le temps et non du temps. Approcher la musique en partant du temps doit nous aider à éviter de l'utiliser pour la faire entrer dans un système philosophique. ce que les philosophes ont trop souvent fait jusqu'ici. En effet, lorsqu'ils se sont intéressés à la musique, ils l'ont trop souvent utilisée pour la faire entrer dans un système, ou justifier une idée pré-établie avant la musique elle-même.

Partir du temps, c'est bien partir de la musique puisque le temps est dans la musique et c'est peut-être aussi se donner une possibilité de mieux comprendre la musique elle-même. Mais conjointement, il faut partir de la musique, disions-nous, car c'est la musique qui a le plus de chance de nous faire "com- prendre", entrer dans le temps. «Le temps est inintelligible dites-vous? C'est sans doute que vous ignorez le temps musical et ne concevez d'autre mode de connaissance que le mode conceptuel. Mais le temps, opaque aux concepts, est clair à la pensée pensante.»

Revenons à la question du lien entre sentiment et pensée. Dans l'histoire de l'esthétique musicale, deux écoles, notamment, se sont opposées: celle qui reconnaît dans la musique essentiellement l'expression des sentiments et celle qui voit dans la musique une pure forme. En partant du temps, on arrivera peut-être à mieux comprendre que chacune de ces deux écoles ne tient que la moitié de la réalité. Si l'on pense au Voyage d'hiver de Schubert, on y trouve, en une évidence indiscutable, l'expression de la tristesse, du désespoir, de la souffrance que vit Schubert. Mais en même temps, quand il écrit le Voyage d'hiver, Schubert met en forme ses sentiments, si bien que, lorsque nous écoutons cette œuvre, nous ne sommes pas narcissiquement ramenés à notre seul malheur ou à une réduction, par trop complaisante, de l'œuvre à Franz Schubert et son malheur à lui, mais nous participons un peu mieux, grâce à ce Voyage, à la douleur du monde. Or l'élaboration musicale du sensuel, de l'affectif, du mental, se réalise, non pas dans l'espace, comme pour la peinture par exemple, mais dans le temps.

Le temps musical n'est pas le temps scientifique. En science, on va de l'explication à la compréhension, alors que c'est l'inverse dans l'art; la science repose sur le principe de causalité qui ne permet pas de comprendre la valeur musicale, par exemple, d'une fugue de Bach, si mathématiquement soit-elle construite. La science cherche l'intelligibilité objective du monde sensible, alors que l'art cherche une intelligibilité subjective. Le temps de la science reste abstrait, général, tandis que le temps de la musique est individuel, concret.
Le temps musical n'est pas le temps littéraire. Dans la lecture d'un roman, A la recherche du temps perdu, pour prendre un exemple topique, il y a le temps du récit qui se déroule et qui est extérieur au temps des événements dont on fait le récit, tandis que la musique est le temps même. Ce qui fait dire à Bernard Sève que «le temps musical est peut-être un temps plus originaire que le temps raconté, un temps plus essentiel, plus corporel sans doute, plus archaïque, un temps peut-être dans lequel le temps narratif a dû se construire". Quant au temps de la poésie, si proche de celui de la musique, il s'en distingue cependant en ce qu'il mêle le temps proprement musical au temps représenté, celui des mots.
La musique joue sur la continuité et la discontinuité: pensons au contrepoint, par exemple. Elle joue sur les altérations temporelles. Et Christian Accaoui d'énumérer: «…Phénomènes d'attente, de retard, d'étirement; de rappel, d'anticipation, de contraction; relations d'antériorité, de postériorité, de simultanéité; jeux de la mémoire (annonces, réminiscences et retours); effets de vitesse, de surprise, de tempo.» La musique n'est pas de l'ordre du temps analysable comme peut l'être le temps de la montre; elle est de l'ordre du temps qualitatif, temps gonflé de vie sensible telle qu'elle s'expérimente dans son immédiateté et temps parfaitement intelligible de la conscience. En un mot, le temps musical est celui d'un existant, d'un être incarné.
Par incarnation, j'entends le statut d'un être constitué d'un tout, à propos duquel l'analyse des parties conduit à une abstraction. L'être incarné, c'est l'"in-divis", l'individu qui n'est pas divisé entre le sensuel, le sensible, l'intellectuel, le spirituel. L'être incarné, c'est l'être qui, dans sa finitude, prend conscience de l'infini, ou, pour employer la terminologie de Kierkegaard, c'est l'existant qui réalise la synthèse de fini et d'infini, de temporel et d'éternel. S'il est un musicien qui réalise dans le temps musical cette pensée de l'incarnation, c'est Johann Sebastian Bach. Nous y reviendrons.

Auparavant, précisons quelques aspects du temps musical qui permet de rendre compte du temps de l'être incarné.
Et d'abord, le son. Comme la vie, le son naît, croît et meurt. Et c'est sans doute ainsi qu'il éveille en un raccourci saisissant les émotions profondes d'une vie suspendue entre l'être et le non-être, d'une existence dans l'entre-deux. Les sons diffèrent d'un instrument à l'autre et produisent des expériences temporelles variées. C'est ainsi que le son du piano a quelque chose d'inachevé, demandant comme un travail de la conscience pour s'accomplir, alors que l'orgue occupe tout le présent. Écoutez le Clavier bien tempéré joué à l'orgue, au clavecin ou au piano en n'étant attentifs qu'à la sonorité. Puis écoutez les différents tempi et demandez-vous ce que ces différences signifient sur le plan de l'expérience du temps.
Si le son naît et meurt, c'est bien qu'il est entouré de silence et que, sans ce dernier, il perdrait tout sens. On écoute la musique dans le silence, comme pour pouvoir la recréer intérieurement. Que la musique se développe dans le temps de la musique et dans le temps intérieur de qui l'écoute et la recrée, m'est devenu évident un jour où je pensais tout bêtement qu'il arrive souvent qu'on ferme les yeux au concert, alors qu'il ne nous arrive jamais de nous boucher les oreilles en visitant une exposition. Le silence, c'est aussi les limites du temps sans lesquelles ne serait pas le temps. La sonorité surgit du néant et habite le temps pour disparaître. Mais nous qui avons vécu cette expérience, ne retournons pas au silence comme nous y étions entrés: belle expérience de l'influence du passé sur le futur. La musique vit autant du silence que des sons, car elle se réalise par la liaison du passé, de ce qui est retourné au silence et de ce qui n'est pas encore advenu aux sons. Le silence enfin est nécessaire pour accueillir la musique qui se donne.
La mélodie nous fait prendre conscience de l'éphémère et du permanent, du devenir et de l'être, catégories que l'on retrouve dans la métaphysique depuis Parménide et Héraclite. Il y a une linéarité de la mélodie dans laquelle un événement antérieur entraîne un nouvel événement. La linéarité de la mélodie découle du système tonal. La tonalité est construite sur des rapports de hauteur. Et tout le mouvement de la mélodie vise un but: le retour de la tonique, ou première note de la gamme. La mélodie a donc un commencement, un développement et une fin. Mais en même temps, on perçoit une mélodie dans son tout. Raison pour laquelle il est plus facile de fredonner toute une mélodie qu'un seul petit bout; raison pour laquelle encore, changer une seule note, c'est changer toute la mélodie. Celle-ci instaure un temps du devenir, de l'ouverture, du désir, mais n'exclut pas la totalité vécue.
La mélodie se réalise dans un rythme donné. Le rythme, ce n'est pas seulement les temps forts et les temps faibles, c'est, plus généralement, l'ordre du temps. Le rythme est fait d'élan et de repos. L'élan donne l'unité du mouvement, mais a besoin de repos pour se renouveler, pour reprendre souffle. Et ce sont ces articulations de repos et d'élan qui donnent à la durée sa continuité. Dans le rythme, comme dans la mélodie et comme dans la conscience, continuité et discontinuité se combinent. Pensez à la syncope, cette prolongation sur le temps suivant d'une note attaquée sur la partie faible du temps précédent.
Il faut distinguer le rythme de la mesure. Le premier exprime une dimension existentielle, vivante; la seconde, une dimension mathématique, intelligible. Mesure et rythme sont nécessaires l'une et l'autre et l'une à l'autre, mais la musique ne devient vivante que grâce au rythme. À la rigidité de la mesure métronomique s'oppose le jeu du rythme qui varie, contredit les prédictions, suscite une activité toujours neuve. Jeu du rythme. Ne dit-on pas aussi qu'on joue de la musique, qu'on joue du piano, même si l'on fait ses gammes? Mais en même temps, comment pourrait-on percevoir la liberté du rythme sans la rigueur de la mesure? Ou, pour le dire en termes philosophiques, comment y aurait-il de la liberté s'il n'y avait pas non plus de la nécessité? On peut trouver également dans la mesure et le rythme deux formes du temps auquel participe l'être humain. "La mesure, exigence sociale, dompte les durées individuelles, mais aussi en réalise l'accord; et l'on peut dire que le temps social de la collectivité qui impose la mesure, est médiateur, du point de vue de la perception du temps, entre la durée subjective et le temps universel." Le rythme n'est pas extérieur au temps, mais il engendre un temps qui nous rend intelligible le temps vécu. Le rythme ordonne le temps et, du même coup, ordonne l'âme dont le temps est la substance.
Il y a la mesure, il y a le rythme; il y a encore, propre à chaque œuvre, à chaque mouvement, le tempo. Le tempo est ce qui communique avec nos sentiments qui ont eux-mêmes leur tempo propre. Donner à un sentiment de révolte un tempo élégiaque n'est peut-être pas l'adéquation parfaite. Comme le rythme, le tempo n'est pas imposé de l'extérieur, mais appartient à l'œuvre elle-même: un tempo trop lent et la musique devient languissante; au contraire, un tempo trop rapide et elle devient précipitation confuse. Comprendre un tempo, au sens de pénétrer à l'intérieur de celui-ci, c'est comprendre que la musique est le temps.
Si la musique est le temps même, différentes formes musicales expriment différentes manières de vivre le temps. Prenons l'exemple du devenir. Chez Bach, le passé s'intègre au présent qui le prolonge. Mais il y a plus: le devenir, le passé entraîné vers le futur s'enracinent dans un éternel présent. Par son cyclisme, par ses perpétuels retours, par son achèvement, la musique de Bach inscrit le devenir dans son éternelle origine. En ce sens, on peut dire qu'elle réalise la synthèse de l'éternel et du temporel. Je ne connais pas de musique où verticalité et horizontalité s'appellent autant l'une l'autre. Ce devenir, chez Bach toujours, se réalise dans la forme contrapuntique. Expliquons un peu: le contrepoint désigne une "superposition de lignes mélodiques distinctes et interdépendantes." Deux exemples de procédés contrapuntiques: le canon et la fugue. Le temps vécu n'est ainsi pas nié, mais plutôt approfondi pour gagner en universalité et en épaisseur. On a l'impression vivante de retomber sur ses pieds, d'avancer tout en ne perdant pas entièrement ce qui est passé puisqu'une deuxième, une troisième voix, et plus, reprennent successivement ce qui vient d'être joué. Dans le canon, la figure fondatrice engendre la totalité du discours musical. Le canon est à la fois sans fin (pensez à "Frère Jacques") et parfaitement fermé. Il y a chez Bach des canons rétrogrades, qu'on appelle aussi canons à l'écrevisse, qui consistent en ce que l'imitation reproduit la mélodie à l'envers. Mouvement droit et mouvement rétrograde sont superposés, passé et futur évoluent à la rencontre l'un de l'autre. Goethe dira à propos du contrepoint de Bach: «C'est comme si l'harmonie éternelle s'entretenait avec elle-même, comme cela a dû se passer dans le sein même de Dieu peu avant la création du monde.»
Le devenir romantique est tout autre: il vient, historiquement, après le classicisme dans lequel l'œuvre se développe thématiquement, dans l'enchaînement et le morcellement des thèmes. Les romantiques vont exprimer leur désir d'un ailleurs dans une forme mélodique qui s'oppose au classicisme, là où l'œuvre de Bach le précédait. «Il y a en la forme romantique l'expression de l'inadéquation de l'objet limité à l'illimité de notre désir: l'attente, au lieu d'être comblée, subsiste par-delà tous les objets provisoires qui lui sont tour à tour offerts…» Pensons à Schubert. Il est un familier de la "Wanderung". Celle-ci n'est ni promenade, ni excursion, mais plutôt un mouvement de l'être suscité par le mouvement du paysage, une exploration de son propre paysage intime. Une quête. Raison pour laquelle une "Wanderung" ne saurait être planifiée avec étapes obligées; plutôt une errance habitée, une communion avec la nature, une déambulation intérieure, une quête qui ne peut pas finir. La mélodie romantique, et cela atteint peut-être un point extrême dans une œuvre comme Tristan und Isolde de R. Wagner, est désir d'infini qui ne peut cesser et donc infini du désir.

La musique ou le temps de l'incarnation. Bach ou la musique faite incarnation.
Pour tenter de saisir comment la musique rend compte de la complexité de notre incarnation sans jamais cataloguer, conceptualiser, partons d'un exemple que je ne prends pas au hasard, bien évidemment, le Et incarnatus est de la Messe en si. Cet Incarnatus est est un des cinq morceaux en si mineur de la messe dite en si. Chez Bach, cette tonalité de si mineur est celle de la douleur. Gilles Cantagrel nous dit que si Bach n'a jamais expliqué ce que représentaient pour lui les diverses tonalités, on peut pourtant vérifier la Stimmung que, par exemple, le si mineur induit, à partir des morceaux de musique accompagnés de paroles. «À si mineur, donc, l'expression de la mélancolie, de la souffrance et de l'affliction, la nostalgie de la mort physique, les cantilènes funèbres.» Ainsi le Et incarnatus est semble nous conduire d'emblée au Golgotha: nous sommes très loin de la douceur un peu mièvre de certains Noëls populaires. Belle leçon de théologie plus prégnante que les mots. Douleur de l'Incarnation qui ne va pas sans la mort, cette mort qui traverse toute l'œuvre et toute la vie de Bach.
Mais voici que nous pouvons donner une autre interprétation à ce même morceau. Lisons ce que dit de cet Et incarnatus est, un autre musicologue, Luc-André Marcel: «L'incarnatus est […]touche au sublime. Rien n'est beau comme de voir cette puissance de rêve ressaisir le réel à sa source et nous en communiquer la fraîcheur. La musique est ici le mystère de l'incarnation même. Jamais homme de génie qui n'eût aimé le secret féminin, qui n'eût réalisé quasi parfaitement cette conjonction entre la masculinité et la féminité, n'eût pu composer page semblable. Le chœur plane, descend par vagues successives pendant qu'un motif obstiné aux violons dessine en sa courbe la grâce de la Vierge. Tout à la fois courbure de sexe, de sein, de mains jointes, génuflexion, offrande, attente candide et émerveillée, mais aussi émoi de l'homme devant la fascinante découverte, et pour tout dire tendresse de Bach lui-même lorsqu'il connut celles qu'il aima. J'insiste, car je vois là une des pages les plus étonnantes de l'amour fait musique. Cherchez, vous n'en trouverez pas de semblables, hormis dans certains madrigaux de Monteverdi.»
Il serait absurde d'opposer l'une à l'autre ces deux interprétations: ce serait encore vouloir savoir plutôt que de se laisser déstabiliser pour mieux repartir dans la pensée. Ce qui est certain, c'est que cet Et incarnatus est nous donne à penser et l'incarnation de Dieu fait homme, de l'Eternel qui se fait temporel, dirait Kierkegaard, et notre propre incarnation à laquelle appartiennent la naissance autant que la mort, la sensualité que l'angoisse, le sentiment que la pensée, le spirituel que la sensation. Chacune de ces expériences se donne à vivre dans un temps musical à chaque fois ressenti différemment.

Dans incarnation, il y a le mot chair. Deux mots donc sur la sensualité de Bach. Car, n'en déplaise aux puritains, elle existe, oh combien, même si trop souvent on fait semblant de l'oublier! Si l'on prend la cantate en général, on voit que Bach, en bon luthérien, désacralise le religieux et sanctifie le profane. Ce qui lui permet de mettre des textes bibliques sur une musique qu'il avait utilisée auparavant à la cour, par exemple. Dans ses Cantates, Bach réalise la synthèse de la rigueur ecclésiastique et des grâces du théâtre. Et dans ses Passions, il se montre un immense compositeur d'opéras sans scène. Incarnation où le spirituel illumine le sensuel et où le sensuel donne chair au spirituel. Où le haut et le bas se fondent, où l'éternel et le temporel se rejoignent. «Quand Sébastien parle de l'amour de Jésus pour l'être humain, il le fait comme le compositeur d'opéra détaillant sur les planches du théâtre toutes les nuances des sentiments amoureux. Et en homme qui sait ce dont il parle. Pour sacrée qu'elle soit, son éloquence n'atteint son but qu'à ce prix, très volontiers consenti.» Quant à la cantate BWV 49, voici ce que Cantagrel en écrit: « La métaphore masque à peine l'érotisme très cru des propos de cette scène-éclair, soulevée d'une ardente sensualité. En quelques mesures, c'est la montée du désir, et la jeune fille qui se pâme dès qu'elle a entendu le fiancé l'appeler des mots mêmes par lesquels il était parti à sa recherche (premier air), pâmoison sonore… dont le réalisme montre à quel point Bach maîtrise le langage de l'opéra et sait communiquer à l'auditeur les plus charnelles de ses émotions."
Mais à l'incarnation appartient aussi le temps de la mort. Si notre époque refoule la mort, conjointement, elle perd de plus en plus le corps au profit du corps virtuel. Pas de sensualité, de goût pour la plénitude de l'instant et de l'éphémère de la durée, pas de sens pour la spiritualité, sans reconnaissance de notre condition mortelle. L'homme dans son besoin d'analyse, dans sa posture habituellement dualiste, oublie le memento mori en s'attachant au seul instant. Et pourtant, pas de memento vivere sans le memento mori, et réciproquement. Ce que la musique, tout particulièrement, nous rend évident. La méditation de Bach sur la mort, et ceci dès son plus jeune âge, avec la cantate 106, Actus tragicus, pour ne prendre qu'un exemple, s'accompagne de la méditation sur la paix et sur la joie. Bach ira même jusqu'à exalter le désir de la mort. Toute sa vie, il aura rencontré la mort sur son chemin. Mais ce n'est que de haute lutte qu'il parviendra à une acceptation sereine. Comment trouverait-on de la sérénité sans devoir affronter le désespoir? Kirnberg, ancien élève de Bach, dit du prélude et fugue en si mineur (nous retrouvons le si mineur), N° 24 du premier cahier du Clavier bien tempéré que c'est «le meilleur exemple de l'expression du désespoir». « La mort, donc, familière, redoutée et espérée tout à la fois. La mort. Inscrite dès la naissance, comme la croix de la Passion du Christ entrevue dès la Nativité. Et commentant les Ecritures, l'Evangile et le dogme, c'est par vagues concentriques qu'il ramène à son obsession fondamentale de la mort, et à son aspiration ultime vers un innommé transcendant.» Paradoxalement, je crois que c'est parce que cette musique prend en compte si sérieusement cette dimension de la mort, inhérente à l'incarnation, qu'elle peut aussi procurer une joie, une sérénité à nulles autres pareilles. Schumann nous dit que Bach redonne du cœur à l'ouvrage et de la joie pour les choses de la vie. Et, à propos du Clavier bien tempéré, il ajoute que c'est une étude dont l'effet moralement tonique agit sur l'homme dans sa totalité.
Musique, temps de l'incarnation. Commencement, fin, présent, devenir, passé. Le temps musical nous donne, à travers ces expériences un présent spirituel. Pour nous conduire au silence de la contemplation. Ouverture au mystère.
Mystère du temps échappant sans cesse à nos conceptualisations. Mystère de l'au-delà du temps. Je ne peux jamais entendre la dernière fugue, N° 19 de L'Art de la Fugue, fugue que Bach construit sur les lettres, b.a.c.h., et qu'il laisse inachevée, sans sentir un certain effroi, sans être saisi au souffle même. Ce n'est pas l'adieu de l'opus 111 de Beethoven dont nous parle magistralement Thomas Mann dans Le Docteur Faustus; ce n'est pas l'inachevé, si fréquent chez Schubert. Bach n'avait pas l'habitude de laisser inachevé ne serait-ce qu'un accord. On se souvient de l'anecdote sur l'un de ses fils qui devait jouer au clavecin pour endormir son père. Croyant ce dernier endormi, il s'en va pour vaquer à des activités qui devaient davantage lui plaire. Alors, Bach se réveille, s'étonne, n'y tient plus, se lève et va lui-même achever l'accord. Pourquoi alors cette fugue inachevée, dans une telle perfection que représente l'art totalement abouti de L'Art de la Fugue? Gilles Cantagrel, dans son livre magistral sur Bach, dit qu'historiquement, et plus encore psychologiquement, la thèse, selon laquelle Bach aurait voulu laisser cette fugue inachevée ne tient pas. Et pourtant. Cette fugue était en l'état deux ans avant la mort du compositeur. Mais ce n'et pas le lieu d'entrer dans une discussion des divers arguments. Donc, purement subjectivement, j'avancerai que cette fugue doit rester inachevée face à l'infini, face à l'exigence que Bach s'était donné: "soli Deo gloria", à la gloire seule de Dieu. Dans Bach, dernière fugue, Armand Ferrachi écrit: «l'habitude…s'est prise […] d'interrompre brutalement la grande fugue sans ralentir et, peu après le thème nominatif, de passer au plus profond silence, ce que beaucoup tiennent pour l'expérience la plus émouvante de l'histoire de la musique et la plus belle fin possible…»…
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Message  Logos Mar 22 Mar 2011, 19:46

Une autre piste temporelle ...
http://www.garnier-malet.com/accueil_038.htm
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Message  Logos Mer 23 Mar 2011, 12:57

Petit dépliage "comme ça" à la lecture de cette théorie :

ça m'a l'air tout à fait sérieux... sauf concernant la possibilité de "formation pour optimiser ses instincts" !
je n'ai pas encore le temps de me plonger sérieusement dans la théorie, surtout que c'est de la physique hard (but je me défends) mais les conclusions qu'il tire me semblent vraisemblables, en tout cas intéressantes à creuser.
Pour assimiler tout ça, il va nous falloir expérimenter, faire marcher le "double", le féminin intérieur, l'intuition.

Tête vide, conscience placée dans la grotte du coeur : ventre, noeud vital. Le ventre est comme une peau de tambour, sur lequel agissent les rythmes du vivant. Dans cette conscience, tous les bruits, tous les événements n'apparaissent pas séparés les uns des autres (événement A au temps t et événement B eu temps t+1) mais fondus dans l'écoulement d'une mélodie, dans un TEMPO.

Le Mérovingien a écrit:Sous un certain angle, une oeuvre musicale est une entité organique quoique subtile et que de ce fait elle « existe » dans sa totalité simultanée (voir ce qu'en ont dit des Mozart par ex., quant à l'arrivage en totalité d'une inspiration), avant son déroulement linéaire.
Un « avant » perpétuel et qui reste sous-jacent durant l'exécution.
TEMPO ou Tempérance du tarot... temps propre, temps biologique... "entrée dans le roue rythmique"... idiosyncrasie qui mène à la danse.

En s'habituant à percevoir les accords et les tonalités du quotidien, se fait Ecoute-Papesse aux oreilles d'éléphant... symbole du Baptème.
Bruitages du zen.
Il y a alors "ouverture temporelle" comme dit notre physicien, c'est-à-dire l'accès à cet "avant perpétuel" où la musique est en totalité, mais non déployée.
Cet avant est donc un "espace tantrique" (d'interpénétration) où la chanson se goûte parallèlement à son dépliage séquentiel, de la même manière que je goûte la saveur du fruit avant même de le manger.
D'ailleurs le Tantra évoque ce genre de méditations en proposant de se détourner de l'objet de désir avant de le saisir... yoga du désir.

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Message  Logos Mar 31 Mai 2011, 21:47

Un message du Gitan qui me paraît assez en phase avec le topic présent :

Dans 'tradition and the individual talent' TS Eliot montre que chaque nouveauté radicale dans l'art ne se pose pas seulement comme rupture avec le passé mais qu'elle change définitivement ce que ce passé signifie pour nous...c'est une autre illustration de la necessité retroactive.

De la meme manière Bergson explique que lorsque quelquechose de nouveau surgit,ce surgissement crée ses propres conditions,modifie la cartographie de notre histoire.Quelquechose de nouveau emerge de manière contingente (à la manière de l'Evènement Badiousien ou de la Grace gratuite chretienne) et crée de manière retroactive la necessité d'une nouvelle totalité,une nouvelle manière d'envisager son existence passé,présente et future.

C'est ce que cherche aussi à signifier Borges lorsqu'il affirme que les écrivains ordinaires ont des précurseurs tandisque les grands écrivains créent leurs précurseurs.Et donc dans la vie certains ont un passé qu'ils portent comme une fatalité en forme de croix de bois et de couronne d'épines et d'autres se le créent a partir des fulgurances du présent perpetuel,de la fidélité accordé au processus de vérité qui permet aux possibles de se déployer vers le futur pour reconfigurer un passé qui soit à la hauteur de tous nos présents,de tous nos possibles.
On récolte la vie que l'on sème dixit Johnny mais les semis se font demain et la récolte hier,à rebrousse-temps.

Et donc le futur est notre origine car la necessité (qui apparait toujours à la fin) est rétroactive.Inutile de se retourner (pas pour rien que les mythes juifs et grecs ordonnent de ne jamais se retourner de peur d'etre changés en statue de pierre) car le futur que l'on doit créer à partir de nos lignes de devenir (le devenir compris comme l'actualisation du virtuel,des possibles) est ce qui éclairera notre passé,le rédimera,nous en donnera une version sanctifié et clignotante comme une sirène de flic dans la nuit de bitume.Se guerir de l'idée qu'on doit guerir puisque le passé est un fantasme que notre présent structure dans son rétroviseur selon l'intensité de nos affects et la puissance de notre créativité.
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