..." l'amour, le pur amour "...
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Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour !
Je suis d'accord avec ces dernières interventions : mon développement sur la différence entre amour et désir n'était qu'une précision inspirée par une phrase d'aliboron. Ce faisant, je m'écartais effectivement du sujet d'origine; mille excuses.
Mais je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? Parce que je sais ce que je ressens lorsque j'éprouve de l'amour, et parfois, lors d'une méditation ou lors d'un exercice spirituel, il m'arrive de ressentir grandir en moi un sentiment d'amour universel, une sensation d'énergie qui s'étend progressivement à tout le corps et amène un sourire aux lèvres. Mais ressentir de l'amour pour l'Univers et tout ce qu'il contient, c'est encore de l'amour envers Quelque-chose, même si ce Quelque-chose est Tout (soi-même inclus, indistinctement).
A vous suivre on pourrait donc être L'Amoureux, comme ça, juste amoureux, béat. C'est pourquoi je me demande si le niveau d'amour "sans objet" dont vous parlez n'est pas une sorte de béatitude, un bonheur résultant du contact avec la source de Tout, un absolu, qui ne devrait peut-être plus s'appeler amour, mais peut-être autrement.
Mais peut-être mon trouble provient-il tout simplement de la difficulté de bien s'entendre sur les mots, puisque dès qu'on aborde des concepts qui ne font pas partie de l'expérience quotidienne de tout un chacun, il devient nécessaire d'utiliser un vocabulaire analogique, imprécis, par lequel celui qui s'exprime ne parvient pas nécessairement à faire passer son ressenti...
Amitiés.
Je suis d'accord avec ces dernières interventions : mon développement sur la différence entre amour et désir n'était qu'une précision inspirée par une phrase d'aliboron. Ce faisant, je m'écartais effectivement du sujet d'origine; mille excuses.
Mais je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? Parce que je sais ce que je ressens lorsque j'éprouve de l'amour, et parfois, lors d'une méditation ou lors d'un exercice spirituel, il m'arrive de ressentir grandir en moi un sentiment d'amour universel, une sensation d'énergie qui s'étend progressivement à tout le corps et amène un sourire aux lèvres. Mais ressentir de l'amour pour l'Univers et tout ce qu'il contient, c'est encore de l'amour envers Quelque-chose, même si ce Quelque-chose est Tout (soi-même inclus, indistinctement).
A vous suivre on pourrait donc être L'Amoureux, comme ça, juste amoureux, béat. C'est pourquoi je me demande si le niveau d'amour "sans objet" dont vous parlez n'est pas une sorte de béatitude, un bonheur résultant du contact avec la source de Tout, un absolu, qui ne devrait peut-être plus s'appeler amour, mais peut-être autrement.
Mais peut-être mon trouble provient-il tout simplement de la difficulté de bien s'entendre sur les mots, puisque dès qu'on aborde des concepts qui ne font pas partie de l'expérience quotidienne de tout un chacun, il devient nécessaire d'utiliser un vocabulaire analogique, imprécis, par lequel celui qui s'exprime ne parvient pas nécessairement à faire passer son ressenti...
Amitiés.
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Salut ! en particulier à Aube-Aurore et aliboron, qui partagent la même initiale, l’A. Comme Amour…
A noter cependant qu’aliboron préfère la minuscule ; tandis qu’Aube-Aurore aime peut-être tant l’A qu’elle le redouble… ?
Je persiste et signe sur l’importance d’absence (en tout cas apparente) d’objet. C’est ma fibre pédagogique : préférer toujours un truc qui serve à expliquer… fut-ce l’inexplicable. Aimer sans objet, comme tu le notes, Aube-Aurore, c’est un peu une aporie socratique. Une impasse. C’est à mes yeux son intérêt pédagogique. Certains préfèrent les koan-zen… C’est kif-kif bourricot.
A propos de bourricot… Je rends grâce, une fois de plus, aux lumières multiples, paradoxales et chamarrées de l’Âne sublime qui, par grande chance, a élu ce Forum pour notre plus grande élévation. Chacun de tes posts est une bénédiction, Aliboron. Mais qu’est-ce qu’on ferait sans toi ?
Un bémol toutefois, sur la question de la majuscule ; je crois que ton mépris pour les mensonges de nos contemporains t’emporte. On nous vend de l’amour à toutes les sauces ? Bon, soit ! Qu’avons-nous donc à foutre de cet Amour – Business ? Pas plus que du Charity – Business ! On sait bien ce qui se cache derrière… à quoi bon gaspiller ta salive ? A mon sens, ta vindicte vient compliquer un peu plus la tâche du gars sincère qui cherche une voie. Fibre pédagogique, encore une fois. Je me demande si cet agacement ne trahit pas, simplement, le gars qui en a bien bavé pour se faufiler un passage parmi tous les marchands de fausses spiritualités à la c. ... ?
Je note que tu relèves deux pôles à la question de l’amour : 1/ le pôle ‘sans objet’, déjà cité, paradoxal comme le note Aube-Aurore : c’est notre koan-zen. Et 2/ le pôle ‘désintéressé’. Encore plus paradoxal, qui sait… et tu sembles suggérer qu’il y a bien du boulot de ce côté-là. Un koan-zen dans le koan-zen… pas banal…
En attendant (impatiemment) tes lumières bouddhiques sur cette double question, j’avance sur le sujet de l’Amour, qui se posait aussi dans l’antiquité, de même que la question de son objet, une longue citation de Pierre Hadot revenant sur le Banquet de Platon… qui trace un portrait de Socrate en Eros. N’y a-t-il pas là matière à réconcilier Amour, dans son plus haut sens, et Désir ?
ELOGE DE SOCRATE
I - SILENE
[…] voici la fin du premier chapitre (consacré à la ressemblance de Socrate avec les Silènes), qui amène le second, sur Socrate – Eros.
Comme le dit excellemment P. Friedländer, « l’ironie socratique exprime la tension entre l’ignorance (c’est-à-dire l’impossibilité d’exprimer avec des mots ce qu’est la justice) et l’expérience directe de l’inconnu, c’est-à-dire de l’existence de l’homme juste, dont la justice atteint le niveau divin. » Comme Kierkegaard n’est chrétien que par sa conscience de n’être pas chrétien, Socrate n’est sage que par sa conscience de n’être pas sage. De ce sentiment de privation naît un immense désir. C’est pourquoi Socrate le philosophe revêtira, pour la conscience occidentale, les traits d’Eros, l’éternel vagabond en quête de la vraie Beauté.
II - EROS
On pourrait dire que Socrate est le premier individu de l’histoire de la pensée occidentale. Comme l’a bien indiqué W. Jaeger, la littérature socratique, notamment les œuvres de Platon et de Xénophon, en cherchant à faire le portrait littéraire de Socrate, s’efforce de faire sentir son originalité, son unicité. Ce besoin naît certainement de l’expérience extraordinaire que représente la rencontre avec une personnalité incomparable. C’est bien là, comme l’a remarqué Kierkegaard, le sens profond des expressions atopos, atopia, atopotatos, qui reviennent très souvent dans les dialogues de Platon pour décrire le caractère de Socrate, par exemple dans le Théétète (149 a) : « On dit que je suis atopotatos et que je ne crée que l’aporia. » Le mot signifie étymologiquement « hors de lieu » donc étrange, extravagant, absurde, inclassable, déroutant. Dans son éloge de Socrate, dans le Banquet, Alcibiade insiste sur cette particularité. Il existe normalement, nous dit-il, des classes d'hommes, des types idéaux auxquels correspondent les individus ; par exemple, il y a le type « grand général noble et courageux », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, Achille, et, parmi les contemporains, le chef spartiate Brasidas ; il y a le type « homme d’Etat éloquent et avisé », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, le Grec Nestor, le Troyen Anténor et, parmi les contemporains, Périclès. Mais Socrate ne rentre dans aucune classe. On ne peut le comparer à aucun homme, conclut Alcibiade, tout au plus aux Silènes et aux Satyres. Oui, Socrate est l’Individu, l’Unique, cet Individu, si cher à Kierkegaard qu’il aurait voulu que l’on inscrivît sur son propre tombeau : « Il fut l’Individu. »
Et pourtant, malgré ce caractère incomparable, nous allons voir Socrate revêtir les traits mythiques d’Eros. Il est vrai que ce sera un Eros conçu comme une projection de la figure de Socrate.
[…]
L’amour ironique de Socrate consiste donc à feindre d’être amoureux. Dans l’ironie dialectique, Socrate faisait semblant, en posant ses questions, de désirer que son interlocuteur lui communiquât son savoir ou sa sagesse. Mais en fait l’interlocuteur découvrait dans ce jeu de questions et de réponses, qu’il était incapable de remédier à l’ignorance de Socrate, car en fait il n’avait ni savoir ni sagesse à donner à Socrate. C’était donc à l’école de Socrate, c’est à dire, en fait, à l’école de la conscience du non-savoir que l’interlocuteur désirait se mettre. Dans l’ironie amoureuse, Socrate fait semblant, par ses déclarations amoureuses, de désirer que celui qu’il feint d’aimer lui livre, non plus son savoir, mais sa beauté corporelle. Situation compréhensible : Socrate n’est pas beau, le jeune homme est beau. Mais cette fois l’aimé ou le prétendu tel découvre, par l’attitude de Socrate, qu’il est incapable de satisfaire l’amour de Socrate, car il n’a pas en lui de vraie beauté. Découvrant alors ce qui lui manque, il devient amoureux de Socrate, c’est à dire non pas de la beauté, car Socrate n’en a pas, mais de l’amour qui est, selon la définition donnée par Socrate dans le Banquet, le désir de la Beauté dont on est privé. Ainsi être amoureux de Socrate, c’est être amoureux de l’amour.
C’est là précisément le sens du Banquet de Platon. Le dialogue est construit de manière à faire deviner l’identité entre la figure d’Eros et celle de Socrate. Platon imagine que, selon la coutume, tous les convives, en allant de gauche à droite, vont prononcer à tour de rôle, l’éloge d’Eros. C’est ce que font successivement Phèdre et Pausanias, puis le médecin Eryximaque, le poète comique Aristophane, le poète tragique Agathon. Quant à Socrate, lorsque son tour est venu, il ne prononce pas directement l’éloge de l’Amour (ce serait contraire à sa méthode), mais il rapporte l’entretien qu’il eut jadis avec Diotime, la prêtresse de Mantinée, qui lui raconta le mythe de la naissance d’Eros. Normalement le dialogue devrait se terminer là, mais brusquement fait irruption, dans la salle du festin, Alcibiade, couronné de violettes et de feuilles de lierre et passablement ivre. Il se soumet quand même à la loi du banquet, mais au lieu de faire l’éloge d’Eros, il prononce celui de Socrate.
Ici l’identité entre Socrate et Eros n’est pas seulement marquée par le fait que l’éloge de Socrate prend rang à la suite et dans la ligne des éloges d’Eros déjà prononcés, mais également par le fait que les traits communs au portrait d’Eros tracé par Diotime et au portrait de Socrate tracé par Alcibiade sont nombreux et significatifs.
Le jour de la naissance d’Aphrodite, raconte Diotime, il y eut banquet chez les dieux. A la fin du repas, Pénia, c’est à dire « Pauvreté », « Privation », vint pour mendier. Elle vit alors Poros, c’est à dire « Moyen », « Expédient », « Richesse », enivré par le nectar et endormi dans le jardin de Zeus. Pour remédier à son dénuement, Pénia décida d’avoir un enfant de Poros. Elle s’étendit près de Poros endormi et conçut ainsi l’Amour.
Cette généalogie d’Eros va permettre à Diotime de faire son portrait, d’une manière si subtile que cette description pourra être interprétée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, conformément à la lettre du mythe, nous reconnaissons dans Eros des traits de son père et des traits de sa mère : du côté paternel, il tient son esprit inventif et rusé, son euporia ; du côté maternel, il tient son état de pauvre et de mendiant, son aporia. Une certaine conception de l’Amour se fait jour à travers cette description. Alors que les autres convives ont décrit Eros d’une manière idéalisée, Socrate rapporte l’entretien qu’il eut avec Diotime pour restaurer une vision plus réaliste de l’Amour. L’Amour n’est pas beau, comme l’aurait voulu le poète tragique Agathon. Sans cela, il ne serait plus l’amour. Car Eros est essentiellement désir, et on ne peut désirer que ce dont on est privé. Eros ne peut être beau : fils de Pénia, il est privé de la beauté ; mais fils de Poros, il sait remédier à cette privation. Agathon a confondu l’Amour avec son objet, c’est-à-dire avec l’aimé. Mais, pour Socrate, l’Amour est amant. Ce n’est donc pas un dieu, comme le pensent la plupart des gens, mais seulement un daimon, un être intermédiaire entre le divin et l’humain.
C’est pourquoi la description d’Eros par Diotime a quelque chose de comique. On y reconnaît le genre de vie harassant auquel condamne l’Amour. C’est le fameux thème : « Militat omnis amans ». L’amoureux monte la garde à la porte de l’aimé, passe la nuit à la belle étoile. C’est un mendiant et un soldat. Mais aussi, il est fertile en inventions, sorcier, magicien, habile discoureur, parce que l’Amour rend ingénieux. Pour lui découragement et espoir, besoin et satiété, se succèdent sans interruption avec les succès et les échecs de son amour. C’est Eros le vaurien, l’effronté, têtu, bavard, sauvage, ce vrai monstre, dont la poésie grecque, jusqu’à la période byzantine, se plaira à raconter les méfaits.
Mais dans cette figure de l’Eros chasseur, Platon, avec une étonnante maîtrise, fait apparaître les traits de Socrate, c’est à dire du « philosophe ». Eros, nous dit Diotime, loin d’être délicat et beau, comme le pense Agathon, est toujours pauvre, rude, malpropre, va-nu-pieds. Le Socrate dont Alcibiade fait l’éloge est lui aussi va-nu-pieds, couvert d’un manteau grossier qui le protège mal du froid de l’hiver. Et nous apprenons dans le contexte du dialogue que Socrate s’est exceptionnellement baigné pour venir au banquet. Les poètes comiques se gausseront de ses pieds nus et de son vieux manteau. Cette figure de Socrate comme Eros mendiant, ce sera celle du philosophe cynique, celle de Diogène, errant sans feu ni lieu, avec son manteau et sa besace, ce « Socrate furieux », comme, semble-t-il, il se définissait lui-même. Ainsi que l’a remarqué P. Friedländer, cet Eros aux pieds nus évoque aussi l’homme primitif, tel que le décrivent le Protagoras (321 c 5) et la République (272 a 5). Nous sommes ainsi ramenés à la figure de Silène, c’est-à-dire de l’être purement naturel, de la force primitive, antérieure à la culture et à la civilisation. Il n’est pas indifférent que cette composante fasse partie du complexe portrait de Socrate – Eros. Car elle correspond bien à ce renversement des valeurs que provoque la conscience socratique. Pour celui qui prend souci de son âme, l’essentiel ne se situe pas dans les apparences, dans le costume ou le confort, mais dans la liberté.
Pourtant Diotime nous dit aussi qu’Eros a des traits de son père : « Il tend des pièges aux nobles âmes, car il est hardi, effronté, endurant. C’est un dangereux chasseur, sans cesse en train de trouver quelque ruse, désireux d’être habile, plein de ressource (porimos), méditant sans cesse quelque stratagème, terrible sorcier, magicien et sophiste. » On croirait entendre le Strepsiade des Nuées d’Aristophane, décrivant ce qu’il espère devenir grâce à l’éducation socratique : « Hardi, beau parleur, effronté, impudent… jamais à court de paroles, un vrai renard. » Dans son éloge de Socrate, Alcibiade le traite d’impudent Silène, et déjà avant lui Agathon a gratifié, lui aussi, Socrate de cet épithète d’hybristes. Pour Alcibiade, Socrate est un magicien, un beau parleur, habile à attirer l’attention des beaux garçons. Quant à la robustesse d’Eros, on la retrouve dans le portrait de Socrate aux armées que trace Alcibiade : il résiste au froid, à la faim, à la peur, tout en étant capable de supporter aussi bien le vin que la méditation prolongée. Lors de la retraite de Délion, raconte Alcibiade, Socrate marchait avec autant d’aisance que s’il avait été dans les rues d’Athènes, avec cette allure que décrit Aristophane quand il le représente « se pavanant, donnant des coups d’œil en biais, les pieds nus, malgré ce que cela peut avoir de pénible, et le front austère. »
Voici donc un portrait de Socrate – Eros qui n’est pas très flatteur. Evidemment nous sommes en pleine ironie platonicienne, sinon socratique. Mais cette figure n’en a pas moins une profonde signification psychologique.
Eros est un daimon, nous dit Diotime, c’est à dire un intermédiaire entre les dieux et les hommes. Mais la situation intermédiaire est bien inconfortable. Le démon Eros, que nous décrit Diotime, est indéfinissable et inclassable, comme Socrate, l’atopos. Il n’est ni dieu ni homme, ni beau ni laid, ni sage ni insensé, ni bon ni mauvais. Mais il est désir, parce que, comme Socrate, il a conscience de ne pas être beau et de ne pas être sage. C’est pourquoi il est un philo – sophe, amoureux de la sagesse, c’est à dire désireux d’atteindre un niveau d’être qui serait celui de la perfection divine. Dans la description qu’en donne Diotime, Eros est ainsi désir de sa propre perfection, de son vrai moi. Il souffre d’être privé de la plénitude de l’être et aspire à l’atteindre. Aussi, lorsque les autres hommes aiment Socrate – Eros, lorsqu’ils aiment l’Amour, révélé par Socrate, ce qu’ils aiment en Socrate, c’est cette aspiration, c’est cet amour de Socrate pour la Beauté et la perfection de l’être. Ils trouvent donc en Socrate le chemin vers leur propre perfection.
Comme Socrate, Eros n’est qu’un appel, une possibilité qui s’ouvre, mais il n’est pas la Sagesse, ni la Beauté en soi. Il est vrai que les Silènes dont parle Alcibiade se révèlent, si on les ouvre, remplis de statues de dieux. Mais les Silènes eux-mêmes ne sont pas les statues. Ils s’ouvrent seulement pour permettre de les atteindre. Poros, le père d’Eros, signifie étymologiquement « passage », « accès », « issue ». Socrate n’est qu’un Silène qui s’ouvre sur quelque chose qui est au-delà de lui. Tel est le philosophe : un appel à l’existence. Socrate dit ironiquement au bel Alcibiade : « Si tu m’aimes, c’est que tu as dû apercevoir en moi une beauté extraordinaire qui ne ressemble en rien à la grâce des formes qui sont en toi. Mais examine les choses avec plus de soin de peur de te méprendre sur moi et sur mon néant réel. » Socrate et ainsi Alcibiade en garde ; en aimant Socrate, il n’aime qu’Eros, le fils de Pénia et de Poros, et non pas Aphrodite. Mais s’il l’aime, c’est qu’il pressent que Socrate lui ouvre un chemin vers une beauté extraordinaire qui transcende toutes les beautés terrestres. Les vertus de Socrate, ces statues de dieux cachées dans le Silène ironique, ces vertus de Socrate qu’admire Alcibiade ne sont qu’un reflet, un avant-goût de la Sagesse parfaite que Socrate désire et que désire Alcibiade à travers Socrate.
Nous retrouvons donc ainsi, dans l’éros socratique, la même structure fondamentale que dans l’ironie socratique, une conscience dédoublée qui ressent passionnément qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être. C’est de ce sentiment de séparation et de privation que naît l’Amour.
Extrait de :
Pierre Hadot, Eloge de Socrate, Editions Allia
(p. 38 à 53, avec quelques coupures, et sans les notes de bas de page)
Ce texte a d’abord fait l’objet d’une conférence donnée en I974 à la Session d’Eranos à Ascona (Suisse), sous le titre La Figure de Socrate. Il fut publié la même année dans les Annales d’Eranos (vol.43, p. 51-90) , puis intégré dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Institut d’études augustiniennes, I993.
A noter cependant qu’aliboron préfère la minuscule ; tandis qu’Aube-Aurore aime peut-être tant l’A qu’elle le redouble… ?
Je persiste et signe sur l’importance d’absence (en tout cas apparente) d’objet. C’est ma fibre pédagogique : préférer toujours un truc qui serve à expliquer… fut-ce l’inexplicable. Aimer sans objet, comme tu le notes, Aube-Aurore, c’est un peu une aporie socratique. Une impasse. C’est à mes yeux son intérêt pédagogique. Certains préfèrent les koan-zen… C’est kif-kif bourricot.
A propos de bourricot… Je rends grâce, une fois de plus, aux lumières multiples, paradoxales et chamarrées de l’Âne sublime qui, par grande chance, a élu ce Forum pour notre plus grande élévation. Chacun de tes posts est une bénédiction, Aliboron. Mais qu’est-ce qu’on ferait sans toi ?
Un bémol toutefois, sur la question de la majuscule ; je crois que ton mépris pour les mensonges de nos contemporains t’emporte. On nous vend de l’amour à toutes les sauces ? Bon, soit ! Qu’avons-nous donc à foutre de cet Amour – Business ? Pas plus que du Charity – Business ! On sait bien ce qui se cache derrière… à quoi bon gaspiller ta salive ? A mon sens, ta vindicte vient compliquer un peu plus la tâche du gars sincère qui cherche une voie. Fibre pédagogique, encore une fois. Je me demande si cet agacement ne trahit pas, simplement, le gars qui en a bien bavé pour se faufiler un passage parmi tous les marchands de fausses spiritualités à la c. ... ?
Je note que tu relèves deux pôles à la question de l’amour : 1/ le pôle ‘sans objet’, déjà cité, paradoxal comme le note Aube-Aurore : c’est notre koan-zen. Et 2/ le pôle ‘désintéressé’. Encore plus paradoxal, qui sait… et tu sembles suggérer qu’il y a bien du boulot de ce côté-là. Un koan-zen dans le koan-zen… pas banal…
En attendant (impatiemment) tes lumières bouddhiques sur cette double question, j’avance sur le sujet de l’Amour, qui se posait aussi dans l’antiquité, de même que la question de son objet, une longue citation de Pierre Hadot revenant sur le Banquet de Platon… qui trace un portrait de Socrate en Eros. N’y a-t-il pas là matière à réconcilier Amour, dans son plus haut sens, et Désir ?
ELOGE DE SOCRATE
I - SILENE
[…] voici la fin du premier chapitre (consacré à la ressemblance de Socrate avec les Silènes), qui amène le second, sur Socrate – Eros.
Comme le dit excellemment P. Friedländer, « l’ironie socratique exprime la tension entre l’ignorance (c’est-à-dire l’impossibilité d’exprimer avec des mots ce qu’est la justice) et l’expérience directe de l’inconnu, c’est-à-dire de l’existence de l’homme juste, dont la justice atteint le niveau divin. » Comme Kierkegaard n’est chrétien que par sa conscience de n’être pas chrétien, Socrate n’est sage que par sa conscience de n’être pas sage. De ce sentiment de privation naît un immense désir. C’est pourquoi Socrate le philosophe revêtira, pour la conscience occidentale, les traits d’Eros, l’éternel vagabond en quête de la vraie Beauté.
II - EROS
On pourrait dire que Socrate est le premier individu de l’histoire de la pensée occidentale. Comme l’a bien indiqué W. Jaeger, la littérature socratique, notamment les œuvres de Platon et de Xénophon, en cherchant à faire le portrait littéraire de Socrate, s’efforce de faire sentir son originalité, son unicité. Ce besoin naît certainement de l’expérience extraordinaire que représente la rencontre avec une personnalité incomparable. C’est bien là, comme l’a remarqué Kierkegaard, le sens profond des expressions atopos, atopia, atopotatos, qui reviennent très souvent dans les dialogues de Platon pour décrire le caractère de Socrate, par exemple dans le Théétète (149 a) : « On dit que je suis atopotatos et que je ne crée que l’aporia. » Le mot signifie étymologiquement « hors de lieu » donc étrange, extravagant, absurde, inclassable, déroutant. Dans son éloge de Socrate, dans le Banquet, Alcibiade insiste sur cette particularité. Il existe normalement, nous dit-il, des classes d'hommes, des types idéaux auxquels correspondent les individus ; par exemple, il y a le type « grand général noble et courageux », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, Achille, et, parmi les contemporains, le chef spartiate Brasidas ; il y a le type « homme d’Etat éloquent et avisé », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, le Grec Nestor, le Troyen Anténor et, parmi les contemporains, Périclès. Mais Socrate ne rentre dans aucune classe. On ne peut le comparer à aucun homme, conclut Alcibiade, tout au plus aux Silènes et aux Satyres. Oui, Socrate est l’Individu, l’Unique, cet Individu, si cher à Kierkegaard qu’il aurait voulu que l’on inscrivît sur son propre tombeau : « Il fut l’Individu. »
Et pourtant, malgré ce caractère incomparable, nous allons voir Socrate revêtir les traits mythiques d’Eros. Il est vrai que ce sera un Eros conçu comme une projection de la figure de Socrate.
[…]
L’amour ironique de Socrate consiste donc à feindre d’être amoureux. Dans l’ironie dialectique, Socrate faisait semblant, en posant ses questions, de désirer que son interlocuteur lui communiquât son savoir ou sa sagesse. Mais en fait l’interlocuteur découvrait dans ce jeu de questions et de réponses, qu’il était incapable de remédier à l’ignorance de Socrate, car en fait il n’avait ni savoir ni sagesse à donner à Socrate. C’était donc à l’école de Socrate, c’est à dire, en fait, à l’école de la conscience du non-savoir que l’interlocuteur désirait se mettre. Dans l’ironie amoureuse, Socrate fait semblant, par ses déclarations amoureuses, de désirer que celui qu’il feint d’aimer lui livre, non plus son savoir, mais sa beauté corporelle. Situation compréhensible : Socrate n’est pas beau, le jeune homme est beau. Mais cette fois l’aimé ou le prétendu tel découvre, par l’attitude de Socrate, qu’il est incapable de satisfaire l’amour de Socrate, car il n’a pas en lui de vraie beauté. Découvrant alors ce qui lui manque, il devient amoureux de Socrate, c’est à dire non pas de la beauté, car Socrate n’en a pas, mais de l’amour qui est, selon la définition donnée par Socrate dans le Banquet, le désir de la Beauté dont on est privé. Ainsi être amoureux de Socrate, c’est être amoureux de l’amour.
C’est là précisément le sens du Banquet de Platon. Le dialogue est construit de manière à faire deviner l’identité entre la figure d’Eros et celle de Socrate. Platon imagine que, selon la coutume, tous les convives, en allant de gauche à droite, vont prononcer à tour de rôle, l’éloge d’Eros. C’est ce que font successivement Phèdre et Pausanias, puis le médecin Eryximaque, le poète comique Aristophane, le poète tragique Agathon. Quant à Socrate, lorsque son tour est venu, il ne prononce pas directement l’éloge de l’Amour (ce serait contraire à sa méthode), mais il rapporte l’entretien qu’il eut jadis avec Diotime, la prêtresse de Mantinée, qui lui raconta le mythe de la naissance d’Eros. Normalement le dialogue devrait se terminer là, mais brusquement fait irruption, dans la salle du festin, Alcibiade, couronné de violettes et de feuilles de lierre et passablement ivre. Il se soumet quand même à la loi du banquet, mais au lieu de faire l’éloge d’Eros, il prononce celui de Socrate.
Ici l’identité entre Socrate et Eros n’est pas seulement marquée par le fait que l’éloge de Socrate prend rang à la suite et dans la ligne des éloges d’Eros déjà prononcés, mais également par le fait que les traits communs au portrait d’Eros tracé par Diotime et au portrait de Socrate tracé par Alcibiade sont nombreux et significatifs.
Le jour de la naissance d’Aphrodite, raconte Diotime, il y eut banquet chez les dieux. A la fin du repas, Pénia, c’est à dire « Pauvreté », « Privation », vint pour mendier. Elle vit alors Poros, c’est à dire « Moyen », « Expédient », « Richesse », enivré par le nectar et endormi dans le jardin de Zeus. Pour remédier à son dénuement, Pénia décida d’avoir un enfant de Poros. Elle s’étendit près de Poros endormi et conçut ainsi l’Amour.
Cette généalogie d’Eros va permettre à Diotime de faire son portrait, d’une manière si subtile que cette description pourra être interprétée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, conformément à la lettre du mythe, nous reconnaissons dans Eros des traits de son père et des traits de sa mère : du côté paternel, il tient son esprit inventif et rusé, son euporia ; du côté maternel, il tient son état de pauvre et de mendiant, son aporia. Une certaine conception de l’Amour se fait jour à travers cette description. Alors que les autres convives ont décrit Eros d’une manière idéalisée, Socrate rapporte l’entretien qu’il eut avec Diotime pour restaurer une vision plus réaliste de l’Amour. L’Amour n’est pas beau, comme l’aurait voulu le poète tragique Agathon. Sans cela, il ne serait plus l’amour. Car Eros est essentiellement désir, et on ne peut désirer que ce dont on est privé. Eros ne peut être beau : fils de Pénia, il est privé de la beauté ; mais fils de Poros, il sait remédier à cette privation. Agathon a confondu l’Amour avec son objet, c’est-à-dire avec l’aimé. Mais, pour Socrate, l’Amour est amant. Ce n’est donc pas un dieu, comme le pensent la plupart des gens, mais seulement un daimon, un être intermédiaire entre le divin et l’humain.
C’est pourquoi la description d’Eros par Diotime a quelque chose de comique. On y reconnaît le genre de vie harassant auquel condamne l’Amour. C’est le fameux thème : « Militat omnis amans ». L’amoureux monte la garde à la porte de l’aimé, passe la nuit à la belle étoile. C’est un mendiant et un soldat. Mais aussi, il est fertile en inventions, sorcier, magicien, habile discoureur, parce que l’Amour rend ingénieux. Pour lui découragement et espoir, besoin et satiété, se succèdent sans interruption avec les succès et les échecs de son amour. C’est Eros le vaurien, l’effronté, têtu, bavard, sauvage, ce vrai monstre, dont la poésie grecque, jusqu’à la période byzantine, se plaira à raconter les méfaits.
Mais dans cette figure de l’Eros chasseur, Platon, avec une étonnante maîtrise, fait apparaître les traits de Socrate, c’est à dire du « philosophe ». Eros, nous dit Diotime, loin d’être délicat et beau, comme le pense Agathon, est toujours pauvre, rude, malpropre, va-nu-pieds. Le Socrate dont Alcibiade fait l’éloge est lui aussi va-nu-pieds, couvert d’un manteau grossier qui le protège mal du froid de l’hiver. Et nous apprenons dans le contexte du dialogue que Socrate s’est exceptionnellement baigné pour venir au banquet. Les poètes comiques se gausseront de ses pieds nus et de son vieux manteau. Cette figure de Socrate comme Eros mendiant, ce sera celle du philosophe cynique, celle de Diogène, errant sans feu ni lieu, avec son manteau et sa besace, ce « Socrate furieux », comme, semble-t-il, il se définissait lui-même. Ainsi que l’a remarqué P. Friedländer, cet Eros aux pieds nus évoque aussi l’homme primitif, tel que le décrivent le Protagoras (321 c 5) et la République (272 a 5). Nous sommes ainsi ramenés à la figure de Silène, c’est-à-dire de l’être purement naturel, de la force primitive, antérieure à la culture et à la civilisation. Il n’est pas indifférent que cette composante fasse partie du complexe portrait de Socrate – Eros. Car elle correspond bien à ce renversement des valeurs que provoque la conscience socratique. Pour celui qui prend souci de son âme, l’essentiel ne se situe pas dans les apparences, dans le costume ou le confort, mais dans la liberté.
Pourtant Diotime nous dit aussi qu’Eros a des traits de son père : « Il tend des pièges aux nobles âmes, car il est hardi, effronté, endurant. C’est un dangereux chasseur, sans cesse en train de trouver quelque ruse, désireux d’être habile, plein de ressource (porimos), méditant sans cesse quelque stratagème, terrible sorcier, magicien et sophiste. » On croirait entendre le Strepsiade des Nuées d’Aristophane, décrivant ce qu’il espère devenir grâce à l’éducation socratique : « Hardi, beau parleur, effronté, impudent… jamais à court de paroles, un vrai renard. » Dans son éloge de Socrate, Alcibiade le traite d’impudent Silène, et déjà avant lui Agathon a gratifié, lui aussi, Socrate de cet épithète d’hybristes. Pour Alcibiade, Socrate est un magicien, un beau parleur, habile à attirer l’attention des beaux garçons. Quant à la robustesse d’Eros, on la retrouve dans le portrait de Socrate aux armées que trace Alcibiade : il résiste au froid, à la faim, à la peur, tout en étant capable de supporter aussi bien le vin que la méditation prolongée. Lors de la retraite de Délion, raconte Alcibiade, Socrate marchait avec autant d’aisance que s’il avait été dans les rues d’Athènes, avec cette allure que décrit Aristophane quand il le représente « se pavanant, donnant des coups d’œil en biais, les pieds nus, malgré ce que cela peut avoir de pénible, et le front austère. »
Voici donc un portrait de Socrate – Eros qui n’est pas très flatteur. Evidemment nous sommes en pleine ironie platonicienne, sinon socratique. Mais cette figure n’en a pas moins une profonde signification psychologique.
Eros est un daimon, nous dit Diotime, c’est à dire un intermédiaire entre les dieux et les hommes. Mais la situation intermédiaire est bien inconfortable. Le démon Eros, que nous décrit Diotime, est indéfinissable et inclassable, comme Socrate, l’atopos. Il n’est ni dieu ni homme, ni beau ni laid, ni sage ni insensé, ni bon ni mauvais. Mais il est désir, parce que, comme Socrate, il a conscience de ne pas être beau et de ne pas être sage. C’est pourquoi il est un philo – sophe, amoureux de la sagesse, c’est à dire désireux d’atteindre un niveau d’être qui serait celui de la perfection divine. Dans la description qu’en donne Diotime, Eros est ainsi désir de sa propre perfection, de son vrai moi. Il souffre d’être privé de la plénitude de l’être et aspire à l’atteindre. Aussi, lorsque les autres hommes aiment Socrate – Eros, lorsqu’ils aiment l’Amour, révélé par Socrate, ce qu’ils aiment en Socrate, c’est cette aspiration, c’est cet amour de Socrate pour la Beauté et la perfection de l’être. Ils trouvent donc en Socrate le chemin vers leur propre perfection.
Comme Socrate, Eros n’est qu’un appel, une possibilité qui s’ouvre, mais il n’est pas la Sagesse, ni la Beauté en soi. Il est vrai que les Silènes dont parle Alcibiade se révèlent, si on les ouvre, remplis de statues de dieux. Mais les Silènes eux-mêmes ne sont pas les statues. Ils s’ouvrent seulement pour permettre de les atteindre. Poros, le père d’Eros, signifie étymologiquement « passage », « accès », « issue ». Socrate n’est qu’un Silène qui s’ouvre sur quelque chose qui est au-delà de lui. Tel est le philosophe : un appel à l’existence. Socrate dit ironiquement au bel Alcibiade : « Si tu m’aimes, c’est que tu as dû apercevoir en moi une beauté extraordinaire qui ne ressemble en rien à la grâce des formes qui sont en toi. Mais examine les choses avec plus de soin de peur de te méprendre sur moi et sur mon néant réel. » Socrate et ainsi Alcibiade en garde ; en aimant Socrate, il n’aime qu’Eros, le fils de Pénia et de Poros, et non pas Aphrodite. Mais s’il l’aime, c’est qu’il pressent que Socrate lui ouvre un chemin vers une beauté extraordinaire qui transcende toutes les beautés terrestres. Les vertus de Socrate, ces statues de dieux cachées dans le Silène ironique, ces vertus de Socrate qu’admire Alcibiade ne sont qu’un reflet, un avant-goût de la Sagesse parfaite que Socrate désire et que désire Alcibiade à travers Socrate.
Nous retrouvons donc ainsi, dans l’éros socratique, la même structure fondamentale que dans l’ironie socratique, une conscience dédoublée qui ressent passionnément qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être. C’est de ce sentiment de séparation et de privation que naît l’Amour.
Extrait de :
Pierre Hadot, Eloge de Socrate, Editions Allia
(p. 38 à 53, avec quelques coupures, et sans les notes de bas de page)
Ce texte a d’abord fait l’objet d’une conférence donnée en I974 à la Session d’Eranos à Ascona (Suisse), sous le titre La Figure de Socrate. Il fut publié la même année dans les Annales d’Eranos (vol.43, p. 51-90) , puis intégré dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Institut d’études augustiniennes, I993.
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
:-)
Selon moi, l'Amour pur - inconditionnel - est un état de conscience.
Il y a le sentiment d'Amour (notion d'attachement, niveau coeur, principe féminin) et la Sagesse (notion de détachement, niveau tête, principe masculin), qui, quand ils s'unissent en nous pour ne faire qu'Un, se traduisent par un état d'conscience neutre, dans lequel rien n'est bien ou mal.
Le Soleil, est l'exemple de l'Amour inconditionnel à mes yeux. C'est à dire qu'il n'impose rien, ne demande rien, mais il est présent, et donne sa Lumière à tout l'monde, il nourrit tout, vivifie tout, sans distinction, sans condition, et sans se dire jamais qui mérite de la recevoir ou non.
Il disperse un Amour sans borne, dans une Sagesse infinie.
Il y a le sentiment d'Amour (notion d'attachement, niveau coeur, principe féminin) et la Sagesse (notion de détachement, niveau tête, principe masculin), qui, quand ils s'unissent en nous pour ne faire qu'Un, se traduisent par un état d'conscience neutre, dans lequel rien n'est bien ou mal.
Le Soleil, est l'exemple de l'Amour inconditionnel à mes yeux. C'est à dire qu'il n'impose rien, ne demande rien, mais il est présent, et donne sa Lumière à tout l'monde, il nourrit tout, vivifie tout, sans distinction, sans condition, et sans se dire jamais qui mérite de la recevoir ou non.
Il disperse un Amour sans borne, dans une Sagesse infinie.
Vous m'avez beaucoup fait rire, d'autant plus que partant de votre réflexion, je dois être une fêlée car je parle couramment toute seule .Chèvre a écrit:Eh ben mon pote Chèvre, on ne peut pas dire que ton post ait déchaîné l’enthousiasme… Zéro réponses en un an… Mais qu’est-ce qui t’a pris, aussi, de poster un truc aussi mal foutu ?? Tu étais déjà barjo à l’époque, et je note que ça empire : maintenant, tu parles tout seul !
Orgonite- Nombre de messages : 9
Date d'inscription : 16/03/2011
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
L'amour, le pur amour, j'ai rencontré le pur amour qui pourrait s'apparenter à de l'alchimie, mais qui n'est pas l'Alchimie.
Etrange déroute à jets perdus dans le cosmos miroitant, je tombe, chute sans fond, les tensions durent et les temps sont mûrs.
Une noirceur vierge m'envahit de son éclair obscur, l'Alchimie m'apparaît dans l'écriture qui ne dit pas son nom. Compost philosophal orné d'un rubis, je reprends place dans notre petite bulle de lumière, une chandelle à la main.
J'assimile, je digère, je transforme et j'attends sur le quai d'une gare, un soir, un train qui ne dit pas son nom.
Des oranges tombent en pluie à la cime de chaque église que mon regard croise et décroise et le tintement des cloches m'arrache des lambeaux de chair. Chaque village est un vaisseau prêt à décoller et dans la cour de l'école je perçois des tableaux lumineux qui m'ensorcellent comme une réminiscence de feu . La source et le lavoir sont toujours là. L'eau distille d'imperceptibles sons et tente de s'insinuer à la frontières de mes tympans, un bruissement métallique ne tarde pas à faire son apparition. Le sang bouillonne et l'étoile palpite. C'est un jour d'orage dans un ciel serein qui bien entendu ne dit pas son nom. Je vois double et j'entends double vous dis-je, pourquoi douter puisque c'est vrai!
Un ami qui passait, d'une voix d'outre-tombe, me fit entendre cette phrase lapidaire:
"Il y a pire que de perdre l'esprit, c'est"
Mais dans l'air saturé de poussière séminale je n'ai pas entendu la fin de la phrase qui ne dit pas son nom.
Etrange déroute à jets perdus dans le cosmos miroitant, je tombe, chute sans fond, les tensions durent et les temps sont mûrs.
Une noirceur vierge m'envahit de son éclair obscur, l'Alchimie m'apparaît dans l'écriture qui ne dit pas son nom. Compost philosophal orné d'un rubis, je reprends place dans notre petite bulle de lumière, une chandelle à la main.
J'assimile, je digère, je transforme et j'attends sur le quai d'une gare, un soir, un train qui ne dit pas son nom.
Des oranges tombent en pluie à la cime de chaque église que mon regard croise et décroise et le tintement des cloches m'arrache des lambeaux de chair. Chaque village est un vaisseau prêt à décoller et dans la cour de l'école je perçois des tableaux lumineux qui m'ensorcellent comme une réminiscence de feu . La source et le lavoir sont toujours là. L'eau distille d'imperceptibles sons et tente de s'insinuer à la frontières de mes tympans, un bruissement métallique ne tarde pas à faire son apparition. Le sang bouillonne et l'étoile palpite. C'est un jour d'orage dans un ciel serein qui bien entendu ne dit pas son nom. Je vois double et j'entends double vous dis-je, pourquoi douter puisque c'est vrai!
Un ami qui passait, d'une voix d'outre-tombe, me fit entendre cette phrase lapidaire:
"Il y a pire que de perdre l'esprit, c'est"
Mais dans l'air saturé de poussière séminale je n'ai pas entendu la fin de la phrase qui ne dit pas son nom.
Diotima- Nombre de messages : 9
Date d'inscription : 22/08/2010
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
grand merci Diotima d'ouvrir un vasistas...
la poésie, comme disait R.Juarros, "elle tend vers l'impossible, mais nous rend possible"
en ce sens, elle est pure alchimie
peut-être ?
la poésie, comme disait R.Juarros, "elle tend vers l'impossible, mais nous rend possible"
en ce sens, elle est pure alchimie
peut-être ?
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Oui, merci Diotima musagète pour ces lignes mercurielles qui sont portée musicale pour la vraie langue des oiseaux ! =
Le barde Haly Bor Ron, dans un lay célèbre aux accents de sa céleste lyre, nous questionnait déjà : la poésie est-elle pure alchimie ?”
Peut-être bien, car selon l’étymologie grecque “poiein” induit un “faire”, une “création”, le poète est ainsi un démiurge. Musique, poésie et alchymie ont en commun la recherche de l’harmonie ; le fameux “sel harmoniac” étant clef de Sol(eil) et de dissolution du chaos primordial, clef qui se trouve dans la vision des rythmes de la Nature éternelle dans ses rites printaniers.
Au fait, ton poème en prose, entre autres évocations, m’a rappelé : Un soir, un train, film d’André Delvaux.
Amicalement,
Charly
Le barde Haly Bor Ron, dans un lay célèbre aux accents de sa céleste lyre, nous questionnait déjà : la poésie est-elle pure alchimie ?”
Peut-être bien, car selon l’étymologie grecque “poiein” induit un “faire”, une “création”, le poète est ainsi un démiurge. Musique, poésie et alchymie ont en commun la recherche de l’harmonie ; le fameux “sel harmoniac” étant clef de Sol(eil) et de dissolution du chaos primordial, clef qui se trouve dans la vision des rythmes de la Nature éternelle dans ses rites printaniers.
Au fait, ton poème en prose, entre autres évocations, m’a rappelé : Un soir, un train, film d’André Delvaux.
Amicalement,
Charly
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Un texte de Stelio qui vient après "une biographie de Gandhi peu reluisante"
Le problème avec ce genre d'article c'est l'hypertrophie de la dimension psychologique, hypertrophie du psychologique, de la pseudo-analyse caractérielle qui est significative de notre approche sociétale.
De la même manière que les hommes politiques sont jugés sur leur style vestimentaire, leur sourire, leur abord sympathique ou pas, on ne cesse plus de déployer l'armada psycho-analytique pour juger les hommes et femmes célèbres.
Et le problème c'est justement cette profusion de détails croustillants concernant le portrait psychologique de chacun qui constitue l'arbre qui cache la forêt. On insiste sur la dimension people (la peapolisation n'est rien d'autre qu'une inflation du psychologique) et on oublie la topographie, l'analyse politique ou métaphysique.
Il serait donc judicieux de suivre le conseil que donne Elfriede Jelinek aux dramaturges :
Les personnages sur la scène devraient être sans épaisseurs, comme les vêtements lors d'un défilé de mode : ce que vous obtenez ne devrait pas excéder ce que vous voyez.
Le réalisme psychologique est répugnant, car il nous permet d'échapper à la désagréable réalité, nous perdre dans la profondeur du personnage caractérisé.
La tâche du dramaturge est de bloquer cette manoeuvre, de nous chasser jusqu'à un point d'ou nous pouvons juger l'horreur d'un oeil impartial.
Et quelle est cette désagréable réalité qui est cachée derrière la profusion des descriptifs de la psychologie du Mahatma, que l'on parle de lui comme un saint homme purifié, un pervers raciste ou un apôtre de la non-violence ?
Cette désagréable réalité, c'est la situation des intouchables en Inde, leur situation économique, sociale, existentielle.
Et c'est ce qui explique qu'ici tout le monde connaisse Gandhi superstar et ignore Ambedkar qui est le véritable réformateur de la condition (encore très précaire) des intouchables.
Gandhi a certes été le premier des hommes politiques à prôner une véritable intégration des intouchables, qu'il nommait 'les enfants de dieu', il louait leur 'mission sacrée' leur permettant ainsi de s'aimer eux-mêmes, de se réconcilier avec leur image merdique. Déjà transparait cette attitude odieuse qui consiste à transformer son fameux 'Moi interieur' (qui n'est en definitive rien de plus que le regard qu'on porte sur une situation) plutôt que de véritablement changer, réformer la situation. Un tour de passe-passe digne d'un mauvais thérapeute qui t'enferme dans un délire capitoné et tapissé d'un joli papier-peint aux couleurs de la résilience/réconciliation pour te permettre de survivre à tes traumas enfouis. Substituer le voile au miroir, dirait le gigantesque Ruzbehan.
Pour Gandhi, il fallait résoudre le problème en retournant à la pureté originelle du système non corrompu, le système des castes non-hierarchique (mais où chacun occupe une place assignée) tandis qu'Ambedkar a proposé une solution radicale. Les intouchables étant considérés comme symptôme des défaillances du système de castes, on ne peut résoudre le problème qu'en abolissant le système en sa totalité.
Pour ma part je me méfie toujours beaucoup de ceux qui prônent l'amour universel. La linguistique nous informe que la logique de l'universel est rendue possible par l'exception constitutive qui l'introduit à l'existence. Nous passons d'une proposition universelle à l'existence uniquement par une proposition établissant l'existence non pas de l'élément singulier du genre universel qui existe mais d'au moins un élément qui fait exception à l'universalité en question.
Ainsi l'Amour Universel (avec lequel la spiritualité moderne et sans sucre nous bassine depuis les sixties) accède au statut d'existence réelle à la seule condition qu'il y en ait au moins un que je haisse. Ce qui explique que cette injonction d'Aimer Universellement a toujours mené à la haine brutale de l'exception, les ennemis de l'humanité (ainsi les courants new-age sont perfusés de théories conspirationistes qui vômissent violemment sur les méchants destructeurs de la planète).
Et donc cette haine de l'exception est la 'vérité' de l'Amour Universel tandis que l'Amour véritable, non Universel mais singulier, choisi, tranché, émerge en se détachant de son arrière-plan qui n'est pas la haine universelle mais l'indiférence radicale. C'est un des secrets des Fidéles d'Amour antiques, de leur ascétisme brûlant. C'est aussi ce qui explique que haine et amour ne sont pas symétriques malgré le blabla psychologisant qu'on nous sert à tour de bras. L'amour émerge de l'indifférence radicale qui permet l'ascétisme brûlant tandis que la haine émerge de l'amour universel qui est mirage aux alouettes et bisounours aux mains couvertes de sang.
Je suis indifférent à Tout et à Tous, à la Totalité de l'univers, et en tant que tel je vous aime réellement, vous, l'unique individu qui se détache sur cet arrière-plan d'indifférence.
Et puis, dans un registre plus peopolisant, je dois dire que les fringues ridicules de Gandhi me désolent. Cette toge blanche me rappelle les douces paroles de Sainte Paula (347-406) "propreté du corps et des vêtements est saleté de l'âme".
Dans ce cas précis l'habit ferait-il le moine?
Le problème avec ce genre d'article c'est l'hypertrophie de la dimension psychologique, hypertrophie du psychologique, de la pseudo-analyse caractérielle qui est significative de notre approche sociétale.
De la même manière que les hommes politiques sont jugés sur leur style vestimentaire, leur sourire, leur abord sympathique ou pas, on ne cesse plus de déployer l'armada psycho-analytique pour juger les hommes et femmes célèbres.
Et le problème c'est justement cette profusion de détails croustillants concernant le portrait psychologique de chacun qui constitue l'arbre qui cache la forêt. On insiste sur la dimension people (la peapolisation n'est rien d'autre qu'une inflation du psychologique) et on oublie la topographie, l'analyse politique ou métaphysique.
Il serait donc judicieux de suivre le conseil que donne Elfriede Jelinek aux dramaturges :
Les personnages sur la scène devraient être sans épaisseurs, comme les vêtements lors d'un défilé de mode : ce que vous obtenez ne devrait pas excéder ce que vous voyez.
Le réalisme psychologique est répugnant, car il nous permet d'échapper à la désagréable réalité, nous perdre dans la profondeur du personnage caractérisé.
La tâche du dramaturge est de bloquer cette manoeuvre, de nous chasser jusqu'à un point d'ou nous pouvons juger l'horreur d'un oeil impartial.
Et quelle est cette désagréable réalité qui est cachée derrière la profusion des descriptifs de la psychologie du Mahatma, que l'on parle de lui comme un saint homme purifié, un pervers raciste ou un apôtre de la non-violence ?
Cette désagréable réalité, c'est la situation des intouchables en Inde, leur situation économique, sociale, existentielle.
Et c'est ce qui explique qu'ici tout le monde connaisse Gandhi superstar et ignore Ambedkar qui est le véritable réformateur de la condition (encore très précaire) des intouchables.
Gandhi a certes été le premier des hommes politiques à prôner une véritable intégration des intouchables, qu'il nommait 'les enfants de dieu', il louait leur 'mission sacrée' leur permettant ainsi de s'aimer eux-mêmes, de se réconcilier avec leur image merdique. Déjà transparait cette attitude odieuse qui consiste à transformer son fameux 'Moi interieur' (qui n'est en definitive rien de plus que le regard qu'on porte sur une situation) plutôt que de véritablement changer, réformer la situation. Un tour de passe-passe digne d'un mauvais thérapeute qui t'enferme dans un délire capitoné et tapissé d'un joli papier-peint aux couleurs de la résilience/réconciliation pour te permettre de survivre à tes traumas enfouis. Substituer le voile au miroir, dirait le gigantesque Ruzbehan.
Pour Gandhi, il fallait résoudre le problème en retournant à la pureté originelle du système non corrompu, le système des castes non-hierarchique (mais où chacun occupe une place assignée) tandis qu'Ambedkar a proposé une solution radicale. Les intouchables étant considérés comme symptôme des défaillances du système de castes, on ne peut résoudre le problème qu'en abolissant le système en sa totalité.
Pour ma part je me méfie toujours beaucoup de ceux qui prônent l'amour universel. La linguistique nous informe que la logique de l'universel est rendue possible par l'exception constitutive qui l'introduit à l'existence. Nous passons d'une proposition universelle à l'existence uniquement par une proposition établissant l'existence non pas de l'élément singulier du genre universel qui existe mais d'au moins un élément qui fait exception à l'universalité en question.
Ainsi l'Amour Universel (avec lequel la spiritualité moderne et sans sucre nous bassine depuis les sixties) accède au statut d'existence réelle à la seule condition qu'il y en ait au moins un que je haisse. Ce qui explique que cette injonction d'Aimer Universellement a toujours mené à la haine brutale de l'exception, les ennemis de l'humanité (ainsi les courants new-age sont perfusés de théories conspirationistes qui vômissent violemment sur les méchants destructeurs de la planète).
Et donc cette haine de l'exception est la 'vérité' de l'Amour Universel tandis que l'Amour véritable, non Universel mais singulier, choisi, tranché, émerge en se détachant de son arrière-plan qui n'est pas la haine universelle mais l'indiférence radicale. C'est un des secrets des Fidéles d'Amour antiques, de leur ascétisme brûlant. C'est aussi ce qui explique que haine et amour ne sont pas symétriques malgré le blabla psychologisant qu'on nous sert à tour de bras. L'amour émerge de l'indifférence radicale qui permet l'ascétisme brûlant tandis que la haine émerge de l'amour universel qui est mirage aux alouettes et bisounours aux mains couvertes de sang.
Je suis indifférent à Tout et à Tous, à la Totalité de l'univers, et en tant que tel je vous aime réellement, vous, l'unique individu qui se détache sur cet arrière-plan d'indifférence.
Et puis, dans un registre plus peopolisant, je dois dire que les fringues ridicules de Gandhi me désolent. Cette toge blanche me rappelle les douces paroles de Sainte Paula (347-406) "propreté du corps et des vêtements est saleté de l'âme".
Dans ce cas précis l'habit ferait-il le moine?
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Je suis en effet conscient que cet éclairage un peu cru concernant la notion d'amour universel possède une saveur particulière.
Pourtant cette vision est construite à partir des intutions des fidèles d'Amour du soufisme d'Asie mineure, des travaux sur le langage et les propositions universelles de Lacan relayé par Zizek, des considérations acides de Chesterton sur les différences entre compassion universelle et amour christique, et enfin des axiomes mathématiques de Cohen concernant les multiplicités génériques opposées aux multiplicités constructibles.
J'étale mes sources uniquement pour atténuer l'impression de singularité qui peut émaner de cette vision, je ne pourrais pas donner ici les détails de ce processus mais je vais essayer de soulever le voile, plutôt à la manière de Ruzbehan de transformer le voile en miroir.
L'amour universel est une abstraction, une coquille vide. Il s'agit d'un recyclage d'une des multiples notions héritées des sagesses orientales comme la mort de l'ego ou le monde considéré comme illusion.
Il y a plusieurs points à éclaircir si on veut comprendre le caractère fantasmatique et potentiellement dangereux (les mirages dans le désert peuvent être considérés comme dangereux puisqu'ils provoquent des réactions délirantes au cœur de situations délicates) de ces abstractions.
En premier lieu il est important de comprendre que lorsque Ramakrishna ou Ma Ananda Moy déblatèrent sur l'amour universel, ils prennent position à partir de ce que la philosophie indienne nomme l'inconditionné. Leur parole se déploie à partir de cet état très très singulier que l'on appelle jivan mukta, l'état de libéré vivant.
L'amour universel comme la mort de l'ego ou la dimension illusoire du monde deviennent donc des notions signifiantes si on se positionne en tant que Jivan Mukta. Ces mêmes paroles prononcés à partir du point où de la place qu'occupe n'importe quel être humain deviennent du bavardage, des paroles creuses, vides de sens mais saturées d'émotivités gluantes. L'ontologie radicale du Jivan Mukta devient psychologie dégoulinante lorsque le spiritualiste auto-proclamé clame la dimension universelle de l'amour ou le caractère illusoire de la réalité.
Le second point consiste à comprendre que parler d'Amour universel, ce n'est rien d'autre que manipuler une formule linguistique, une tournure langagière. Il est concrètement impossible d'aimer tout ce qui existe. Les mathématiques modernes considèrent que le réel est composé de multiples, et ces multiples de multiples de multiples, à l'infini. Et il existe deux types de multiples. Les multiples constructibles qui sont dicibles et constituent ce que l'on appelle les savoirs sur la situation. Et les multiples génériques qui sont indicibles et indiscernables et qui constituent ce que l'on appelle les vérités relatives à une situation.
Et donc dire l'Amour universel c'est le constituer en savoir, mais ce savoir, l'expérience nous le prouve quotidiennement est un savoir impossible, incohérent puisque personne n'est en mesure d'aimer tout ce qui existe. L'amour est vérité et jamais savoir, et chaque vérité appartenant à la situation, on n'accède à l'amour qu'à travers un long processus, processus que Ruzbehan à nommé pélerinage intérieur et qui est passage de l'amour humain à l'Amour avec un A qui monte jusqu'au ciel.
Ainsi la formule qui consiste à poser l'amour universel comme solution appliquable à la totalité des étants procède d'un savoir incohérent et implique (comme le soulignent les déductions sur les propositions universelles de Lacan) la haine à l'encontre de ceux qui échappent à cette universalité abstraite (que déjà Hasan-I-Sabbah le grand monsieur d'Alamut nommait monothéisme abstrait).
Et donc à chaque fois que cette formule de conversion de tout un chacun à l'Amour Universel s'est déployée en éjaculant à la gueule de l'humanité ses effets, on a eu droit à tout un cortège d'atrocités sans noms. Le nazisme était tentative d'établir un grand Reich de plusieurs milliers d'années de paix universelle, le communisme et le christianisme d'état pronait aussi l'amour universel, le japon guerrier de l'entre-deux guerres (surtout celui de la guerre sino-japonaise) était soutenu par la compassion universelle des moines zen, la pax romana et le projet de démocratie universelle contemporain massacrent au nom de cet universalisme abstrait qui est une abomination conceptuelle.
Concernant l'indifférence radicale, il s'agit d'un phénomène qui apparaît comme une évidence lorsqu'on est saisi par l'amour. Celui qui Aime voit l'indifférence envers ce qui n'est pas son Amour grandir proportionellement à l'intensité de sa passion pour l'Aimée. Mais il ne s'agit que d'un moment spécifique. Le pèlerinage amoureux, le chemin du fidèle d'Amour, consiste à transfigurer le monde, à se transfigurer soi-même en se polissant comme on polit un miroir à force d'Amour et de Feu et de larmes, et ce jusqu'à ce que l'Amour déborde tous les cadres et noie l'indifférence dans un torrent désirant sur lequel flotte le visage démultiplié de l'Aimée. Sowahardi appelle cela l'Eros transfiguré et c'est le chemin sinueux qui mène de l'Amour humain à la transfiguration du monde (qui n'est plus un savoir mais une vérité... indicible, donc). Ibn Arabi déclare quelque part que l'Amour divin est esprit sans corps, l'amour humain corps sans esprit, tandis que l'Eros transfiguré est corps et esprit.
Alors la beauté humaine devient théophanie de la beauté universelle qui se reflète dans le miroir (le voile est transfiguré par l'amour) des signes. L'Amoureux déploie son regard polydimensionnel, ses yeux qui poussent partout, le regard du coeur contemple le miroir de la beauté tandis que les yeux de l'intelligence saisissent la structure qui permet l'incarnation de cette beauté. Ensuite s'opère l'inversion, les yeux du cœur informent ceux du corps qui enfin voient la beauté feminine (qui n'a rien à voir avec la beauté apparente, le piège que l'espèce tend à la bestiole pour l'obliger à se reproduire, dixit Schopenhauer) perçue à travers le regard transmué du cœur et de l'esprit. Et cette beauté atteint un tel paroxysme qu'elle révèle toute l'ambivalence de la forme humaine, son infinie complexité, qui est vérité si on considère, comme le fait la philosophie contemporaine (informée par la théorie des ensembles mathématiques), la Vérité comme étant l'intersection complexe de milliers d'énoncés, de savoirs qui peuvent se tenir sur un centre aveugle. Ce centre aveugle, cette multiplicité générique innommable, indiscernable, infini c'est le graal du Fidèle d'Amour, le centre qui lui permet de déborder tous les cadres, toutes les périphéries en y plaçant des yeux partout. Ainsi le centre n'est plus aveugle. Les arabes parlent à ce niveau de mort mystique d'amour, car le même mot shahid signifie à la fois temoin occulaire et martyr. « Il réalise de la sorte la vision oculaire (shahid) de la Face Divine sous une forme belle à contempler, en la personne de l'Aimée au beau visage. »
L'histoire de Majnun et Layla constitue le paradigme de cet Eros transfiguré.
« C'est en raison de l'intériorisation parfaite de l'Aimée Layla dans la personne de l'Amant que Majnun ne voit rien d'autre que l'Aimée, puisqu'étant un miroir parfait, il n'existe que dans la mesure où il épiphanise l'Image de l'Aimée. Il en voit le reflet partout : dans une montagne, une fleur. Layla est en quelque sorte l'Image par laquelle le monde lui apparaît transfiguré dans l'auréole de la pure beauté. »
Pour finir avec la question de l'acte de foi ou du basculement, il faut prendre conscience que l'evènement Amoureux n'est jamais une Grace gratuite, il ne s'agit en fait que d'un point de départ. C'est tout ce qu'a essayé de déployer Badiou dans son "Logiques des mondes" et qu'il va achever avec son "Immanence des vérités" à venir.
L'Evènement n'est rien, la fidélité aux procédures de vérité est tout. Et cette fidélité est un processus long, douloureux, complexe qui demande courage et discipline et abnégation. L'amour est un miracle quand on accepte son ascèse brûlante. Dans la poésie mystique Persane, il existe une récurrence du thème du Roi des Oiseaux.
L'occurence la plus remarquable du thème se trouve dans l'assemblée des oiseaux d'Attar. Trois milles oiseaux qui partent à la recherche du Simorgh qui est le miroir d'Amour. Le périple est long, dangereux, douloureux. Seuls trente oiseaux arrivent (Si-Morgh trente oiseaux en Persan) au terme du voyage et embrassent leur reflet d'Amour. Il existe une variante de cette histoire racontée par Gazhali où les oiseaux sont propulsés sans effort jusqu'au repère du Simorgh. Ils s'y font admettre par Grâce et « Ce n'est pas une rencontre avec soi-même, un face à face avec leur Soi-même, mais un choc avec le Numineux hostile, étranger, quelque chose comme une invitation manquée, et les Oiseaux sont au bord de la psychose ».
Ainsi dans les récits d'Avicenne ou d'Attar, les oiseaux, après un processus long et douloureux, parviennent au Simorgh et se trouvent transfigurés tandis que dans le récit de Gazhali, ils se font admettre par Grâce gratuite et finissent au bord de la psychose. C'est une très belle leçon sur les chemins que peut emprunter l'amour pour mener à l'Amour.
Pourtant cette vision est construite à partir des intutions des fidèles d'Amour du soufisme d'Asie mineure, des travaux sur le langage et les propositions universelles de Lacan relayé par Zizek, des considérations acides de Chesterton sur les différences entre compassion universelle et amour christique, et enfin des axiomes mathématiques de Cohen concernant les multiplicités génériques opposées aux multiplicités constructibles.
J'étale mes sources uniquement pour atténuer l'impression de singularité qui peut émaner de cette vision, je ne pourrais pas donner ici les détails de ce processus mais je vais essayer de soulever le voile, plutôt à la manière de Ruzbehan de transformer le voile en miroir.
L'amour universel est une abstraction, une coquille vide. Il s'agit d'un recyclage d'une des multiples notions héritées des sagesses orientales comme la mort de l'ego ou le monde considéré comme illusion.
Il y a plusieurs points à éclaircir si on veut comprendre le caractère fantasmatique et potentiellement dangereux (les mirages dans le désert peuvent être considérés comme dangereux puisqu'ils provoquent des réactions délirantes au cœur de situations délicates) de ces abstractions.
En premier lieu il est important de comprendre que lorsque Ramakrishna ou Ma Ananda Moy déblatèrent sur l'amour universel, ils prennent position à partir de ce que la philosophie indienne nomme l'inconditionné. Leur parole se déploie à partir de cet état très très singulier que l'on appelle jivan mukta, l'état de libéré vivant.
L'amour universel comme la mort de l'ego ou la dimension illusoire du monde deviennent donc des notions signifiantes si on se positionne en tant que Jivan Mukta. Ces mêmes paroles prononcés à partir du point où de la place qu'occupe n'importe quel être humain deviennent du bavardage, des paroles creuses, vides de sens mais saturées d'émotivités gluantes. L'ontologie radicale du Jivan Mukta devient psychologie dégoulinante lorsque le spiritualiste auto-proclamé clame la dimension universelle de l'amour ou le caractère illusoire de la réalité.
Le second point consiste à comprendre que parler d'Amour universel, ce n'est rien d'autre que manipuler une formule linguistique, une tournure langagière. Il est concrètement impossible d'aimer tout ce qui existe. Les mathématiques modernes considèrent que le réel est composé de multiples, et ces multiples de multiples de multiples, à l'infini. Et il existe deux types de multiples. Les multiples constructibles qui sont dicibles et constituent ce que l'on appelle les savoirs sur la situation. Et les multiples génériques qui sont indicibles et indiscernables et qui constituent ce que l'on appelle les vérités relatives à une situation.
Et donc dire l'Amour universel c'est le constituer en savoir, mais ce savoir, l'expérience nous le prouve quotidiennement est un savoir impossible, incohérent puisque personne n'est en mesure d'aimer tout ce qui existe. L'amour est vérité et jamais savoir, et chaque vérité appartenant à la situation, on n'accède à l'amour qu'à travers un long processus, processus que Ruzbehan à nommé pélerinage intérieur et qui est passage de l'amour humain à l'Amour avec un A qui monte jusqu'au ciel.
Ainsi la formule qui consiste à poser l'amour universel comme solution appliquable à la totalité des étants procède d'un savoir incohérent et implique (comme le soulignent les déductions sur les propositions universelles de Lacan) la haine à l'encontre de ceux qui échappent à cette universalité abstraite (que déjà Hasan-I-Sabbah le grand monsieur d'Alamut nommait monothéisme abstrait).
Et donc à chaque fois que cette formule de conversion de tout un chacun à l'Amour Universel s'est déployée en éjaculant à la gueule de l'humanité ses effets, on a eu droit à tout un cortège d'atrocités sans noms. Le nazisme était tentative d'établir un grand Reich de plusieurs milliers d'années de paix universelle, le communisme et le christianisme d'état pronait aussi l'amour universel, le japon guerrier de l'entre-deux guerres (surtout celui de la guerre sino-japonaise) était soutenu par la compassion universelle des moines zen, la pax romana et le projet de démocratie universelle contemporain massacrent au nom de cet universalisme abstrait qui est une abomination conceptuelle.
Concernant l'indifférence radicale, il s'agit d'un phénomène qui apparaît comme une évidence lorsqu'on est saisi par l'amour. Celui qui Aime voit l'indifférence envers ce qui n'est pas son Amour grandir proportionellement à l'intensité de sa passion pour l'Aimée. Mais il ne s'agit que d'un moment spécifique. Le pèlerinage amoureux, le chemin du fidèle d'Amour, consiste à transfigurer le monde, à se transfigurer soi-même en se polissant comme on polit un miroir à force d'Amour et de Feu et de larmes, et ce jusqu'à ce que l'Amour déborde tous les cadres et noie l'indifférence dans un torrent désirant sur lequel flotte le visage démultiplié de l'Aimée. Sowahardi appelle cela l'Eros transfiguré et c'est le chemin sinueux qui mène de l'Amour humain à la transfiguration du monde (qui n'est plus un savoir mais une vérité... indicible, donc). Ibn Arabi déclare quelque part que l'Amour divin est esprit sans corps, l'amour humain corps sans esprit, tandis que l'Eros transfiguré est corps et esprit.
Alors la beauté humaine devient théophanie de la beauté universelle qui se reflète dans le miroir (le voile est transfiguré par l'amour) des signes. L'Amoureux déploie son regard polydimensionnel, ses yeux qui poussent partout, le regard du coeur contemple le miroir de la beauté tandis que les yeux de l'intelligence saisissent la structure qui permet l'incarnation de cette beauté. Ensuite s'opère l'inversion, les yeux du cœur informent ceux du corps qui enfin voient la beauté feminine (qui n'a rien à voir avec la beauté apparente, le piège que l'espèce tend à la bestiole pour l'obliger à se reproduire, dixit Schopenhauer) perçue à travers le regard transmué du cœur et de l'esprit. Et cette beauté atteint un tel paroxysme qu'elle révèle toute l'ambivalence de la forme humaine, son infinie complexité, qui est vérité si on considère, comme le fait la philosophie contemporaine (informée par la théorie des ensembles mathématiques), la Vérité comme étant l'intersection complexe de milliers d'énoncés, de savoirs qui peuvent se tenir sur un centre aveugle. Ce centre aveugle, cette multiplicité générique innommable, indiscernable, infini c'est le graal du Fidèle d'Amour, le centre qui lui permet de déborder tous les cadres, toutes les périphéries en y plaçant des yeux partout. Ainsi le centre n'est plus aveugle. Les arabes parlent à ce niveau de mort mystique d'amour, car le même mot shahid signifie à la fois temoin occulaire et martyr. « Il réalise de la sorte la vision oculaire (shahid) de la Face Divine sous une forme belle à contempler, en la personne de l'Aimée au beau visage. »
L'histoire de Majnun et Layla constitue le paradigme de cet Eros transfiguré.
« C'est en raison de l'intériorisation parfaite de l'Aimée Layla dans la personne de l'Amant que Majnun ne voit rien d'autre que l'Aimée, puisqu'étant un miroir parfait, il n'existe que dans la mesure où il épiphanise l'Image de l'Aimée. Il en voit le reflet partout : dans une montagne, une fleur. Layla est en quelque sorte l'Image par laquelle le monde lui apparaît transfiguré dans l'auréole de la pure beauté. »
Pour finir avec la question de l'acte de foi ou du basculement, il faut prendre conscience que l'evènement Amoureux n'est jamais une Grace gratuite, il ne s'agit en fait que d'un point de départ. C'est tout ce qu'a essayé de déployer Badiou dans son "Logiques des mondes" et qu'il va achever avec son "Immanence des vérités" à venir.
L'Evènement n'est rien, la fidélité aux procédures de vérité est tout. Et cette fidélité est un processus long, douloureux, complexe qui demande courage et discipline et abnégation. L'amour est un miracle quand on accepte son ascèse brûlante. Dans la poésie mystique Persane, il existe une récurrence du thème du Roi des Oiseaux.
L'occurence la plus remarquable du thème se trouve dans l'assemblée des oiseaux d'Attar. Trois milles oiseaux qui partent à la recherche du Simorgh qui est le miroir d'Amour. Le périple est long, dangereux, douloureux. Seuls trente oiseaux arrivent (Si-Morgh trente oiseaux en Persan) au terme du voyage et embrassent leur reflet d'Amour. Il existe une variante de cette histoire racontée par Gazhali où les oiseaux sont propulsés sans effort jusqu'au repère du Simorgh. Ils s'y font admettre par Grâce et « Ce n'est pas une rencontre avec soi-même, un face à face avec leur Soi-même, mais un choc avec le Numineux hostile, étranger, quelque chose comme une invitation manquée, et les Oiseaux sont au bord de la psychose ».
Ainsi dans les récits d'Avicenne ou d'Attar, les oiseaux, après un processus long et douloureux, parviennent au Simorgh et se trouvent transfigurés tandis que dans le récit de Gazhali, ils se font admettre par Grâce gratuite et finissent au bord de la psychose. C'est une très belle leçon sur les chemins que peut emprunter l'amour pour mener à l'Amour.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
En effet ! L'hypertrophie !Logos a écrit:Un texte de Stelio qui vient après "une biographie de Gandhi peu reluisante"
Le problème avec ce genre d'article c'est l'hypertrophie (...)
Parfaitement d'accord : Gandhi était loin d'être un saint. Comme la plupart des récents Prix Nobel de la Paix, c'était un activiste politique tendant à formater une certaine vision du monde au profit de grands intérêts.
Parfaitement d'accord aussi avec le problème des intouchables : ces êtres humains méritent le respect au lieu de leur dignité bafouée.
Toujours d'accord, avec Ambedkar, sur la nécessité de balayer l'actuel système de castes pour repartir sur de saines bases.
Mais, Logos, ton post de ce 15 avril 2011 à 23:07 (ici plus avant), outre le fait qu'il enfonce des portes ouvertes, me paraît écrit d'une manière extrêmement compliquée pour dire des choses aussi simples !
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Logos
Mais toutes ces argumentations tarabiscotées me suggèrent deux remarques :
- ceux qui parlent ne savent pas, et ils n'ont manifestement pas expérimenté cette rencontre pour en parler ainsi;
- de même qu'il existe une Franc-Maçonnerie spéculative, il doit manifestement aussi exister une "Amourerie" spéculative, réunissant des discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation.
Amitiés
Je ne peux pas être d'accord avec ce verbiage. L'expérience que j'ai pu vivre, aussi brève ait-elle pu être, contredit cette dialectique tordue et balaie tout ce charabia pseudo intello. Certes, il y a le danger du mirage, de l'illusion de la confusion, mais celui qui a expérimenté cet amour universel en ressort transformé. oui, il y a un effet miroir; oui, il existe un risque de psychose car le choc est rude et laisse des séquelles. Dans mon cas, ce furent des séquelles physiques (heureusement sans gravité) durant quelques années.Logos, ou Stelios, a écrit:L'amour universel est une abstraction, une coquille vide. Il s'agit d'un recyclage d'une des multiples notions héritées des sagesses orientales comme la mort de l'ego ou le monde considéré comme illusion.
Il y a plusieurs points à éclaircir si on veut comprendre le caractère fantasmatique et potentiellement dangereux (les mirages dans le désert peuvent être considérés comme dangereux puisqu'ils provoquent des réactions délirantes au cœur de situations délicates) de ces abstractions.
Mais toutes ces argumentations tarabiscotées me suggèrent deux remarques :
- ceux qui parlent ne savent pas, et ils n'ont manifestement pas expérimenté cette rencontre pour en parler ainsi;
- de même qu'il existe une Franc-Maçonnerie spéculative, il doit manifestement aussi exister une "Amourerie" spéculative, réunissant des discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation.
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Je ne partage pas ton appréciation, Aube-Aurore. Bien entendu, chacun est libre d'adhérer ou pas... mais j'ai la forte impression que les arguments proposés par Logos sont loin d'être, comme tu le proposes, le fruit de "discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation."Aube-Aurore a écrit:Je ne peux pas être d'accord avec ce verbiage
La phraséologie de Logos / Stelio est assez souvent rude, et même de temps en temps un peu facile, (ce que je regrette, mais personne n'est parfait), mais le contenu est presque toujours extrêmement riche.
Faux ! et heureusement pour nous. Fort heureusement certains qui savent ont parlé, écrit... Pour ratisser large , un peu hâtivement je citerai Maître Eckhart, Von Eckartshausen, Saint Jean l'évangéliste, Le Cosmopolite, Shankara, l'auteur du Zohar, und so weiter.Aube-Aurore a écrit:- ceux qui parlent ne savent pas
Amitiés, hein ?... qu'est-ce que ça doit être quand tu te mets en rogne !!...Aube-Aurore a écrit:Je ne peux pas être d'accord avec ce verbiage... [...] dialectique tordue et balaie tout ce charabia pseudo intello... [...]discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation.
[...]
Amitiés
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Chèvre
Bien sûr : amitiés !
Bien sûr que je ne suis pas en rogne !
Bien sûr que je sais que tu aimes susciter des débats contradictoires plutôt qu'applaudir au ronronnement des consensus mous !
Bien sûr que je vois bien que Logos et Stélios (s'il existe) s'inspirent d'auteurs réputés. Ce sont ces derniers auteurs copiés/collés que je vise lorsqu'ils s'essaient à formater l'expérience d'autrui dans leurs propres schémas logiques, puis à s'essayer à les faire partager à autrui. Ce qui mène aux dérives observées ci-dessus : une logorrhée indigeste qui colle de moins en moins à l'expérience, au vécu.
Je ne vise bien sûr pas les Fidèles d'Amour, lesquels témoignent d'une expérience et d'une pratique (avec les risques qui pourraient en découler : s'illusionner, se forger de fausses idées, prendre des risques sur le plan de la santé...), mais bien les discours de ceux qui essaient d'analyser l'expérience d'autrui, puis qui essaient à leur tour de retransmettre cette expérience à d'autres encore. Cela finit par ressembler à l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours : on est très loin de la perception de l'expérience initiale. Certains (tu en cites) s'en sortent plutôt bien, même si, parfois, ils compliquent plus la transmission de l'information qu'ils n'aident à faire passer le message.
Contrairement à un Philippe Descola qui va passer plusieurs années dans les tribus pour s'imprégner de leur mode de pensée avant de s'autoriser à en parler, on voit là à l'œuvre des spécialistes de la dissection de la pensée qui, après avoir tout démonté, croient avoir compris, et réassemblent le bidule à leur façon. Dans le cas ci-dessus, cela donne ce complet dérapage verbeux :
Je lui souhaite cependant de faire un jour l'expérience de cette rencontre, évidemment.
Amitiés, bien sûr !
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
P.S.: Au sujet de la phrase "Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas", que tu déclares fausse, elle est attribuée à un certain Lao-Tseu.
Bien sûr : amitiés !
Bien sûr que je ne suis pas en rogne !
Bien sûr que je sais que tu aimes susciter des débats contradictoires plutôt qu'applaudir au ronronnement des consensus mous !
Bien sûr que je vois bien que Logos et Stélios (s'il existe) s'inspirent d'auteurs réputés. Ce sont ces derniers auteurs copiés/collés que je vise lorsqu'ils s'essaient à formater l'expérience d'autrui dans leurs propres schémas logiques, puis à s'essayer à les faire partager à autrui. Ce qui mène aux dérives observées ci-dessus : une logorrhée indigeste qui colle de moins en moins à l'expérience, au vécu.
Je ne vise bien sûr pas les Fidèles d'Amour, lesquels témoignent d'une expérience et d'une pratique (avec les risques qui pourraient en découler : s'illusionner, se forger de fausses idées, prendre des risques sur le plan de la santé...), mais bien les discours de ceux qui essaient d'analyser l'expérience d'autrui, puis qui essaient à leur tour de retransmettre cette expérience à d'autres encore. Cela finit par ressembler à l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours : on est très loin de la perception de l'expérience initiale. Certains (tu en cites) s'en sortent plutôt bien, même si, parfois, ils compliquent plus la transmission de l'information qu'ils n'aident à faire passer le message.
Contrairement à un Philippe Descola qui va passer plusieurs années dans les tribus pour s'imprégner de leur mode de pensée avant de s'autoriser à en parler, on voit là à l'œuvre des spécialistes de la dissection de la pensée qui, après avoir tout démonté, croient avoir compris, et réassemblent le bidule à leur façon. Dans le cas ci-dessus, cela donne ce complet dérapage verbeux :
Aussi savant puisse être celui qui a écrit ça, il a raté une occasion de se taire.L'amour universel est une abstraction, une coquille vide.
Je lui souhaite cependant de faire un jour l'expérience de cette rencontre, évidemment.
Amitiés, bien sûr !
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P.S.: Au sujet de la phrase "Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas", que tu déclares fausse, elle est attribuée à un certain Lao-Tseu.
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour,
Cordialement
Bertrand
Là sans trop me mouiller je crois que tu fais fausse route, ce ne sont pas les mêmes sentiers mais Stelio et Logos sont plutôt - il me semble - du genre à parler de ce qu'ils ont vu ou aperçu, les citations c'est le raccourci pour formuler et faire circuler. Quand à savoir si ils ont effectivement pris les sentiers par eux évoqués, les rapports qu'ils en font et y font ne me laissent aucun doute là-dessus, en particulier Logos et sa façon de tricoter entre les fils.Aube-Aurore a écrit:Contrairement à un Philippe Descola qui va passer plusieurs années dans les tribus pour s'imprégner de leur mode de pensée avant de s'autoriser à en parler, on voit là à l'œuvre des spécialistes de la dissection de la pensée qui, après avoir tout démonté, croient avoir compris, et réassemblent le bidule à leur façon.
ha ben du coup il a parlé le vieux maître, ça frise le kôan, alors on devrait en conclure quoi d'après toi ? Une interprétation univoque ?P.S.: Au sujet de la phrase "Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas", que tu déclares fausse, elle est attribuée à un certain Lao-Tseu.[/color]
Cordialement
Bertrand
Bertrand- Nombre de messages : 78
Date d'inscription : 25/04/2010
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Bertrand
Le kôan de Lao-Tseu ne me semble pas permettre d'interprétation univoque : trop de gens parlent sans savoir vraiment (ce mal ne frappe donc pas que notre époque !) et ceux qui savent beaucoup sont confrontés à la difficulté de transmettre. Certains sages préfèrent se taire et laisser dire les beaux parleurs, car il est vain de se battre contre des moulins à vent, mais entre ces deux extrêmes (ceux qui savent mais ne disent, et ceux qui parlent sans savoir) se déploie toute une panoplie de positions intermédiaires, fruit de la richesse des tentatives de communication à autrui d'un vécu très inhabituel, comme ce contact avec l'Amour, le pur Amour.
Amitiés
Je ne doute absolument pas que Logos (et éventuellement le fantomatique et hypothétique Stelio) parle de sa propre expérience, laquelle est riche. De plus - j'en sais quelque chose - certaines expériences sont très difficilement descriptibles, parce que les mots manquent et que le repères communs sont trop rares pour essayer de faire passer pareils témoignages. Raison pour laquelle il ne me paraît pas adéquat d'encore plus se compliquer la tâche en faisant appel à de doctes "savants" qui, par le détour de pensées tordues, en arrivent à conclure des contrevérités, telles que "L'amour universel est une abstraction, une coquille vide". Un fait vaut plus qu'un Lord-Maire !Stelio et Logos sont plutôt - il me semble - du genre à parler de ce qu'ils ont vu ou aperçu
Le kôan de Lao-Tseu ne me semble pas permettre d'interprétation univoque : trop de gens parlent sans savoir vraiment (ce mal ne frappe donc pas que notre époque !) et ceux qui savent beaucoup sont confrontés à la difficulté de transmettre. Certains sages préfèrent se taire et laisser dire les beaux parleurs, car il est vain de se battre contre des moulins à vent, mais entre ces deux extrêmes (ceux qui savent mais ne disent, et ceux qui parlent sans savoir) se déploie toute une panoplie de positions intermédiaires, fruit de la richesse des tentatives de communication à autrui d'un vécu très inhabituel, comme ce contact avec l'Amour, le pur Amour.
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour
Concernant les expériences, a priori, il ne s'agit que de celle d'aimer... Je ne crois pas en parler dans mes messages... me contente de faire du tricot... En revanche il est question, en effet, de l'expérience amoureuse dans les messages signés Stelio... Fantomatique, mais pourtant bien réel puisqu'il est évident que son verbe n'est pas le mien. Concernant la pratique amoureuse, j'ai un autre texte :
Oui une discipline c'est sûr... mais plutôt que de s'exprimer à travers un ensemble de règles figées dans le plus pur style militaire ou pédagogique, cette discipline consiste à composer des rapports de plus en plus conscients et complexes avec le monde... une discipline amoureuse qui se déploie à travers une relation quasi érotique avec les choses de l'existence... brûler d'un désir incandescent, comme le souligne Lalla, c'est développer une forme d'érotisme total... et par un curieux paradoxe, cette montée de la conscience qui se reflète dans la justesse et l'intensité des rapports qu'on compose avec le monde s'accompagne d'un abandon au flux du vivant qui coule à travers mon système et à travers le monde...
Et c'est la friction entre ces contraires que sont la conscience qui ne cesse de vouloir s'éclairer et, à l'extrême opposé, l'abandon au souffle du vent qui trace les lignes brûlantes de nos vies, qui constitue le combustible qui nourrit le feu qui brûle sans jamais consumer... à la fois totalement vigilant et totalement disponible... au paroxysme de l'action et de la passivité en même temps... discipline schizophrénique, mais comme si la schizophrénie était évidence et santé... grande santé... comme si les contraires étaient unis de manière indissoluble au coeur du réel... une discipline androgyne donc, qui permet le déploiement du kali yag... le feu noir.
[...] La vie dans son intégralité est sacrée (et donc rien n'est sacré)... chaque brin d'herbe, chaque centimètre carré de béton, chaque moment de la vie, chaque situation vécue... ce qui illumine une situation, un moment, c'est pas le decorum, c'est pas le caractère solennel ni la dimension dogmatique, mais le regard que tu portes sur cette situation, le rapport amoureux que tu composes avec ce moment... apprendre a aimer la vie selon toute ses configurations, apprendre à l'aimer même quand tu la hais, même quand elle t'écrase, te pietine, c'est une putain d'ascèse, une ascèse qui se construit à chaque instant... apprendre à vivre les yeux ouverts, tous les yeux des pieds à la tete ouverts, et le corps et l'esprit aussi liquides que le con d'une femme ultime pendant l'amour, c'est la seule discipline que je m'impose...
Concernant les expériences, a priori, il ne s'agit que de celle d'aimer... Je ne crois pas en parler dans mes messages... me contente de faire du tricot... En revanche il est question, en effet, de l'expérience amoureuse dans les messages signés Stelio... Fantomatique, mais pourtant bien réel puisqu'il est évident que son verbe n'est pas le mien. Concernant la pratique amoureuse, j'ai un autre texte :
Oui une discipline c'est sûr... mais plutôt que de s'exprimer à travers un ensemble de règles figées dans le plus pur style militaire ou pédagogique, cette discipline consiste à composer des rapports de plus en plus conscients et complexes avec le monde... une discipline amoureuse qui se déploie à travers une relation quasi érotique avec les choses de l'existence... brûler d'un désir incandescent, comme le souligne Lalla, c'est développer une forme d'érotisme total... et par un curieux paradoxe, cette montée de la conscience qui se reflète dans la justesse et l'intensité des rapports qu'on compose avec le monde s'accompagne d'un abandon au flux du vivant qui coule à travers mon système et à travers le monde...
Et c'est la friction entre ces contraires que sont la conscience qui ne cesse de vouloir s'éclairer et, à l'extrême opposé, l'abandon au souffle du vent qui trace les lignes brûlantes de nos vies, qui constitue le combustible qui nourrit le feu qui brûle sans jamais consumer... à la fois totalement vigilant et totalement disponible... au paroxysme de l'action et de la passivité en même temps... discipline schizophrénique, mais comme si la schizophrénie était évidence et santé... grande santé... comme si les contraires étaient unis de manière indissoluble au coeur du réel... une discipline androgyne donc, qui permet le déploiement du kali yag... le feu noir.
[...] La vie dans son intégralité est sacrée (et donc rien n'est sacré)... chaque brin d'herbe, chaque centimètre carré de béton, chaque moment de la vie, chaque situation vécue... ce qui illumine une situation, un moment, c'est pas le decorum, c'est pas le caractère solennel ni la dimension dogmatique, mais le regard que tu portes sur cette situation, le rapport amoureux que tu composes avec ce moment... apprendre a aimer la vie selon toute ses configurations, apprendre à l'aimer même quand tu la hais, même quand elle t'écrase, te pietine, c'est une putain d'ascèse, une ascèse qui se construit à chaque instant... apprendre à vivre les yeux ouverts, tous les yeux des pieds à la tete ouverts, et le corps et l'esprit aussi liquides que le con d'une femme ultime pendant l'amour, c'est la seule discipline que je m'impose...
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
B'jour m'sieurs dames,
Il a bien raison Bertrand, quel bavard ce Lao Tseu : 5OOO caractères forment son tao te king, pour ne rien dire...tout en le disant !
Quant à la « logorrhée » ici reprochée à Logos, je l'ai bien lu et relu et suis globalement d'accord avec son mode d'approche, lequel peut convenir à certains. Remarquer ceci : le souci de ne pas séparer immanence et transcendance, que l'on soit évéillé (?) ou en travaux, convoque inévitablement le langage. D'autre fois, son silence... plus difficile à communiquer sur un forum, isn't it ?
Tous langages, à commencer par celui que la nature (inclus la portion qui nous échoit : corporelle) semble tenir. Le silence fondamental s'y révèlera, peu à peu ou soudainement, entre les lignes, tjrs plus ou moins débiles certes, mais amoureusement tracées.
Plus commode d'évacuer ce souci, humblement réaliste pourtant, en se faisant le Hérault du « tout est illusion »... sauf moi qui le dit, parce que je le dis. Très malin ce « parce que », d'emblée en posture d'autorité, voilée par l'humilité contrefaite ou rèvée qui, toujours, l'accompagne.
« Paraître à plus de lettres qu'être », disait Karl Kraus. Bien comprise, au delà des dérisoires jeux de société, la formule est précieuse, tantrique à donf. Cette science des lettres ou signatures, d'après nos soufis favoris, est indissociable de toute alchimie.
Il y a une « image dans le tapis » (Henry James), dans la trâme du texte de Logos, témoignant discrètement, voire pudiquement, d'une intention amoureuse des plus ardentes. Suis sincèrement surpris que tu ne l'aies pas « senti », Aube-Aurore. Comme une odeur de jasmin...pourtant.
A dire vrai, je préfère son « charabia » étayé, risqué, s'exposant au dialogue, à la contradiction, que les logorrhées trop courtes ne disant qu'une chose très chosifiante: « moi avoir fait telle expérience, donc moi savoir et toi crétin d'intello ». Ce qui ne vise pas Aube-Aurore !
Rien n'y est transmis, ni partagé, ni indiqué, ni remis en question; au mieux : tomber sur un autre « expérimentaliste » qui, ravi de l'aubaine, répliquera juste pour faire savoir aux pauvres désirants dépourvus d'Expérience... que son moi, aussi, a vécu la chose, youpi... et point barre. Et après, on en fait quoi de son « fait »? Conte de faits ? Expérience scientiste à plusieurs pour le breveter et le pondre en série ?
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi. Ce qui ne peut être un but, une réponse définitive permettant sa pose hiératique et satisfaite, mais le commencement de l'Ouvert. Nous devenons, jusque dans nos cellules, la question. Si amour il y a, au sens exploré sur ce fil, il ne se devine que par cette lucarne. Pour commencer. Une exposition totale, directe, sans filtre, peut nous cramer ou rendre barjot.
Soit un processus inverse de celui qui nous permettrait, grâce à l'Expérience (trop souvent, de plus, son seul souvenir « idéalisé »), de détenir la vérité. Devenir la question, l'« à mon seul désir », est déjà volatilisation d'égo, cette crispation anxieuse d'une présence, apparemment la « notre », devinée injustifiable et sans contours précis-rassurants, en fait.
Aube-Aurore : « je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? » Si l'on peut oser une réponse trop courte : absence du sujet garantit l'absence d'objet. La chosification (matérialisme spirituel bien ratiboisé par Trungpa), en devient bancale, voire impossible à tenir sans sentir qu'on devient tordu.
Quant au vide de la coquille, qui me semble avoir causé l'irritation d' Aube-Aurore, il est possible que ce vide puisse en cacher un autre... Il y a une très profonde méditation à ce sujet offerte par Rabbi Nahman de Bratslav, intitulée « leçon kabbalistique ». Elle part du tsimtsoum postulé par Luria, pour s'aventurer (fait rarrissime chez les sages) vers le vide de notre modernité, lequel à son époque commençait fortement à occuper le terrain. Ce, non pas pour condamner d'office, façon guénoniens ou autres bidochons en armure de templier, mais pour deviner, éprouver, le sens de cette inédite vacuité... apparemment propice aux bavardages.
aligorrhé
Il a bien raison Bertrand, quel bavard ce Lao Tseu : 5OOO caractères forment son tao te king, pour ne rien dire...tout en le disant !
Quant à la « logorrhée » ici reprochée à Logos, je l'ai bien lu et relu et suis globalement d'accord avec son mode d'approche, lequel peut convenir à certains. Remarquer ceci : le souci de ne pas séparer immanence et transcendance, que l'on soit évéillé (?) ou en travaux, convoque inévitablement le langage. D'autre fois, son silence... plus difficile à communiquer sur un forum, isn't it ?
Tous langages, à commencer par celui que la nature (inclus la portion qui nous échoit : corporelle) semble tenir. Le silence fondamental s'y révèlera, peu à peu ou soudainement, entre les lignes, tjrs plus ou moins débiles certes, mais amoureusement tracées.
Plus commode d'évacuer ce souci, humblement réaliste pourtant, en se faisant le Hérault du « tout est illusion »... sauf moi qui le dit, parce que je le dis. Très malin ce « parce que », d'emblée en posture d'autorité, voilée par l'humilité contrefaite ou rèvée qui, toujours, l'accompagne.
« Paraître à plus de lettres qu'être », disait Karl Kraus. Bien comprise, au delà des dérisoires jeux de société, la formule est précieuse, tantrique à donf. Cette science des lettres ou signatures, d'après nos soufis favoris, est indissociable de toute alchimie.
Il y a une « image dans le tapis » (Henry James), dans la trâme du texte de Logos, témoignant discrètement, voire pudiquement, d'une intention amoureuse des plus ardentes. Suis sincèrement surpris que tu ne l'aies pas « senti », Aube-Aurore. Comme une odeur de jasmin...pourtant.
A dire vrai, je préfère son « charabia » étayé, risqué, s'exposant au dialogue, à la contradiction, que les logorrhées trop courtes ne disant qu'une chose très chosifiante: « moi avoir fait telle expérience, donc moi savoir et toi crétin d'intello ». Ce qui ne vise pas Aube-Aurore !
Rien n'y est transmis, ni partagé, ni indiqué, ni remis en question; au mieux : tomber sur un autre « expérimentaliste » qui, ravi de l'aubaine, répliquera juste pour faire savoir aux pauvres désirants dépourvus d'Expérience... que son moi, aussi, a vécu la chose, youpi... et point barre. Et après, on en fait quoi de son « fait »? Conte de faits ? Expérience scientiste à plusieurs pour le breveter et le pondre en série ?
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi. Ce qui ne peut être un but, une réponse définitive permettant sa pose hiératique et satisfaite, mais le commencement de l'Ouvert. Nous devenons, jusque dans nos cellules, la question. Si amour il y a, au sens exploré sur ce fil, il ne se devine que par cette lucarne. Pour commencer. Une exposition totale, directe, sans filtre, peut nous cramer ou rendre barjot.
Soit un processus inverse de celui qui nous permettrait, grâce à l'Expérience (trop souvent, de plus, son seul souvenir « idéalisé »), de détenir la vérité. Devenir la question, l'« à mon seul désir », est déjà volatilisation d'égo, cette crispation anxieuse d'une présence, apparemment la « notre », devinée injustifiable et sans contours précis-rassurants, en fait.
Aube-Aurore : « je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? » Si l'on peut oser une réponse trop courte : absence du sujet garantit l'absence d'objet. La chosification (matérialisme spirituel bien ratiboisé par Trungpa), en devient bancale, voire impossible à tenir sans sentir qu'on devient tordu.
Quant au vide de la coquille, qui me semble avoir causé l'irritation d' Aube-Aurore, il est possible que ce vide puisse en cacher un autre... Il y a une très profonde méditation à ce sujet offerte par Rabbi Nahman de Bratslav, intitulée « leçon kabbalistique ». Elle part du tsimtsoum postulé par Luria, pour s'aventurer (fait rarrissime chez les sages) vers le vide de notre modernité, lequel à son époque commençait fortement à occuper le terrain. Ce, non pas pour condamner d'office, façon guénoniens ou autres bidochons en armure de templier, mais pour deviner, éprouver, le sens de cette inédite vacuité... apparemment propice aux bavardages.
aligorrhé
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour à tous.
Eh ben voilà ! Là, on se comprend mieux !
Merci Logos pour ce nouveau texte. Celui-là me parle. Il procède d'une intensité qui ne m'est pas inconnue, et est d'un style bien plus abordable, parlant simplement des choses simples.
Merci aussi à Aliboron d'avoir été le premier à cesser de botter en touche, de ne plus faire semblant de parler d'autre chose et d'accepter d'évoquer le problème de "L'amour universel est une abstraction, une coquille vide".
La nature a "horreur du vide" disent les profs de sciences. Pour ma part, je n'avale pas que l'amour universel ne soit qu'une abstraction (même si elle peut en être une aussi, par défaut d'expérimentation directe). Que ce soit "une coquille vide" qui, elle-même puisse cacher un autre vide, je trouve cette réflexion très intéressante. Non pas dans le sens d'un "sujet creux", une sorte de mythe illusoire qui s'avèrerait vide ou décevant une fois qu'on visite l'intérieur de la coquille, comme chez le chocolatier Kinder, mais parce que l'amour universel ne peut être accessible que par le vide. Paradoxalement, comme le laisse entendre Aliboron, notre modernité est "pleine de vide". Constater les taux de cancer, suicides, ou divorces, renforce cette impression.
Ne nous faut-il pas nous vider de ce "plein de vide" afin d'accéder à la plénitude ?
Puis accepter de nous laisser aspirer par ce vide... qui est présence totale ?
Amitiés
Eh ben voilà ! Là, on se comprend mieux !
Merci Logos pour ce nouveau texte. Celui-là me parle. Il procède d'une intensité qui ne m'est pas inconnue, et est d'un style bien plus abordable, parlant simplement des choses simples.
Merci aussi à Aliboron d'avoir été le premier à cesser de botter en touche, de ne plus faire semblant de parler d'autre chose et d'accepter d'évoquer le problème de "L'amour universel est une abstraction, une coquille vide".
La nature a "horreur du vide" disent les profs de sciences. Pour ma part, je n'avale pas que l'amour universel ne soit qu'une abstraction (même si elle peut en être une aussi, par défaut d'expérimentation directe). Que ce soit "une coquille vide" qui, elle-même puisse cacher un autre vide, je trouve cette réflexion très intéressante. Non pas dans le sens d'un "sujet creux", une sorte de mythe illusoire qui s'avèrerait vide ou décevant une fois qu'on visite l'intérieur de la coquille, comme chez le chocolatier Kinder, mais parce que l'amour universel ne peut être accessible que par le vide. Paradoxalement, comme le laisse entendre Aliboron, notre modernité est "pleine de vide". Constater les taux de cancer, suicides, ou divorces, renforce cette impression.
Ne nous faut-il pas nous vider de ce "plein de vide" afin d'accéder à la plénitude ?
Puis accepter de nous laisser aspirer par ce vide... qui est présence totale ?
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
salut! 2 remarques liminaires :
1/ ayant re-re-relu le texte proposé par Stelio, décidément particulièrement fort, j'en extrais une courte formule, frappante :
l'amour est vérité et jamais savoir
2/ ayant re-relu aussi le teste d'Aliboron, j'en extrais ceci :
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi.
Revenons vers ce fameux texte 56 du Tao-te-king, disant, soi-disant : "celui qui parle ne sait pas // celui qui sait ne parle pas". Bon, désolé d'insister, mais ce n'est vraiment pas ce qu'a écrit Lao-Tseu. En effet, il a, incontestablement, écrit ceci :
Voici le sens principal des mots isolés :
On pourra vérifier ces données à cette adresse, par exemple : Cliquer ici, puis sur chapters 51-60, enfin aller examiner le 6ème texte en chinois , ou bien à celle-ci
Une sorte de miroir, même pas régulier d'ailleurs, entre les deux phrases; donc, une inversion particulière. Les deux termes du centre ne bougent pas (c'est très taoïste !), en revanche les extrémités sont inversées. Et il faut aussi tout de suite mentionner le reste du texte, qui joue d'un bout à l'autre sur l'opposition deux à deux de termes contradictoires, paradoxaux. Voici, par exemple, la traduction du Père Larre:
On voit que le texte entier est construit sur des oppositions; d'une part, la série : Bouchez les ouvertures / Fermez les portes, etc. D'autre part, la série : Ni proche / Ni étranger etc.
A la lumière des 2 phrases de Stelio et Aliboron sus-citées:
l'amour est vérité et jamais savoir
nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi
je suggère donc d'essayer de se lover au coeur du paradoxe, dont ce poème laisse comme un creux dans la neige. Et propose les traductions suivantes de ce fameux : zhî zhe bù yan // yan zhê bù zhî :
Docte ignorance ?
Amitiés
1/ ayant re-re-relu le texte proposé par Stelio, décidément particulièrement fort, j'en extrais une courte formule, frappante :
l'amour est vérité et jamais savoir
2/ ayant re-relu aussi le teste d'Aliboron, j'en extrais ceci :
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi.
Revenons vers ce fameux texte 56 du Tao-te-king, disant, soi-disant : "celui qui parle ne sait pas // celui qui sait ne parle pas". Bon, désolé d'insister, mais ce n'est vraiment pas ce qu'a écrit Lao-Tseu. En effet, il a, incontestablement, écrit ceci :
Voici le sens principal des mots isolés :
savoir / (quelqu'un) / ne pas / parler
parler / (quelqu'un) / ne pas / savoir
parler / (quelqu'un) / ne pas / savoir
On pourra vérifier ces données à cette adresse, par exemple : Cliquer ici, puis sur chapters 51-60, enfin aller examiner le 6ème texte en chinois , ou bien à celle-ci
Une sorte de miroir, même pas régulier d'ailleurs, entre les deux phrases; donc, une inversion particulière. Les deux termes du centre ne bougent pas (c'est très taoïste !), en revanche les extrémités sont inversées. Et il faut aussi tout de suite mentionner le reste du texte, qui joue d'un bout à l'autre sur l'opposition deux à deux de termes contradictoires, paradoxaux. Voici, par exemple, la traduction du Père Larre:
Qui sait
Ne parle pas
Qui parle
Ne sait pas
Bouchez les orifices
Fermez les portes
Emoussez les pointes
Débrouillez l'écheveau
Harmonisez les lumières
Rassemblez la poussière
On évoque ainsi
La Communion qui est à l'Origine
Avec Elle c'est
Ni proche
Ni étranger
Ni avantagé
Ni défavorisé
Ni honorable
Ni méprisable
Mais Elle-même
Le monde entier la tenait en honneur
Ne parle pas
Qui parle
Ne sait pas
Bouchez les orifices
Fermez les portes
Emoussez les pointes
Débrouillez l'écheveau
Harmonisez les lumières
Rassemblez la poussière
On évoque ainsi
La Communion qui est à l'Origine
Avec Elle c'est
Ni proche
Ni étranger
Ni avantagé
Ni défavorisé
Ni honorable
Ni méprisable
Mais Elle-même
Le monde entier la tenait en honneur
On voit que le texte entier est construit sur des oppositions; d'une part, la série : Bouchez les ouvertures / Fermez les portes, etc. D'autre part, la série : Ni proche / Ni étranger etc.
A la lumière des 2 phrases de Stelio et Aliboron sus-citées:
l'amour est vérité et jamais savoir
nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi
je suggère donc d'essayer de se lover au coeur du paradoxe, dont ce poème laisse comme un creux dans la neige. Et propose les traductions suivantes de ce fameux : zhî zhe bù yan // yan zhê bù zhî :
sache ce qui n'est pas dit
dis ce qui n'est pas su
C'est moche, mais ça a l'avantage d'être ouvert et assez obscur, non ? Ou bien, plus concis :dis ce qui n'est pas su
parle sans savoir
sache sans parler
Avec en tête la pratique des musiciens (et les comédiens ont la même) : ne pas céder à la tentation de refaire ce qui a marché. Toujours réinventer. Donc, quand tu joues de la musique, par exemple si tu improvises en jazz-fusion avec un guitariste, ou si tu interprètes un prélude de Bach : Joue sans savoir ce que tu vas jouer. C'est ce sans savoir qui garantit la justesse de ce que tu joues. En quelque sorte:sache sans parler
parle en ne sachant pas
sache en ne parlant pas
sache en ne parlant pas
Docte ignorance ?
Amitiés
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
J'adore ! A la fois savant, tordu, humoristique, et profondément philosophique; tourné en tous sens et bien agité comme Orangina pour bien en faire ressortir la pulpe; avec un léger brin de sarcasme (qui n'égratigne au fond personne) : du tout Grand'Art ! |
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour,
Juste le point de vue du poète Christian Bobin que j’ai mémorisé mais pas sa source !
“Vous attendez de l’amour qu’il vous comble mais l’amour ne comble rien, ni le trou que vous avez dans la tête ni cet abîme que vous avez au coeur. L’amour est manque bien plus que plénitude, l’amour est plénitude du manque, c’est une chose bien difficile à comprendre mais tellement facile à vivre.”
Pour ceux qui le connaissent, il parle évidemment d’EXPERIENCE !
Cordialement,
C...a
Juste le point de vue du poète Christian Bobin que j’ai mémorisé mais pas sa source !
“Vous attendez de l’amour qu’il vous comble mais l’amour ne comble rien, ni le trou que vous avez dans la tête ni cet abîme que vous avez au coeur. L’amour est manque bien plus que plénitude, l’amour est plénitude du manque, c’est une chose bien difficile à comprendre mais tellement facile à vivre.”
Pour ceux qui le connaissent, il parle évidemment d’EXPERIENCE !
Cordialement,
C...a
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Charly,
Cette citation est extraite de l'ouvrage de Christian Bobin " Le Très-Bas", roman mettant en scène St. François d'Assise.
Cette citation est extraite de l'ouvrage de Christian Bobin " Le Très-Bas", roman mettant en scène St. François d'Assise.
Trinity- Nombre de messages : 116
Date d'inscription : 03/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Ah, ben merci not’ Dame ! J’ai un doute soudain, n’est-ce pas : “c’est je vous l’avoue une chose bien difficile à comprendre” plutôt que “c’est une chose bien difficile” ? Il y a bien longtemps que je l’ai lu.
De tous les Bobin, c’est peut-être : "Une petite robe de fête" qui m’a le plus ému, mais ils sont tous... émouvants.
Amicalement,
Charly
De tous les Bobin, c’est peut-être : "Une petite robe de fête" qui m’a le plus ému, mais ils sont tous... émouvants.
Amicalement,
Charly
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour,
Comment "l'amour" pourrait-il exister quelque part dans l'Univers puisque, dans la Monade, il n'y a pas et il n'y a jamais eu d'altérité, même pas via une illusoire "création" ? On devrait plutôt parler de "désir", cet élan divin originel qui a poussé Dieu à vouloir se connaître en engendrant de Lui son reflet dans le miroir de sa Lumière, engendrant ainsi le Manifesté, le Cadavre...
Otez le désir de ce que vous croyez être de l'amour en vous, et il ne restera rien...
cordialement,
Madeleine
Comment "l'amour" pourrait-il exister quelque part dans l'Univers puisque, dans la Monade, il n'y a pas et il n'y a jamais eu d'altérité, même pas via une illusoire "création" ? On devrait plutôt parler de "désir", cet élan divin originel qui a poussé Dieu à vouloir se connaître en engendrant de Lui son reflet dans le miroir de sa Lumière, engendrant ainsi le Manifesté, le Cadavre...
Otez le désir de ce que vous croyez être de l'amour en vous, et il ne restera rien...
cordialement,
Madeleine
Magdala- Nombre de messages : 19
Date d'inscription : 04/01/2012
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour,
Et si on essayait, à l'envers, pour voir ce que ça donne.
"Otez l'amour de ce que vous croyez être du désir en vous, et il ne restera rien"... que vous, soit : trois fois rien. "L'idiot sexuel, à la couronne de paille", comme disait H. Melville ?
"Coeur, vibration, essor, ferveur et vagues sont synonymes, car la Vibration réside dans la conscience comme une vague dans la mer. Et sans la vague de la "prise de conscience", il n'y aurait que l'immobilité de crystal et non l'Océan de Conscience.
Pour faire revenir à elle l'Energie, et la rendre consciente, il faut la "barrater" dans un élan tournoyant. Tourbillon rapide et vibrant. Ce "barratement" s'effectue sous la poussée d'un désir intense mais aveugle. C'est à dire sans représentation, ni sentiment, sans souci du résultat; le moindre doute devenant un obstacle à l'éveil de la "Lovée". La force de l'aveuglement est ici nécessaire pour provoquer la disparition de la pensée dualisante.
Si, par delà "connaissance" et "connu", le désir devient un pur élan d'amour impersonnel, son intensité NUE anime le corps. Et ce dernier, libéré des limites individuelles fonctionne librement, permettant au yogin de se tenir à la source de l'énergie, dans l'émoi du premier regard.
Echappant à la dualité du choix et de l'objectivité, les sens éveillés déploient librement, impersonnellement, leur activité, s'étendent à l'univers. Le corps ainsi "assouvi", le yogin accède à la félicité cosmique".
(Une sublime "yogini" contemporaine).
"Toutes les raisons cousent des robes; mais les coeurs des amants sont des brûleurs de robes". (Rumi).
Je profite que ce fil m'ayant, électroniquement fait un stimulant coucou sur ma boite email, pour vous copier-coller une mini-introduction sur un mode de transmission peu connu; je l'avais rédigé pour une amie puis me suis dit que ça pouvait peut-être interesser d'autres personnes....et qu'en tout cas ça pouvait figurer sur ce fil.
La transmission silencieuse... du Silence (celui qui est d'Or, pas les autres qui ronflent....) :cyclops :
"Peu, de nos jours ont entendu parler de ce mode de transmission silencieuse. Il est vrai qu'elle est aussi rare que discrète, mais connue de différentes traditions.
Ainsi dans le christianisme oû, par exemple, on la trouve mentionnée depuis le 4 ème siècle (chez Paulin de Nole), jusqu'à madame Guyon au XVII ème.
En inde, elle a été surtout mise en oeuvre dans le shivaïsme du cachemire, voir les ouvrages d'Abhinavagupta (traduits par Mlle Silburn), quoiqu'il semble que Ramana Maharshi, quelque fois, la donnait.
Mais, de nos jours, c'est surtout dans le soufisme des Naqshabendi d'asie centrale et d'inde qu'on peut la rencontrer.
Ils la nomment rabitat al-shaykh, ou "coeur à coeur". Face à face pendant lequel un maître accompli projette (tawajjuh) son état spirituel sur le disciple, ce qui actualise ponctuellement et plus ou moins durablement les virtualités spirituelles chez ce dernier et, lui permet ainsi de co-naître vraiment le "but" de la voie.
Le maître alors dose ou filtre en fonction des possibilités de réception du bénéficiaire, sachant qu'à l'excés ça peut aller jusqu'à tuer. Le Christ parlait des problèmes à envisager quand "on verse du vin nouveau dans de vieilles outres"...
Ca s'appelle "l'inclusion de la fin dans le début", super cadeau de bienvenue qui, en outre, permettra à l'élève d'authentifier les étapes parcourues par la suite, sans se raconter trop d'histoires...vu que le fil reliant les différents degrés de Proximité a toujours/déjà la même Saveur : le goût de l'un. Mais si néanmoins il s'en racontait, la vigilance du maître lui remettra vite les yeux en face des trous... parfois au moyen d'un humour cinglant.
Autre tradition où l'on rencontre celà : le dzogchen tibétain, même si ce dernier, devenu à la mode subit une baisse de qualité inquiétante. C'est également lors de l'entrée dans la voie et ça s'appelle la transmission de Rigpa, qui s'opère dans le même genre de face à face silencieux.
Il s'ensuit, dans toutes les traditions mentionnées, ce que les tibétains appellent le "guru yoga"; sur lequel on trouve plus facilement des infos (de qualité relativement bonnes); sur le net entre autre. Lequel, contrairement aux apparences, n'a rien à voir avec un culte de la personnalité... Il s'agirait plutôt, en dernière instance, d'une application inspirée de l'Imagination créatrice "divine" (Hima), à laquelle la "nôtre", à sa source, participe...
Paradoxe à prendre en compte : ce type de voie où la Grâce joue un rôle majeur peut néanmoins paraître très difficile à suivre pour certains, si ce n'est à la majorité des postulants.
Même s'il est particulièrement "agréable" de recevoir une telle effusion de "lumière" (ou d'abime, allez savoir...) chaque fois qu'on se tient (physiquement ou non) devant son maître.
Car ce chemin (souvent qualifié de non-voie), fondamentalement silencieux, n'offre pas de repères évidents (en fait, ils sont subtils, " internels") et prive d'emblée le chercheur de tous recours à des "techniques" ou "pratiques" balisant le parcours ou, une supposée "progression" d'un égo se... spiritualisant.
Du reste, les maîtres en cette voie ne s'interressent pas du tout à ce que nous connaissons de "nous", et les rares conseils qu'ils donnent ne tiennent pas compte de nos notions habituelles de bien et de mal. ni du "spirituellement correct".
"Je ne suscite même pas l'esprit d'observation des préceptes, à plus forte raison celui de leur transgression".
Et maintenant un mini-florilège de ce que l'on peut trouver à ce sujet, histoire de compenser la débilité intrinsèque de mon exposé.
"La cause principale de la délivrance est la parfaite connaissance, qu'elle réside en soi-même ou en autrui. En effet, les manifestations du maître et du disciple ne sont que constructions imaginales. En vérité, c'est la seule Conscience Absolue qui fulgure en manifestant soi, autrui, ainsi que toute chose" (la même yogini).
"Il nous faut suivre l'illumination d'autrui : celà s'appelle transmission directe, celà s'appelle aussi la réceptivité. Parce qu'on se consacre à suivre l'illumination d'autrui, on n'a pas affaires à ses vieilles vues à soi. Parce qu'on se contente de mettre en oeuvre sa propre réceptivité, on n'est pas en présence d'une demeure nouvelle (au sens de "piège"). (Tchan).
"Comment connaitras tu sa nature cachée ?
Il répondit : je m'assied devant lui en silence et fais de la patience une échelle pour monter plus haut. Et si, dans sa présence, jaillit de mon coeur un discours dépassant ce royaume de la joie et du chagrin, je sais qu'il me l'a envoyé des profondeurs d'une âme illuminée.
Le discours de mon coeur vient de là, car il y a une fenètre entre le coeur et le coeur". (Soufisme).
cordialement
al'
Et si on essayait, à l'envers, pour voir ce que ça donne.
"Otez l'amour de ce que vous croyez être du désir en vous, et il ne restera rien"... que vous, soit : trois fois rien. "L'idiot sexuel, à la couronne de paille", comme disait H. Melville ?
"Coeur, vibration, essor, ferveur et vagues sont synonymes, car la Vibration réside dans la conscience comme une vague dans la mer. Et sans la vague de la "prise de conscience", il n'y aurait que l'immobilité de crystal et non l'Océan de Conscience.
Pour faire revenir à elle l'Energie, et la rendre consciente, il faut la "barrater" dans un élan tournoyant. Tourbillon rapide et vibrant. Ce "barratement" s'effectue sous la poussée d'un désir intense mais aveugle. C'est à dire sans représentation, ni sentiment, sans souci du résultat; le moindre doute devenant un obstacle à l'éveil de la "Lovée". La force de l'aveuglement est ici nécessaire pour provoquer la disparition de la pensée dualisante.
Si, par delà "connaissance" et "connu", le désir devient un pur élan d'amour impersonnel, son intensité NUE anime le corps. Et ce dernier, libéré des limites individuelles fonctionne librement, permettant au yogin de se tenir à la source de l'énergie, dans l'émoi du premier regard.
Echappant à la dualité du choix et de l'objectivité, les sens éveillés déploient librement, impersonnellement, leur activité, s'étendent à l'univers. Le corps ainsi "assouvi", le yogin accède à la félicité cosmique".
(Une sublime "yogini" contemporaine).
"Toutes les raisons cousent des robes; mais les coeurs des amants sont des brûleurs de robes". (Rumi).
Je profite que ce fil m'ayant, électroniquement fait un stimulant coucou sur ma boite email, pour vous copier-coller une mini-introduction sur un mode de transmission peu connu; je l'avais rédigé pour une amie puis me suis dit que ça pouvait peut-être interesser d'autres personnes....et qu'en tout cas ça pouvait figurer sur ce fil.
La transmission silencieuse... du Silence (celui qui est d'Or, pas les autres qui ronflent....) :cyclops :
"Peu, de nos jours ont entendu parler de ce mode de transmission silencieuse. Il est vrai qu'elle est aussi rare que discrète, mais connue de différentes traditions.
Ainsi dans le christianisme oû, par exemple, on la trouve mentionnée depuis le 4 ème siècle (chez Paulin de Nole), jusqu'à madame Guyon au XVII ème.
En inde, elle a été surtout mise en oeuvre dans le shivaïsme du cachemire, voir les ouvrages d'Abhinavagupta (traduits par Mlle Silburn), quoiqu'il semble que Ramana Maharshi, quelque fois, la donnait.
Mais, de nos jours, c'est surtout dans le soufisme des Naqshabendi d'asie centrale et d'inde qu'on peut la rencontrer.
Ils la nomment rabitat al-shaykh, ou "coeur à coeur". Face à face pendant lequel un maître accompli projette (tawajjuh) son état spirituel sur le disciple, ce qui actualise ponctuellement et plus ou moins durablement les virtualités spirituelles chez ce dernier et, lui permet ainsi de co-naître vraiment le "but" de la voie.
Le maître alors dose ou filtre en fonction des possibilités de réception du bénéficiaire, sachant qu'à l'excés ça peut aller jusqu'à tuer. Le Christ parlait des problèmes à envisager quand "on verse du vin nouveau dans de vieilles outres"...
Ca s'appelle "l'inclusion de la fin dans le début", super cadeau de bienvenue qui, en outre, permettra à l'élève d'authentifier les étapes parcourues par la suite, sans se raconter trop d'histoires...vu que le fil reliant les différents degrés de Proximité a toujours/déjà la même Saveur : le goût de l'un. Mais si néanmoins il s'en racontait, la vigilance du maître lui remettra vite les yeux en face des trous... parfois au moyen d'un humour cinglant.
Autre tradition où l'on rencontre celà : le dzogchen tibétain, même si ce dernier, devenu à la mode subit une baisse de qualité inquiétante. C'est également lors de l'entrée dans la voie et ça s'appelle la transmission de Rigpa, qui s'opère dans le même genre de face à face silencieux.
Il s'ensuit, dans toutes les traditions mentionnées, ce que les tibétains appellent le "guru yoga"; sur lequel on trouve plus facilement des infos (de qualité relativement bonnes); sur le net entre autre. Lequel, contrairement aux apparences, n'a rien à voir avec un culte de la personnalité... Il s'agirait plutôt, en dernière instance, d'une application inspirée de l'Imagination créatrice "divine" (Hima), à laquelle la "nôtre", à sa source, participe...
Paradoxe à prendre en compte : ce type de voie où la Grâce joue un rôle majeur peut néanmoins paraître très difficile à suivre pour certains, si ce n'est à la majorité des postulants.
Même s'il est particulièrement "agréable" de recevoir une telle effusion de "lumière" (ou d'abime, allez savoir...) chaque fois qu'on se tient (physiquement ou non) devant son maître.
Car ce chemin (souvent qualifié de non-voie), fondamentalement silencieux, n'offre pas de repères évidents (en fait, ils sont subtils, " internels") et prive d'emblée le chercheur de tous recours à des "techniques" ou "pratiques" balisant le parcours ou, une supposée "progression" d'un égo se... spiritualisant.
Du reste, les maîtres en cette voie ne s'interressent pas du tout à ce que nous connaissons de "nous", et les rares conseils qu'ils donnent ne tiennent pas compte de nos notions habituelles de bien et de mal. ni du "spirituellement correct".
"Je ne suscite même pas l'esprit d'observation des préceptes, à plus forte raison celui de leur transgression".
Et maintenant un mini-florilège de ce que l'on peut trouver à ce sujet, histoire de compenser la débilité intrinsèque de mon exposé.
"La cause principale de la délivrance est la parfaite connaissance, qu'elle réside en soi-même ou en autrui. En effet, les manifestations du maître et du disciple ne sont que constructions imaginales. En vérité, c'est la seule Conscience Absolue qui fulgure en manifestant soi, autrui, ainsi que toute chose" (la même yogini).
"Il nous faut suivre l'illumination d'autrui : celà s'appelle transmission directe, celà s'appelle aussi la réceptivité. Parce qu'on se consacre à suivre l'illumination d'autrui, on n'a pas affaires à ses vieilles vues à soi. Parce qu'on se contente de mettre en oeuvre sa propre réceptivité, on n'est pas en présence d'une demeure nouvelle (au sens de "piège"). (Tchan).
"Comment connaitras tu sa nature cachée ?
Il répondit : je m'assied devant lui en silence et fais de la patience une échelle pour monter plus haut. Et si, dans sa présence, jaillit de mon coeur un discours dépassant ce royaume de la joie et du chagrin, je sais qu'il me l'a envoyé des profondeurs d'une âme illuminée.
Le discours de mon coeur vient de là, car il y a une fenètre entre le coeur et le coeur". (Soufisme).
cordialement
al'
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Magdala,
Pour des raisons différentes d'Aliboron, je défendrais néanmoins, moi aussi, la position contraire à la tienne.
Dans la Monade (Unité), il n'y a pas d'altérité, dis-tu. D'accord, évidemment. Par définition.
Mais alors, il en découle qu'il ne puisse exister de distanciation possible entre un sujet et un objet (dualité), sinon, on n'est plus dans le cadre de la Monade (Unité). Donc pas de possibilité de désir, lequel implique nécessairement qu'il existerait un sujet désirant un objet. Par contre, dans le monde manifesté ("notre" univers physique), la dualité, ou la polarisation, est la règle.
Ce n'est donc que dans le cadre (ontologiquement illusoire) de notre monde manifesté polarisé que le désir puisse exister. Y compris, d'ailleurs, le "désir d'Unité". Tandis qu'en la monade, seul peut exister l'Amour, le pur Amour, dénué de tout sentimentalisme, de toute envie, de tout désir. Un Amour sans objet.
Lorsque j'étais adolescent, un professeur de religion nous enseigna que toute la Création était le résultat d'un acte d'Amour divin : le Démiurge, débordant d'Amour inexprimable (faute d'un objet auquel appliquer cet Amour), créa le monde manifesté. Tant d'Amour sans pouvoir le partager, c'est insatisfaisant. Bon : c'était son point de vue… Ça me fait un peu penser à la casserole remplie d'un peu d'eau et de grains de maïs : faisons chauffer, et constatons que ça déborde vite de partout, parce que la formation (manifestation) du pop corn ressemble à un mini Big Bang !
Euh… Je m'égare…
Pour ma part, je ne me prêterai pas au jeu consistant à essayer de deviner les intentions de Dieu. Je ne te suivrai donc pas non plus dans ton affirmation : "le désir, cet élan divin originel qui a poussé Dieu à vouloir se connaître en engendrant de Lui son reflet dans le miroir de sa Lumière", même si je comprends bien que notre intellect, féru de logique, insatisfait, cherche à comprendre le pourquoi du comment, et imagine des raisons logiques pour lesquelles le Manifesté est… manifesté ! Mais s'il devait y avoir eu un "élan originel qui a poussé Dieu", alors, n'évoquons-nous pas là une situation débordant du cadre de la Monade, puisque Dieu serait poussé par… Par quoi ? Une altérité ? => Cadre de référence non monadique.
Par contre, j'oppose volontiers "amour" et "désir", qui sont deux dispositions contraires : l'amour est don, le désir est possessif ; l'amour (le pur amour) est désintéressé, le désir est intéressé ; l'amour est d'essence divine, le désir est une relique de notre animalité (un effet collatéral de l'existence de notre égo). On pourrait en débattre, mais il me semble que la façon dont je conçois le Divin est précisément connotée d'un Amour dépoussiéré de tout désir.
Pour des raisons différentes d'Aliboron, je défendrais néanmoins, moi aussi, la position contraire à la tienne.
Dans la Monade (Unité), il n'y a pas d'altérité, dis-tu. D'accord, évidemment. Par définition.
Mais alors, il en découle qu'il ne puisse exister de distanciation possible entre un sujet et un objet (dualité), sinon, on n'est plus dans le cadre de la Monade (Unité). Donc pas de possibilité de désir, lequel implique nécessairement qu'il existerait un sujet désirant un objet. Par contre, dans le monde manifesté ("notre" univers physique), la dualité, ou la polarisation, est la règle.
Ce n'est donc que dans le cadre (ontologiquement illusoire) de notre monde manifesté polarisé que le désir puisse exister. Y compris, d'ailleurs, le "désir d'Unité". Tandis qu'en la monade, seul peut exister l'Amour, le pur Amour, dénué de tout sentimentalisme, de toute envie, de tout désir. Un Amour sans objet.
Lorsque j'étais adolescent, un professeur de religion nous enseigna que toute la Création était le résultat d'un acte d'Amour divin : le Démiurge, débordant d'Amour inexprimable (faute d'un objet auquel appliquer cet Amour), créa le monde manifesté. Tant d'Amour sans pouvoir le partager, c'est insatisfaisant. Bon : c'était son point de vue… Ça me fait un peu penser à la casserole remplie d'un peu d'eau et de grains de maïs : faisons chauffer, et constatons que ça déborde vite de partout, parce que la formation (manifestation) du pop corn ressemble à un mini Big Bang !
Euh… Je m'égare…
Pour ma part, je ne me prêterai pas au jeu consistant à essayer de deviner les intentions de Dieu. Je ne te suivrai donc pas non plus dans ton affirmation : "le désir, cet élan divin originel qui a poussé Dieu à vouloir se connaître en engendrant de Lui son reflet dans le miroir de sa Lumière", même si je comprends bien que notre intellect, féru de logique, insatisfait, cherche à comprendre le pourquoi du comment, et imagine des raisons logiques pour lesquelles le Manifesté est… manifesté ! Mais s'il devait y avoir eu un "élan originel qui a poussé Dieu", alors, n'évoquons-nous pas là une situation débordant du cadre de la Monade, puisque Dieu serait poussé par… Par quoi ? Une altérité ? => Cadre de référence non monadique.
Par contre, j'oppose volontiers "amour" et "désir", qui sont deux dispositions contraires : l'amour est don, le désir est possessif ; l'amour (le pur amour) est désintéressé, le désir est intéressé ; l'amour est d'essence divine, le désir est une relique de notre animalité (un effet collatéral de l'existence de notre égo). On pourrait en débattre, mais il me semble que la façon dont je conçois le Divin est précisément connotée d'un Amour dépoussiéré de tout désir.
Abbé+Pierre- Nombre de messages : 80
Date d'inscription : 09/04/2008
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