..." l'amour, le pur amour "...
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Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour !
Le désir, celui qui se fait volontiers passer pour de l'amour, affecte celui qui vise à mettre son propre ego au cœur du relationnel. Si, pour certains, cela se ramène in fine à de la sexualité, c'est certes vrai, mais il s'agit là des individus les plus portés vers les pulsions bestiales. Mais de façon plus générale, le désir de se faire aimer a pour objet de renforcer l'image favorable qu'on apprécie avoir de soi-même. En ce sens, prétendre aimer n'est qu'un prétexte à réclamer que les autres vous aiment, prétexte à se faire flatter. C'est pourquoi je vois le désir comme "un tentacule du verbe avoir", puisqu'il s'agit d'avoir des admirateurs, d'avoir de la popularité, d'avoir de la reconnaissance, d'avoir du succès, d'éprouver de la satisfaction. Toute la confusion entre amour et désir vient de la pulsion de besoin de reconnaissance sociale, qui fait chercher dans l'affection des autres ce qu'on est trop souvent incapable de trouver en soi-même.
Prendre le désir pour de l'amour, c'est aussi tomber dans le piège de l'attachement, au lieu de choisir la liberté.
Le désir est possessif, l'amour est don.
Amitiés
En fait, non. Le désir que j'évoquais ci-dessus n'a rien à voir avec le dessous de la ceinture, ou du moins pas directement. Le désir sexuel n'est qu'une variante mineure du désir dont je parlais.aliboron a écrit:Je suis plutôt raccord avec vous sur la tonalité d'ensemble, mais je tique un peu sur la bipartition Amour - désir. Ce dernier, réduit à n'être qu'un tentacule du verbe avoir ? Le reste, au dessous de la ceinture...s'ensuit
Le désir, celui qui se fait volontiers passer pour de l'amour, affecte celui qui vise à mettre son propre ego au cœur du relationnel. Si, pour certains, cela se ramène in fine à de la sexualité, c'est certes vrai, mais il s'agit là des individus les plus portés vers les pulsions bestiales. Mais de façon plus générale, le désir de se faire aimer a pour objet de renforcer l'image favorable qu'on apprécie avoir de soi-même. En ce sens, prétendre aimer n'est qu'un prétexte à réclamer que les autres vous aiment, prétexte à se faire flatter. C'est pourquoi je vois le désir comme "un tentacule du verbe avoir", puisqu'il s'agit d'avoir des admirateurs, d'avoir de la popularité, d'avoir de la reconnaissance, d'avoir du succès, d'éprouver de la satisfaction. Toute la confusion entre amour et désir vient de la pulsion de besoin de reconnaissance sociale, qui fait chercher dans l'affection des autres ce qu'on est trop souvent incapable de trouver en soi-même.
Prendre le désir pour de l'amour, c'est aussi tomber dans le piège de l'attachement, au lieu de choisir la liberté.
Le désir est possessif, l'amour est don.
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour. Je partage assez bien l'idée d'Aube-Aurore.
Michel Berger n'écrivait-il pas la même chose en 1980 ?
We're no handy silver lining, we're no crime to make the headline news
If it's a matter for decision, you and I can be the ones to choose
Je te donne mes espoirs cachés, je te donne mes incertitudes
Je te donne mes plus grands secrets
La vie, c'est déjà si compliqué
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer
Pas la peine de vivre enfermé (C'est pas la peine)
Pas la peine de rester couché (Non c'est pas la peine)
Je te donne sans rien demander
La vie, c'est déjà si compliqué
Je te donne mes sourires moqueurs, je te donne ma force, ma douceur
Je te donne mes secrets fragiles
La vie, c'est déjà si difficile
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer
Oh ! Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer
(Solo de saxophone)
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer.
Michel Berger n'écrivait-il pas la même chose en 1980 ?
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer(France Gall & Elton John, paroles de Michel Berger, adaptation anglaise par Bernie Taupin)
We're no handy silver lining, we're no crime to make the headline news
If it's a matter for decision, you and I can be the ones to choose
Je te donne mes espoirs cachés, je te donne mes incertitudes
Je te donne mes plus grands secrets
La vie, c'est déjà si compliqué
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer
Pas la peine de vivre enfermé (C'est pas la peine)
Pas la peine de rester couché (Non c'est pas la peine)
Je te donne sans rien demander
La vie, c'est déjà si compliqué
Je te donne mes sourires moqueurs, je te donne ma force, ma douceur
Je te donne mes secrets fragiles
La vie, c'est déjà si difficile
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer
Oh ! Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer
(Solo de saxophone)
Donner pour donner, tout donner, c'est la seule façon d'aimer
Donner pour donner, c'est la seule façon de vivre
C'est la seule façon d'aimer.
Garfield- Nombre de messages : 176
Age : 43
Date d'inscription : 20/07/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonsoir Garfield !
"Tout donner" est peut-être un peu excessif. Oui, l'amour (le pur amour) est don, mais pas dilapidation.
Si je donnais tous mes biens, d'une part je serais moi-même dans le besoin, et donc dans l'impossibilité d'encore donner, d'autre part, je ne suis pas certaine que mes cadeaux auraient nécessairement fait le bonheur de leurs récipiendaires. Il faut raison garder, non ? Ne pas sombrer d'un extrémisme dans un autre.
Ce que je cherche à exprimer, c'est que pour parvenir à ne plus confondre "désir" et "amour", il est nécessaire d'entrer dans une dynamique de détachement. Chercher à s'attacher à autrui, ou à attacher quelqu'un à soi, ce n'est pas de l'amour, c'est du désir. Parfois, c'est pour combler une solitude, ou pour compenser une insatisfaction, remplir un besoin affectif. Je comprends bien qu'on dise que l'Homme est un animal social : il n'est psychologiquement pas naturellement conçu pour mener une vie solitaire comme l'éléphant mâle ou le cerf; par contre, le rapport de tout humain avec un autre devrait, selon moi, être basé sur un principe de respect de la liberté mutuelle, dans le style : "je t'aime, donc je respecte ta liberté de ne pas m'aimer", "je t'aime, donc je t'aide et je t'offre volontiers ce qui peut t'être réellement utile, et je ne te demande rien en retour".
N'est-ce pas ce que devraient faire tous les parents envers leurs enfants ? Leur offrir la vie (leur vie), donner pour donner, et non pas "investir" dans des enfants afin qu'eux prennent ultérieurement soin des parents dans leurs vieux jours. Bien sûr, des enfants aimants seront naturellement portés à aider leurs vieux parents, mais ils le feront d'autant plus volontiers si ceux-ci ont vécu selon le principe de l'amour-don et s'ils ont pu faire passer ce message. Au contraire, ceux qui auront "investi" dans leurs enfants comme dans une assurance-vie, ceux-là, plus motivés par le désir que par le pur amour, risquent de se voir vieillir dans la solitude ou dans une relation filiale conflictuelle.
"Tout donner" n'est peut -être pas la "seule" façon d'aimer, mais "donner pour donner", sans arrière-pensée de "donnant-donnant", ça, oui, ça me semble une démarche tendant vers l'amour vrai, le pur amour, même si l'ingratitude peut faire mal.
Pourtant, en y réfléchissant, évoquer la notion d'ingratitude, c'est déjà considérer que le don n'était pas épuré de toute espérance de réciprocité. Escompter la gratitude, c'est donner mais sans la totale gratuité du geste. Ce n'est donc pas du pur amour.
Le pur amour est de nature cosmique, divine. Au niveau humain, tendre vers le pur amour, c'est chercher à se couler dans ce moule : répandre l'amour, gratuitement, sans arrière-pensée de "rentabilité", cultiver en soi ce sentiment pour lui-même, et non pour ce qu'on peut en recevoir en retour.
Amitiés
"Tout donner" est peut-être un peu excessif. Oui, l'amour (le pur amour) est don, mais pas dilapidation.
Si je donnais tous mes biens, d'une part je serais moi-même dans le besoin, et donc dans l'impossibilité d'encore donner, d'autre part, je ne suis pas certaine que mes cadeaux auraient nécessairement fait le bonheur de leurs récipiendaires. Il faut raison garder, non ? Ne pas sombrer d'un extrémisme dans un autre.
Ce que je cherche à exprimer, c'est que pour parvenir à ne plus confondre "désir" et "amour", il est nécessaire d'entrer dans une dynamique de détachement. Chercher à s'attacher à autrui, ou à attacher quelqu'un à soi, ce n'est pas de l'amour, c'est du désir. Parfois, c'est pour combler une solitude, ou pour compenser une insatisfaction, remplir un besoin affectif. Je comprends bien qu'on dise que l'Homme est un animal social : il n'est psychologiquement pas naturellement conçu pour mener une vie solitaire comme l'éléphant mâle ou le cerf; par contre, le rapport de tout humain avec un autre devrait, selon moi, être basé sur un principe de respect de la liberté mutuelle, dans le style : "je t'aime, donc je respecte ta liberté de ne pas m'aimer", "je t'aime, donc je t'aide et je t'offre volontiers ce qui peut t'être réellement utile, et je ne te demande rien en retour".
N'est-ce pas ce que devraient faire tous les parents envers leurs enfants ? Leur offrir la vie (leur vie), donner pour donner, et non pas "investir" dans des enfants afin qu'eux prennent ultérieurement soin des parents dans leurs vieux jours. Bien sûr, des enfants aimants seront naturellement portés à aider leurs vieux parents, mais ils le feront d'autant plus volontiers si ceux-ci ont vécu selon le principe de l'amour-don et s'ils ont pu faire passer ce message. Au contraire, ceux qui auront "investi" dans leurs enfants comme dans une assurance-vie, ceux-là, plus motivés par le désir que par le pur amour, risquent de se voir vieillir dans la solitude ou dans une relation filiale conflictuelle.
"Tout donner" n'est peut -être pas la "seule" façon d'aimer, mais "donner pour donner", sans arrière-pensée de "donnant-donnant", ça, oui, ça me semble une démarche tendant vers l'amour vrai, le pur amour, même si l'ingratitude peut faire mal.
Pourtant, en y réfléchissant, évoquer la notion d'ingratitude, c'est déjà considérer que le don n'était pas épuré de toute espérance de réciprocité. Escompter la gratitude, c'est donner mais sans la totale gratuité du geste. Ce n'est donc pas du pur amour.
Le pur amour est de nature cosmique, divine. Au niveau humain, tendre vers le pur amour, c'est chercher à se couler dans ce moule : répandre l'amour, gratuitement, sans arrière-pensée de "rentabilité", cultiver en soi ce sentiment pour lui-même, et non pour ce qu'on peut en recevoir en retour.
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Salut les aminches,
Merci Aube et Garfield pour les chansons (Schultheis, Berger, Taupin...) ; pour ma part je suis fan de culture-pop, et je ne vais pas me plaindre... même si, entre France Gall/Berger/E.John d'une part, et les shivaïtes du Kashmir et Kasimir Malevitch de l'autre, il faut reconnaître qu'il y a là un grand écart...
Peu importe, si ça fait avancer le débat : les cultures, qu'elles soient pop ou académiques ou moyen-âgeuses ou savantes ou tout ce qu'on voudra, bref, toutes les cultures ne pointent-elles pas vers l'indicible, l'incompréhensible, l'inexprimable... l'invisible? Et ce, en dépit du sport favori de nos soi-disant élites, consistant à dénigrer la culture des autres, parce qu'elle est plus 'facile'... Bah... un peu de pédantisme, un peu d'élitisme, et surtout : beaucoup d'incompréhension, en fin de compte... Vraisemblablement peu d'Amour, en dépit d'une Culture de Première Classe...
Donc, sans cracher sur les chansons, je souhaite rappeler la question ouvrant ce fil de discussion; c'était une phrase d'Aliboron, qui avait écrit ailleurs (je cite) :
l'amour (sans objet, ni visage bouchant la fenêtre), le pur amour en fin de compte est le seul moteur possible en ces temps de désenchantement.
l'amour sans objet, était-il écrit par Boronalis.
or, ce "sans objet" me semble à la fois résumer ta position, Aube-Aurore, et aller un cran plus loin dans le sens que tu indiques. Car dans les exemples d'amour désintéressé que tu donnais, il restait tout de même, c'est important, un objet. Il s'agissait d'aimer, selon les cas : ses enfants, son conjoint, ou le type d'en face, etc. de façon désintéressée.
Dans le cas d'un amour sans objet (plus de type en face, d'enfants, de conjoint(e)), peut-être que la question de la nature même de l'amour est formulée autrement, ce qui permettrait d'y voir plus clair. Voire même... plus sombre... (pour emprunter à Aliboron une de ses pirouettes stylistiques qui font le délice de ses fans, comme mézigues).
D'ailleurs, j'ai relancé ce fil en le recentrant sur l'Art... sans même me rendre compte que l'objet de l'art semble, lui aussi, ou bien absent, ou bien fort étrangement non identifié... difficile à attraper, mettre en mots, communiquer... ( Qu'est-ce que le "Beau" ? ) Permettant même à des controverses absolument insolubles de se déployer : "je te dis que Malevitch c'est du grand art - mais non eh couillon - t'vas voir ta gueule ! - sale con ! ! paf paf bing plaf etc etc." ...... Ô amour, que de crimes on commet en ton nom !
Merci Aube et Garfield pour les chansons (Schultheis, Berger, Taupin...) ; pour ma part je suis fan de culture-pop, et je ne vais pas me plaindre... même si, entre France Gall/Berger/E.John d'une part, et les shivaïtes du Kashmir et Kasimir Malevitch de l'autre, il faut reconnaître qu'il y a là un grand écart...
Peu importe, si ça fait avancer le débat : les cultures, qu'elles soient pop ou académiques ou moyen-âgeuses ou savantes ou tout ce qu'on voudra, bref, toutes les cultures ne pointent-elles pas vers l'indicible, l'incompréhensible, l'inexprimable... l'invisible? Et ce, en dépit du sport favori de nos soi-disant élites, consistant à dénigrer la culture des autres, parce qu'elle est plus 'facile'... Bah... un peu de pédantisme, un peu d'élitisme, et surtout : beaucoup d'incompréhension, en fin de compte... Vraisemblablement peu d'Amour, en dépit d'une Culture de Première Classe...
Donc, sans cracher sur les chansons, je souhaite rappeler la question ouvrant ce fil de discussion; c'était une phrase d'Aliboron, qui avait écrit ailleurs (je cite) :
l'amour (sans objet, ni visage bouchant la fenêtre), le pur amour en fin de compte est le seul moteur possible en ces temps de désenchantement.
l'amour sans objet, était-il écrit par Boronalis.
or, ce "sans objet" me semble à la fois résumer ta position, Aube-Aurore, et aller un cran plus loin dans le sens que tu indiques. Car dans les exemples d'amour désintéressé que tu donnais, il restait tout de même, c'est important, un objet. Il s'agissait d'aimer, selon les cas : ses enfants, son conjoint, ou le type d'en face, etc. de façon désintéressée.
Dans le cas d'un amour sans objet (plus de type en face, d'enfants, de conjoint(e)), peut-être que la question de la nature même de l'amour est formulée autrement, ce qui permettrait d'y voir plus clair. Voire même... plus sombre... (pour emprunter à Aliboron une de ses pirouettes stylistiques qui font le délice de ses fans, comme mézigues).
D'ailleurs, j'ai relancé ce fil en le recentrant sur l'Art... sans même me rendre compte que l'objet de l'art semble, lui aussi, ou bien absent, ou bien fort étrangement non identifié... difficile à attraper, mettre en mots, communiquer... ( Qu'est-ce que le "Beau" ? ) Permettant même à des controverses absolument insolubles de se déployer : "je te dis que Malevitch c'est du grand art - mais non eh couillon - t'vas voir ta gueule ! - sale con ! ! paf paf bing plaf etc etc." ...... Ô amour, que de crimes on commet en ton nom !
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
« ce "sans objet" me semble à la fois résumer ta position, Aube-Aurore, et aller un cran plus loin dans le sens que tu indiques. Car dans les exemples d'amour désintéressé que tu donnais, il restait tout de même, c'est important, un objet. Il s'agissait d'aimer, selon les cas : ses enfants, son conjoint, ou le type d'en face, etc. de façon désintéressée. » ; répond le berger à la bergère.
A mon humble avis, mieux vaut se retourner (un peu) vers l'origine de la majuscule dont se trouve doté l'amour en question.
A première vue, ne nous en déplaise, concernant notre aire culturelle, ça relève du christianisme. Le paganisme dans son ensemble n'en faisait pas grand cas; les judaïsme et islam non plus; en tous cas rien à voir avec mon prochain d'abord. Ils disent plutôt, comme Jeanne d'Arc : « Dieu premier servi ! »
Donc origine évangélique plutot qu'une génération étrangement spontanée quoique récente : ces vertus laïques et « philosophiques » tentant de vitaliser un démagogique contrat social. Dans le même berceau on trouvera le culte rendu aux environs de 1789 à l'Etre Suprème (et auquel le Grand Architecte de la F.M. doit malheureusement beaucoup); bref un truc abstrait sur un podium et autour, des zozos qui regardent leurs montres ou les courbes de la voisine, tellement c'est soporifique.. et ne les regardent pas.
Du reste, les grecs inventeurs de la démocratie ne mettaient aucune majuscule à la chose dont nous débattons. Quant au christianisme, à ce que sont devenus ses principes d'origine, mieux vaut se rappeler cette remarque d'un désabusé averti : « On attendait le Christ, mais... c'est l'Eglise qui est venue ». Du coup, on peut s'attendre à un même transformisme du coté de l'amour évangélique...
Actuellement, new age et orientalisme spiritualisant aidant, on observe une nouvelle tentative de revivification de cette agnostique idéal, et comme les nains sont enclin à voir grand : son envergure épousera rapidement l'infinitude supposée par notre macro-physique... ça ne mange pas de pain et, de plus n'engage à rien : Science et Conscience ne coïncidant, pour l'heure, que sur le papier. Ouf !
Amour Cosmique... dont l'invention doit beaucoup, voir tout, aux fornications (torrides mais discrètes) entre occultisme « socialiste », compassion bouddhisante, droits-de-l'hommisme et, un gros zeste de romantisme revu et corrigé ( : castré...) par la passion bourgeoise du XIX ème siècle pour... la propreté et, la gestion de tout ce qui dépasse...
En conséquence : la pauvre libido (prolétaire en Diable...) sera en plein dans le collimateur; ce, de paire avec une neutralisation (sentimentaliste) de ce qui était encore Vivant dans la prescription chrétienne. Les eaux d'en Haut et, le zoo d'en Bas risquant de mettre en péril la nef capitaliste et, bien pensante; donc ses Valeurs. Dont l'Amour et l'Art, les deux bidouillés pour servir de chevaux de Troie et de trait pour le « reste » , infiniment moins glorieux...(mandala centré sur La Calculette).
Parallelement à ces involutions de surface, on remarque toutefois des résurgences, plus ou moins durables, plus ou moins voilées, d'une nappe souterraine « gnostique » perpétuant le message christique... dont l'origine, antérieure à l'Histoire sainte, se perd dans la Nuit des temps, chez les titans.
Des Fidèles d'Amour de Dante, à l' « immense doctrine » d'Ibn Hazm de Cordoue, en passant par la devise de la Dame à la licorne, jusqu'au surréalisme. On notera, avec amusement, que ce dernier est une des bêtes noires favorites des bien pensants guénoniens (gardiens de ce puritanisme plus que de la Tradition), ainsi que des nouveaux poètes-prophètes de l'auto-initiation enfin révèlée à la plèbe (M. Camus, Nicolescu, etc...) Sur la vraie « chasse aux bêtes noires », voir Vigenère.
C'est l'absence ou la présence de cet Amon(t) « seul Désir » dont la baraka est ainsi transmise humainement (et revivifiée verticalement par la Mort en Sophia), qui fait qu'une voie est initiatique ou non. Sans elle, ne restent que des égos bavardant de Mystères qui ne les regardent pas. Sans elle, (notre Dame), alchimie et hermétisme sont aptères, sans scel et sans suite.
Bref, l'idée d'Amour est certes grandiose, mais ses incarnations contemporaines me font un peu penser à cette remarque de Jean Yanne au sujet des grands principes écolos : « Tout le monde veut sauver la planète, mais personne ne veut descendre la poubelle ». Trop fréquent de constater que tel ou tel de ses apotres, reste mesquin en privé. L'Amour : un égoisme en expansion totalitaire, allant jusqu'à englober les zotres ?
Le sens donné à l'amour par le christianisme originel (et perpétuel) étant beaucoup trop profond pour être abordé dans les limites d'un post (« l'abime invoque l'abime »), on peut jeter un oeil coté bouddhisme. Son ascétisme initial et le manque d'égard pour le cosmo-logique qui en résulta, simplifiant (apparement) l'équation à moults inconnues que pose la Vie à nos consciences.
Sa Compassion, très courtisée de nos jours car (de plus) réduite à ce qui arrange nos contemporains, est en effet le bazar de proximité inspirant cette idée d' Amour Cosmique.
Or, que nous en disent ses doctes éveillés (plutot que les V.R.P. du dalaï lama) : que la Compassion pose d'emblée la question de l'intersubjectivité. Qui aime QUI ? Qui enseigne le salut à Qui ? Pas évident d'y répondre dans une perspective reli-gieuse postulant d'entrée de jeu qu'il n'y a pas de « je » !
Juste un aggrégat de je-ne-sais-quoi, se prenant pour « moi », et percevant des « objets » avec lequel il aura un rapport (fondamentalement) foireux, que ce soit en bien ou en mal.
Logique, jusque là... mais insoluble à ce niveau-là de la question. S'ensuit aussitôt le problème posé par la catégorie « boddhisatvas » : ceusses qui bien qu'éveillés restent délibéremment au seuil du Nirvana, plutot que d'y disparaître, et cela pour le bien de tous les êtres encore piégés par l'Illusion.
Etonnant, n'est-ce pas, ce « déliberement »... de la part d'entités supposées plus affranchies que d'autres de l'ego ?
La suite, soit l'approche de quelques constats sur ce Sujet, effectués par des éveillés bouddhistes haut de gamme, au prochain épisode.
Dialement
a-rond
A mon humble avis, mieux vaut se retourner (un peu) vers l'origine de la majuscule dont se trouve doté l'amour en question.
A première vue, ne nous en déplaise, concernant notre aire culturelle, ça relève du christianisme. Le paganisme dans son ensemble n'en faisait pas grand cas; les judaïsme et islam non plus; en tous cas rien à voir avec mon prochain d'abord. Ils disent plutôt, comme Jeanne d'Arc : « Dieu premier servi ! »
Donc origine évangélique plutot qu'une génération étrangement spontanée quoique récente : ces vertus laïques et « philosophiques » tentant de vitaliser un démagogique contrat social. Dans le même berceau on trouvera le culte rendu aux environs de 1789 à l'Etre Suprème (et auquel le Grand Architecte de la F.M. doit malheureusement beaucoup); bref un truc abstrait sur un podium et autour, des zozos qui regardent leurs montres ou les courbes de la voisine, tellement c'est soporifique.. et ne les regardent pas.
Du reste, les grecs inventeurs de la démocratie ne mettaient aucune majuscule à la chose dont nous débattons. Quant au christianisme, à ce que sont devenus ses principes d'origine, mieux vaut se rappeler cette remarque d'un désabusé averti : « On attendait le Christ, mais... c'est l'Eglise qui est venue ». Du coup, on peut s'attendre à un même transformisme du coté de l'amour évangélique...
Actuellement, new age et orientalisme spiritualisant aidant, on observe une nouvelle tentative de revivification de cette agnostique idéal, et comme les nains sont enclin à voir grand : son envergure épousera rapidement l'infinitude supposée par notre macro-physique... ça ne mange pas de pain et, de plus n'engage à rien : Science et Conscience ne coïncidant, pour l'heure, que sur le papier. Ouf !
Amour Cosmique... dont l'invention doit beaucoup, voir tout, aux fornications (torrides mais discrètes) entre occultisme « socialiste », compassion bouddhisante, droits-de-l'hommisme et, un gros zeste de romantisme revu et corrigé ( : castré...) par la passion bourgeoise du XIX ème siècle pour... la propreté et, la gestion de tout ce qui dépasse...
En conséquence : la pauvre libido (prolétaire en Diable...) sera en plein dans le collimateur; ce, de paire avec une neutralisation (sentimentaliste) de ce qui était encore Vivant dans la prescription chrétienne. Les eaux d'en Haut et, le zoo d'en Bas risquant de mettre en péril la nef capitaliste et, bien pensante; donc ses Valeurs. Dont l'Amour et l'Art, les deux bidouillés pour servir de chevaux de Troie et de trait pour le « reste » , infiniment moins glorieux...(mandala centré sur La Calculette).
Parallelement à ces involutions de surface, on remarque toutefois des résurgences, plus ou moins durables, plus ou moins voilées, d'une nappe souterraine « gnostique » perpétuant le message christique... dont l'origine, antérieure à l'Histoire sainte, se perd dans la Nuit des temps, chez les titans.
Des Fidèles d'Amour de Dante, à l' « immense doctrine » d'Ibn Hazm de Cordoue, en passant par la devise de la Dame à la licorne, jusqu'au surréalisme. On notera, avec amusement, que ce dernier est une des bêtes noires favorites des bien pensants guénoniens (gardiens de ce puritanisme plus que de la Tradition), ainsi que des nouveaux poètes-prophètes de l'auto-initiation enfin révèlée à la plèbe (M. Camus, Nicolescu, etc...) Sur la vraie « chasse aux bêtes noires », voir Vigenère.
C'est l'absence ou la présence de cet Amon(t) « seul Désir » dont la baraka est ainsi transmise humainement (et revivifiée verticalement par la Mort en Sophia), qui fait qu'une voie est initiatique ou non. Sans elle, ne restent que des égos bavardant de Mystères qui ne les regardent pas. Sans elle, (notre Dame), alchimie et hermétisme sont aptères, sans scel et sans suite.
Bref, l'idée d'Amour est certes grandiose, mais ses incarnations contemporaines me font un peu penser à cette remarque de Jean Yanne au sujet des grands principes écolos : « Tout le monde veut sauver la planète, mais personne ne veut descendre la poubelle ». Trop fréquent de constater que tel ou tel de ses apotres, reste mesquin en privé. L'Amour : un égoisme en expansion totalitaire, allant jusqu'à englober les zotres ?
Le sens donné à l'amour par le christianisme originel (et perpétuel) étant beaucoup trop profond pour être abordé dans les limites d'un post (« l'abime invoque l'abime »), on peut jeter un oeil coté bouddhisme. Son ascétisme initial et le manque d'égard pour le cosmo-logique qui en résulta, simplifiant (apparement) l'équation à moults inconnues que pose la Vie à nos consciences.
Sa Compassion, très courtisée de nos jours car (de plus) réduite à ce qui arrange nos contemporains, est en effet le bazar de proximité inspirant cette idée d' Amour Cosmique.
Or, que nous en disent ses doctes éveillés (plutot que les V.R.P. du dalaï lama) : que la Compassion pose d'emblée la question de l'intersubjectivité. Qui aime QUI ? Qui enseigne le salut à Qui ? Pas évident d'y répondre dans une perspective reli-gieuse postulant d'entrée de jeu qu'il n'y a pas de « je » !
Juste un aggrégat de je-ne-sais-quoi, se prenant pour « moi », et percevant des « objets » avec lequel il aura un rapport (fondamentalement) foireux, que ce soit en bien ou en mal.
Logique, jusque là... mais insoluble à ce niveau-là de la question. S'ensuit aussitôt le problème posé par la catégorie « boddhisatvas » : ceusses qui bien qu'éveillés restent délibéremment au seuil du Nirvana, plutot que d'y disparaître, et cela pour le bien de tous les êtres encore piégés par l'Illusion.
Etonnant, n'est-ce pas, ce « déliberement »... de la part d'entités supposées plus affranchies que d'autres de l'ego ?
La suite, soit l'approche de quelques constats sur ce Sujet, effectués par des éveillés bouddhistes haut de gamme, au prochain épisode.
Dialement
a-rond
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour !
Je suis d'accord avec ces dernières interventions : mon développement sur la différence entre amour et désir n'était qu'une précision inspirée par une phrase d'aliboron. Ce faisant, je m'écartais effectivement du sujet d'origine; mille excuses.
Mais je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? Parce que je sais ce que je ressens lorsque j'éprouve de l'amour, et parfois, lors d'une méditation ou lors d'un exercice spirituel, il m'arrive de ressentir grandir en moi un sentiment d'amour universel, une sensation d'énergie qui s'étend progressivement à tout le corps et amène un sourire aux lèvres. Mais ressentir de l'amour pour l'Univers et tout ce qu'il contient, c'est encore de l'amour envers Quelque-chose, même si ce Quelque-chose est Tout (soi-même inclus, indistinctement).
A vous suivre on pourrait donc être L'Amoureux, comme ça, juste amoureux, béat. C'est pourquoi je me demande si le niveau d'amour "sans objet" dont vous parlez n'est pas une sorte de béatitude, un bonheur résultant du contact avec la source de Tout, un absolu, qui ne devrait peut-être plus s'appeler amour, mais peut-être autrement.
Mais peut-être mon trouble provient-il tout simplement de la difficulté de bien s'entendre sur les mots, puisque dès qu'on aborde des concepts qui ne font pas partie de l'expérience quotidienne de tout un chacun, il devient nécessaire d'utiliser un vocabulaire analogique, imprécis, par lequel celui qui s'exprime ne parvient pas nécessairement à faire passer son ressenti...
Amitiés.
Je suis d'accord avec ces dernières interventions : mon développement sur la différence entre amour et désir n'était qu'une précision inspirée par une phrase d'aliboron. Ce faisant, je m'écartais effectivement du sujet d'origine; mille excuses.
Mais je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? Parce que je sais ce que je ressens lorsque j'éprouve de l'amour, et parfois, lors d'une méditation ou lors d'un exercice spirituel, il m'arrive de ressentir grandir en moi un sentiment d'amour universel, une sensation d'énergie qui s'étend progressivement à tout le corps et amène un sourire aux lèvres. Mais ressentir de l'amour pour l'Univers et tout ce qu'il contient, c'est encore de l'amour envers Quelque-chose, même si ce Quelque-chose est Tout (soi-même inclus, indistinctement).
A vous suivre on pourrait donc être L'Amoureux, comme ça, juste amoureux, béat. C'est pourquoi je me demande si le niveau d'amour "sans objet" dont vous parlez n'est pas une sorte de béatitude, un bonheur résultant du contact avec la source de Tout, un absolu, qui ne devrait peut-être plus s'appeler amour, mais peut-être autrement.
Mais peut-être mon trouble provient-il tout simplement de la difficulté de bien s'entendre sur les mots, puisque dès qu'on aborde des concepts qui ne font pas partie de l'expérience quotidienne de tout un chacun, il devient nécessaire d'utiliser un vocabulaire analogique, imprécis, par lequel celui qui s'exprime ne parvient pas nécessairement à faire passer son ressenti...
Amitiés.
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Salut ! en particulier à Aube-Aurore et aliboron, qui partagent la même initiale, l’A. Comme Amour…
A noter cependant qu’aliboron préfère la minuscule ; tandis qu’Aube-Aurore aime peut-être tant l’A qu’elle le redouble… ?
Je persiste et signe sur l’importance d’absence (en tout cas apparente) d’objet. C’est ma fibre pédagogique : préférer toujours un truc qui serve à expliquer… fut-ce l’inexplicable. Aimer sans objet, comme tu le notes, Aube-Aurore, c’est un peu une aporie socratique. Une impasse. C’est à mes yeux son intérêt pédagogique. Certains préfèrent les koan-zen… C’est kif-kif bourricot.
A propos de bourricot… Je rends grâce, une fois de plus, aux lumières multiples, paradoxales et chamarrées de l’Âne sublime qui, par grande chance, a élu ce Forum pour notre plus grande élévation. Chacun de tes posts est une bénédiction, Aliboron. Mais qu’est-ce qu’on ferait sans toi ?
Un bémol toutefois, sur la question de la majuscule ; je crois que ton mépris pour les mensonges de nos contemporains t’emporte. On nous vend de l’amour à toutes les sauces ? Bon, soit ! Qu’avons-nous donc à foutre de cet Amour – Business ? Pas plus que du Charity – Business ! On sait bien ce qui se cache derrière… à quoi bon gaspiller ta salive ? A mon sens, ta vindicte vient compliquer un peu plus la tâche du gars sincère qui cherche une voie. Fibre pédagogique, encore une fois. Je me demande si cet agacement ne trahit pas, simplement, le gars qui en a bien bavé pour se faufiler un passage parmi tous les marchands de fausses spiritualités à la c. ... ?
Je note que tu relèves deux pôles à la question de l’amour : 1/ le pôle ‘sans objet’, déjà cité, paradoxal comme le note Aube-Aurore : c’est notre koan-zen. Et 2/ le pôle ‘désintéressé’. Encore plus paradoxal, qui sait… et tu sembles suggérer qu’il y a bien du boulot de ce côté-là. Un koan-zen dans le koan-zen… pas banal…
En attendant (impatiemment) tes lumières bouddhiques sur cette double question, j’avance sur le sujet de l’Amour, qui se posait aussi dans l’antiquité, de même que la question de son objet, une longue citation de Pierre Hadot revenant sur le Banquet de Platon… qui trace un portrait de Socrate en Eros. N’y a-t-il pas là matière à réconcilier Amour, dans son plus haut sens, et Désir ?
ELOGE DE SOCRATE
I - SILENE
[…] voici la fin du premier chapitre (consacré à la ressemblance de Socrate avec les Silènes), qui amène le second, sur Socrate – Eros.
Comme le dit excellemment P. Friedländer, « l’ironie socratique exprime la tension entre l’ignorance (c’est-à-dire l’impossibilité d’exprimer avec des mots ce qu’est la justice) et l’expérience directe de l’inconnu, c’est-à-dire de l’existence de l’homme juste, dont la justice atteint le niveau divin. » Comme Kierkegaard n’est chrétien que par sa conscience de n’être pas chrétien, Socrate n’est sage que par sa conscience de n’être pas sage. De ce sentiment de privation naît un immense désir. C’est pourquoi Socrate le philosophe revêtira, pour la conscience occidentale, les traits d’Eros, l’éternel vagabond en quête de la vraie Beauté.
II - EROS
On pourrait dire que Socrate est le premier individu de l’histoire de la pensée occidentale. Comme l’a bien indiqué W. Jaeger, la littérature socratique, notamment les œuvres de Platon et de Xénophon, en cherchant à faire le portrait littéraire de Socrate, s’efforce de faire sentir son originalité, son unicité. Ce besoin naît certainement de l’expérience extraordinaire que représente la rencontre avec une personnalité incomparable. C’est bien là, comme l’a remarqué Kierkegaard, le sens profond des expressions atopos, atopia, atopotatos, qui reviennent très souvent dans les dialogues de Platon pour décrire le caractère de Socrate, par exemple dans le Théétète (149 a) : « On dit que je suis atopotatos et que je ne crée que l’aporia. » Le mot signifie étymologiquement « hors de lieu » donc étrange, extravagant, absurde, inclassable, déroutant. Dans son éloge de Socrate, dans le Banquet, Alcibiade insiste sur cette particularité. Il existe normalement, nous dit-il, des classes d'hommes, des types idéaux auxquels correspondent les individus ; par exemple, il y a le type « grand général noble et courageux », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, Achille, et, parmi les contemporains, le chef spartiate Brasidas ; il y a le type « homme d’Etat éloquent et avisé », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, le Grec Nestor, le Troyen Anténor et, parmi les contemporains, Périclès. Mais Socrate ne rentre dans aucune classe. On ne peut le comparer à aucun homme, conclut Alcibiade, tout au plus aux Silènes et aux Satyres. Oui, Socrate est l’Individu, l’Unique, cet Individu, si cher à Kierkegaard qu’il aurait voulu que l’on inscrivît sur son propre tombeau : « Il fut l’Individu. »
Et pourtant, malgré ce caractère incomparable, nous allons voir Socrate revêtir les traits mythiques d’Eros. Il est vrai que ce sera un Eros conçu comme une projection de la figure de Socrate.
[…]
L’amour ironique de Socrate consiste donc à feindre d’être amoureux. Dans l’ironie dialectique, Socrate faisait semblant, en posant ses questions, de désirer que son interlocuteur lui communiquât son savoir ou sa sagesse. Mais en fait l’interlocuteur découvrait dans ce jeu de questions et de réponses, qu’il était incapable de remédier à l’ignorance de Socrate, car en fait il n’avait ni savoir ni sagesse à donner à Socrate. C’était donc à l’école de Socrate, c’est à dire, en fait, à l’école de la conscience du non-savoir que l’interlocuteur désirait se mettre. Dans l’ironie amoureuse, Socrate fait semblant, par ses déclarations amoureuses, de désirer que celui qu’il feint d’aimer lui livre, non plus son savoir, mais sa beauté corporelle. Situation compréhensible : Socrate n’est pas beau, le jeune homme est beau. Mais cette fois l’aimé ou le prétendu tel découvre, par l’attitude de Socrate, qu’il est incapable de satisfaire l’amour de Socrate, car il n’a pas en lui de vraie beauté. Découvrant alors ce qui lui manque, il devient amoureux de Socrate, c’est à dire non pas de la beauté, car Socrate n’en a pas, mais de l’amour qui est, selon la définition donnée par Socrate dans le Banquet, le désir de la Beauté dont on est privé. Ainsi être amoureux de Socrate, c’est être amoureux de l’amour.
C’est là précisément le sens du Banquet de Platon. Le dialogue est construit de manière à faire deviner l’identité entre la figure d’Eros et celle de Socrate. Platon imagine que, selon la coutume, tous les convives, en allant de gauche à droite, vont prononcer à tour de rôle, l’éloge d’Eros. C’est ce que font successivement Phèdre et Pausanias, puis le médecin Eryximaque, le poète comique Aristophane, le poète tragique Agathon. Quant à Socrate, lorsque son tour est venu, il ne prononce pas directement l’éloge de l’Amour (ce serait contraire à sa méthode), mais il rapporte l’entretien qu’il eut jadis avec Diotime, la prêtresse de Mantinée, qui lui raconta le mythe de la naissance d’Eros. Normalement le dialogue devrait se terminer là, mais brusquement fait irruption, dans la salle du festin, Alcibiade, couronné de violettes et de feuilles de lierre et passablement ivre. Il se soumet quand même à la loi du banquet, mais au lieu de faire l’éloge d’Eros, il prononce celui de Socrate.
Ici l’identité entre Socrate et Eros n’est pas seulement marquée par le fait que l’éloge de Socrate prend rang à la suite et dans la ligne des éloges d’Eros déjà prononcés, mais également par le fait que les traits communs au portrait d’Eros tracé par Diotime et au portrait de Socrate tracé par Alcibiade sont nombreux et significatifs.
Le jour de la naissance d’Aphrodite, raconte Diotime, il y eut banquet chez les dieux. A la fin du repas, Pénia, c’est à dire « Pauvreté », « Privation », vint pour mendier. Elle vit alors Poros, c’est à dire « Moyen », « Expédient », « Richesse », enivré par le nectar et endormi dans le jardin de Zeus. Pour remédier à son dénuement, Pénia décida d’avoir un enfant de Poros. Elle s’étendit près de Poros endormi et conçut ainsi l’Amour.
Cette généalogie d’Eros va permettre à Diotime de faire son portrait, d’une manière si subtile que cette description pourra être interprétée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, conformément à la lettre du mythe, nous reconnaissons dans Eros des traits de son père et des traits de sa mère : du côté paternel, il tient son esprit inventif et rusé, son euporia ; du côté maternel, il tient son état de pauvre et de mendiant, son aporia. Une certaine conception de l’Amour se fait jour à travers cette description. Alors que les autres convives ont décrit Eros d’une manière idéalisée, Socrate rapporte l’entretien qu’il eut avec Diotime pour restaurer une vision plus réaliste de l’Amour. L’Amour n’est pas beau, comme l’aurait voulu le poète tragique Agathon. Sans cela, il ne serait plus l’amour. Car Eros est essentiellement désir, et on ne peut désirer que ce dont on est privé. Eros ne peut être beau : fils de Pénia, il est privé de la beauté ; mais fils de Poros, il sait remédier à cette privation. Agathon a confondu l’Amour avec son objet, c’est-à-dire avec l’aimé. Mais, pour Socrate, l’Amour est amant. Ce n’est donc pas un dieu, comme le pensent la plupart des gens, mais seulement un daimon, un être intermédiaire entre le divin et l’humain.
C’est pourquoi la description d’Eros par Diotime a quelque chose de comique. On y reconnaît le genre de vie harassant auquel condamne l’Amour. C’est le fameux thème : « Militat omnis amans ». L’amoureux monte la garde à la porte de l’aimé, passe la nuit à la belle étoile. C’est un mendiant et un soldat. Mais aussi, il est fertile en inventions, sorcier, magicien, habile discoureur, parce que l’Amour rend ingénieux. Pour lui découragement et espoir, besoin et satiété, se succèdent sans interruption avec les succès et les échecs de son amour. C’est Eros le vaurien, l’effronté, têtu, bavard, sauvage, ce vrai monstre, dont la poésie grecque, jusqu’à la période byzantine, se plaira à raconter les méfaits.
Mais dans cette figure de l’Eros chasseur, Platon, avec une étonnante maîtrise, fait apparaître les traits de Socrate, c’est à dire du « philosophe ». Eros, nous dit Diotime, loin d’être délicat et beau, comme le pense Agathon, est toujours pauvre, rude, malpropre, va-nu-pieds. Le Socrate dont Alcibiade fait l’éloge est lui aussi va-nu-pieds, couvert d’un manteau grossier qui le protège mal du froid de l’hiver. Et nous apprenons dans le contexte du dialogue que Socrate s’est exceptionnellement baigné pour venir au banquet. Les poètes comiques se gausseront de ses pieds nus et de son vieux manteau. Cette figure de Socrate comme Eros mendiant, ce sera celle du philosophe cynique, celle de Diogène, errant sans feu ni lieu, avec son manteau et sa besace, ce « Socrate furieux », comme, semble-t-il, il se définissait lui-même. Ainsi que l’a remarqué P. Friedländer, cet Eros aux pieds nus évoque aussi l’homme primitif, tel que le décrivent le Protagoras (321 c 5) et la République (272 a 5). Nous sommes ainsi ramenés à la figure de Silène, c’est-à-dire de l’être purement naturel, de la force primitive, antérieure à la culture et à la civilisation. Il n’est pas indifférent que cette composante fasse partie du complexe portrait de Socrate – Eros. Car elle correspond bien à ce renversement des valeurs que provoque la conscience socratique. Pour celui qui prend souci de son âme, l’essentiel ne se situe pas dans les apparences, dans le costume ou le confort, mais dans la liberté.
Pourtant Diotime nous dit aussi qu’Eros a des traits de son père : « Il tend des pièges aux nobles âmes, car il est hardi, effronté, endurant. C’est un dangereux chasseur, sans cesse en train de trouver quelque ruse, désireux d’être habile, plein de ressource (porimos), méditant sans cesse quelque stratagème, terrible sorcier, magicien et sophiste. » On croirait entendre le Strepsiade des Nuées d’Aristophane, décrivant ce qu’il espère devenir grâce à l’éducation socratique : « Hardi, beau parleur, effronté, impudent… jamais à court de paroles, un vrai renard. » Dans son éloge de Socrate, Alcibiade le traite d’impudent Silène, et déjà avant lui Agathon a gratifié, lui aussi, Socrate de cet épithète d’hybristes. Pour Alcibiade, Socrate est un magicien, un beau parleur, habile à attirer l’attention des beaux garçons. Quant à la robustesse d’Eros, on la retrouve dans le portrait de Socrate aux armées que trace Alcibiade : il résiste au froid, à la faim, à la peur, tout en étant capable de supporter aussi bien le vin que la méditation prolongée. Lors de la retraite de Délion, raconte Alcibiade, Socrate marchait avec autant d’aisance que s’il avait été dans les rues d’Athènes, avec cette allure que décrit Aristophane quand il le représente « se pavanant, donnant des coups d’œil en biais, les pieds nus, malgré ce que cela peut avoir de pénible, et le front austère. »
Voici donc un portrait de Socrate – Eros qui n’est pas très flatteur. Evidemment nous sommes en pleine ironie platonicienne, sinon socratique. Mais cette figure n’en a pas moins une profonde signification psychologique.
Eros est un daimon, nous dit Diotime, c’est à dire un intermédiaire entre les dieux et les hommes. Mais la situation intermédiaire est bien inconfortable. Le démon Eros, que nous décrit Diotime, est indéfinissable et inclassable, comme Socrate, l’atopos. Il n’est ni dieu ni homme, ni beau ni laid, ni sage ni insensé, ni bon ni mauvais. Mais il est désir, parce que, comme Socrate, il a conscience de ne pas être beau et de ne pas être sage. C’est pourquoi il est un philo – sophe, amoureux de la sagesse, c’est à dire désireux d’atteindre un niveau d’être qui serait celui de la perfection divine. Dans la description qu’en donne Diotime, Eros est ainsi désir de sa propre perfection, de son vrai moi. Il souffre d’être privé de la plénitude de l’être et aspire à l’atteindre. Aussi, lorsque les autres hommes aiment Socrate – Eros, lorsqu’ils aiment l’Amour, révélé par Socrate, ce qu’ils aiment en Socrate, c’est cette aspiration, c’est cet amour de Socrate pour la Beauté et la perfection de l’être. Ils trouvent donc en Socrate le chemin vers leur propre perfection.
Comme Socrate, Eros n’est qu’un appel, une possibilité qui s’ouvre, mais il n’est pas la Sagesse, ni la Beauté en soi. Il est vrai que les Silènes dont parle Alcibiade se révèlent, si on les ouvre, remplis de statues de dieux. Mais les Silènes eux-mêmes ne sont pas les statues. Ils s’ouvrent seulement pour permettre de les atteindre. Poros, le père d’Eros, signifie étymologiquement « passage », « accès », « issue ». Socrate n’est qu’un Silène qui s’ouvre sur quelque chose qui est au-delà de lui. Tel est le philosophe : un appel à l’existence. Socrate dit ironiquement au bel Alcibiade : « Si tu m’aimes, c’est que tu as dû apercevoir en moi une beauté extraordinaire qui ne ressemble en rien à la grâce des formes qui sont en toi. Mais examine les choses avec plus de soin de peur de te méprendre sur moi et sur mon néant réel. » Socrate et ainsi Alcibiade en garde ; en aimant Socrate, il n’aime qu’Eros, le fils de Pénia et de Poros, et non pas Aphrodite. Mais s’il l’aime, c’est qu’il pressent que Socrate lui ouvre un chemin vers une beauté extraordinaire qui transcende toutes les beautés terrestres. Les vertus de Socrate, ces statues de dieux cachées dans le Silène ironique, ces vertus de Socrate qu’admire Alcibiade ne sont qu’un reflet, un avant-goût de la Sagesse parfaite que Socrate désire et que désire Alcibiade à travers Socrate.
Nous retrouvons donc ainsi, dans l’éros socratique, la même structure fondamentale que dans l’ironie socratique, une conscience dédoublée qui ressent passionnément qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être. C’est de ce sentiment de séparation et de privation que naît l’Amour.
Extrait de :
Pierre Hadot, Eloge de Socrate, Editions Allia
(p. 38 à 53, avec quelques coupures, et sans les notes de bas de page)
Ce texte a d’abord fait l’objet d’une conférence donnée en I974 à la Session d’Eranos à Ascona (Suisse), sous le titre La Figure de Socrate. Il fut publié la même année dans les Annales d’Eranos (vol.43, p. 51-90) , puis intégré dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Institut d’études augustiniennes, I993.
A noter cependant qu’aliboron préfère la minuscule ; tandis qu’Aube-Aurore aime peut-être tant l’A qu’elle le redouble… ?
Je persiste et signe sur l’importance d’absence (en tout cas apparente) d’objet. C’est ma fibre pédagogique : préférer toujours un truc qui serve à expliquer… fut-ce l’inexplicable. Aimer sans objet, comme tu le notes, Aube-Aurore, c’est un peu une aporie socratique. Une impasse. C’est à mes yeux son intérêt pédagogique. Certains préfèrent les koan-zen… C’est kif-kif bourricot.
A propos de bourricot… Je rends grâce, une fois de plus, aux lumières multiples, paradoxales et chamarrées de l’Âne sublime qui, par grande chance, a élu ce Forum pour notre plus grande élévation. Chacun de tes posts est une bénédiction, Aliboron. Mais qu’est-ce qu’on ferait sans toi ?
Un bémol toutefois, sur la question de la majuscule ; je crois que ton mépris pour les mensonges de nos contemporains t’emporte. On nous vend de l’amour à toutes les sauces ? Bon, soit ! Qu’avons-nous donc à foutre de cet Amour – Business ? Pas plus que du Charity – Business ! On sait bien ce qui se cache derrière… à quoi bon gaspiller ta salive ? A mon sens, ta vindicte vient compliquer un peu plus la tâche du gars sincère qui cherche une voie. Fibre pédagogique, encore une fois. Je me demande si cet agacement ne trahit pas, simplement, le gars qui en a bien bavé pour se faufiler un passage parmi tous les marchands de fausses spiritualités à la c. ... ?
Je note que tu relèves deux pôles à la question de l’amour : 1/ le pôle ‘sans objet’, déjà cité, paradoxal comme le note Aube-Aurore : c’est notre koan-zen. Et 2/ le pôle ‘désintéressé’. Encore plus paradoxal, qui sait… et tu sembles suggérer qu’il y a bien du boulot de ce côté-là. Un koan-zen dans le koan-zen… pas banal…
En attendant (impatiemment) tes lumières bouddhiques sur cette double question, j’avance sur le sujet de l’Amour, qui se posait aussi dans l’antiquité, de même que la question de son objet, une longue citation de Pierre Hadot revenant sur le Banquet de Platon… qui trace un portrait de Socrate en Eros. N’y a-t-il pas là matière à réconcilier Amour, dans son plus haut sens, et Désir ?
ELOGE DE SOCRATE
I - SILENE
[…] voici la fin du premier chapitre (consacré à la ressemblance de Socrate avec les Silènes), qui amène le second, sur Socrate – Eros.
Comme le dit excellemment P. Friedländer, « l’ironie socratique exprime la tension entre l’ignorance (c’est-à-dire l’impossibilité d’exprimer avec des mots ce qu’est la justice) et l’expérience directe de l’inconnu, c’est-à-dire de l’existence de l’homme juste, dont la justice atteint le niveau divin. » Comme Kierkegaard n’est chrétien que par sa conscience de n’être pas chrétien, Socrate n’est sage que par sa conscience de n’être pas sage. De ce sentiment de privation naît un immense désir. C’est pourquoi Socrate le philosophe revêtira, pour la conscience occidentale, les traits d’Eros, l’éternel vagabond en quête de la vraie Beauté.
II - EROS
On pourrait dire que Socrate est le premier individu de l’histoire de la pensée occidentale. Comme l’a bien indiqué W. Jaeger, la littérature socratique, notamment les œuvres de Platon et de Xénophon, en cherchant à faire le portrait littéraire de Socrate, s’efforce de faire sentir son originalité, son unicité. Ce besoin naît certainement de l’expérience extraordinaire que représente la rencontre avec une personnalité incomparable. C’est bien là, comme l’a remarqué Kierkegaard, le sens profond des expressions atopos, atopia, atopotatos, qui reviennent très souvent dans les dialogues de Platon pour décrire le caractère de Socrate, par exemple dans le Théétète (149 a) : « On dit que je suis atopotatos et que je ne crée que l’aporia. » Le mot signifie étymologiquement « hors de lieu » donc étrange, extravagant, absurde, inclassable, déroutant. Dans son éloge de Socrate, dans le Banquet, Alcibiade insiste sur cette particularité. Il existe normalement, nous dit-il, des classes d'hommes, des types idéaux auxquels correspondent les individus ; par exemple, il y a le type « grand général noble et courageux », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, Achille, et, parmi les contemporains, le chef spartiate Brasidas ; il y a le type « homme d’Etat éloquent et avisé », ses représentants sont, dans l’Antiquité homérique, le Grec Nestor, le Troyen Anténor et, parmi les contemporains, Périclès. Mais Socrate ne rentre dans aucune classe. On ne peut le comparer à aucun homme, conclut Alcibiade, tout au plus aux Silènes et aux Satyres. Oui, Socrate est l’Individu, l’Unique, cet Individu, si cher à Kierkegaard qu’il aurait voulu que l’on inscrivît sur son propre tombeau : « Il fut l’Individu. »
Et pourtant, malgré ce caractère incomparable, nous allons voir Socrate revêtir les traits mythiques d’Eros. Il est vrai que ce sera un Eros conçu comme une projection de la figure de Socrate.
[…]
L’amour ironique de Socrate consiste donc à feindre d’être amoureux. Dans l’ironie dialectique, Socrate faisait semblant, en posant ses questions, de désirer que son interlocuteur lui communiquât son savoir ou sa sagesse. Mais en fait l’interlocuteur découvrait dans ce jeu de questions et de réponses, qu’il était incapable de remédier à l’ignorance de Socrate, car en fait il n’avait ni savoir ni sagesse à donner à Socrate. C’était donc à l’école de Socrate, c’est à dire, en fait, à l’école de la conscience du non-savoir que l’interlocuteur désirait se mettre. Dans l’ironie amoureuse, Socrate fait semblant, par ses déclarations amoureuses, de désirer que celui qu’il feint d’aimer lui livre, non plus son savoir, mais sa beauté corporelle. Situation compréhensible : Socrate n’est pas beau, le jeune homme est beau. Mais cette fois l’aimé ou le prétendu tel découvre, par l’attitude de Socrate, qu’il est incapable de satisfaire l’amour de Socrate, car il n’a pas en lui de vraie beauté. Découvrant alors ce qui lui manque, il devient amoureux de Socrate, c’est à dire non pas de la beauté, car Socrate n’en a pas, mais de l’amour qui est, selon la définition donnée par Socrate dans le Banquet, le désir de la Beauté dont on est privé. Ainsi être amoureux de Socrate, c’est être amoureux de l’amour.
C’est là précisément le sens du Banquet de Platon. Le dialogue est construit de manière à faire deviner l’identité entre la figure d’Eros et celle de Socrate. Platon imagine que, selon la coutume, tous les convives, en allant de gauche à droite, vont prononcer à tour de rôle, l’éloge d’Eros. C’est ce que font successivement Phèdre et Pausanias, puis le médecin Eryximaque, le poète comique Aristophane, le poète tragique Agathon. Quant à Socrate, lorsque son tour est venu, il ne prononce pas directement l’éloge de l’Amour (ce serait contraire à sa méthode), mais il rapporte l’entretien qu’il eut jadis avec Diotime, la prêtresse de Mantinée, qui lui raconta le mythe de la naissance d’Eros. Normalement le dialogue devrait se terminer là, mais brusquement fait irruption, dans la salle du festin, Alcibiade, couronné de violettes et de feuilles de lierre et passablement ivre. Il se soumet quand même à la loi du banquet, mais au lieu de faire l’éloge d’Eros, il prononce celui de Socrate.
Ici l’identité entre Socrate et Eros n’est pas seulement marquée par le fait que l’éloge de Socrate prend rang à la suite et dans la ligne des éloges d’Eros déjà prononcés, mais également par le fait que les traits communs au portrait d’Eros tracé par Diotime et au portrait de Socrate tracé par Alcibiade sont nombreux et significatifs.
Le jour de la naissance d’Aphrodite, raconte Diotime, il y eut banquet chez les dieux. A la fin du repas, Pénia, c’est à dire « Pauvreté », « Privation », vint pour mendier. Elle vit alors Poros, c’est à dire « Moyen », « Expédient », « Richesse », enivré par le nectar et endormi dans le jardin de Zeus. Pour remédier à son dénuement, Pénia décida d’avoir un enfant de Poros. Elle s’étendit près de Poros endormi et conçut ainsi l’Amour.
Cette généalogie d’Eros va permettre à Diotime de faire son portrait, d’une manière si subtile que cette description pourra être interprétée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, conformément à la lettre du mythe, nous reconnaissons dans Eros des traits de son père et des traits de sa mère : du côté paternel, il tient son esprit inventif et rusé, son euporia ; du côté maternel, il tient son état de pauvre et de mendiant, son aporia. Une certaine conception de l’Amour se fait jour à travers cette description. Alors que les autres convives ont décrit Eros d’une manière idéalisée, Socrate rapporte l’entretien qu’il eut avec Diotime pour restaurer une vision plus réaliste de l’Amour. L’Amour n’est pas beau, comme l’aurait voulu le poète tragique Agathon. Sans cela, il ne serait plus l’amour. Car Eros est essentiellement désir, et on ne peut désirer que ce dont on est privé. Eros ne peut être beau : fils de Pénia, il est privé de la beauté ; mais fils de Poros, il sait remédier à cette privation. Agathon a confondu l’Amour avec son objet, c’est-à-dire avec l’aimé. Mais, pour Socrate, l’Amour est amant. Ce n’est donc pas un dieu, comme le pensent la plupart des gens, mais seulement un daimon, un être intermédiaire entre le divin et l’humain.
C’est pourquoi la description d’Eros par Diotime a quelque chose de comique. On y reconnaît le genre de vie harassant auquel condamne l’Amour. C’est le fameux thème : « Militat omnis amans ». L’amoureux monte la garde à la porte de l’aimé, passe la nuit à la belle étoile. C’est un mendiant et un soldat. Mais aussi, il est fertile en inventions, sorcier, magicien, habile discoureur, parce que l’Amour rend ingénieux. Pour lui découragement et espoir, besoin et satiété, se succèdent sans interruption avec les succès et les échecs de son amour. C’est Eros le vaurien, l’effronté, têtu, bavard, sauvage, ce vrai monstre, dont la poésie grecque, jusqu’à la période byzantine, se plaira à raconter les méfaits.
Mais dans cette figure de l’Eros chasseur, Platon, avec une étonnante maîtrise, fait apparaître les traits de Socrate, c’est à dire du « philosophe ». Eros, nous dit Diotime, loin d’être délicat et beau, comme le pense Agathon, est toujours pauvre, rude, malpropre, va-nu-pieds. Le Socrate dont Alcibiade fait l’éloge est lui aussi va-nu-pieds, couvert d’un manteau grossier qui le protège mal du froid de l’hiver. Et nous apprenons dans le contexte du dialogue que Socrate s’est exceptionnellement baigné pour venir au banquet. Les poètes comiques se gausseront de ses pieds nus et de son vieux manteau. Cette figure de Socrate comme Eros mendiant, ce sera celle du philosophe cynique, celle de Diogène, errant sans feu ni lieu, avec son manteau et sa besace, ce « Socrate furieux », comme, semble-t-il, il se définissait lui-même. Ainsi que l’a remarqué P. Friedländer, cet Eros aux pieds nus évoque aussi l’homme primitif, tel que le décrivent le Protagoras (321 c 5) et la République (272 a 5). Nous sommes ainsi ramenés à la figure de Silène, c’est-à-dire de l’être purement naturel, de la force primitive, antérieure à la culture et à la civilisation. Il n’est pas indifférent que cette composante fasse partie du complexe portrait de Socrate – Eros. Car elle correspond bien à ce renversement des valeurs que provoque la conscience socratique. Pour celui qui prend souci de son âme, l’essentiel ne se situe pas dans les apparences, dans le costume ou le confort, mais dans la liberté.
Pourtant Diotime nous dit aussi qu’Eros a des traits de son père : « Il tend des pièges aux nobles âmes, car il est hardi, effronté, endurant. C’est un dangereux chasseur, sans cesse en train de trouver quelque ruse, désireux d’être habile, plein de ressource (porimos), méditant sans cesse quelque stratagème, terrible sorcier, magicien et sophiste. » On croirait entendre le Strepsiade des Nuées d’Aristophane, décrivant ce qu’il espère devenir grâce à l’éducation socratique : « Hardi, beau parleur, effronté, impudent… jamais à court de paroles, un vrai renard. » Dans son éloge de Socrate, Alcibiade le traite d’impudent Silène, et déjà avant lui Agathon a gratifié, lui aussi, Socrate de cet épithète d’hybristes. Pour Alcibiade, Socrate est un magicien, un beau parleur, habile à attirer l’attention des beaux garçons. Quant à la robustesse d’Eros, on la retrouve dans le portrait de Socrate aux armées que trace Alcibiade : il résiste au froid, à la faim, à la peur, tout en étant capable de supporter aussi bien le vin que la méditation prolongée. Lors de la retraite de Délion, raconte Alcibiade, Socrate marchait avec autant d’aisance que s’il avait été dans les rues d’Athènes, avec cette allure que décrit Aristophane quand il le représente « se pavanant, donnant des coups d’œil en biais, les pieds nus, malgré ce que cela peut avoir de pénible, et le front austère. »
Voici donc un portrait de Socrate – Eros qui n’est pas très flatteur. Evidemment nous sommes en pleine ironie platonicienne, sinon socratique. Mais cette figure n’en a pas moins une profonde signification psychologique.
Eros est un daimon, nous dit Diotime, c’est à dire un intermédiaire entre les dieux et les hommes. Mais la situation intermédiaire est bien inconfortable. Le démon Eros, que nous décrit Diotime, est indéfinissable et inclassable, comme Socrate, l’atopos. Il n’est ni dieu ni homme, ni beau ni laid, ni sage ni insensé, ni bon ni mauvais. Mais il est désir, parce que, comme Socrate, il a conscience de ne pas être beau et de ne pas être sage. C’est pourquoi il est un philo – sophe, amoureux de la sagesse, c’est à dire désireux d’atteindre un niveau d’être qui serait celui de la perfection divine. Dans la description qu’en donne Diotime, Eros est ainsi désir de sa propre perfection, de son vrai moi. Il souffre d’être privé de la plénitude de l’être et aspire à l’atteindre. Aussi, lorsque les autres hommes aiment Socrate – Eros, lorsqu’ils aiment l’Amour, révélé par Socrate, ce qu’ils aiment en Socrate, c’est cette aspiration, c’est cet amour de Socrate pour la Beauté et la perfection de l’être. Ils trouvent donc en Socrate le chemin vers leur propre perfection.
Comme Socrate, Eros n’est qu’un appel, une possibilité qui s’ouvre, mais il n’est pas la Sagesse, ni la Beauté en soi. Il est vrai que les Silènes dont parle Alcibiade se révèlent, si on les ouvre, remplis de statues de dieux. Mais les Silènes eux-mêmes ne sont pas les statues. Ils s’ouvrent seulement pour permettre de les atteindre. Poros, le père d’Eros, signifie étymologiquement « passage », « accès », « issue ». Socrate n’est qu’un Silène qui s’ouvre sur quelque chose qui est au-delà de lui. Tel est le philosophe : un appel à l’existence. Socrate dit ironiquement au bel Alcibiade : « Si tu m’aimes, c’est que tu as dû apercevoir en moi une beauté extraordinaire qui ne ressemble en rien à la grâce des formes qui sont en toi. Mais examine les choses avec plus de soin de peur de te méprendre sur moi et sur mon néant réel. » Socrate et ainsi Alcibiade en garde ; en aimant Socrate, il n’aime qu’Eros, le fils de Pénia et de Poros, et non pas Aphrodite. Mais s’il l’aime, c’est qu’il pressent que Socrate lui ouvre un chemin vers une beauté extraordinaire qui transcende toutes les beautés terrestres. Les vertus de Socrate, ces statues de dieux cachées dans le Silène ironique, ces vertus de Socrate qu’admire Alcibiade ne sont qu’un reflet, un avant-goût de la Sagesse parfaite que Socrate désire et que désire Alcibiade à travers Socrate.
Nous retrouvons donc ainsi, dans l’éros socratique, la même structure fondamentale que dans l’ironie socratique, une conscience dédoublée qui ressent passionnément qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être. C’est de ce sentiment de séparation et de privation que naît l’Amour.
Extrait de :
Pierre Hadot, Eloge de Socrate, Editions Allia
(p. 38 à 53, avec quelques coupures, et sans les notes de bas de page)
Ce texte a d’abord fait l’objet d’une conférence donnée en I974 à la Session d’Eranos à Ascona (Suisse), sous le titre La Figure de Socrate. Il fut publié la même année dans les Annales d’Eranos (vol.43, p. 51-90) , puis intégré dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Institut d’études augustiniennes, I993.
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
:-)
Selon moi, l'Amour pur - inconditionnel - est un état de conscience.
Il y a le sentiment d'Amour (notion d'attachement, niveau coeur, principe féminin) et la Sagesse (notion de détachement, niveau tête, principe masculin), qui, quand ils s'unissent en nous pour ne faire qu'Un, se traduisent par un état d'conscience neutre, dans lequel rien n'est bien ou mal.
Le Soleil, est l'exemple de l'Amour inconditionnel à mes yeux. C'est à dire qu'il n'impose rien, ne demande rien, mais il est présent, et donne sa Lumière à tout l'monde, il nourrit tout, vivifie tout, sans distinction, sans condition, et sans se dire jamais qui mérite de la recevoir ou non.
Il disperse un Amour sans borne, dans une Sagesse infinie.
Il y a le sentiment d'Amour (notion d'attachement, niveau coeur, principe féminin) et la Sagesse (notion de détachement, niveau tête, principe masculin), qui, quand ils s'unissent en nous pour ne faire qu'Un, se traduisent par un état d'conscience neutre, dans lequel rien n'est bien ou mal.
Le Soleil, est l'exemple de l'Amour inconditionnel à mes yeux. C'est à dire qu'il n'impose rien, ne demande rien, mais il est présent, et donne sa Lumière à tout l'monde, il nourrit tout, vivifie tout, sans distinction, sans condition, et sans se dire jamais qui mérite de la recevoir ou non.
Il disperse un Amour sans borne, dans une Sagesse infinie.
Vous m'avez beaucoup fait rire, d'autant plus que partant de votre réflexion, je dois être une fêlée car je parle couramment toute seule .Chèvre a écrit:Eh ben mon pote Chèvre, on ne peut pas dire que ton post ait déchaîné l’enthousiasme… Zéro réponses en un an… Mais qu’est-ce qui t’a pris, aussi, de poster un truc aussi mal foutu ?? Tu étais déjà barjo à l’époque, et je note que ça empire : maintenant, tu parles tout seul !
Orgonite- Nombre de messages : 9
Date d'inscription : 16/03/2011
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
L'amour, le pur amour, j'ai rencontré le pur amour qui pourrait s'apparenter à de l'alchimie, mais qui n'est pas l'Alchimie.
Etrange déroute à jets perdus dans le cosmos miroitant, je tombe, chute sans fond, les tensions durent et les temps sont mûrs.
Une noirceur vierge m'envahit de son éclair obscur, l'Alchimie m'apparaît dans l'écriture qui ne dit pas son nom. Compost philosophal orné d'un rubis, je reprends place dans notre petite bulle de lumière, une chandelle à la main.
J'assimile, je digère, je transforme et j'attends sur le quai d'une gare, un soir, un train qui ne dit pas son nom.
Des oranges tombent en pluie à la cime de chaque église que mon regard croise et décroise et le tintement des cloches m'arrache des lambeaux de chair. Chaque village est un vaisseau prêt à décoller et dans la cour de l'école je perçois des tableaux lumineux qui m'ensorcellent comme une réminiscence de feu . La source et le lavoir sont toujours là. L'eau distille d'imperceptibles sons et tente de s'insinuer à la frontières de mes tympans, un bruissement métallique ne tarde pas à faire son apparition. Le sang bouillonne et l'étoile palpite. C'est un jour d'orage dans un ciel serein qui bien entendu ne dit pas son nom. Je vois double et j'entends double vous dis-je, pourquoi douter puisque c'est vrai!
Un ami qui passait, d'une voix d'outre-tombe, me fit entendre cette phrase lapidaire:
"Il y a pire que de perdre l'esprit, c'est"
Mais dans l'air saturé de poussière séminale je n'ai pas entendu la fin de la phrase qui ne dit pas son nom.
Etrange déroute à jets perdus dans le cosmos miroitant, je tombe, chute sans fond, les tensions durent et les temps sont mûrs.
Une noirceur vierge m'envahit de son éclair obscur, l'Alchimie m'apparaît dans l'écriture qui ne dit pas son nom. Compost philosophal orné d'un rubis, je reprends place dans notre petite bulle de lumière, une chandelle à la main.
J'assimile, je digère, je transforme et j'attends sur le quai d'une gare, un soir, un train qui ne dit pas son nom.
Des oranges tombent en pluie à la cime de chaque église que mon regard croise et décroise et le tintement des cloches m'arrache des lambeaux de chair. Chaque village est un vaisseau prêt à décoller et dans la cour de l'école je perçois des tableaux lumineux qui m'ensorcellent comme une réminiscence de feu . La source et le lavoir sont toujours là. L'eau distille d'imperceptibles sons et tente de s'insinuer à la frontières de mes tympans, un bruissement métallique ne tarde pas à faire son apparition. Le sang bouillonne et l'étoile palpite. C'est un jour d'orage dans un ciel serein qui bien entendu ne dit pas son nom. Je vois double et j'entends double vous dis-je, pourquoi douter puisque c'est vrai!
Un ami qui passait, d'une voix d'outre-tombe, me fit entendre cette phrase lapidaire:
"Il y a pire que de perdre l'esprit, c'est"
Mais dans l'air saturé de poussière séminale je n'ai pas entendu la fin de la phrase qui ne dit pas son nom.
Diotima- Nombre de messages : 9
Date d'inscription : 22/08/2010
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
grand merci Diotima d'ouvrir un vasistas...
la poésie, comme disait R.Juarros, "elle tend vers l'impossible, mais nous rend possible"
en ce sens, elle est pure alchimie
peut-être ?
la poésie, comme disait R.Juarros, "elle tend vers l'impossible, mais nous rend possible"
en ce sens, elle est pure alchimie
peut-être ?
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Oui, merci Diotima musagète pour ces lignes mercurielles qui sont portée musicale pour la vraie langue des oiseaux ! =
Le barde Haly Bor Ron, dans un lay célèbre aux accents de sa céleste lyre, nous questionnait déjà : la poésie est-elle pure alchimie ?”
Peut-être bien, car selon l’étymologie grecque “poiein” induit un “faire”, une “création”, le poète est ainsi un démiurge. Musique, poésie et alchymie ont en commun la recherche de l’harmonie ; le fameux “sel harmoniac” étant clef de Sol(eil) et de dissolution du chaos primordial, clef qui se trouve dans la vision des rythmes de la Nature éternelle dans ses rites printaniers.
Au fait, ton poème en prose, entre autres évocations, m’a rappelé : Un soir, un train, film d’André Delvaux.
Amicalement,
Charly
Le barde Haly Bor Ron, dans un lay célèbre aux accents de sa céleste lyre, nous questionnait déjà : la poésie est-elle pure alchimie ?”
Peut-être bien, car selon l’étymologie grecque “poiein” induit un “faire”, une “création”, le poète est ainsi un démiurge. Musique, poésie et alchymie ont en commun la recherche de l’harmonie ; le fameux “sel harmoniac” étant clef de Sol(eil) et de dissolution du chaos primordial, clef qui se trouve dans la vision des rythmes de la Nature éternelle dans ses rites printaniers.
Au fait, ton poème en prose, entre autres évocations, m’a rappelé : Un soir, un train, film d’André Delvaux.
Amicalement,
Charly
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Un texte de Stelio qui vient après "une biographie de Gandhi peu reluisante"
Le problème avec ce genre d'article c'est l'hypertrophie de la dimension psychologique, hypertrophie du psychologique, de la pseudo-analyse caractérielle qui est significative de notre approche sociétale.
De la même manière que les hommes politiques sont jugés sur leur style vestimentaire, leur sourire, leur abord sympathique ou pas, on ne cesse plus de déployer l'armada psycho-analytique pour juger les hommes et femmes célèbres.
Et le problème c'est justement cette profusion de détails croustillants concernant le portrait psychologique de chacun qui constitue l'arbre qui cache la forêt. On insiste sur la dimension people (la peapolisation n'est rien d'autre qu'une inflation du psychologique) et on oublie la topographie, l'analyse politique ou métaphysique.
Il serait donc judicieux de suivre le conseil que donne Elfriede Jelinek aux dramaturges :
Les personnages sur la scène devraient être sans épaisseurs, comme les vêtements lors d'un défilé de mode : ce que vous obtenez ne devrait pas excéder ce que vous voyez.
Le réalisme psychologique est répugnant, car il nous permet d'échapper à la désagréable réalité, nous perdre dans la profondeur du personnage caractérisé.
La tâche du dramaturge est de bloquer cette manoeuvre, de nous chasser jusqu'à un point d'ou nous pouvons juger l'horreur d'un oeil impartial.
Et quelle est cette désagréable réalité qui est cachée derrière la profusion des descriptifs de la psychologie du Mahatma, que l'on parle de lui comme un saint homme purifié, un pervers raciste ou un apôtre de la non-violence ?
Cette désagréable réalité, c'est la situation des intouchables en Inde, leur situation économique, sociale, existentielle.
Et c'est ce qui explique qu'ici tout le monde connaisse Gandhi superstar et ignore Ambedkar qui est le véritable réformateur de la condition (encore très précaire) des intouchables.
Gandhi a certes été le premier des hommes politiques à prôner une véritable intégration des intouchables, qu'il nommait 'les enfants de dieu', il louait leur 'mission sacrée' leur permettant ainsi de s'aimer eux-mêmes, de se réconcilier avec leur image merdique. Déjà transparait cette attitude odieuse qui consiste à transformer son fameux 'Moi interieur' (qui n'est en definitive rien de plus que le regard qu'on porte sur une situation) plutôt que de véritablement changer, réformer la situation. Un tour de passe-passe digne d'un mauvais thérapeute qui t'enferme dans un délire capitoné et tapissé d'un joli papier-peint aux couleurs de la résilience/réconciliation pour te permettre de survivre à tes traumas enfouis. Substituer le voile au miroir, dirait le gigantesque Ruzbehan.
Pour Gandhi, il fallait résoudre le problème en retournant à la pureté originelle du système non corrompu, le système des castes non-hierarchique (mais où chacun occupe une place assignée) tandis qu'Ambedkar a proposé une solution radicale. Les intouchables étant considérés comme symptôme des défaillances du système de castes, on ne peut résoudre le problème qu'en abolissant le système en sa totalité.
Pour ma part je me méfie toujours beaucoup de ceux qui prônent l'amour universel. La linguistique nous informe que la logique de l'universel est rendue possible par l'exception constitutive qui l'introduit à l'existence. Nous passons d'une proposition universelle à l'existence uniquement par une proposition établissant l'existence non pas de l'élément singulier du genre universel qui existe mais d'au moins un élément qui fait exception à l'universalité en question.
Ainsi l'Amour Universel (avec lequel la spiritualité moderne et sans sucre nous bassine depuis les sixties) accède au statut d'existence réelle à la seule condition qu'il y en ait au moins un que je haisse. Ce qui explique que cette injonction d'Aimer Universellement a toujours mené à la haine brutale de l'exception, les ennemis de l'humanité (ainsi les courants new-age sont perfusés de théories conspirationistes qui vômissent violemment sur les méchants destructeurs de la planète).
Et donc cette haine de l'exception est la 'vérité' de l'Amour Universel tandis que l'Amour véritable, non Universel mais singulier, choisi, tranché, émerge en se détachant de son arrière-plan qui n'est pas la haine universelle mais l'indiférence radicale. C'est un des secrets des Fidéles d'Amour antiques, de leur ascétisme brûlant. C'est aussi ce qui explique que haine et amour ne sont pas symétriques malgré le blabla psychologisant qu'on nous sert à tour de bras. L'amour émerge de l'indifférence radicale qui permet l'ascétisme brûlant tandis que la haine émerge de l'amour universel qui est mirage aux alouettes et bisounours aux mains couvertes de sang.
Je suis indifférent à Tout et à Tous, à la Totalité de l'univers, et en tant que tel je vous aime réellement, vous, l'unique individu qui se détache sur cet arrière-plan d'indifférence.
Et puis, dans un registre plus peopolisant, je dois dire que les fringues ridicules de Gandhi me désolent. Cette toge blanche me rappelle les douces paroles de Sainte Paula (347-406) "propreté du corps et des vêtements est saleté de l'âme".
Dans ce cas précis l'habit ferait-il le moine?
Le problème avec ce genre d'article c'est l'hypertrophie de la dimension psychologique, hypertrophie du psychologique, de la pseudo-analyse caractérielle qui est significative de notre approche sociétale.
De la même manière que les hommes politiques sont jugés sur leur style vestimentaire, leur sourire, leur abord sympathique ou pas, on ne cesse plus de déployer l'armada psycho-analytique pour juger les hommes et femmes célèbres.
Et le problème c'est justement cette profusion de détails croustillants concernant le portrait psychologique de chacun qui constitue l'arbre qui cache la forêt. On insiste sur la dimension people (la peapolisation n'est rien d'autre qu'une inflation du psychologique) et on oublie la topographie, l'analyse politique ou métaphysique.
Il serait donc judicieux de suivre le conseil que donne Elfriede Jelinek aux dramaturges :
Les personnages sur la scène devraient être sans épaisseurs, comme les vêtements lors d'un défilé de mode : ce que vous obtenez ne devrait pas excéder ce que vous voyez.
Le réalisme psychologique est répugnant, car il nous permet d'échapper à la désagréable réalité, nous perdre dans la profondeur du personnage caractérisé.
La tâche du dramaturge est de bloquer cette manoeuvre, de nous chasser jusqu'à un point d'ou nous pouvons juger l'horreur d'un oeil impartial.
Et quelle est cette désagréable réalité qui est cachée derrière la profusion des descriptifs de la psychologie du Mahatma, que l'on parle de lui comme un saint homme purifié, un pervers raciste ou un apôtre de la non-violence ?
Cette désagréable réalité, c'est la situation des intouchables en Inde, leur situation économique, sociale, existentielle.
Et c'est ce qui explique qu'ici tout le monde connaisse Gandhi superstar et ignore Ambedkar qui est le véritable réformateur de la condition (encore très précaire) des intouchables.
Gandhi a certes été le premier des hommes politiques à prôner une véritable intégration des intouchables, qu'il nommait 'les enfants de dieu', il louait leur 'mission sacrée' leur permettant ainsi de s'aimer eux-mêmes, de se réconcilier avec leur image merdique. Déjà transparait cette attitude odieuse qui consiste à transformer son fameux 'Moi interieur' (qui n'est en definitive rien de plus que le regard qu'on porte sur une situation) plutôt que de véritablement changer, réformer la situation. Un tour de passe-passe digne d'un mauvais thérapeute qui t'enferme dans un délire capitoné et tapissé d'un joli papier-peint aux couleurs de la résilience/réconciliation pour te permettre de survivre à tes traumas enfouis. Substituer le voile au miroir, dirait le gigantesque Ruzbehan.
Pour Gandhi, il fallait résoudre le problème en retournant à la pureté originelle du système non corrompu, le système des castes non-hierarchique (mais où chacun occupe une place assignée) tandis qu'Ambedkar a proposé une solution radicale. Les intouchables étant considérés comme symptôme des défaillances du système de castes, on ne peut résoudre le problème qu'en abolissant le système en sa totalité.
Pour ma part je me méfie toujours beaucoup de ceux qui prônent l'amour universel. La linguistique nous informe que la logique de l'universel est rendue possible par l'exception constitutive qui l'introduit à l'existence. Nous passons d'une proposition universelle à l'existence uniquement par une proposition établissant l'existence non pas de l'élément singulier du genre universel qui existe mais d'au moins un élément qui fait exception à l'universalité en question.
Ainsi l'Amour Universel (avec lequel la spiritualité moderne et sans sucre nous bassine depuis les sixties) accède au statut d'existence réelle à la seule condition qu'il y en ait au moins un que je haisse. Ce qui explique que cette injonction d'Aimer Universellement a toujours mené à la haine brutale de l'exception, les ennemis de l'humanité (ainsi les courants new-age sont perfusés de théories conspirationistes qui vômissent violemment sur les méchants destructeurs de la planète).
Et donc cette haine de l'exception est la 'vérité' de l'Amour Universel tandis que l'Amour véritable, non Universel mais singulier, choisi, tranché, émerge en se détachant de son arrière-plan qui n'est pas la haine universelle mais l'indiférence radicale. C'est un des secrets des Fidéles d'Amour antiques, de leur ascétisme brûlant. C'est aussi ce qui explique que haine et amour ne sont pas symétriques malgré le blabla psychologisant qu'on nous sert à tour de bras. L'amour émerge de l'indifférence radicale qui permet l'ascétisme brûlant tandis que la haine émerge de l'amour universel qui est mirage aux alouettes et bisounours aux mains couvertes de sang.
Je suis indifférent à Tout et à Tous, à la Totalité de l'univers, et en tant que tel je vous aime réellement, vous, l'unique individu qui se détache sur cet arrière-plan d'indifférence.
Et puis, dans un registre plus peopolisant, je dois dire que les fringues ridicules de Gandhi me désolent. Cette toge blanche me rappelle les douces paroles de Sainte Paula (347-406) "propreté du corps et des vêtements est saleté de l'âme".
Dans ce cas précis l'habit ferait-il le moine?
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Je suis en effet conscient que cet éclairage un peu cru concernant la notion d'amour universel possède une saveur particulière.
Pourtant cette vision est construite à partir des intutions des fidèles d'Amour du soufisme d'Asie mineure, des travaux sur le langage et les propositions universelles de Lacan relayé par Zizek, des considérations acides de Chesterton sur les différences entre compassion universelle et amour christique, et enfin des axiomes mathématiques de Cohen concernant les multiplicités génériques opposées aux multiplicités constructibles.
J'étale mes sources uniquement pour atténuer l'impression de singularité qui peut émaner de cette vision, je ne pourrais pas donner ici les détails de ce processus mais je vais essayer de soulever le voile, plutôt à la manière de Ruzbehan de transformer le voile en miroir.
L'amour universel est une abstraction, une coquille vide. Il s'agit d'un recyclage d'une des multiples notions héritées des sagesses orientales comme la mort de l'ego ou le monde considéré comme illusion.
Il y a plusieurs points à éclaircir si on veut comprendre le caractère fantasmatique et potentiellement dangereux (les mirages dans le désert peuvent être considérés comme dangereux puisqu'ils provoquent des réactions délirantes au cœur de situations délicates) de ces abstractions.
En premier lieu il est important de comprendre que lorsque Ramakrishna ou Ma Ananda Moy déblatèrent sur l'amour universel, ils prennent position à partir de ce que la philosophie indienne nomme l'inconditionné. Leur parole se déploie à partir de cet état très très singulier que l'on appelle jivan mukta, l'état de libéré vivant.
L'amour universel comme la mort de l'ego ou la dimension illusoire du monde deviennent donc des notions signifiantes si on se positionne en tant que Jivan Mukta. Ces mêmes paroles prononcés à partir du point où de la place qu'occupe n'importe quel être humain deviennent du bavardage, des paroles creuses, vides de sens mais saturées d'émotivités gluantes. L'ontologie radicale du Jivan Mukta devient psychologie dégoulinante lorsque le spiritualiste auto-proclamé clame la dimension universelle de l'amour ou le caractère illusoire de la réalité.
Le second point consiste à comprendre que parler d'Amour universel, ce n'est rien d'autre que manipuler une formule linguistique, une tournure langagière. Il est concrètement impossible d'aimer tout ce qui existe. Les mathématiques modernes considèrent que le réel est composé de multiples, et ces multiples de multiples de multiples, à l'infini. Et il existe deux types de multiples. Les multiples constructibles qui sont dicibles et constituent ce que l'on appelle les savoirs sur la situation. Et les multiples génériques qui sont indicibles et indiscernables et qui constituent ce que l'on appelle les vérités relatives à une situation.
Et donc dire l'Amour universel c'est le constituer en savoir, mais ce savoir, l'expérience nous le prouve quotidiennement est un savoir impossible, incohérent puisque personne n'est en mesure d'aimer tout ce qui existe. L'amour est vérité et jamais savoir, et chaque vérité appartenant à la situation, on n'accède à l'amour qu'à travers un long processus, processus que Ruzbehan à nommé pélerinage intérieur et qui est passage de l'amour humain à l'Amour avec un A qui monte jusqu'au ciel.
Ainsi la formule qui consiste à poser l'amour universel comme solution appliquable à la totalité des étants procède d'un savoir incohérent et implique (comme le soulignent les déductions sur les propositions universelles de Lacan) la haine à l'encontre de ceux qui échappent à cette universalité abstraite (que déjà Hasan-I-Sabbah le grand monsieur d'Alamut nommait monothéisme abstrait).
Et donc à chaque fois que cette formule de conversion de tout un chacun à l'Amour Universel s'est déployée en éjaculant à la gueule de l'humanité ses effets, on a eu droit à tout un cortège d'atrocités sans noms. Le nazisme était tentative d'établir un grand Reich de plusieurs milliers d'années de paix universelle, le communisme et le christianisme d'état pronait aussi l'amour universel, le japon guerrier de l'entre-deux guerres (surtout celui de la guerre sino-japonaise) était soutenu par la compassion universelle des moines zen, la pax romana et le projet de démocratie universelle contemporain massacrent au nom de cet universalisme abstrait qui est une abomination conceptuelle.
Concernant l'indifférence radicale, il s'agit d'un phénomène qui apparaît comme une évidence lorsqu'on est saisi par l'amour. Celui qui Aime voit l'indifférence envers ce qui n'est pas son Amour grandir proportionellement à l'intensité de sa passion pour l'Aimée. Mais il ne s'agit que d'un moment spécifique. Le pèlerinage amoureux, le chemin du fidèle d'Amour, consiste à transfigurer le monde, à se transfigurer soi-même en se polissant comme on polit un miroir à force d'Amour et de Feu et de larmes, et ce jusqu'à ce que l'Amour déborde tous les cadres et noie l'indifférence dans un torrent désirant sur lequel flotte le visage démultiplié de l'Aimée. Sowahardi appelle cela l'Eros transfiguré et c'est le chemin sinueux qui mène de l'Amour humain à la transfiguration du monde (qui n'est plus un savoir mais une vérité... indicible, donc). Ibn Arabi déclare quelque part que l'Amour divin est esprit sans corps, l'amour humain corps sans esprit, tandis que l'Eros transfiguré est corps et esprit.
Alors la beauté humaine devient théophanie de la beauté universelle qui se reflète dans le miroir (le voile est transfiguré par l'amour) des signes. L'Amoureux déploie son regard polydimensionnel, ses yeux qui poussent partout, le regard du coeur contemple le miroir de la beauté tandis que les yeux de l'intelligence saisissent la structure qui permet l'incarnation de cette beauté. Ensuite s'opère l'inversion, les yeux du cœur informent ceux du corps qui enfin voient la beauté feminine (qui n'a rien à voir avec la beauté apparente, le piège que l'espèce tend à la bestiole pour l'obliger à se reproduire, dixit Schopenhauer) perçue à travers le regard transmué du cœur et de l'esprit. Et cette beauté atteint un tel paroxysme qu'elle révèle toute l'ambivalence de la forme humaine, son infinie complexité, qui est vérité si on considère, comme le fait la philosophie contemporaine (informée par la théorie des ensembles mathématiques), la Vérité comme étant l'intersection complexe de milliers d'énoncés, de savoirs qui peuvent se tenir sur un centre aveugle. Ce centre aveugle, cette multiplicité générique innommable, indiscernable, infini c'est le graal du Fidèle d'Amour, le centre qui lui permet de déborder tous les cadres, toutes les périphéries en y plaçant des yeux partout. Ainsi le centre n'est plus aveugle. Les arabes parlent à ce niveau de mort mystique d'amour, car le même mot shahid signifie à la fois temoin occulaire et martyr. « Il réalise de la sorte la vision oculaire (shahid) de la Face Divine sous une forme belle à contempler, en la personne de l'Aimée au beau visage. »
L'histoire de Majnun et Layla constitue le paradigme de cet Eros transfiguré.
« C'est en raison de l'intériorisation parfaite de l'Aimée Layla dans la personne de l'Amant que Majnun ne voit rien d'autre que l'Aimée, puisqu'étant un miroir parfait, il n'existe que dans la mesure où il épiphanise l'Image de l'Aimée. Il en voit le reflet partout : dans une montagne, une fleur. Layla est en quelque sorte l'Image par laquelle le monde lui apparaît transfiguré dans l'auréole de la pure beauté. »
Pour finir avec la question de l'acte de foi ou du basculement, il faut prendre conscience que l'evènement Amoureux n'est jamais une Grace gratuite, il ne s'agit en fait que d'un point de départ. C'est tout ce qu'a essayé de déployer Badiou dans son "Logiques des mondes" et qu'il va achever avec son "Immanence des vérités" à venir.
L'Evènement n'est rien, la fidélité aux procédures de vérité est tout. Et cette fidélité est un processus long, douloureux, complexe qui demande courage et discipline et abnégation. L'amour est un miracle quand on accepte son ascèse brûlante. Dans la poésie mystique Persane, il existe une récurrence du thème du Roi des Oiseaux.
L'occurence la plus remarquable du thème se trouve dans l'assemblée des oiseaux d'Attar. Trois milles oiseaux qui partent à la recherche du Simorgh qui est le miroir d'Amour. Le périple est long, dangereux, douloureux. Seuls trente oiseaux arrivent (Si-Morgh trente oiseaux en Persan) au terme du voyage et embrassent leur reflet d'Amour. Il existe une variante de cette histoire racontée par Gazhali où les oiseaux sont propulsés sans effort jusqu'au repère du Simorgh. Ils s'y font admettre par Grâce et « Ce n'est pas une rencontre avec soi-même, un face à face avec leur Soi-même, mais un choc avec le Numineux hostile, étranger, quelque chose comme une invitation manquée, et les Oiseaux sont au bord de la psychose ».
Ainsi dans les récits d'Avicenne ou d'Attar, les oiseaux, après un processus long et douloureux, parviennent au Simorgh et se trouvent transfigurés tandis que dans le récit de Gazhali, ils se font admettre par Grâce gratuite et finissent au bord de la psychose. C'est une très belle leçon sur les chemins que peut emprunter l'amour pour mener à l'Amour.
Pourtant cette vision est construite à partir des intutions des fidèles d'Amour du soufisme d'Asie mineure, des travaux sur le langage et les propositions universelles de Lacan relayé par Zizek, des considérations acides de Chesterton sur les différences entre compassion universelle et amour christique, et enfin des axiomes mathématiques de Cohen concernant les multiplicités génériques opposées aux multiplicités constructibles.
J'étale mes sources uniquement pour atténuer l'impression de singularité qui peut émaner de cette vision, je ne pourrais pas donner ici les détails de ce processus mais je vais essayer de soulever le voile, plutôt à la manière de Ruzbehan de transformer le voile en miroir.
L'amour universel est une abstraction, une coquille vide. Il s'agit d'un recyclage d'une des multiples notions héritées des sagesses orientales comme la mort de l'ego ou le monde considéré comme illusion.
Il y a plusieurs points à éclaircir si on veut comprendre le caractère fantasmatique et potentiellement dangereux (les mirages dans le désert peuvent être considérés comme dangereux puisqu'ils provoquent des réactions délirantes au cœur de situations délicates) de ces abstractions.
En premier lieu il est important de comprendre que lorsque Ramakrishna ou Ma Ananda Moy déblatèrent sur l'amour universel, ils prennent position à partir de ce que la philosophie indienne nomme l'inconditionné. Leur parole se déploie à partir de cet état très très singulier que l'on appelle jivan mukta, l'état de libéré vivant.
L'amour universel comme la mort de l'ego ou la dimension illusoire du monde deviennent donc des notions signifiantes si on se positionne en tant que Jivan Mukta. Ces mêmes paroles prononcés à partir du point où de la place qu'occupe n'importe quel être humain deviennent du bavardage, des paroles creuses, vides de sens mais saturées d'émotivités gluantes. L'ontologie radicale du Jivan Mukta devient psychologie dégoulinante lorsque le spiritualiste auto-proclamé clame la dimension universelle de l'amour ou le caractère illusoire de la réalité.
Le second point consiste à comprendre que parler d'Amour universel, ce n'est rien d'autre que manipuler une formule linguistique, une tournure langagière. Il est concrètement impossible d'aimer tout ce qui existe. Les mathématiques modernes considèrent que le réel est composé de multiples, et ces multiples de multiples de multiples, à l'infini. Et il existe deux types de multiples. Les multiples constructibles qui sont dicibles et constituent ce que l'on appelle les savoirs sur la situation. Et les multiples génériques qui sont indicibles et indiscernables et qui constituent ce que l'on appelle les vérités relatives à une situation.
Et donc dire l'Amour universel c'est le constituer en savoir, mais ce savoir, l'expérience nous le prouve quotidiennement est un savoir impossible, incohérent puisque personne n'est en mesure d'aimer tout ce qui existe. L'amour est vérité et jamais savoir, et chaque vérité appartenant à la situation, on n'accède à l'amour qu'à travers un long processus, processus que Ruzbehan à nommé pélerinage intérieur et qui est passage de l'amour humain à l'Amour avec un A qui monte jusqu'au ciel.
Ainsi la formule qui consiste à poser l'amour universel comme solution appliquable à la totalité des étants procède d'un savoir incohérent et implique (comme le soulignent les déductions sur les propositions universelles de Lacan) la haine à l'encontre de ceux qui échappent à cette universalité abstraite (que déjà Hasan-I-Sabbah le grand monsieur d'Alamut nommait monothéisme abstrait).
Et donc à chaque fois que cette formule de conversion de tout un chacun à l'Amour Universel s'est déployée en éjaculant à la gueule de l'humanité ses effets, on a eu droit à tout un cortège d'atrocités sans noms. Le nazisme était tentative d'établir un grand Reich de plusieurs milliers d'années de paix universelle, le communisme et le christianisme d'état pronait aussi l'amour universel, le japon guerrier de l'entre-deux guerres (surtout celui de la guerre sino-japonaise) était soutenu par la compassion universelle des moines zen, la pax romana et le projet de démocratie universelle contemporain massacrent au nom de cet universalisme abstrait qui est une abomination conceptuelle.
Concernant l'indifférence radicale, il s'agit d'un phénomène qui apparaît comme une évidence lorsqu'on est saisi par l'amour. Celui qui Aime voit l'indifférence envers ce qui n'est pas son Amour grandir proportionellement à l'intensité de sa passion pour l'Aimée. Mais il ne s'agit que d'un moment spécifique. Le pèlerinage amoureux, le chemin du fidèle d'Amour, consiste à transfigurer le monde, à se transfigurer soi-même en se polissant comme on polit un miroir à force d'Amour et de Feu et de larmes, et ce jusqu'à ce que l'Amour déborde tous les cadres et noie l'indifférence dans un torrent désirant sur lequel flotte le visage démultiplié de l'Aimée. Sowahardi appelle cela l'Eros transfiguré et c'est le chemin sinueux qui mène de l'Amour humain à la transfiguration du monde (qui n'est plus un savoir mais une vérité... indicible, donc). Ibn Arabi déclare quelque part que l'Amour divin est esprit sans corps, l'amour humain corps sans esprit, tandis que l'Eros transfiguré est corps et esprit.
Alors la beauté humaine devient théophanie de la beauté universelle qui se reflète dans le miroir (le voile est transfiguré par l'amour) des signes. L'Amoureux déploie son regard polydimensionnel, ses yeux qui poussent partout, le regard du coeur contemple le miroir de la beauté tandis que les yeux de l'intelligence saisissent la structure qui permet l'incarnation de cette beauté. Ensuite s'opère l'inversion, les yeux du cœur informent ceux du corps qui enfin voient la beauté feminine (qui n'a rien à voir avec la beauté apparente, le piège que l'espèce tend à la bestiole pour l'obliger à se reproduire, dixit Schopenhauer) perçue à travers le regard transmué du cœur et de l'esprit. Et cette beauté atteint un tel paroxysme qu'elle révèle toute l'ambivalence de la forme humaine, son infinie complexité, qui est vérité si on considère, comme le fait la philosophie contemporaine (informée par la théorie des ensembles mathématiques), la Vérité comme étant l'intersection complexe de milliers d'énoncés, de savoirs qui peuvent se tenir sur un centre aveugle. Ce centre aveugle, cette multiplicité générique innommable, indiscernable, infini c'est le graal du Fidèle d'Amour, le centre qui lui permet de déborder tous les cadres, toutes les périphéries en y plaçant des yeux partout. Ainsi le centre n'est plus aveugle. Les arabes parlent à ce niveau de mort mystique d'amour, car le même mot shahid signifie à la fois temoin occulaire et martyr. « Il réalise de la sorte la vision oculaire (shahid) de la Face Divine sous une forme belle à contempler, en la personne de l'Aimée au beau visage. »
L'histoire de Majnun et Layla constitue le paradigme de cet Eros transfiguré.
« C'est en raison de l'intériorisation parfaite de l'Aimée Layla dans la personne de l'Amant que Majnun ne voit rien d'autre que l'Aimée, puisqu'étant un miroir parfait, il n'existe que dans la mesure où il épiphanise l'Image de l'Aimée. Il en voit le reflet partout : dans une montagne, une fleur. Layla est en quelque sorte l'Image par laquelle le monde lui apparaît transfiguré dans l'auréole de la pure beauté. »
Pour finir avec la question de l'acte de foi ou du basculement, il faut prendre conscience que l'evènement Amoureux n'est jamais une Grace gratuite, il ne s'agit en fait que d'un point de départ. C'est tout ce qu'a essayé de déployer Badiou dans son "Logiques des mondes" et qu'il va achever avec son "Immanence des vérités" à venir.
L'Evènement n'est rien, la fidélité aux procédures de vérité est tout. Et cette fidélité est un processus long, douloureux, complexe qui demande courage et discipline et abnégation. L'amour est un miracle quand on accepte son ascèse brûlante. Dans la poésie mystique Persane, il existe une récurrence du thème du Roi des Oiseaux.
L'occurence la plus remarquable du thème se trouve dans l'assemblée des oiseaux d'Attar. Trois milles oiseaux qui partent à la recherche du Simorgh qui est le miroir d'Amour. Le périple est long, dangereux, douloureux. Seuls trente oiseaux arrivent (Si-Morgh trente oiseaux en Persan) au terme du voyage et embrassent leur reflet d'Amour. Il existe une variante de cette histoire racontée par Gazhali où les oiseaux sont propulsés sans effort jusqu'au repère du Simorgh. Ils s'y font admettre par Grâce et « Ce n'est pas une rencontre avec soi-même, un face à face avec leur Soi-même, mais un choc avec le Numineux hostile, étranger, quelque chose comme une invitation manquée, et les Oiseaux sont au bord de la psychose ».
Ainsi dans les récits d'Avicenne ou d'Attar, les oiseaux, après un processus long et douloureux, parviennent au Simorgh et se trouvent transfigurés tandis que dans le récit de Gazhali, ils se font admettre par Grâce gratuite et finissent au bord de la psychose. C'est une très belle leçon sur les chemins que peut emprunter l'amour pour mener à l'Amour.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
En effet ! L'hypertrophie !Logos a écrit:Un texte de Stelio qui vient après "une biographie de Gandhi peu reluisante"
Le problème avec ce genre d'article c'est l'hypertrophie (...)
Parfaitement d'accord : Gandhi était loin d'être un saint. Comme la plupart des récents Prix Nobel de la Paix, c'était un activiste politique tendant à formater une certaine vision du monde au profit de grands intérêts.
Parfaitement d'accord aussi avec le problème des intouchables : ces êtres humains méritent le respect au lieu de leur dignité bafouée.
Toujours d'accord, avec Ambedkar, sur la nécessité de balayer l'actuel système de castes pour repartir sur de saines bases.
Mais, Logos, ton post de ce 15 avril 2011 à 23:07 (ici plus avant), outre le fait qu'il enfonce des portes ouvertes, me paraît écrit d'une manière extrêmement compliquée pour dire des choses aussi simples !
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Logos
Mais toutes ces argumentations tarabiscotées me suggèrent deux remarques :
- ceux qui parlent ne savent pas, et ils n'ont manifestement pas expérimenté cette rencontre pour en parler ainsi;
- de même qu'il existe une Franc-Maçonnerie spéculative, il doit manifestement aussi exister une "Amourerie" spéculative, réunissant des discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation.
Amitiés
Je ne peux pas être d'accord avec ce verbiage. L'expérience que j'ai pu vivre, aussi brève ait-elle pu être, contredit cette dialectique tordue et balaie tout ce charabia pseudo intello. Certes, il y a le danger du mirage, de l'illusion de la confusion, mais celui qui a expérimenté cet amour universel en ressort transformé. oui, il y a un effet miroir; oui, il existe un risque de psychose car le choc est rude et laisse des séquelles. Dans mon cas, ce furent des séquelles physiques (heureusement sans gravité) durant quelques années.Logos, ou Stelios, a écrit:L'amour universel est une abstraction, une coquille vide. Il s'agit d'un recyclage d'une des multiples notions héritées des sagesses orientales comme la mort de l'ego ou le monde considéré comme illusion.
Il y a plusieurs points à éclaircir si on veut comprendre le caractère fantasmatique et potentiellement dangereux (les mirages dans le désert peuvent être considérés comme dangereux puisqu'ils provoquent des réactions délirantes au cœur de situations délicates) de ces abstractions.
Mais toutes ces argumentations tarabiscotées me suggèrent deux remarques :
- ceux qui parlent ne savent pas, et ils n'ont manifestement pas expérimenté cette rencontre pour en parler ainsi;
- de même qu'il existe une Franc-Maçonnerie spéculative, il doit manifestement aussi exister une "Amourerie" spéculative, réunissant des discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation.
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Je ne partage pas ton appréciation, Aube-Aurore. Bien entendu, chacun est libre d'adhérer ou pas... mais j'ai la forte impression que les arguments proposés par Logos sont loin d'être, comme tu le proposes, le fruit de "discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation."Aube-Aurore a écrit:Je ne peux pas être d'accord avec ce verbiage
La phraséologie de Logos / Stelio est assez souvent rude, et même de temps en temps un peu facile, (ce que je regrette, mais personne n'est parfait), mais le contenu est presque toujours extrêmement riche.
Faux ! et heureusement pour nous. Fort heureusement certains qui savent ont parlé, écrit... Pour ratisser large , un peu hâtivement je citerai Maître Eckhart, Von Eckartshausen, Saint Jean l'évangéliste, Le Cosmopolite, Shankara, l'auteur du Zohar, und so weiter.Aube-Aurore a écrit:- ceux qui parlent ne savent pas
Amitiés, hein ?... qu'est-ce que ça doit être quand tu te mets en rogne !!...Aube-Aurore a écrit:Je ne peux pas être d'accord avec ce verbiage... [...] dialectique tordue et balaie tout ce charabia pseudo intello... [...]discoureurs verbeux à l'infini, adeptes de la raison raisonnante, auteurs de bouquins très savants, mais incapables de franchir le cap de l'expérimentation.
[...]
Amitiés
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Chèvre
Bien sûr : amitiés !
Bien sûr que je ne suis pas en rogne !
Bien sûr que je sais que tu aimes susciter des débats contradictoires plutôt qu'applaudir au ronronnement des consensus mous !
Bien sûr que je vois bien que Logos et Stélios (s'il existe) s'inspirent d'auteurs réputés. Ce sont ces derniers auteurs copiés/collés que je vise lorsqu'ils s'essaient à formater l'expérience d'autrui dans leurs propres schémas logiques, puis à s'essayer à les faire partager à autrui. Ce qui mène aux dérives observées ci-dessus : une logorrhée indigeste qui colle de moins en moins à l'expérience, au vécu.
Je ne vise bien sûr pas les Fidèles d'Amour, lesquels témoignent d'une expérience et d'une pratique (avec les risques qui pourraient en découler : s'illusionner, se forger de fausses idées, prendre des risques sur le plan de la santé...), mais bien les discours de ceux qui essaient d'analyser l'expérience d'autrui, puis qui essaient à leur tour de retransmettre cette expérience à d'autres encore. Cela finit par ressembler à l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours : on est très loin de la perception de l'expérience initiale. Certains (tu en cites) s'en sortent plutôt bien, même si, parfois, ils compliquent plus la transmission de l'information qu'ils n'aident à faire passer le message.
Contrairement à un Philippe Descola qui va passer plusieurs années dans les tribus pour s'imprégner de leur mode de pensée avant de s'autoriser à en parler, on voit là à l'œuvre des spécialistes de la dissection de la pensée qui, après avoir tout démonté, croient avoir compris, et réassemblent le bidule à leur façon. Dans le cas ci-dessus, cela donne ce complet dérapage verbeux :
Je lui souhaite cependant de faire un jour l'expérience de cette rencontre, évidemment.
Amitiés, bien sûr !
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
P.S.: Au sujet de la phrase "Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas", que tu déclares fausse, elle est attribuée à un certain Lao-Tseu.
Bien sûr : amitiés !
Bien sûr que je ne suis pas en rogne !
Bien sûr que je sais que tu aimes susciter des débats contradictoires plutôt qu'applaudir au ronronnement des consensus mous !
Bien sûr que je vois bien que Logos et Stélios (s'il existe) s'inspirent d'auteurs réputés. Ce sont ces derniers auteurs copiés/collés que je vise lorsqu'ils s'essaient à formater l'expérience d'autrui dans leurs propres schémas logiques, puis à s'essayer à les faire partager à autrui. Ce qui mène aux dérives observées ci-dessus : une logorrhée indigeste qui colle de moins en moins à l'expérience, au vécu.
Je ne vise bien sûr pas les Fidèles d'Amour, lesquels témoignent d'une expérience et d'une pratique (avec les risques qui pourraient en découler : s'illusionner, se forger de fausses idées, prendre des risques sur le plan de la santé...), mais bien les discours de ceux qui essaient d'analyser l'expérience d'autrui, puis qui essaient à leur tour de retransmettre cette expérience à d'autres encore. Cela finit par ressembler à l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours : on est très loin de la perception de l'expérience initiale. Certains (tu en cites) s'en sortent plutôt bien, même si, parfois, ils compliquent plus la transmission de l'information qu'ils n'aident à faire passer le message.
Contrairement à un Philippe Descola qui va passer plusieurs années dans les tribus pour s'imprégner de leur mode de pensée avant de s'autoriser à en parler, on voit là à l'œuvre des spécialistes de la dissection de la pensée qui, après avoir tout démonté, croient avoir compris, et réassemblent le bidule à leur façon. Dans le cas ci-dessus, cela donne ce complet dérapage verbeux :
Aussi savant puisse être celui qui a écrit ça, il a raté une occasion de se taire.L'amour universel est une abstraction, une coquille vide.
Je lui souhaite cependant de faire un jour l'expérience de cette rencontre, évidemment.
Amitiés, bien sûr !
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P.S.: Au sujet de la phrase "Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas", que tu déclares fausse, elle est attribuée à un certain Lao-Tseu.
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour,
Cordialement
Bertrand
Là sans trop me mouiller je crois que tu fais fausse route, ce ne sont pas les mêmes sentiers mais Stelio et Logos sont plutôt - il me semble - du genre à parler de ce qu'ils ont vu ou aperçu, les citations c'est le raccourci pour formuler et faire circuler. Quand à savoir si ils ont effectivement pris les sentiers par eux évoqués, les rapports qu'ils en font et y font ne me laissent aucun doute là-dessus, en particulier Logos et sa façon de tricoter entre les fils.Aube-Aurore a écrit:Contrairement à un Philippe Descola qui va passer plusieurs années dans les tribus pour s'imprégner de leur mode de pensée avant de s'autoriser à en parler, on voit là à l'œuvre des spécialistes de la dissection de la pensée qui, après avoir tout démonté, croient avoir compris, et réassemblent le bidule à leur façon.
ha ben du coup il a parlé le vieux maître, ça frise le kôan, alors on devrait en conclure quoi d'après toi ? Une interprétation univoque ?P.S.: Au sujet de la phrase "Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas", que tu déclares fausse, elle est attribuée à un certain Lao-Tseu.[/color]
Cordialement
Bertrand
Bertrand- Nombre de messages : 78
Date d'inscription : 25/04/2010
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour Bertrand
Le kôan de Lao-Tseu ne me semble pas permettre d'interprétation univoque : trop de gens parlent sans savoir vraiment (ce mal ne frappe donc pas que notre époque !) et ceux qui savent beaucoup sont confrontés à la difficulté de transmettre. Certains sages préfèrent se taire et laisser dire les beaux parleurs, car il est vain de se battre contre des moulins à vent, mais entre ces deux extrêmes (ceux qui savent mais ne disent, et ceux qui parlent sans savoir) se déploie toute une panoplie de positions intermédiaires, fruit de la richesse des tentatives de communication à autrui d'un vécu très inhabituel, comme ce contact avec l'Amour, le pur Amour.
Amitiés
Je ne doute absolument pas que Logos (et éventuellement le fantomatique et hypothétique Stelio) parle de sa propre expérience, laquelle est riche. De plus - j'en sais quelque chose - certaines expériences sont très difficilement descriptibles, parce que les mots manquent et que le repères communs sont trop rares pour essayer de faire passer pareils témoignages. Raison pour laquelle il ne me paraît pas adéquat d'encore plus se compliquer la tâche en faisant appel à de doctes "savants" qui, par le détour de pensées tordues, en arrivent à conclure des contrevérités, telles que "L'amour universel est une abstraction, une coquille vide". Un fait vaut plus qu'un Lord-Maire !Stelio et Logos sont plutôt - il me semble - du genre à parler de ce qu'ils ont vu ou aperçu
Le kôan de Lao-Tseu ne me semble pas permettre d'interprétation univoque : trop de gens parlent sans savoir vraiment (ce mal ne frappe donc pas que notre époque !) et ceux qui savent beaucoup sont confrontés à la difficulté de transmettre. Certains sages préfèrent se taire et laisser dire les beaux parleurs, car il est vain de se battre contre des moulins à vent, mais entre ces deux extrêmes (ceux qui savent mais ne disent, et ceux qui parlent sans savoir) se déploie toute une panoplie de positions intermédiaires, fruit de la richesse des tentatives de communication à autrui d'un vécu très inhabituel, comme ce contact avec l'Amour, le pur Amour.
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour
Concernant les expériences, a priori, il ne s'agit que de celle d'aimer... Je ne crois pas en parler dans mes messages... me contente de faire du tricot... En revanche il est question, en effet, de l'expérience amoureuse dans les messages signés Stelio... Fantomatique, mais pourtant bien réel puisqu'il est évident que son verbe n'est pas le mien. Concernant la pratique amoureuse, j'ai un autre texte :
Oui une discipline c'est sûr... mais plutôt que de s'exprimer à travers un ensemble de règles figées dans le plus pur style militaire ou pédagogique, cette discipline consiste à composer des rapports de plus en plus conscients et complexes avec le monde... une discipline amoureuse qui se déploie à travers une relation quasi érotique avec les choses de l'existence... brûler d'un désir incandescent, comme le souligne Lalla, c'est développer une forme d'érotisme total... et par un curieux paradoxe, cette montée de la conscience qui se reflète dans la justesse et l'intensité des rapports qu'on compose avec le monde s'accompagne d'un abandon au flux du vivant qui coule à travers mon système et à travers le monde...
Et c'est la friction entre ces contraires que sont la conscience qui ne cesse de vouloir s'éclairer et, à l'extrême opposé, l'abandon au souffle du vent qui trace les lignes brûlantes de nos vies, qui constitue le combustible qui nourrit le feu qui brûle sans jamais consumer... à la fois totalement vigilant et totalement disponible... au paroxysme de l'action et de la passivité en même temps... discipline schizophrénique, mais comme si la schizophrénie était évidence et santé... grande santé... comme si les contraires étaient unis de manière indissoluble au coeur du réel... une discipline androgyne donc, qui permet le déploiement du kali yag... le feu noir.
[...] La vie dans son intégralité est sacrée (et donc rien n'est sacré)... chaque brin d'herbe, chaque centimètre carré de béton, chaque moment de la vie, chaque situation vécue... ce qui illumine une situation, un moment, c'est pas le decorum, c'est pas le caractère solennel ni la dimension dogmatique, mais le regard que tu portes sur cette situation, le rapport amoureux que tu composes avec ce moment... apprendre a aimer la vie selon toute ses configurations, apprendre à l'aimer même quand tu la hais, même quand elle t'écrase, te pietine, c'est une putain d'ascèse, une ascèse qui se construit à chaque instant... apprendre à vivre les yeux ouverts, tous les yeux des pieds à la tete ouverts, et le corps et l'esprit aussi liquides que le con d'une femme ultime pendant l'amour, c'est la seule discipline que je m'impose...
Concernant les expériences, a priori, il ne s'agit que de celle d'aimer... Je ne crois pas en parler dans mes messages... me contente de faire du tricot... En revanche il est question, en effet, de l'expérience amoureuse dans les messages signés Stelio... Fantomatique, mais pourtant bien réel puisqu'il est évident que son verbe n'est pas le mien. Concernant la pratique amoureuse, j'ai un autre texte :
Oui une discipline c'est sûr... mais plutôt que de s'exprimer à travers un ensemble de règles figées dans le plus pur style militaire ou pédagogique, cette discipline consiste à composer des rapports de plus en plus conscients et complexes avec le monde... une discipline amoureuse qui se déploie à travers une relation quasi érotique avec les choses de l'existence... brûler d'un désir incandescent, comme le souligne Lalla, c'est développer une forme d'érotisme total... et par un curieux paradoxe, cette montée de la conscience qui se reflète dans la justesse et l'intensité des rapports qu'on compose avec le monde s'accompagne d'un abandon au flux du vivant qui coule à travers mon système et à travers le monde...
Et c'est la friction entre ces contraires que sont la conscience qui ne cesse de vouloir s'éclairer et, à l'extrême opposé, l'abandon au souffle du vent qui trace les lignes brûlantes de nos vies, qui constitue le combustible qui nourrit le feu qui brûle sans jamais consumer... à la fois totalement vigilant et totalement disponible... au paroxysme de l'action et de la passivité en même temps... discipline schizophrénique, mais comme si la schizophrénie était évidence et santé... grande santé... comme si les contraires étaient unis de manière indissoluble au coeur du réel... une discipline androgyne donc, qui permet le déploiement du kali yag... le feu noir.
[...] La vie dans son intégralité est sacrée (et donc rien n'est sacré)... chaque brin d'herbe, chaque centimètre carré de béton, chaque moment de la vie, chaque situation vécue... ce qui illumine une situation, un moment, c'est pas le decorum, c'est pas le caractère solennel ni la dimension dogmatique, mais le regard que tu portes sur cette situation, le rapport amoureux que tu composes avec ce moment... apprendre a aimer la vie selon toute ses configurations, apprendre à l'aimer même quand tu la hais, même quand elle t'écrase, te pietine, c'est une putain d'ascèse, une ascèse qui se construit à chaque instant... apprendre à vivre les yeux ouverts, tous les yeux des pieds à la tete ouverts, et le corps et l'esprit aussi liquides que le con d'une femme ultime pendant l'amour, c'est la seule discipline que je m'impose...
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
B'jour m'sieurs dames,
Il a bien raison Bertrand, quel bavard ce Lao Tseu : 5OOO caractères forment son tao te king, pour ne rien dire...tout en le disant !
Quant à la « logorrhée » ici reprochée à Logos, je l'ai bien lu et relu et suis globalement d'accord avec son mode d'approche, lequel peut convenir à certains. Remarquer ceci : le souci de ne pas séparer immanence et transcendance, que l'on soit évéillé (?) ou en travaux, convoque inévitablement le langage. D'autre fois, son silence... plus difficile à communiquer sur un forum, isn't it ?
Tous langages, à commencer par celui que la nature (inclus la portion qui nous échoit : corporelle) semble tenir. Le silence fondamental s'y révèlera, peu à peu ou soudainement, entre les lignes, tjrs plus ou moins débiles certes, mais amoureusement tracées.
Plus commode d'évacuer ce souci, humblement réaliste pourtant, en se faisant le Hérault du « tout est illusion »... sauf moi qui le dit, parce que je le dis. Très malin ce « parce que », d'emblée en posture d'autorité, voilée par l'humilité contrefaite ou rèvée qui, toujours, l'accompagne.
« Paraître à plus de lettres qu'être », disait Karl Kraus. Bien comprise, au delà des dérisoires jeux de société, la formule est précieuse, tantrique à donf. Cette science des lettres ou signatures, d'après nos soufis favoris, est indissociable de toute alchimie.
Il y a une « image dans le tapis » (Henry James), dans la trâme du texte de Logos, témoignant discrètement, voire pudiquement, d'une intention amoureuse des plus ardentes. Suis sincèrement surpris que tu ne l'aies pas « senti », Aube-Aurore. Comme une odeur de jasmin...pourtant.
A dire vrai, je préfère son « charabia » étayé, risqué, s'exposant au dialogue, à la contradiction, que les logorrhées trop courtes ne disant qu'une chose très chosifiante: « moi avoir fait telle expérience, donc moi savoir et toi crétin d'intello ». Ce qui ne vise pas Aube-Aurore !
Rien n'y est transmis, ni partagé, ni indiqué, ni remis en question; au mieux : tomber sur un autre « expérimentaliste » qui, ravi de l'aubaine, répliquera juste pour faire savoir aux pauvres désirants dépourvus d'Expérience... que son moi, aussi, a vécu la chose, youpi... et point barre. Et après, on en fait quoi de son « fait »? Conte de faits ? Expérience scientiste à plusieurs pour le breveter et le pondre en série ?
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi. Ce qui ne peut être un but, une réponse définitive permettant sa pose hiératique et satisfaite, mais le commencement de l'Ouvert. Nous devenons, jusque dans nos cellules, la question. Si amour il y a, au sens exploré sur ce fil, il ne se devine que par cette lucarne. Pour commencer. Une exposition totale, directe, sans filtre, peut nous cramer ou rendre barjot.
Soit un processus inverse de celui qui nous permettrait, grâce à l'Expérience (trop souvent, de plus, son seul souvenir « idéalisé »), de détenir la vérité. Devenir la question, l'« à mon seul désir », est déjà volatilisation d'égo, cette crispation anxieuse d'une présence, apparemment la « notre », devinée injustifiable et sans contours précis-rassurants, en fait.
Aube-Aurore : « je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? » Si l'on peut oser une réponse trop courte : absence du sujet garantit l'absence d'objet. La chosification (matérialisme spirituel bien ratiboisé par Trungpa), en devient bancale, voire impossible à tenir sans sentir qu'on devient tordu.
Quant au vide de la coquille, qui me semble avoir causé l'irritation d' Aube-Aurore, il est possible que ce vide puisse en cacher un autre... Il y a une très profonde méditation à ce sujet offerte par Rabbi Nahman de Bratslav, intitulée « leçon kabbalistique ». Elle part du tsimtsoum postulé par Luria, pour s'aventurer (fait rarrissime chez les sages) vers le vide de notre modernité, lequel à son époque commençait fortement à occuper le terrain. Ce, non pas pour condamner d'office, façon guénoniens ou autres bidochons en armure de templier, mais pour deviner, éprouver, le sens de cette inédite vacuité... apparemment propice aux bavardages.
aligorrhé
Il a bien raison Bertrand, quel bavard ce Lao Tseu : 5OOO caractères forment son tao te king, pour ne rien dire...tout en le disant !
Quant à la « logorrhée » ici reprochée à Logos, je l'ai bien lu et relu et suis globalement d'accord avec son mode d'approche, lequel peut convenir à certains. Remarquer ceci : le souci de ne pas séparer immanence et transcendance, que l'on soit évéillé (?) ou en travaux, convoque inévitablement le langage. D'autre fois, son silence... plus difficile à communiquer sur un forum, isn't it ?
Tous langages, à commencer par celui que la nature (inclus la portion qui nous échoit : corporelle) semble tenir. Le silence fondamental s'y révèlera, peu à peu ou soudainement, entre les lignes, tjrs plus ou moins débiles certes, mais amoureusement tracées.
Plus commode d'évacuer ce souci, humblement réaliste pourtant, en se faisant le Hérault du « tout est illusion »... sauf moi qui le dit, parce que je le dis. Très malin ce « parce que », d'emblée en posture d'autorité, voilée par l'humilité contrefaite ou rèvée qui, toujours, l'accompagne.
« Paraître à plus de lettres qu'être », disait Karl Kraus. Bien comprise, au delà des dérisoires jeux de société, la formule est précieuse, tantrique à donf. Cette science des lettres ou signatures, d'après nos soufis favoris, est indissociable de toute alchimie.
Il y a une « image dans le tapis » (Henry James), dans la trâme du texte de Logos, témoignant discrètement, voire pudiquement, d'une intention amoureuse des plus ardentes. Suis sincèrement surpris que tu ne l'aies pas « senti », Aube-Aurore. Comme une odeur de jasmin...pourtant.
A dire vrai, je préfère son « charabia » étayé, risqué, s'exposant au dialogue, à la contradiction, que les logorrhées trop courtes ne disant qu'une chose très chosifiante: « moi avoir fait telle expérience, donc moi savoir et toi crétin d'intello ». Ce qui ne vise pas Aube-Aurore !
Rien n'y est transmis, ni partagé, ni indiqué, ni remis en question; au mieux : tomber sur un autre « expérimentaliste » qui, ravi de l'aubaine, répliquera juste pour faire savoir aux pauvres désirants dépourvus d'Expérience... que son moi, aussi, a vécu la chose, youpi... et point barre. Et après, on en fait quoi de son « fait »? Conte de faits ? Expérience scientiste à plusieurs pour le breveter et le pondre en série ?
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi. Ce qui ne peut être un but, une réponse définitive permettant sa pose hiératique et satisfaite, mais le commencement de l'Ouvert. Nous devenons, jusque dans nos cellules, la question. Si amour il y a, au sens exploré sur ce fil, il ne se devine que par cette lucarne. Pour commencer. Une exposition totale, directe, sans filtre, peut nous cramer ou rendre barjot.
Soit un processus inverse de celui qui nous permettrait, grâce à l'Expérience (trop souvent, de plus, son seul souvenir « idéalisé »), de détenir la vérité. Devenir la question, l'« à mon seul désir », est déjà volatilisation d'égo, cette crispation anxieuse d'une présence, apparemment la « notre », devinée injustifiable et sans contours précis-rassurants, en fait.
Aube-Aurore : « je me pose alors la question de ce que peut être un amour sans objet. Peut-on encore employer le mot amour, ou bien faut-il employer un autre mot ? » Si l'on peut oser une réponse trop courte : absence du sujet garantit l'absence d'objet. La chosification (matérialisme spirituel bien ratiboisé par Trungpa), en devient bancale, voire impossible à tenir sans sentir qu'on devient tordu.
Quant au vide de la coquille, qui me semble avoir causé l'irritation d' Aube-Aurore, il est possible que ce vide puisse en cacher un autre... Il y a une très profonde méditation à ce sujet offerte par Rabbi Nahman de Bratslav, intitulée « leçon kabbalistique ». Elle part du tsimtsoum postulé par Luria, pour s'aventurer (fait rarrissime chez les sages) vers le vide de notre modernité, lequel à son époque commençait fortement à occuper le terrain. Ce, non pas pour condamner d'office, façon guénoniens ou autres bidochons en armure de templier, mais pour deviner, éprouver, le sens de cette inédite vacuité... apparemment propice aux bavardages.
aligorrhé
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour à tous.
Eh ben voilà ! Là, on se comprend mieux !
Merci Logos pour ce nouveau texte. Celui-là me parle. Il procède d'une intensité qui ne m'est pas inconnue, et est d'un style bien plus abordable, parlant simplement des choses simples.
Merci aussi à Aliboron d'avoir été le premier à cesser de botter en touche, de ne plus faire semblant de parler d'autre chose et d'accepter d'évoquer le problème de "L'amour universel est une abstraction, une coquille vide".
La nature a "horreur du vide" disent les profs de sciences. Pour ma part, je n'avale pas que l'amour universel ne soit qu'une abstraction (même si elle peut en être une aussi, par défaut d'expérimentation directe). Que ce soit "une coquille vide" qui, elle-même puisse cacher un autre vide, je trouve cette réflexion très intéressante. Non pas dans le sens d'un "sujet creux", une sorte de mythe illusoire qui s'avèrerait vide ou décevant une fois qu'on visite l'intérieur de la coquille, comme chez le chocolatier Kinder, mais parce que l'amour universel ne peut être accessible que par le vide. Paradoxalement, comme le laisse entendre Aliboron, notre modernité est "pleine de vide". Constater les taux de cancer, suicides, ou divorces, renforce cette impression.
Ne nous faut-il pas nous vider de ce "plein de vide" afin d'accéder à la plénitude ?
Puis accepter de nous laisser aspirer par ce vide... qui est présence totale ?
Amitiés
Eh ben voilà ! Là, on se comprend mieux !
Merci Logos pour ce nouveau texte. Celui-là me parle. Il procède d'une intensité qui ne m'est pas inconnue, et est d'un style bien plus abordable, parlant simplement des choses simples.
Merci aussi à Aliboron d'avoir été le premier à cesser de botter en touche, de ne plus faire semblant de parler d'autre chose et d'accepter d'évoquer le problème de "L'amour universel est une abstraction, une coquille vide".
La nature a "horreur du vide" disent les profs de sciences. Pour ma part, je n'avale pas que l'amour universel ne soit qu'une abstraction (même si elle peut en être une aussi, par défaut d'expérimentation directe). Que ce soit "une coquille vide" qui, elle-même puisse cacher un autre vide, je trouve cette réflexion très intéressante. Non pas dans le sens d'un "sujet creux", une sorte de mythe illusoire qui s'avèrerait vide ou décevant une fois qu'on visite l'intérieur de la coquille, comme chez le chocolatier Kinder, mais parce que l'amour universel ne peut être accessible que par le vide. Paradoxalement, comme le laisse entendre Aliboron, notre modernité est "pleine de vide". Constater les taux de cancer, suicides, ou divorces, renforce cette impression.
Ne nous faut-il pas nous vider de ce "plein de vide" afin d'accéder à la plénitude ?
Puis accepter de nous laisser aspirer par ce vide... qui est présence totale ?
Amitiés
Aube-Aurore- Nombre de messages : 238
Age : 44
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
salut! 2 remarques liminaires :
1/ ayant re-re-relu le texte proposé par Stelio, décidément particulièrement fort, j'en extrais une courte formule, frappante :
l'amour est vérité et jamais savoir
2/ ayant re-relu aussi le teste d'Aliboron, j'en extrais ceci :
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi.
Revenons vers ce fameux texte 56 du Tao-te-king, disant, soi-disant : "celui qui parle ne sait pas // celui qui sait ne parle pas". Bon, désolé d'insister, mais ce n'est vraiment pas ce qu'a écrit Lao-Tseu. En effet, il a, incontestablement, écrit ceci :
Voici le sens principal des mots isolés :
On pourra vérifier ces données à cette adresse, par exemple : Cliquer ici, puis sur chapters 51-60, enfin aller examiner le 6ème texte en chinois , ou bien à celle-ci
Une sorte de miroir, même pas régulier d'ailleurs, entre les deux phrases; donc, une inversion particulière. Les deux termes du centre ne bougent pas (c'est très taoïste !), en revanche les extrémités sont inversées. Et il faut aussi tout de suite mentionner le reste du texte, qui joue d'un bout à l'autre sur l'opposition deux à deux de termes contradictoires, paradoxaux. Voici, par exemple, la traduction du Père Larre:
On voit que le texte entier est construit sur des oppositions; d'une part, la série : Bouchez les ouvertures / Fermez les portes, etc. D'autre part, la série : Ni proche / Ni étranger etc.
A la lumière des 2 phrases de Stelio et Aliboron sus-citées:
l'amour est vérité et jamais savoir
nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi
je suggère donc d'essayer de se lover au coeur du paradoxe, dont ce poème laisse comme un creux dans la neige. Et propose les traductions suivantes de ce fameux : zhî zhe bù yan // yan zhê bù zhî :
Docte ignorance ?
Amitiés
1/ ayant re-re-relu le texte proposé par Stelio, décidément particulièrement fort, j'en extrais une courte formule, frappante :
l'amour est vérité et jamais savoir
2/ ayant re-relu aussi le teste d'Aliboron, j'en extrais ceci :
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »; A. Gide. Sans doute parce que nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi.
Revenons vers ce fameux texte 56 du Tao-te-king, disant, soi-disant : "celui qui parle ne sait pas // celui qui sait ne parle pas". Bon, désolé d'insister, mais ce n'est vraiment pas ce qu'a écrit Lao-Tseu. En effet, il a, incontestablement, écrit ceci :
Voici le sens principal des mots isolés :
savoir / (quelqu'un) / ne pas / parler
parler / (quelqu'un) / ne pas / savoir
parler / (quelqu'un) / ne pas / savoir
On pourra vérifier ces données à cette adresse, par exemple : Cliquer ici, puis sur chapters 51-60, enfin aller examiner le 6ème texte en chinois , ou bien à celle-ci
Une sorte de miroir, même pas régulier d'ailleurs, entre les deux phrases; donc, une inversion particulière. Les deux termes du centre ne bougent pas (c'est très taoïste !), en revanche les extrémités sont inversées. Et il faut aussi tout de suite mentionner le reste du texte, qui joue d'un bout à l'autre sur l'opposition deux à deux de termes contradictoires, paradoxaux. Voici, par exemple, la traduction du Père Larre:
Qui sait
Ne parle pas
Qui parle
Ne sait pas
Bouchez les orifices
Fermez les portes
Emoussez les pointes
Débrouillez l'écheveau
Harmonisez les lumières
Rassemblez la poussière
On évoque ainsi
La Communion qui est à l'Origine
Avec Elle c'est
Ni proche
Ni étranger
Ni avantagé
Ni défavorisé
Ni honorable
Ni méprisable
Mais Elle-même
Le monde entier la tenait en honneur
Ne parle pas
Qui parle
Ne sait pas
Bouchez les orifices
Fermez les portes
Emoussez les pointes
Débrouillez l'écheveau
Harmonisez les lumières
Rassemblez la poussière
On évoque ainsi
La Communion qui est à l'Origine
Avec Elle c'est
Ni proche
Ni étranger
Ni avantagé
Ni défavorisé
Ni honorable
Ni méprisable
Mais Elle-même
Le monde entier la tenait en honneur
On voit que le texte entier est construit sur des oppositions; d'une part, la série : Bouchez les ouvertures / Fermez les portes, etc. D'autre part, la série : Ni proche / Ni étranger etc.
A la lumière des 2 phrases de Stelio et Aliboron sus-citées:
l'amour est vérité et jamais savoir
nous ne pouvons rien trouver, saisir, détenir; mais être trouvé-saisi
je suggère donc d'essayer de se lover au coeur du paradoxe, dont ce poème laisse comme un creux dans la neige. Et propose les traductions suivantes de ce fameux : zhî zhe bù yan // yan zhê bù zhî :
sache ce qui n'est pas dit
dis ce qui n'est pas su
C'est moche, mais ça a l'avantage d'être ouvert et assez obscur, non ? Ou bien, plus concis :dis ce qui n'est pas su
parle sans savoir
sache sans parler
Avec en tête la pratique des musiciens (et les comédiens ont la même) : ne pas céder à la tentation de refaire ce qui a marché. Toujours réinventer. Donc, quand tu joues de la musique, par exemple si tu improvises en jazz-fusion avec un guitariste, ou si tu interprètes un prélude de Bach : Joue sans savoir ce que tu vas jouer. C'est ce sans savoir qui garantit la justesse de ce que tu joues. En quelque sorte:sache sans parler
parle en ne sachant pas
sache en ne parlant pas
sache en ne parlant pas
Docte ignorance ?
Amitiés
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
J'adore ! A la fois savant, tordu, humoristique, et profondément philosophique; tourné en tous sens et bien agité comme Orangina pour bien en faire ressortir la pulpe; avec un léger brin de sarcasme (qui n'égratigne au fond personne) : du tout Grand'Art ! |
Laposse- Nombre de messages : 242
Age : 55
Date d'inscription : 05/04/2008
Re: ..." l'amour, le pur amour "...
Bonjour,
Juste le point de vue du poète Christian Bobin que j’ai mémorisé mais pas sa source !
“Vous attendez de l’amour qu’il vous comble mais l’amour ne comble rien, ni le trou que vous avez dans la tête ni cet abîme que vous avez au coeur. L’amour est manque bien plus que plénitude, l’amour est plénitude du manque, c’est une chose bien difficile à comprendre mais tellement facile à vivre.”
Pour ceux qui le connaissent, il parle évidemment d’EXPERIENCE !
Cordialement,
C...a
Juste le point de vue du poète Christian Bobin que j’ai mémorisé mais pas sa source !
“Vous attendez de l’amour qu’il vous comble mais l’amour ne comble rien, ni le trou que vous avez dans la tête ni cet abîme que vous avez au coeur. L’amour est manque bien plus que plénitude, l’amour est plénitude du manque, c’est une chose bien difficile à comprendre mais tellement facile à vivre.”
Pour ceux qui le connaissent, il parle évidemment d’EXPERIENCE !
Cordialement,
C...a
Charly Alverda- Nombre de messages : 534
Date d'inscription : 02/10/2008
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