chemins qui ne mènent nulle part
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Re: chemins qui ne mènent nulle part
Bonjour,
Désolé car je vais un peu rabaisser le niveau atteint jusque là par la conversation pour revenir à ce qui a été dit dans des pages précédentes où l'on parle de jeu.
Voici un petit extrait de JM Lhôte dans "Le symbolisme des jeux" où on peut lire la phrase qui donne son titre au présent fil de discussion - et qui donne à réfléchir sur certains de ces chemins qui ne mènent nulle part.
Le texte évoque auparavant les parcours dans les jeux, marelle, jeu de l'oie, pistes, cheshbesh/backgammon (où Lhôte fait un parallèle particulièrement troublant avec un extrait du Sefer Yetsirah et les implications spirituelles de ce jeu), puis le Monopoly :
Bertrand
Désolé car je vais un peu rabaisser le niveau atteint jusque là par la conversation pour revenir à ce qui a été dit dans des pages précédentes où l'on parle de jeu.
Voici un petit extrait de JM Lhôte dans "Le symbolisme des jeux" où on peut lire la phrase qui donne son titre au présent fil de discussion - et qui donne à réfléchir sur certains de ces chemins qui ne mènent nulle part.
Le texte évoque auparavant les parcours dans les jeux, marelle, jeu de l'oie, pistes, cheshbesh/backgammon (où Lhôte fait un parallèle particulièrement troublant avec un extrait du Sefer Yetsirah et les implications spirituelles de ce jeu), puis le Monopoly :
Petit lien gratuit avec un autre jeu : les billets de Monopoly étaient illustrés d'un portrait du banquier John Pierpont Morgan, collectionneur-investisseur maladif qui possédait plusieurs cartes du fameux jeu de Tarot des Visconti désigné comme "Pierpont Morgan-Bergame".Le monopoly reste emblématique de la nouvelle génération où le parcours refermé sur lui-même ne propose aucun but : pas de poteau d'arrivée, pas de territoire à conquérir, pas de pièces à faire sortir du tablier ; l'objectif reste étranger à des notions de pèlerinages, de poursuites ou d'affrontements. Il n'est pas inscrit dans le parcours lui-même qui est aveugle ; il se trouve ailleurs, dans une bonne gestion des biens que le hasard attribue à chacun. Le tracé, s'il est effectivement composé de cases identifiées, a perdu sa fonction de cheminement pour une autre qui ressemble davantage à la matérialisalion d'un décompte. Le monopoly passe souvent pour une transposition de la civilisation contemporaine gouvernée par l'argent, mais son enseignemenl est plus cruel encore ; le monopoly est à l'image d'un chemin qui ne mène nulle part.
Bertrand
Bertrand- Nombre de messages : 78
Date d'inscription : 25/04/2010
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Bonjour Bertrand; belle trouvaille que voilà !
En effet, le Monopoly est une image très forte illustrant le "chemin qui ne mène nulle part". Rien d'autre à y faire que tourner sans fin en tentant d'accumuler une fortune de plus en plus grande, au détriment des autres joueurs. Le "gagnant" est celui qui acquiert un total monopole, conduit ses concurrents à la ruine, à la pauvreté, à l'exclusion. En fin de partie, le gagnant se retrouve seul avec tout son pognon, et… plus personne pour jouer avec lui ! C'est la "fin du monde", puisque tous les mécanismes d'échanges sont bloqués par l'oligarchie. Ce qui est intéressant, c'est de comparer ce jeu avec la situation économique actuelle, et d'observer que toutes les lois qui ont érigé cette règle de jeu comme système politique incontournable sont effectivement en train de nous mener à la même impasse finale. Même la privatisation des services publics (gares, eau, électricité) sont prévus dans ce jeu "prophétique". |
Calcédoine- Admin
- Nombre de messages : 325
Date d'inscription : 02/04/2008
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Le cheik de l'ordre Khalvati à Istanbul, Sunbul Efendi, cherchait un successeur. Il envoya ses disciples ramasser des fleurs pour décorer le cloître. Tous revinrent avec de gros bouquets faits des plus belles fleurs ; un seul, Merkez Efendi, rapporta une fleurette fanée. Questionné s'il n'avait rien trouvé de plus digne pour son maître, il répondit : "j'ai vu que toutes les fleurs étaient occupées à rendre grâce à Dieu. Comment les aurais-je dérangées ? Une seule avait terminé ses louanges et je l'ai prise"
Ce fut lui qui succéda à Sunbul Efendis.
Légende Soufie
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Hiram- Nombre de messages : 41
Age : 76
Date d'inscription : 19/07/2011
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Un nouveau texte de Stelio :
---
Est-ce que tu pourrais définir le mot désir, ça me semble être une notion centrale pour toi?
Le désir, oui, en effet, il s’agit d’une notion centrale, il s’agit même, selon moi, de la dynamo essentielle qui permet au monde tel qu’on le perçoit de se déployer.
Mais définir le désir n’est pas chose facile car un bon siècle de surinterprétation de l’économie libidinale freudienne nous a entrainés sur une fausse piste, considérer le désir, la libido uniquement comme désir sexuel.
Et le simple fait de limiter le désir à la pulsion sexuelle permet d’en apprivoiser la charge subversive, de contrôler sa puissance de déflagration.
Car le pouvoir, les dispositifs de pouvoir, de leur côté, ne se trompent pas sur la véritable signification du processus de désir et de son contrôle. Ainsi on parle aujourd’hui de biopolitique ou de biopouvoir.
Parler de biopouvoir c’est évoquer le fait que l’aliénation passe par un pouvoir exercé sur le vivant. Car le ‘bios’ c’est le vivant entendu comme forme de vie, comme manière de vivre propre à un individu ou à un groupe d’individus, à ne pas confondre avec l’autre notion qui évoque le vivant, celle de ‘zoé’ qui exprime le simple fait de vivre propre à tous les vivants, qu’ils soient hommes, animaux ou dieux.
Cela nous éclaire alors sur le terrain d’action de l’autonomie et, indirectement, sur ce que j’entends par désir.
L’autonomie c’est donc l’autonomie des formes de vie ou pour citer Agamben :
« Elle définit une vie, la vie humaine, dans laquelle tous les modes, les actes et les processus du vivre ne sont jamais simplement des faits, mais toujours et avant tout des possibilités de vie, toujours et avant tout des puissances ».
Et le désir constituerait donc cette puissance qui trace les contours des formes de vie, qui permet l’accès à l’autonomie, qui lorsqu’elle est étouffée, contrôlée, canalisée au bénéfice d’un dispositif de pouvoir devient aliénation sociale et boucle névrotique.
Libérer les flux ce n’est pas s’abandonner à la compulsion infinie, le « jouissez sans entraves » de 68, mais plutôt comprendre que le désir est un processus complexe qui nécessite une construction consciente qui s’inscrive dans une temporalité, une création de soi-même à travers son rapport au monde et aux autres et qui prend la forme d’une appropriation joyeuse, une anarchie couronnée et ouverte.
Tout commence avec la vision offerte par la Grèce antique, le mythe Pélasge de la création qui considère Éros, le désir comme la source et le moteur éternel de tout le vivant. Ce que les grecs nommaient Éros est peut-être ce que les pygmées nomment Bwiti. Car à l’instar du Bwete (ce qui déborde les cadres convenus, les dispositifs de pouvoir), l’Éros ne se laisse capturer par aucune structure, aucun dogme, aucune norme.
C’est pour cette raison que je parle souvent de désir liquide, pour insister sur le fait que le désir est dynamique et ingérable, qu’il libère les lignes qui tracent les formes que le pouvoir ne cesse pas d’enrégimenter, de pétrifier, de stériliser. Et le paradoxe de ces nouveaux appareils de pouvoir, c’est qu’ils pétrifient les désirs liquides des individus tout en participant à la liquéfaction des structures psychosociales.
Pourtant il est impossible de laisser les lignes, les machines désirantes, les formes de vie marginales se déployer de manière sauvage et incontrôlée. Pas parce qu’il existe un risque de dérive anarchique du monde sous les coups de boutoir du désir libéré, du vivant illimité mais plutôt parce que si le désir ne s’inscrit ni dans une construction, ni dans une durée, il va nécessairement se trouver transformé, soit en compulsion aveugle de la jouissance immédiate (le porno industriel, la société du spectacle, le devenir-marchandise du monde, l’addiction comme seconde nature) et il faut savoir que déjà les grecs se méfiaient comme de la peste de l’intempérance qu’ils nommaient akolasia, soit en hystérie réactive de l’ordre et de la morale (le devenir charia, les nouvelles formes de puritanismes, le repli sur soi caractéristique des nationalismes et des dogmatismes qui émergent).
La leçon de la Grèce antique c’est que le désir/éros pour être fécond doit prendre la forme de structures dynamiques et pourtant toujours connectées au flux du vivant (sans s'y dissoudre) et à ses constructions. Ces structures sont par exemple la philia qui doit être traduit non par « amitié », terme qui possède une charge émotionnelle et qui aveugle plutôt que d’éclairer, mais plutôt être considérée comme une relation institutionnelle non affective, consistant à traiter comme un des nôtres celui qui n’en est pas.
Insister sur l’importance de la philia constitue un des enjeux imposés par le déploiement du désir, car la philia intègre l’autre dans la construction du désir, le prochain qui est l’autre que rien ne nous oblige à aimer.
Une autre notion héritée de la tradition occidentale, du noyau subversif du message chrétien est celle d’Agape. Encore un mot grec qui signifie la chose incroyable en soi, révolutionnaire, et pour cette raison écrasée sous la lourdeur du dogme de l’église, Dieu a abandonné sa place d’Un-Absolu (la complainte du christ sur la croix, ‘père pourquoi m’as-tu abandonné’ comme affirmation de sa désertion radicale, le noyau subversif proposant l’absenthéisme comme désir d’autonomie radicale) pour habiter les relations humaines, l’espace, le vide qui sépare et unit les êtres et les choses.
Mais cette liberté, cette autonomie donnée aux hommes par Dieu (et qu’on retrouve dans les lectures les plus lumineuses du Cor’an, celles d’Hallaj, de Mohamed Iqbal ou de Rumi par ex.), cette autonomie radicale qui permettait aux critiques issues de l’empire Romain d’appeler les premiers chrétiens, les athées, doit être à présent redécouverte (car l’homme refuse cette liberté qui l’effraie, je vais citer Marie Balmary au sujet de ce don « Les chrétiens (les croyants en général) seraient donc les serviteurs à jamais d’un dieu maître à jamais. Ils se croient serviteurs pour l’éternité alors que Dieu lui-même les a affranchis »), réactualisée à travers un usage créatif et révolutionnaire du Désir et de son devenir-philia, devenir-agape, devenir-amour pour que s’actualise dans les situations le mot d’ordre hurlé par A/traverso-giornale dell’autonomia :
« La pratique du bonheur est subversive lorsqu’elle se collectivise. »
Et puisque j’ai évoqué l’italie autonome, je voudrais conclure avec un passage du Le operaie della casa de juillet 1976 :
Vous voulez vous réapproprier votre vie?
Commencez par détruire les patrons qui sont en vous,par détruire les caractéristiques capitalistes qui sont en vous.
Détruisez-vous comme patrons.
Détruisez-vous comme aspirateurs inépuisables de votre travail domestique.
Tu évoques souvent des enseignements religieux, et tu sembles avoir une bonne connaissance des différentes traditions religieuses, pourtant tu utilises également l’expression « fuck spirituality let’s groove ». Comment expliques-tu ce paradoxe?
Justement je ne pense pas qu’il s’agisse d’un paradoxe.
Comme je l’ai expliqué de manière un peu rapide plus haut, ma lecture attentive et rigoureuse des textes et enseignements religieux, notamment le Bereshit, les évangiles apocryphes ou gnostiques, le Cor’an m’a amené à comprendre que le monothéisme authentique, son noyau subversif et libérateur, est un pont qui mène à l’athéisme, ou pour être plus précis à l’absenthéisme.
Dans la tradition Co’ranique par exemple (qui est clôture de la révélation) un seul Ange refuse de se prosterner devant l’Homme lors de la séquence ou Dieu fait de lui son successeur (Khalif) et cet ange c’est Ibliss/Lucifer.
L’ange révolté est banni à jamais dans le monde où il devient le diable, le diviseur, l’accusateur, le tentateur qui va tenter sans relâche d’entrainer les hommes dans son incrédulité et son refus d’accepter la position suprême à laquelle ils ont été élevés par le retrait de Dieu. Refus d’accepter la puissance corrosive et libératrice de l’athéisme radical qu’autorise la pleine acceptation des fulgurances monothéistes.
Et c’est là tout le simulacre des spiritualités et autres dispositifs de pouvoir (toujours des machines symboliques, verbales, imaginaires), ce mensonge qui consiste à convaincre l’homme qu’il n’est qu’une créature misérable, fautive, coupable, impuissante et aussi bien l’athéisme vulgaire (l’homme est enchaîné à ses déterminations biologiques et sociales), la religion (l’homme est soumis, il est serviteur de dieu ou de l’amour), la thérapie simpliste (l’homme est ligoté à ses troubles et traumas, il est même enchainé aux troubles et traumas de sa lignée, de son ethnie, de sa culture) sont tous des champs d’application du processus de division et de soumission (tout en étant cohérents et souvent effectifs dans leur domaine) qui enchaîne l’homme à l’écrasante fatalité qu’on nomme de manière romantique « la vie » histoire d’enduire de vaseline les constructions verbales qui vont laminer nos fondements, écorcher nos entrailles sans qu’on trouve le courage de montrer les crocs ou même de tout envoyer balader d’un grand rire libérateur.
C’est cette absence de Dieu qui permet à l’homme de devenir-sujet et donc de devenir-autonome. Processus saisi par la formule tranchante de Freud : « Là où ça était Je dois advenir ». Car ce Je qui doit avenir ne peut émerger si l’homme se soumet au diktat du grand Autre, qu’il s’agisse de Dieu ou de toute sommité aliénante.
La kabbale hébraïque donne a cette absence le nom de Tsim-Tsoum, insistant sur le fait que le Tsim-Tsoum raconte la singulière histoire de Dieu (l’infini, ain soph) qui se retire de lui-même, en lui-même pour laisser la place à l’homme.
Et, par ce retrait, il propose un modèle de l’Être en mouvement qui sort du modèle d’identité et de stabilité pour laisser la place à l’altérité d’autrui, à l’altérité de soi. Pour permettre donc le passage à une anthropologie dynamique, un Devenir-Sujet autorisé par le retrait de Dieu et ce retrait laisse un espace vide que la créature va tenter de reconquérir.
C’est le rythme de cette reconquête, qui permet aux constructions complexes du désir de faire fuir les dispositifs comme fuient les bouteilles percées que j’appelle groove car l’infinite beat demeure le nom laïcisé, sécularisé du Verbe désirant qui tisse les êtres et les choses en entremêlant affects, concepts, percepts dans un joyeux foutoir qui ne peut être associé à aucun des éléments qui constituent ce que l’on a l’habitude d’appeler « spiritualité ».
Je finirai en soulignant que cet homme qui actualise en lui les constructions du désir, le groove tellurique qui est l’algèbre du vivant, cet homme, donc, est semblable à celui dont Nietzsche a prophétisé l’émergence sous la forme de l’Übermensch, le fameux surhomme dont la signification n’a cessé de nous échapper. Car plutôt qu’un surhomme, il s’agit d’un outre-homme. Je vais donc citer Massimo Cacciari dans son livre l’« Arcipelago »:
« Übermensch: Il n’est pas de terme qui ait été aussi mal interprété et presque de manière infantile. Ce n’est pas l’homme supérieur à la énième puissance; c’est le totalement autre par rapport à toute affirmation déterminée de force et de puissance… Ubermensch est au contraire le terme qui voudrait indiquer ‘ce’ qui résiste ‘au-delà’ de tous les masques de l’homme et la mort de ses dieux – après les avoir tous traversés -’ce’ qui dans leur histoire, n’a pas été entendu, mais qui toujours a accompagné cette histoire »
IL N'EXISTE PAS D'AUTONOMIE TANT QU'EXISTE UNE FORME DU GRAND AUTRE
Comme le dit Iqbal :
« L’experience unitive ne consiste pas pour l’ego fini dans l’effacement de son identité propre par une sorte d’absorbtion dans l’Ego infini ; c’est plutôt l’infini qui passe dans l’étreinte pleine d’amour du fini ».
La voie de l'autonomie radicale s'oppose donc a toute idée de dissolution; à la place, elle actualise l'infusion (que les arabes nomment houloul) et la soustraction, donc plus de trace d'absolu dans lequel se dissoudre comme le prônent les soufis avec leur notion de fana (dissolution dans l'unicité, tawhid), elle se distingue aussi de l'alchimie, du boudhisme, du mysticisme et des voies du non-ego orientale. L'autonomie radicale a intégré la coupure épistémologique qui va de la vision du monde comme substance (les éléments de l'alchimie par ex.) à une vision du monde comme relation, rapport, agape, car l'agape c'est lorsque l'infini ne siège plus dans un quelconque autre-monde, une autre dimension, un autre niveau mais lorsqu'il fertilise les relations que l'homme entretient avec les autres et les choses... plus de grand Autre, donc, mais une infinité d'autres avec lesquels créer des formes de vie autonomes et égalitaires.
Et c’est ce moment de la passation de pouvoir que capte, que fige ce moment où l’infini insuffle en l’homme le Verbe.
Mais quelle est la nature de cet expir divin ?
« Alors Yahve modela l’homme avec la glaise du sol, Il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Bereshit)
« Lorsque ton Seigneur dit aux anges : "Je vais créer un mortel d’une argile extraite d’une boue malléable. Après que je l’aurai harmonieusement formé, et que j’aurai insufflé en lui de mon Esprit : tombez prosternés devant lui !" » (Cor’an)
Deux moments de la Révélation, le Bereshit et le Cor’an qui représente en quelque sorte l’ouverture et la clôture de la révélation (le cœur de la révélation étant la christologie à travers laquelle Dieu s’infuse en l’homme avant de s’absenter définitivement en laissant l’homme dealer avec son infinitude, son autonomie radicale et sa puissance créatrice) où Dieu insuffle, expire en l’homme.
Si on déplie la sémantique du verbe ‘expirer’, on se retrouve avec d’une part Dieu qui souffle son Verbe en l’homme et d’autre part Dieu qui meurt en l’homme pour qu’il devienne Homme, Autonhomme.
Et la portée éminement subversive de ce passage et de cet arcane a été ignoré par l’Islam (comme le noyau subversif du christianisme ou du judaisme ont été ignorés par les religions qui savent très bien qu’elles s’auto-consumeraient en intégrant cette fulgurance), car Dieu ne demande pas aux anges et aux hommes de se prosterner devant Lui mais devant l’homme, c’est l’homme qui est couronné, qui devient l’héritier de Dieu, lequel infuse toute sa puissance en lui à travers ce fameux don qui exonère l’homme de toute forme de soumission, de dévotion.
« Je ne vous appelle plus serviteur, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maitre ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaitre » (Evangile selon St Jean).
« Car cette Loi que je te prescris n’est pas au-delà de tes moyens ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, qu’il te faille dire : "Qui montera pour nous aux cieux pour la chercher, que nous l’entendions pour la mettre en pratique ?" Elle n’est pas au-delà des mers, qu’il te faille dire : "Qui ira pour nous au-delà des mers nous la chercher, que nous l’entendions pour la mettre en pratique ?" Car la parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettes en pratique. » (Deutéronome)
«Mon serviteur ne cessera de se rapprocher de Moi jusqu'à ce que Je l’aime, et quand Je l’aimerai, Je serai l’oreille par laquelle il entendra, le regard par lequel il verra, la main avec laquelle il empoignera, le pied avec lequel il marchera » (Cor’an)
Ces trois extractions de la Révélation nous dévoilent ce qui opère dans cet arcane du jugement, le moment où l’homme cesse d’être serviteur pour être haussé à un niveau d’être qu’il n’avait pas auparavant grâce à l’expir de Dieu (à la fois son Souffle qui s’infuse en l’homme et son retrait, sa mort en l’homme selon les deux sens d’expirer). Les arabes usent du terme Karama qui signifie « célébrer, exalter, honorer quelqu’un ».
Et ce don de Dieu qui fait de l’homme un Homme, c’est à la fois la connaissance universelle, la puissance créatrice, l’Amour infini et la liberté la plus radicale, ce qui signifie en définitive qu’il lui lègue son infinie puissance d’agir et de créer à travers l’Amour et par la Parole, que celle-ci soit verbale ou non-verbale.
La succession des révélations (déshabillage ou strip-tease divin) nous transporte donc d’un Dieu venu au départ pour se manifester et ordonner jusqu'à un Dieu qui choisit de se donner, de s’infuser en l’homme avant de disparaître à jamais pour laisser l'homme à son autonomie radicale, lui permettre de côtoyer ce moment du plus grand danger qui est aussi le moment qui sauve.Tant que flotte l'ombre du grand Autre, il n'existe pas d'autonomie.
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Est-ce que tu pourrais définir le mot désir, ça me semble être une notion centrale pour toi?
Le désir, oui, en effet, il s’agit d’une notion centrale, il s’agit même, selon moi, de la dynamo essentielle qui permet au monde tel qu’on le perçoit de se déployer.
Mais définir le désir n’est pas chose facile car un bon siècle de surinterprétation de l’économie libidinale freudienne nous a entrainés sur une fausse piste, considérer le désir, la libido uniquement comme désir sexuel.
Et le simple fait de limiter le désir à la pulsion sexuelle permet d’en apprivoiser la charge subversive, de contrôler sa puissance de déflagration.
Car le pouvoir, les dispositifs de pouvoir, de leur côté, ne se trompent pas sur la véritable signification du processus de désir et de son contrôle. Ainsi on parle aujourd’hui de biopolitique ou de biopouvoir.
Parler de biopouvoir c’est évoquer le fait que l’aliénation passe par un pouvoir exercé sur le vivant. Car le ‘bios’ c’est le vivant entendu comme forme de vie, comme manière de vivre propre à un individu ou à un groupe d’individus, à ne pas confondre avec l’autre notion qui évoque le vivant, celle de ‘zoé’ qui exprime le simple fait de vivre propre à tous les vivants, qu’ils soient hommes, animaux ou dieux.
Cela nous éclaire alors sur le terrain d’action de l’autonomie et, indirectement, sur ce que j’entends par désir.
L’autonomie c’est donc l’autonomie des formes de vie ou pour citer Agamben :
« Elle définit une vie, la vie humaine, dans laquelle tous les modes, les actes et les processus du vivre ne sont jamais simplement des faits, mais toujours et avant tout des possibilités de vie, toujours et avant tout des puissances ».
Et le désir constituerait donc cette puissance qui trace les contours des formes de vie, qui permet l’accès à l’autonomie, qui lorsqu’elle est étouffée, contrôlée, canalisée au bénéfice d’un dispositif de pouvoir devient aliénation sociale et boucle névrotique.
Libérer les flux ce n’est pas s’abandonner à la compulsion infinie, le « jouissez sans entraves » de 68, mais plutôt comprendre que le désir est un processus complexe qui nécessite une construction consciente qui s’inscrive dans une temporalité, une création de soi-même à travers son rapport au monde et aux autres et qui prend la forme d’une appropriation joyeuse, une anarchie couronnée et ouverte.
Tout commence avec la vision offerte par la Grèce antique, le mythe Pélasge de la création qui considère Éros, le désir comme la source et le moteur éternel de tout le vivant. Ce que les grecs nommaient Éros est peut-être ce que les pygmées nomment Bwiti. Car à l’instar du Bwete (ce qui déborde les cadres convenus, les dispositifs de pouvoir), l’Éros ne se laisse capturer par aucune structure, aucun dogme, aucune norme.
C’est pour cette raison que je parle souvent de désir liquide, pour insister sur le fait que le désir est dynamique et ingérable, qu’il libère les lignes qui tracent les formes que le pouvoir ne cesse pas d’enrégimenter, de pétrifier, de stériliser. Et le paradoxe de ces nouveaux appareils de pouvoir, c’est qu’ils pétrifient les désirs liquides des individus tout en participant à la liquéfaction des structures psychosociales.
Pourtant il est impossible de laisser les lignes, les machines désirantes, les formes de vie marginales se déployer de manière sauvage et incontrôlée. Pas parce qu’il existe un risque de dérive anarchique du monde sous les coups de boutoir du désir libéré, du vivant illimité mais plutôt parce que si le désir ne s’inscrit ni dans une construction, ni dans une durée, il va nécessairement se trouver transformé, soit en compulsion aveugle de la jouissance immédiate (le porno industriel, la société du spectacle, le devenir-marchandise du monde, l’addiction comme seconde nature) et il faut savoir que déjà les grecs se méfiaient comme de la peste de l’intempérance qu’ils nommaient akolasia, soit en hystérie réactive de l’ordre et de la morale (le devenir charia, les nouvelles formes de puritanismes, le repli sur soi caractéristique des nationalismes et des dogmatismes qui émergent).
La leçon de la Grèce antique c’est que le désir/éros pour être fécond doit prendre la forme de structures dynamiques et pourtant toujours connectées au flux du vivant (sans s'y dissoudre) et à ses constructions. Ces structures sont par exemple la philia qui doit être traduit non par « amitié », terme qui possède une charge émotionnelle et qui aveugle plutôt que d’éclairer, mais plutôt être considérée comme une relation institutionnelle non affective, consistant à traiter comme un des nôtres celui qui n’en est pas.
Insister sur l’importance de la philia constitue un des enjeux imposés par le déploiement du désir, car la philia intègre l’autre dans la construction du désir, le prochain qui est l’autre que rien ne nous oblige à aimer.
Une autre notion héritée de la tradition occidentale, du noyau subversif du message chrétien est celle d’Agape. Encore un mot grec qui signifie la chose incroyable en soi, révolutionnaire, et pour cette raison écrasée sous la lourdeur du dogme de l’église, Dieu a abandonné sa place d’Un-Absolu (la complainte du christ sur la croix, ‘père pourquoi m’as-tu abandonné’ comme affirmation de sa désertion radicale, le noyau subversif proposant l’absenthéisme comme désir d’autonomie radicale) pour habiter les relations humaines, l’espace, le vide qui sépare et unit les êtres et les choses.
Mais cette liberté, cette autonomie donnée aux hommes par Dieu (et qu’on retrouve dans les lectures les plus lumineuses du Cor’an, celles d’Hallaj, de Mohamed Iqbal ou de Rumi par ex.), cette autonomie radicale qui permettait aux critiques issues de l’empire Romain d’appeler les premiers chrétiens, les athées, doit être à présent redécouverte (car l’homme refuse cette liberté qui l’effraie, je vais citer Marie Balmary au sujet de ce don « Les chrétiens (les croyants en général) seraient donc les serviteurs à jamais d’un dieu maître à jamais. Ils se croient serviteurs pour l’éternité alors que Dieu lui-même les a affranchis »), réactualisée à travers un usage créatif et révolutionnaire du Désir et de son devenir-philia, devenir-agape, devenir-amour pour que s’actualise dans les situations le mot d’ordre hurlé par A/traverso-giornale dell’autonomia :
« La pratique du bonheur est subversive lorsqu’elle se collectivise. »
Et puisque j’ai évoqué l’italie autonome, je voudrais conclure avec un passage du Le operaie della casa de juillet 1976 :
Vous voulez vous réapproprier votre vie?
Commencez par détruire les patrons qui sont en vous,par détruire les caractéristiques capitalistes qui sont en vous.
Détruisez-vous comme patrons.
Détruisez-vous comme aspirateurs inépuisables de votre travail domestique.
Tu évoques souvent des enseignements religieux, et tu sembles avoir une bonne connaissance des différentes traditions religieuses, pourtant tu utilises également l’expression « fuck spirituality let’s groove ». Comment expliques-tu ce paradoxe?
Justement je ne pense pas qu’il s’agisse d’un paradoxe.
Comme je l’ai expliqué de manière un peu rapide plus haut, ma lecture attentive et rigoureuse des textes et enseignements religieux, notamment le Bereshit, les évangiles apocryphes ou gnostiques, le Cor’an m’a amené à comprendre que le monothéisme authentique, son noyau subversif et libérateur, est un pont qui mène à l’athéisme, ou pour être plus précis à l’absenthéisme.
Dans la tradition Co’ranique par exemple (qui est clôture de la révélation) un seul Ange refuse de se prosterner devant l’Homme lors de la séquence ou Dieu fait de lui son successeur (Khalif) et cet ange c’est Ibliss/Lucifer.
L’ange révolté est banni à jamais dans le monde où il devient le diable, le diviseur, l’accusateur, le tentateur qui va tenter sans relâche d’entrainer les hommes dans son incrédulité et son refus d’accepter la position suprême à laquelle ils ont été élevés par le retrait de Dieu. Refus d’accepter la puissance corrosive et libératrice de l’athéisme radical qu’autorise la pleine acceptation des fulgurances monothéistes.
Et c’est là tout le simulacre des spiritualités et autres dispositifs de pouvoir (toujours des machines symboliques, verbales, imaginaires), ce mensonge qui consiste à convaincre l’homme qu’il n’est qu’une créature misérable, fautive, coupable, impuissante et aussi bien l’athéisme vulgaire (l’homme est enchaîné à ses déterminations biologiques et sociales), la religion (l’homme est soumis, il est serviteur de dieu ou de l’amour), la thérapie simpliste (l’homme est ligoté à ses troubles et traumas, il est même enchainé aux troubles et traumas de sa lignée, de son ethnie, de sa culture) sont tous des champs d’application du processus de division et de soumission (tout en étant cohérents et souvent effectifs dans leur domaine) qui enchaîne l’homme à l’écrasante fatalité qu’on nomme de manière romantique « la vie » histoire d’enduire de vaseline les constructions verbales qui vont laminer nos fondements, écorcher nos entrailles sans qu’on trouve le courage de montrer les crocs ou même de tout envoyer balader d’un grand rire libérateur.
C’est cette absence de Dieu qui permet à l’homme de devenir-sujet et donc de devenir-autonome. Processus saisi par la formule tranchante de Freud : « Là où ça était Je dois advenir ». Car ce Je qui doit avenir ne peut émerger si l’homme se soumet au diktat du grand Autre, qu’il s’agisse de Dieu ou de toute sommité aliénante.
La kabbale hébraïque donne a cette absence le nom de Tsim-Tsoum, insistant sur le fait que le Tsim-Tsoum raconte la singulière histoire de Dieu (l’infini, ain soph) qui se retire de lui-même, en lui-même pour laisser la place à l’homme.
Et, par ce retrait, il propose un modèle de l’Être en mouvement qui sort du modèle d’identité et de stabilité pour laisser la place à l’altérité d’autrui, à l’altérité de soi. Pour permettre donc le passage à une anthropologie dynamique, un Devenir-Sujet autorisé par le retrait de Dieu et ce retrait laisse un espace vide que la créature va tenter de reconquérir.
C’est le rythme de cette reconquête, qui permet aux constructions complexes du désir de faire fuir les dispositifs comme fuient les bouteilles percées que j’appelle groove car l’infinite beat demeure le nom laïcisé, sécularisé du Verbe désirant qui tisse les êtres et les choses en entremêlant affects, concepts, percepts dans un joyeux foutoir qui ne peut être associé à aucun des éléments qui constituent ce que l’on a l’habitude d’appeler « spiritualité ».
Je finirai en soulignant que cet homme qui actualise en lui les constructions du désir, le groove tellurique qui est l’algèbre du vivant, cet homme, donc, est semblable à celui dont Nietzsche a prophétisé l’émergence sous la forme de l’Übermensch, le fameux surhomme dont la signification n’a cessé de nous échapper. Car plutôt qu’un surhomme, il s’agit d’un outre-homme. Je vais donc citer Massimo Cacciari dans son livre l’« Arcipelago »:
« Übermensch: Il n’est pas de terme qui ait été aussi mal interprété et presque de manière infantile. Ce n’est pas l’homme supérieur à la énième puissance; c’est le totalement autre par rapport à toute affirmation déterminée de force et de puissance… Ubermensch est au contraire le terme qui voudrait indiquer ‘ce’ qui résiste ‘au-delà’ de tous les masques de l’homme et la mort de ses dieux – après les avoir tous traversés -’ce’ qui dans leur histoire, n’a pas été entendu, mais qui toujours a accompagné cette histoire »
IL N'EXISTE PAS D'AUTONOMIE TANT QU'EXISTE UNE FORME DU GRAND AUTRE
Comme le dit Iqbal :
« L’experience unitive ne consiste pas pour l’ego fini dans l’effacement de son identité propre par une sorte d’absorbtion dans l’Ego infini ; c’est plutôt l’infini qui passe dans l’étreinte pleine d’amour du fini ».
La voie de l'autonomie radicale s'oppose donc a toute idée de dissolution; à la place, elle actualise l'infusion (que les arabes nomment houloul) et la soustraction, donc plus de trace d'absolu dans lequel se dissoudre comme le prônent les soufis avec leur notion de fana (dissolution dans l'unicité, tawhid), elle se distingue aussi de l'alchimie, du boudhisme, du mysticisme et des voies du non-ego orientale. L'autonomie radicale a intégré la coupure épistémologique qui va de la vision du monde comme substance (les éléments de l'alchimie par ex.) à une vision du monde comme relation, rapport, agape, car l'agape c'est lorsque l'infini ne siège plus dans un quelconque autre-monde, une autre dimension, un autre niveau mais lorsqu'il fertilise les relations que l'homme entretient avec les autres et les choses... plus de grand Autre, donc, mais une infinité d'autres avec lesquels créer des formes de vie autonomes et égalitaires.
Et c’est ce moment de la passation de pouvoir que capte, que fige ce moment où l’infini insuffle en l’homme le Verbe.
Mais quelle est la nature de cet expir divin ?
« Alors Yahve modela l’homme avec la glaise du sol, Il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Bereshit)
« Lorsque ton Seigneur dit aux anges : "Je vais créer un mortel d’une argile extraite d’une boue malléable. Après que je l’aurai harmonieusement formé, et que j’aurai insufflé en lui de mon Esprit : tombez prosternés devant lui !" » (Cor’an)
Deux moments de la Révélation, le Bereshit et le Cor’an qui représente en quelque sorte l’ouverture et la clôture de la révélation (le cœur de la révélation étant la christologie à travers laquelle Dieu s’infuse en l’homme avant de s’absenter définitivement en laissant l’homme dealer avec son infinitude, son autonomie radicale et sa puissance créatrice) où Dieu insuffle, expire en l’homme.
Si on déplie la sémantique du verbe ‘expirer’, on se retrouve avec d’une part Dieu qui souffle son Verbe en l’homme et d’autre part Dieu qui meurt en l’homme pour qu’il devienne Homme, Autonhomme.
La symbolique du souffle est omniprésente lorsqu’on se représente la vie humaine, le premier souffle et le dernier souffle sont les bornes qui ponctuent l’existence, et si le premier souffle est celui insufflé à l’Adam fait de glaise pour en faire un vivant, le dernier souffle est celui insufflé à l’homme pour qu’il devienne Homme et c’est ce passage de l’homme à l’Homme à travers la grâce, l’évènement (qui est le Don de Dieu qui circule dans le souffle émis par la trompette de l’Ange) qui est le Sujet de l’arcane du Jugement et qui constitue la problématique à travers laquelle le juge, l’adversaire (qui est le nom caché du grand Autre, quelqu'il soit) va devoir mentir pour conserver sa domination sur l’homme…. Mais commençons par le commencement, commençons par le Don de Dieu qui est aussi la mort de Dieu et l'annonce fondamentale du message chrétien subversif, la passation de pouvoir qui est concrétisation et consécration de l’Homme infini, l’Homme parfait qui est le katharos (du grec ancien : pur) de la christologie radicale et éclairée (qui est l'antithèse du Jésus hippie, Jésus chamane, Jésus souffrant ou culpabilisant). Car la scène que dévoile l'arcane du jugement présente deux personnages qui se prosternent devant un homme debout tout nu et de dos qui reçoit le Souffle du ciel,cette scène ne peut qu’évoquer le fameux passage du Cor’an où Dieu ordonne aux anges et aux puissances de se prosterner devant l’homme, ordre qu’un seul ange refuse, il s’agit donc, répétons-le, d’Eblis (lucifer/satan). | Carte du Tarot "Le Jugement" Version de Jean Noblet (1650) |
« Je ne vous appelle plus serviteur, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maitre ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaitre » (Evangile selon St Jean).
« Car cette Loi que je te prescris n’est pas au-delà de tes moyens ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, qu’il te faille dire : "Qui montera pour nous aux cieux pour la chercher, que nous l’entendions pour la mettre en pratique ?" Elle n’est pas au-delà des mers, qu’il te faille dire : "Qui ira pour nous au-delà des mers nous la chercher, que nous l’entendions pour la mettre en pratique ?" Car la parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettes en pratique. » (Deutéronome)
«Mon serviteur ne cessera de se rapprocher de Moi jusqu'à ce que Je l’aime, et quand Je l’aimerai, Je serai l’oreille par laquelle il entendra, le regard par lequel il verra, la main avec laquelle il empoignera, le pied avec lequel il marchera » (Cor’an)
Ces trois extractions de la Révélation nous dévoilent ce qui opère dans cet arcane du jugement, le moment où l’homme cesse d’être serviteur pour être haussé à un niveau d’être qu’il n’avait pas auparavant grâce à l’expir de Dieu (à la fois son Souffle qui s’infuse en l’homme et son retrait, sa mort en l’homme selon les deux sens d’expirer). Les arabes usent du terme Karama qui signifie « célébrer, exalter, honorer quelqu’un ».
Et ce don de Dieu qui fait de l’homme un Homme, c’est à la fois la connaissance universelle, la puissance créatrice, l’Amour infini et la liberté la plus radicale, ce qui signifie en définitive qu’il lui lègue son infinie puissance d’agir et de créer à travers l’Amour et par la Parole, que celle-ci soit verbale ou non-verbale.
La succession des révélations (déshabillage ou strip-tease divin) nous transporte donc d’un Dieu venu au départ pour se manifester et ordonner jusqu'à un Dieu qui choisit de se donner, de s’infuser en l’homme avant de disparaître à jamais pour laisser l'homme à son autonomie radicale, lui permettre de côtoyer ce moment du plus grand danger qui est aussi le moment qui sauve.Tant que flotte l'ombre du grand Autre, il n'existe pas d'autonomie.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Bonjour,
Je trouve surprenant qu'un texte pareil, aussi fondamental, et d'une telle profondeur, se retrouve dans une rubrique intitulée "Chemins qui ne mènent nulle part", laquelle rubrique est elle-même incluse dans la section Poèmes et poésies ! A priori, c'est un sérieux dévoiement du titre initial !
Bien sûr, Logos a pris l'habitude de placer ici les textes provenant de son ami Stelio. Peut-être par soucis de regroupement ; c'est un point de vue qui se défend. Dans le cas présent, le texte de Stelio est lui-même structuré comme une interview ; on ne saisit pas bien si c'est Stelio qui pose les questions à un troisième personnage, ou s'il s'agit de réponses de Stelio à des questions qui lui furent posées.
.
Est-ce important ? Bien sûr que non !
.
Sur ce forum, nous insistons beaucoup sur la préservation de l'anonymat des intervenants, essentiellement pour échapper à une dérive qu'on appelle "l'argument d'autorité" : un auteur réputé ne devrait pas avoir plus raison qu'un inconnu ; seuls comptent la valeur et la pertinence des arguments proposés.
Ici, dans ce texte attribué à Stelio, l'auteur nous emmène très loin, très profondément, à la fois dans l'âme humaine, dans l'essence (ontologique) de l'Homme, et dans son rapport avec le Principe créateur. Avec, en prime, une érudition hors normes et une mise en parallèle de différentes traditions. De plus des liens internes sont à construire, puisque ce texte se relie naturellement à d'autres sujets déjà présents sur notre forum. Il y a, bien sûr, un rapport avec la section Tarologie, où, malheureusement, la carte "Le Jugement" n'a pas encore été développée à ce jour. Il y a aussi un lien étroit entre le désir (point de départ du post ci-dessus) et le sujet Super Ego.
Au sujet du désir, tel qu'énoncé en début dudit post, j'introduirais néanmoins une légère contestation.
Avec, aussi, un aspect positif, constructif : l'Ego, par sa propension à exprimer des désirs, permet la constitution de l'humain par la satisfaction de besoins essentiels (en tant qu'entité biologique : besoin/désir de nourriture, de protection, d'affection maternelle), essentiellement lors de la petite enfance. Au-delà de la satisfaction des besoins de base, Ego et Désir produisent des caprices, puis, encore plus loin, des vices. Lesquels vices peuvent conduire jusqu'au génocide ou à la destruction de l'environnement planétaire.
Ainsi replacé dans un contexte plus vaste, présupposer que le mot "désir" puisse être d'emblée assimilé au "désir sexuel", même en en imputant la responsabilité à une interprétation particulière de la pensée freudienne, est un tic révélateur de l'appartenance à un sous-ensemble psychosocial particulier, et ne se réfère pas à l'ensemble de la société occidentale actuelle.
A part ce détail, je me suis, bien sûr, délecté de ce texte attribué à Stelio. Merci à lui pour cette profonde analyse.
Je trouve surprenant qu'un texte pareil, aussi fondamental, et d'une telle profondeur, se retrouve dans une rubrique intitulée "Chemins qui ne mènent nulle part", laquelle rubrique est elle-même incluse dans la section Poèmes et poésies ! A priori, c'est un sérieux dévoiement du titre initial !
Bien sûr, Logos a pris l'habitude de placer ici les textes provenant de son ami Stelio. Peut-être par soucis de regroupement ; c'est un point de vue qui se défend. Dans le cas présent, le texte de Stelio est lui-même structuré comme une interview ; on ne saisit pas bien si c'est Stelio qui pose les questions à un troisième personnage, ou s'il s'agit de réponses de Stelio à des questions qui lui furent posées.
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Est-ce important ? Bien sûr que non !
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Sur ce forum, nous insistons beaucoup sur la préservation de l'anonymat des intervenants, essentiellement pour échapper à une dérive qu'on appelle "l'argument d'autorité" : un auteur réputé ne devrait pas avoir plus raison qu'un inconnu ; seuls comptent la valeur et la pertinence des arguments proposés.
Ici, dans ce texte attribué à Stelio, l'auteur nous emmène très loin, très profondément, à la fois dans l'âme humaine, dans l'essence (ontologique) de l'Homme, et dans son rapport avec le Principe créateur. Avec, en prime, une érudition hors normes et une mise en parallèle de différentes traditions. De plus des liens internes sont à construire, puisque ce texte se relie naturellement à d'autres sujets déjà présents sur notre forum. Il y a, bien sûr, un rapport avec la section Tarologie, où, malheureusement, la carte "Le Jugement" n'a pas encore été développée à ce jour. Il y a aussi un lien étroit entre le désir (point de départ du post ci-dessus) et le sujet Super Ego.
Au sujet du désir, tel qu'énoncé en début dudit post, j'introduirais néanmoins une légère contestation.
Personnellement, je ne vois dans le désir sexuel qu'un des aspects du désir, au même titre que le désir du pouvoir, du désir de s'imposer, du désir financier, donc du "désirer avoir plus" : plus d'objets, plus de satisfactions égotiques, plus de nourriture… Ego et Désir travaillent en tandem, et je vois l'Ego comme la source du désir.Mais définir le désir n’est pas chose facile car un bon siècle de surinterprétation de l’économie libidinale freudienne nous a entrainés sur une fausse piste, considérer le désir, la libido uniquement comme désir sexuel.
Avec, aussi, un aspect positif, constructif : l'Ego, par sa propension à exprimer des désirs, permet la constitution de l'humain par la satisfaction de besoins essentiels (en tant qu'entité biologique : besoin/désir de nourriture, de protection, d'affection maternelle), essentiellement lors de la petite enfance. Au-delà de la satisfaction des besoins de base, Ego et Désir produisent des caprices, puis, encore plus loin, des vices. Lesquels vices peuvent conduire jusqu'au génocide ou à la destruction de l'environnement planétaire.
Ainsi replacé dans un contexte plus vaste, présupposer que le mot "désir" puisse être d'emblée assimilé au "désir sexuel", même en en imputant la responsabilité à une interprétation particulière de la pensée freudienne, est un tic révélateur de l'appartenance à un sous-ensemble psychosocial particulier, et ne se réfère pas à l'ensemble de la société occidentale actuelle.
A part ce détail, je me suis, bien sûr, délecté de ce texte attribué à Stelio. Merci à lui pour cette profonde analyse.
Calcédoine- Admin
- Nombre de messages : 325
Date d'inscription : 02/04/2008
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Salut Calcédoine
Oui j'ai placé ce texte ici par habitude, mais pas de problème pour créer un topic dédié, avec pourquoi pas un renvoi sur les "chemins qui ne mènent nulle part" ; à bientôt
Suite :
---
Est-ce cela, que tu as évoqué parfois, la notion de dicipline (loi versus désir)?
La loi est ce qui exclut le processus de désir (ou plutot qui l'enrégimente, le castre, lui impose les sublimations négatives que sont le devoir, l'obligation, le respect du travail et des structures pathologiques qu'on appelle encore us et coutumes), la loi est du côté des dispositifs de pouvoir autoritaire.
La loi produit la chariah, le plus froid des monstres froids (Nietzsche), l'Etat, l'Autorité établit la pseudo morale chrétienne (car il ne peut exister de morale chrétienne, c'est un putain d'oxymore).
On pourrait alors dire que la Loi est de droite (si on s'en tient à l'acception traditionelle de la droite).
Le Désir sans la loi, sans structure, sans construction dans une temporalité, va permettre la compulsion infinie de la jouissance et ainsi autoriser une fuite en avant vers l'obsession, le conditionement, l'aliénation.
Le capitalisme-mondial-intégré va tirer parti de ce processus d'aliénation induit par la compulsion de la jouissance et la frustration qui suit. La création perpétuelle de nouveaux marchés que nécessite cette compulsion sans fin, ce désir inextinguible compulsif de toujours vouloir du nouveau, cela permet de comprendre que le libéralisme économique (le capitalisme) marche main dans la main avec le libéralisme politique (la gauche) malgré le catéchisme mou que tentent de nous servir certains gauchistes à keffier qui pensent qu'on peut être de gauche et anticapitaliste.
La capture du désir et sa stimulation stratégique est du côté des sociétés de contrôle.
Et donc quand je parle pompeusement de discipline, de relier en un même mouvement loi et désir, je donne en effet une définition de l'autonomie radicale car celui qui a intégré la bonne nouvelle (la mort ou l'absence de dieu) sait, avec Paul "c'est pour la liberté que vous avez été affranchis", ou avec Jacques "la loi parfaite, c'est la loi de la liberté", que la loi est le désir et que le désir devient loi en devenant philia, agape, amour, micro-politique et révolution moléculaire.
L'autonomie radicale n'est ni de droite ni de gauche, elle ne s'abrite dans aucune église, et si elle ne rechigne pas à l'usage de discipline, de techniques, d'outils, elle refuse toute méthode (car les chemins ne mènent nulle part), tout Dieu qui lui explique que sa volonté est qu'il y ait des maîtres et des serviteurs (position du catholicisme), qu'il y a des prédateurs humains et des proies humaines (les conseils de Vishnu à Arjuna), que la réussite socio-économique est le signe extérieur de la bénédiction divine (position des protestants anglo-saxon), que la vie est souffrance et que l'homme doit être libéré (bouddhisme), que Pachamama est le flux saturé d'entités médicinales dans lequel l'homme doit puiser sa force et son pouvoir (chamanisme).
L'autonomie radicale est an-archiste depuis la bonne nouvelle et brûle tous les drapeaux.
Oui j'ai placé ce texte ici par habitude, mais pas de problème pour créer un topic dédié, avec pourquoi pas un renvoi sur les "chemins qui ne mènent nulle part" ; à bientôt
Suite :
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Est-ce cela, que tu as évoqué parfois, la notion de dicipline (loi versus désir)?
La loi est ce qui exclut le processus de désir (ou plutot qui l'enrégimente, le castre, lui impose les sublimations négatives que sont le devoir, l'obligation, le respect du travail et des structures pathologiques qu'on appelle encore us et coutumes), la loi est du côté des dispositifs de pouvoir autoritaire.
La loi produit la chariah, le plus froid des monstres froids (Nietzsche), l'Etat, l'Autorité établit la pseudo morale chrétienne (car il ne peut exister de morale chrétienne, c'est un putain d'oxymore).
On pourrait alors dire que la Loi est de droite (si on s'en tient à l'acception traditionelle de la droite).
Le Désir sans la loi, sans structure, sans construction dans une temporalité, va permettre la compulsion infinie de la jouissance et ainsi autoriser une fuite en avant vers l'obsession, le conditionement, l'aliénation.
Le capitalisme-mondial-intégré va tirer parti de ce processus d'aliénation induit par la compulsion de la jouissance et la frustration qui suit. La création perpétuelle de nouveaux marchés que nécessite cette compulsion sans fin, ce désir inextinguible compulsif de toujours vouloir du nouveau, cela permet de comprendre que le libéralisme économique (le capitalisme) marche main dans la main avec le libéralisme politique (la gauche) malgré le catéchisme mou que tentent de nous servir certains gauchistes à keffier qui pensent qu'on peut être de gauche et anticapitaliste.
La capture du désir et sa stimulation stratégique est du côté des sociétés de contrôle.
Et donc quand je parle pompeusement de discipline, de relier en un même mouvement loi et désir, je donne en effet une définition de l'autonomie radicale car celui qui a intégré la bonne nouvelle (la mort ou l'absence de dieu) sait, avec Paul "c'est pour la liberté que vous avez été affranchis", ou avec Jacques "la loi parfaite, c'est la loi de la liberté", que la loi est le désir et que le désir devient loi en devenant philia, agape, amour, micro-politique et révolution moléculaire.
L'autonomie radicale n'est ni de droite ni de gauche, elle ne s'abrite dans aucune église, et si elle ne rechigne pas à l'usage de discipline, de techniques, d'outils, elle refuse toute méthode (car les chemins ne mènent nulle part), tout Dieu qui lui explique que sa volonté est qu'il y ait des maîtres et des serviteurs (position du catholicisme), qu'il y a des prédateurs humains et des proies humaines (les conseils de Vishnu à Arjuna), que la réussite socio-économique est le signe extérieur de la bénédiction divine (position des protestants anglo-saxon), que la vie est souffrance et que l'homme doit être libéré (bouddhisme), que Pachamama est le flux saturé d'entités médicinales dans lequel l'homme doit puiser sa force et son pouvoir (chamanisme).
L'autonomie radicale est an-archiste depuis la bonne nouvelle et brûle tous les drapeaux.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Bonjour à tous, et spécialement à Logos et Stelio,
Je trouve que Le texte ci-dessus, en deux parties, est dur, dirais-je. Pertinent, sans complaisance, radical.
Pourtant, j'y trouve une sorte de contradiction.
Cette longue interview dresse le constat de l'impérialisme du Désir, lequel, insidieusement, tend à imprégner tous nos actes, toutes nos structures sociales, toutes nos manières de penser, et contre lequel il nous faut agir radicalement si on veut s'en défaire pour accéder à une autonomie totale, authentique. On pourrait récupérer ici le slogan anarchiste : "Ni Dieu, ni maître".
Pourtant, tout à la fin, le texte se conclut par ces mots :
Je trouve que Le texte ci-dessus, en deux parties, est dur, dirais-je. Pertinent, sans complaisance, radical.
Pourtant, j'y trouve une sorte de contradiction.
Cette longue interview dresse le constat de l'impérialisme du Désir, lequel, insidieusement, tend à imprégner tous nos actes, toutes nos structures sociales, toutes nos manières de penser, et contre lequel il nous faut agir radicalement si on veut s'en défaire pour accéder à une autonomie totale, authentique. On pourrait récupérer ici le slogan anarchiste : "Ni Dieu, ni maître".
Pourtant, tout à la fin, le texte se conclut par ces mots :
L'autonomie radicale, est-ce brûler des drapeaux (ce qui est un mot d'ordre, l'expression d'un désir), ou simplement s'en foutre complètement, les laisser flotter à leur guise, éoliennes inutiles, sans signification autre que celle que croit leur donner ceux qui les élèvent en haut des mâts, points de ralliement d'idéologies qui ne s'expriment que quand on leur fait du vent ?L'autonomie radicale est an-archiste depuis la bonne nouvelle et brûle tous les drapeaux.
Garfield- Nombre de messages : 176
Age : 43
Date d'inscription : 20/07/2008
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Salut GarfieldL'autonomie radicale, est-ce brûler des drapeaux (ce qui est un mot d'ordre, l'expression d'un désir), ou simplement s'en foutre complètement, les laisser flotter à leur guise, éoliennes inutiles, sans signification autre que celle que croit leur donner ceux qui les élèvent en haut des mâts, points de ralliement d'idéologies qui ne s'expriment que quand on leur fait du vent ?
Au niveau personnel ou intime, je dirais que "le grand feu" est plutôt le résultat du "seul Désir" (qui émerge des profondeurs) plutôt qu'un désir/choix conscient... que nos idoles ont d'autant plus de pouvoir sur nous qu'elles nous restent cachées, et qu'aussi les mettre à jour est déjà un travail important.
Sur un plan davantage collectif ou de communication, je dirais que "l'auton'Homme" aime certainement pisser au pied des statues, pour jouer et éveiller, mais qu'il sait aussi - comme philosophe - créer des concepts ou "mots d'ordre" éclairants qu'il faut savoir saisir puis abandonner le temps venu.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: chemins qui ne mènent nulle part
J'aime beaucoup cette perspective "absenthéiste", c'est un peu "dieu qui brille par son absence", non ?
Quand j'étais minot, les barbus de l'église chrétienne d'orient racontaient que Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu. Ce fut mon premier contact avec ce truc d'expir divin, le moment où Dieu expire (transmet) en l'homme son verbe/souffle/groove pour que l'homme devienne puissance (et peut-être un jour Amour/Agape), qui est aussi ce moment où Dieu expire (meurt) en l'homme pour faire de lui son unique héritier.
Et c'est à partir de là que j'ai capté la puissance de déflagration de l'athéisme issue de la Révélation ou, pour le dire autrement, de l'absenthéisme.
Et en effet Dieu brille par son absence d'une lumière qui circule entre les êtres.
Mais, du coup, est-ce que la différence avec la logique dissolutive ne tient pas à ce que "l'autonomie radicale" est, en quelque sorte, l'aboutissement de la dissolution, dans la mesure où, pour être complète, la dissolution doit nécessairement "se dissoudre elle-même" ?
Je dirais que la logique dissolutive s'inscrit dans une méthode, une praxis. On trouve des références à cette logique de la dissolution dans de nombreux courants traditionnels (alchimie, soufisme, mysticisme chrétien, chamanisme, bouddhisme) qui ont tous en commun de s'appuyer sur une vision du monde construite autour d'une axiomatique totalisante. Une axiomatique dans laquelle les mondes possibles constituent une totalité déterminée et ultime. Une Unicité qui autorise l'actualisation d'une méthode, qui est le petit nom des chemins qui tentent de mener quelque part (libération, illumination, satori, samadhi, pierre philosophale).
L'autonomie radicale, telle que je la conçois, émane d'une autre vision des mondes possibles, une axiomatique qui permet de penser que le possible est intotalisable.(justement car Dieu est mort ou absent, il manque toujours quelque chose, et pourtant toujours subsiste un reste, un excès).
Cette axiomatique intotalisante qui vient accompagner le pas de danse de l'absenthéisme, c'est la théorie du transfini (ou théorie ZF Zermelo-Fraenkel) qui implique la pluralisation inclôturable des quantités infinies. Plus d'Unicité ni de totalité ultime mais, à la place, une prolifération des quantités, puisque dans la théorie des ensembles, tout ensemble supposé existant suppose qu'existe aussi bien son outrepassement quantitatif par l'ensemble de ses parties.Tout s'ecoule (pantha rei) et tout déborde (étymologie du bwiti pygmée), les mathématiciens appellent cette succession d'infinis "suite des alephs", et cette suite ne peut ni être totalisée, ni rassemblée en une quantité ultime (il s'agit d'une mathématisation possible de l'absence de dieu).
Plus de méthodes, donc, puisque plus aucune raison de croire à l'existence d'une nécessité des lois physiques ou subtiles ou divines. Mais si je ne crois pas au déterminisme (qui est de droite, les valeurs traditionelles immuables et la volonté de dieu et blablabla), je ne crois pas plus au hasard (qui est de gauche, le monde du hasard qui permet l'hédonisme en plastique du monde considéré dans sa superficialité supérieure de monde du progrès et du mouvement)... Reste à l'autonomie le recours à la contingence et à la necessité rétroactive et à la transfinité des possibles.
Et donc si dissolution il y a, celle-ci n'obéit à aucune logique, ne s'inscrit dans aucune méthode mais constituera un point relié à une infinité d'autres dans un processus furieusement désirant qui déplie un chemin qui, fièrement, s'acharne à ne mener nulle part car c'est de cette indétermination (qui est absence d'une présence tout autant que présence d'une absence) que lui provient sa liberté.
"La loi parfaite, c'est la loi de la liberté" (Jacques)
Quand j'étais minot, les barbus de l'église chrétienne d'orient racontaient que Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu. Ce fut mon premier contact avec ce truc d'expir divin, le moment où Dieu expire (transmet) en l'homme son verbe/souffle/groove pour que l'homme devienne puissance (et peut-être un jour Amour/Agape), qui est aussi ce moment où Dieu expire (meurt) en l'homme pour faire de lui son unique héritier.
Et c'est à partir de là que j'ai capté la puissance de déflagration de l'athéisme issue de la Révélation ou, pour le dire autrement, de l'absenthéisme.
Et en effet Dieu brille par son absence d'une lumière qui circule entre les êtres.
Mais, du coup, est-ce que la différence avec la logique dissolutive ne tient pas à ce que "l'autonomie radicale" est, en quelque sorte, l'aboutissement de la dissolution, dans la mesure où, pour être complète, la dissolution doit nécessairement "se dissoudre elle-même" ?
Je dirais que la logique dissolutive s'inscrit dans une méthode, une praxis. On trouve des références à cette logique de la dissolution dans de nombreux courants traditionnels (alchimie, soufisme, mysticisme chrétien, chamanisme, bouddhisme) qui ont tous en commun de s'appuyer sur une vision du monde construite autour d'une axiomatique totalisante. Une axiomatique dans laquelle les mondes possibles constituent une totalité déterminée et ultime. Une Unicité qui autorise l'actualisation d'une méthode, qui est le petit nom des chemins qui tentent de mener quelque part (libération, illumination, satori, samadhi, pierre philosophale).
L'autonomie radicale, telle que je la conçois, émane d'une autre vision des mondes possibles, une axiomatique qui permet de penser que le possible est intotalisable.(justement car Dieu est mort ou absent, il manque toujours quelque chose, et pourtant toujours subsiste un reste, un excès).
Cette axiomatique intotalisante qui vient accompagner le pas de danse de l'absenthéisme, c'est la théorie du transfini (ou théorie ZF Zermelo-Fraenkel) qui implique la pluralisation inclôturable des quantités infinies. Plus d'Unicité ni de totalité ultime mais, à la place, une prolifération des quantités, puisque dans la théorie des ensembles, tout ensemble supposé existant suppose qu'existe aussi bien son outrepassement quantitatif par l'ensemble de ses parties.Tout s'ecoule (pantha rei) et tout déborde (étymologie du bwiti pygmée), les mathématiciens appellent cette succession d'infinis "suite des alephs", et cette suite ne peut ni être totalisée, ni rassemblée en une quantité ultime (il s'agit d'une mathématisation possible de l'absence de dieu).
Plus de méthodes, donc, puisque plus aucune raison de croire à l'existence d'une nécessité des lois physiques ou subtiles ou divines. Mais si je ne crois pas au déterminisme (qui est de droite, les valeurs traditionelles immuables et la volonté de dieu et blablabla), je ne crois pas plus au hasard (qui est de gauche, le monde du hasard qui permet l'hédonisme en plastique du monde considéré dans sa superficialité supérieure de monde du progrès et du mouvement)... Reste à l'autonomie le recours à la contingence et à la necessité rétroactive et à la transfinité des possibles.
Et donc si dissolution il y a, celle-ci n'obéit à aucune logique, ne s'inscrit dans aucune méthode mais constituera un point relié à une infinité d'autres dans un processus furieusement désirant qui déplie un chemin qui, fièrement, s'acharne à ne mener nulle part car c'est de cette indétermination (qui est absence d'une présence tout autant que présence d'une absence) que lui provient sa liberté.
"La loi parfaite, c'est la loi de la liberté" (Jacques)
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: chemins qui ne mènent nulle part
merci Logos, le texte de Stelio sort effectivement du prêt à panser "initiatique" habituel, et ça fait foutrement plaisir (ou désir...).
Celà dit, autant j'apprécie sa virtuosité, son habileté à requisitionner de "traditionnelles" pépites pour... les retourner contre l'envoyeur, autant je ne vois pas du tout où il veut en venir, "en réalité".
Il me semble qu'au bout du décompte, on se retrouve à la case départ (sans toucher les 20 000 FR, de l'éveil ou équivalent), débarrassé de tous Surmoi, et on s'adonne gentiment à la chasse-cueillette, sans étui-pénien ni miradors.
Un Koh Lanta amélioré ?
Me semble que le seul Désir méritait mieux....
Cordialement
alib
Celà dit, autant j'apprécie sa virtuosité, son habileté à requisitionner de "traditionnelles" pépites pour... les retourner contre l'envoyeur, autant je ne vois pas du tout où il veut en venir, "en réalité".
Il me semble qu'au bout du décompte, on se retrouve à la case départ (sans toucher les 20 000 FR, de l'éveil ou équivalent), débarrassé de tous Surmoi, et on s'adonne gentiment à la chasse-cueillette, sans étui-pénien ni miradors.
Un Koh Lanta amélioré ?
Me semble que le seul Désir méritait mieux....
Cordialement
alib
aliboron- Nombre de messages : 208
Age : 67
Date d'inscription : 15/07/2009
Re: chemins qui ne mènent nulle part
Salutmerci Logos, le texte de Stelio sort effectivement du prêt à panser "initiatique" habituel, et ça fait foutrement plaisir (ou désir...).
Celà dit, autant j'apprécie sa virtuosité, son habileté à requisitionner de "traditionnelles" pépites pour... les retourner contre l'envoyeur, autant je ne vois pas du tout où il veut en venir, "en réalité".
Il me semble qu'au bout du décompte, on se retrouve à la case départ (sans toucher les 20 000 FR, de l'éveil ou équivalent), débarrassé de tous Surmoi, et on s'adonne gentiment à la chasse-cueillette, sans étui-pénien ni miradors.
Un Koh Lanta amélioré ?
Me semble que le seul Désir méritait mieux....
Cordialement
alib
L'impression que me donnent ces textes de Stelios, c'est un peu le fait de nier l'échelle qui a servi à grimper, une fois en haut. Est-ce bien ce que tu pointes ? Néanmoins ils ont le mérite (en plus d'être instructifs) de déranger, ce qui est déjà pas mal.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Hafez
Un poème de Hafez :
SUR LA VOIE
Tu verras le secret de la coupe du Graal
en te poudrant les yeux du khôl de la taverne
Bois, fais de la musique : il faut bien te distraire
et chasser de ton cœur ce qui lui fait mal
Veux-tu faire s'ouvrir la fleur de ton désir ?
Approche-la comme une brise printanière.
Mendier devant l'auberge est l'unique élixir
qui puisse transmuter en or de la poussière.
Fais un pas vers l'étape de l'Amour. Crois-moi,
tu auras grand profit à scruter l'invisible.
Toi qui es prisonnier dans le monde sensible
comment peux-tu savoir où se trouve la Voie?
La beauté de l'Ami sans voile est l'Évidence,
mais tu dois te frotter les yeux pour y voir clair.
Écoute! Si tu veux savourer la Présence,
demande aux initiés leur grâce et leur faveur.
Si tu es attaché à la coupe et aux lèvres,
jamais rien d 'important ne se fait dans la fièvre.
SUR LA VOIE
Tu verras le secret de la coupe du Graal
en te poudrant les yeux du khôl de la taverne
Bois, fais de la musique : il faut bien te distraire
et chasser de ton cœur ce qui lui fait mal
Veux-tu faire s'ouvrir la fleur de ton désir ?
Approche-la comme une brise printanière.
Mendier devant l'auberge est l'unique élixir
qui puisse transmuter en or de la poussière.
Fais un pas vers l'étape de l'Amour. Crois-moi,
tu auras grand profit à scruter l'invisible.
Toi qui es prisonnier dans le monde sensible
comment peux-tu savoir où se trouve la Voie?
La beauté de l'Ami sans voile est l'Évidence,
mais tu dois te frotter les yeux pour y voir clair.
Écoute! Si tu veux savourer la Présence,
demande aux initiés leur grâce et leur faveur.
Si tu es attaché à la coupe et aux lèvres,
jamais rien d 'important ne se fait dans la fièvre.
Logos- Nombre de messages : 551
Date d'inscription : 23/12/2009
Re: chemins qui ne mènent nulle part
on dirait une traduction "poétique" : c'est en alexandrins et ça rime.
(sais-tu de qui elle est?) jolie mais peut-être un peu... un peu...
C'est bizarre : il y a des passages superbes, et d'autres un poil "prout prout", ou grandiloquents.
ça sentirait presque la fin XIXème - le début du XXème
Edit : l'auteur de ta trad. semble être Vincent-Mansour Monteil.
une traduction + récente semble intéressante, celle de Charles Henri de Fouchécour, apparemment plus sobre, qui est parue aux éditions Verdier :
http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-ledivanhafez.html
un entretien avec C.-H. de Fouchécour :
http://www.teheran.ir/spip.php?article157
(sais-tu de qui elle est?) jolie mais peut-être un peu... un peu...
C'est bizarre : il y a des passages superbes, et d'autres un poil "prout prout", ou grandiloquents.
ça sentirait presque la fin XIXème - le début du XXème
Edit : l'auteur de ta trad. semble être Vincent-Mansour Monteil.
une traduction + récente semble intéressante, celle de Charles Henri de Fouchécour, apparemment plus sobre, qui est parue aux éditions Verdier :
http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-ledivanhafez.html
un entretien avec C.-H. de Fouchécour :
http://www.teheran.ir/spip.php?article157
Chèvre- Nombre de messages : 350
Date d'inscription : 06/06/2009
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